31 janvier 2007

Dieu et le monde - II

Les mouvements du verbe ne sont pas résumé dans son incarnation. Il y a eu, avant cela une "accoutumance du Logos" avant même Abraham" (1)
Le chemin de Dieu dans le monde, peut être conçu ainsi comme le dépôt de germes de vie (spermatikos logos), autant de qualités déposées en l'homme qui sont à développer jusqu'à voir l'incarnation du logos "comme un achèvement du sujet humain et non comme une contrainte numineuse exercée sur la nature et la volonté libre de l'homme". Pour Balthasar, il nous faut "présenter comme modèle au chrétien l'unité de ces deux choses : la libre et parfaite auto-détermination de l'acte personnel et l'ordination parfaite à la liberté divine (...) le premier Adam n'est pas de soi susceptible d'aboutir à un achèvement : ce qu'il doit faire, c'est mourir à lui-même ( Décentrement ) pour être élevé et intégré dans le nouvel Adam" (2)


(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 440

(2) ibid p. 441-2

Dieu et le monde

S'il semble essentiel comme le souligne Balthasar de "considérer avec bienveillance les valeurs que l'on rencontre et montrer avec douceur qu'elles ne s'achèvent vraiment que dans le message chrétien"(1) il subsiste un risque, souligne-t-il, que le sel s'affadisse.

Si Jésus est venu dans le monde, puis s'est retiré (cf. Jn 16,28) il demeure en lui jusqu'à la fin des temps (Mt 28,20). Il subsiste donc une tension permanente qui peut éviter pour Balthasar, l'affadissement de l'Eglise par le monde. De fait, pour lui l'Eglise devrait avoir disparue depuis longtemps. Mais comme le souligne Paul, nous sommes "moribonds et pourtant nous vivons" 2 Co 6,9. Je trouve finalement resplendissante cette Eglise que l'on croit morte et qui rejaillit dans la fleur d'une âme, au milieu de nulle part.


(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 432ss

30 janvier 2007

La foi

La foi est d'abord pour Enzo Bianchi l'espace de rencontre d'un texte qui est né de celle-ci, de cette foi qui se configure comme potentialité herméneutique (1). En cela, rejoignant Origène, il affirme la primauté de la foi : "croit d'abord et tu découvriras, sous ce que tu croyais un obstacle un grand et sain bénéfice". (2)

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 12

(2) Origene, Philoc. I, 2, 8

Science et Charité - II

L'Auflkärung, ce mouvement qui a pris sa source dans l'âge des Lumières et qui a apporté un regard critique sur la religion est "dangereuse pour toute l'Eglise" d'après Urs von Balthasar en "troublant la vision du regard sain par lequel tout le corps est lumineux" (Mt 6,22) (1)

D'une certaine façon je comprends ce point de vue dans la mesure ou notre tendance à décortiquer, analyser la foi, nos repères, nos traditions nous conduisent à prendre de la distance sur ce qui fonde l'essence même de la foi : un saut dans la confiance et une ouverture au mystère et donc d'une certaine manière à l'infini qui nous dépasse.

C'est pourquoi, nous ne devons pas perdre notre regard d'enfant...

Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 431

29 janvier 2007

Grandir avec la Parole

Nous reprenons ci-après notre lecture d'Enzo Bianchi avec son plus récent ouvrage (1) par une citation de Saint Grégoire le Grand : "Scriptura crescit cum legente" : "L'Ecriture croît avec celui qui la lit"....

Tout un programme...


(1) cité par Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 8

Science et Charité - I

"La science enfle, la charité édifie... " 1 Co 8,1

Il me semble que c'est le risque inhérent à toute recherche, s'enfermer dans le monde des idées et oublier que l'homme est fait pour l'homme... J'espère que ce travail que je partage avec vous n'est pas que le simple 'enflement' d'une science, mais une interpellation que j'aimerais plus interactive vers la recherche d'une mutuelle charité...

28 janvier 2007

Prier la Parole - XII

Pour Enzo Bianchi, il nous faut passer par plusieurs étapes que l'on peut résumer dans les quelques "commandement suivants" :
1) Invoque l'Esprit Saint
"Envoie ton esprit, afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ dans cette Parole qui vient de toi, afin que je la connaisse plus profondément et que la connaissant, je l'aime plus intensément".
2) Lis et écoute
3) Interprète l'Ecriture avec l'écriture
4) Prie non pour toi, mais en mettant tout tes pas dans le Seigneur
5) Contemple
6) Conserve le Père dans ton coeur
7) N'oublie pas : Ecouter vraiment c'est obéir.

Enzo Bianchi, Jalons pour la lectio Divina, Prier la Parole, Vie Monastique, nº15 , p. 83 à 86

Contemplation - Prier la parole - XI

Avant de basculer dans le deuxième ouvrage d'Enzo Bianchi, je voudrais reprendre quelques idées sur la contemplation, qui n'est ni une extase, ni une expérience extraordinaire mais le simple fait de "contempler le plus beau des enfants des hommes..." comme nous l'enseigne le psaume 44.
Il s'agit d'une "suppression du voile", de percevoir ce qui est au coeur de la révélation, d'entrer par la manducation de l'Ecriture dans le ravissement qui est en soi un décentrement.
C'est pourquoi, l'écoute de la parole doit conduire à la pratique. Il ne s'agit pas que d'entendre, mais d'aller dans le monde pour faire tressaillir l'homme et le rendre image de Dieu (prenant ainsi son rôle plein de sens du verbe).

Communauté de pécheurs...

Pour Balthasar, l'Eglise est une "communauté de pécheurs, justifiés par le baptême, dont la faillibilité toujours rémanente ou renaissante conduit à la discorde". Comme il le note avec acuité, elle "n'est pas le Corps mystique et vivant du Christ, lequel peut avoir de véritables membres en dehors de la Catholica... et ce depuis l'origine comme le montre déjà 1 Co 11,19, 2 Co 12, Ga 5, 15". Pour Urs von Balthasar l'histoire de l'Eglise est inévitablement tragique.
Mais au delà de ces divisions il souligne que les vraies forces regénératrices de l'Esprit sont les saints. Finalement, la véritable Eglise n'est-elle pas depuis l'origine la Communion des saints...
Et cette vision de l'Eglise est plus large, plus catholique que notre Eglise Romaine, même si je continue de croire que notre Eglise est porteuse de sens, dans sa fidélité apostolique. (cf. mes notes de lecture sur Les Principes de la théologie catholique, Esquisses et matériaux, de J. Ratzinger)

NB : A noter, sur Regard Chrétien, une série de billets sur le thème Mutations religieuses et société en lien avec mon billet précédent...

27 janvier 2007

Pastorale du seuil...

Dans nos sociétés modernes, l'exculturation de la foi a conduit le monde à une individualisation de la pensée. Je crois qu'une véritable pastorale du seuil devrait constituer avant toute chose à restaurer le lien ténu entre l'homme et Dieu, à éclairer la conscience sur la nature de ce lien et lui donner des ouvertures pour que ce dialogue se réinstalle...
On est loin d'une catéchisation ou sens d'une "stratégie d'acquisition de connaissance essentielle". Il me semble que l'enjeu est plus dans le fait de relancer le désir de Dieu, donner le goût à cette interpellation de la personne humaine et satisfaire d'une certaine manière sa recherche de sens...

26 janvier 2007

Le Royaume...

"Le Royaume de dieu ne sera jamais empiriquement constatable " cf. Lc 17,21 : " personne ne pourra dire le voici". Pour Urs von Balthasar il croit invisiblement en traversant une histoire dont les récoltes sont engrangées par anticipation dans les greniers de Dieu.
Et nous ne sommes que les laboureurs d'un champ immense, dont la récolte ne peut être appréciée.

25 janvier 2007

En Christ

Pour Balthasar, "le chemin, la vérité et la Vie n'est pas dans la Religion mais dans le Christ" (1). Nous devons peut-être y réfléchir quand nous érigeons nos pratiques en systèmes, nous enfermons dans des rituels ou des formes de pratiques qui oublie cette référence fondamentale, qui ne se nourrissent plus à la source et à l'essentiel... Vivre en Christ, se nourrir de sa Parole...

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 406

Quand nous sommes prêts...

La venue du Christ coïncide à l'aurore de cette époque "où commençait précisément la prise en charge de l'humanité par elle-même, ainsi que l'évolution de l'homme par le développement des connaissances". (1) D'une certaine manière, on peut dire que Jésus-Christ est venu quand l'homme est devenu capable de faire la différence entre le reçu et le possible, pour poser une limite à la toute puissance d'homme qui se croit maintenant capable de tout, au seuil de l'hybris.
De même, il frappe à notre porte, au moment opportun...

(1) K. Rahner Schriften V, 218 cité par Balthasar, ibid p.406

24 janvier 2007

Les petits pas de Dieu

"Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort" 2 Co 12,10
On m'a signalé récemment que c'est un petit enfant et non un "ministre" qui apporte les 5 pains et les 3 poissons lors de la multiplication des pains. Cela renforce cette idée soulevée très récemment par Claudel et Hillesum, sur le fait que Dieu a besoin de nos mains, frêles et fragiles, non pour changer le monde mais apporter une graine d'humanité... Et avec cette étincelle, il fait des merveilles.

Prier la parole - X

J'achève ici quelques réflexions sur la lecture de la Parole, au fil du livre d'Enzo Bianchi, Prier la Parole (1). Peut-être est-ce chemin longtemps cherché dans nos réflexions sur le décentrement.
Elle conduit surtout l'homme à agir. Faire tressaillir en lui le Verbe reçu jusqu'à ce qu'il devienne semence véritable, image de Dieu dans le sens d'un coeur aimant et actif.

Dans quelques "billets" vous trouverez des notes de lectures de son ouvrage plus récent "Ecoutez la Parole". Elles prépareront la reprise de la Lectio Divina de l'Evangile de St Jean à laquelle je vous propose de vous associer à partir du Mercredi des Cendres

(1) , Vie Monastique, nº15

Prier la parole - IX

"La prière méditative, pour Guillaume de St Thierry est celle qui monte d'un coeur touché par la Parole divine : prière qui est le vrai fleuve (...) le vrai pleur d'un coeur blessé par l'épée à deux tranchants (...) la prière est ma réponse à Dieu, lui s'étant donné à moi dans la lecture, je me donne à lui dans l'oraison" (1)
Il y a pour moi dans cet échange, une autre illustration du sens sacramentel du "Je te reçois et je me donne à toi"
(1) Cité par Enzo Bianchi, Prier la Parole, p. 70

23 janvier 2007

Dialogue des carmélites...

Pour Urs von Balthasar, il s'agit d'une initiation à la mort. Les quatre temps qui séparent le texte permettrait une approche de plus en plus subtile de la Croix du Christ.
De Marie de l'incarnation, poussée à s'engager par voeu à offrir sa vie, mais qui sera humiliée dans son orgueil et devra renoncer à la mort..., on avance petit à petit dans les "profondeurs les plus intimes de la Croix du Christ jusqu'à atteindre le "tout est grâce" que Bernanos prêtera à son Curé de campagne".
Personnellement j'ai été frappé dans ce texte par cette lente conversion du coeur, qui n'est autre, in fine, que la préparation d'un décentrement véritable... Un récit au coeur de la pâte humaine, de ses réticences et de ses peurs...

Balthasar, DD3, ibid p. 391

Ruminer l'Ecriture...

Pour E. Bianchi, "La rumination de l'Ecriture nous permet de prendre de la distance sur nos vies et nous tourner vers Dieu." Il me semble que c'est essentiel, à condition de ne pas oublier nos vies... Car rien ne sert de se tourner vers Dieu, si nous oublions ce pourquoi il nous y a placé...

22 janvier 2007

Nos mains...

"L'Univers manque de Dieu et Dieu s'est mis dans la main de chacun de nous pour le lui donner" P. Claudel, Emmaüs, Gallimard 1949, p. 228
Pour moi cette phrase est en écho à ce que disait à peine plus tôt Etty Hillesum, au camp de la mort..."Dieu a besoin de nos mains". Et s'il s'est "retiré", c'est peut-être pour nous laisser la place d'agir.

21 janvier 2007

Fruits du verbe


Pour Balthasar, il existe un lien entre le martyre d'Etienne et la conversion de Saul (1). Pour moi c'est le mystérieux fruit d'une graine semée au vent et qui fécondera plus tard quelque part, peut-être 500 ans après.. C'est là le décentrement, reconnaître que nous sommes des semeurs, serviteurs parfois inutiles des chemins de la grâce, et que tout cela, loin de nos espérances humaines, peut parfois servir aux desseins de Dieu. Et sur cette base, on ne pourra en tirer orgueil, dans la mesure, où au delà de nos actes, c'est le don de Dieu que nous n'avons fait que transmettre.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.383

Prier la parole - VIII

Pour prier la parole et se laisser "traverser" par l'Ecriture, "Il nous faut pour cela plusieurs qualité comme la docilité, la componction, l'illumination, et le détachement" nous dit Enzo Bianchi... Je pense qu'il rejoint ce que l'on a essayé de thématiser dans ces lignes sur le thème du "décentrement".

Enzo Bianchi, Prier la Parole, p. 49

Dans la faiblesse

"C'est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant que je suis arrivé chez vous. Mon langage, ma proclamation de la bonne nouvelle, n'avaient rien à voir avec le langage de la sagesse qui veut convaincre ; mais c'est l'esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu." 1 Cor 2,1-5
Sans commentaires

20 janvier 2007

Prier la parole - VII

Il nous faut pratiquer comme dans le Livre de Néhémie (ch. 8) et construire un ambon, se mettre en attitude d'écoute véritable, puis livrer le texte à notre esprit. Nous devons être ainsi le terreau de la semence du Verbe, le réceptacle vivant de la Parole (1)
Prier la Parole, ibid p. 41.

19 janvier 2007

Décentrement

Pour Urs von Balthasar, "Plus un membre s'en remet au Christ pour le laisser agir en lui, et plus il devient capable d'avoir part au don qui le fait sujet autonome et disposant de lui-même".
Je pense qu'il décrit là ce qui est pour moi la véritable liberté, celle qui n'est pas asservissement aux passions mais cheminement en Dieu...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 382

NB : La nouvelle version de Blogger a entraîné une rupture dans les messages publiés sur la liste de diffusion (consulter la version en ligne). De plus les balises sont maintenant remplacées par des libellés (qui se restreignent à ce seul blog mais permettent une indexation plus simple des messages...)

18 janvier 2007

Corps mystique

Pour Urs von Balthasar, l'être-avec qui caractérise l'humanité aimante s'achève en s'assimilant dans l'être du Christ à travers l'Eucharistie. Ce n'est que dans le décentrement de nos petits pas d'amour que nous participons à l'être pur du Christ, que nos agirs, aidés par la grâce atteignent et participent à l'Eucharistie de tout les temps... Il s'agit d'un élargissement inimaginable du champ d'action de l'individu qui n'est plus isolé mais greffé sur l'organisme et le mouvement vital du Corps Mystique (1)

Balthasar, DD 3, ibid p.378

17 janvier 2007

Prier la parole - VI

Comme le dit Irénée de Lyon : "Le Christ récapitule en lui-même la longue histoire des hommes, il nous a procuré un raccourci vers le salut" (1) Nous nous trouvons face à un seul livre et ce livre unique c'est le Christ. Si nous lisons l'Ecriture avec ce critère unifiant nous sommes de ceux qui enlèvent le voile de la face du Seigneur (II Cor. 3, 12) (2)

(1) Adv. Her. III, 18, 1 SC 211 p. 342s.
(2) Enzo Bianchi, Prier la parole p. 31

15 janvier 2007

Eglise - sacrifice

Pour Balthasar, notre Eglise s'offre par un sacrifice externe et en cela s'unit au sacrifice du Christ :
a) dans la reconnaissance que le sacrifice s'est fait pour nous (credo)
b) à travers l'adhésion de Marie
c) dans le fait de faire "en mémorial de moi" c'est-à-dire d'offrir l'agneau égorgé pour tous les pécheurs (1)
Cette triple reconnaissance est pour moi la face officielle de la communion des saints, toutes ces "mains de Dieu" qui par leur amour rende visible le don de Dieu

(1) Urs von Balthasar ibid 366 - 370

13 janvier 2007

Prier la parole - V

Cette Ecriture, il nous faut la lire, la relire, la mâcher et la murmurer, la ruminer et la réciter pour fixer dans l'esprit et conserver dans le coeur la Parole, pour parvenir non à la discussion, aux sensations mais à la prière, à la contemplation et donc à l'action.
La Parole de Dieu n'est pas un livre mais une semence (cf. Mat. 13,19). A nous de la laisser germer dans notre vie pour qu'elle nous grandisse, nous sanctifie, nous alimente, nous illumine et dévoile Dieu.
Enzo Bianchi, Prier la Parole p. 28

Porter les souffrances...

"Sans cesse nous portons dans notre corps l'agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre corps" (2 Co 4,10) Balthasar voit en cela le signe simultané de la mort et de la résurrection. "Que le chrétien soit en marche jusqu'à la croix, c'est ce que Jésus prédit à Pierre (Jn 21,18) (...) mais cela n'empêche pas (...) que le chrétien est foncièrement ressuscité, en route vers le ciel (Ep 2,6 Col 31,4)" Pour lui déjà la gloire de la résurrection brille à travers son être et son action (1)
Il met ainsi en opposition la lumière et les ténèbres. Dans son prologue, Jean montre ainsi l'irruption de la lumière dans le dernier recoin de tout se qui se cache. Il nous reste ou bien à nous abandonner à la lumière ou bien à se fermer plus profondément encore.
Et si "les stigmates" que nous portons dans la chair (Ga 6,27 ou Col 1,24) était aussi proximité et distance. Si le coeur ouvert du Christ nous apparaissait comme la source intarissable de l'amour qui se déverse en nous, à côtés de nous, en dépit de nous, et que nous avons à charge de répandre, de porter plus loin que nos Souffrances et nos joies.
N'est-ce pas là la bonne nouvelle de l'Eucharistie, au delà du signe élevé de la croix.

(1) Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, p.358

Un pavé dans la mare - II (2 ans en ligne...)

Je continue de persévérer sur ce chemin ardu de l'écriture. J'avoue que c'est plus devenu pour moi un lieu de réflexion personnelle, une gymnastique d'esprit qu'un lieu de dialogue. Il faut dire que vos réactions sont peu nombreuses même si le nombre de visiteurs journaliers et d'abonnés à la liste de diffusion est en lente croissance.
A tout ceux qui n'interviennent pas, c'est le moment. Dites moi, par le biais du petit lien "Commentaires" ci-dessous, si mes quelques pattes de mouche quotidiennes continuent à vous intéresser... où si cela restent des "pavés dans la mare"...
Merci d'avance.

12 janvier 2007

Incarnation

"Dieu lui-même, par abaissement est et est appelé homme. Et dans la disposition réciproque qui résulte de là, se manifeste la puissance qui divinise l'homme en Dieu par la charité théologale et qui humanise Dieu en l'homme par l'amour qu'il a pour l'homme; puissance qui ainsi, par le merveilleux échange, rend Dieu homme par la déification (théosis) de l'homme et rend l'homme Dieu par l'humanisation (anthropôsis) de Dieu. Car le logos de Dieu qui est Dieu veut que soit produit, toujours et en tous, le mystère de son incarnation" (1)

Il nous reste à rester disponible à ce merveilleux échange. Et comme le montre l'histoire d'Israël, qui n'est pas différente de notre propre histoire, si Dieu est prêt à entrer dans cet échange, c'est bien pour nous que les choses se bloquent et nous ne cessons de refuser ce dépouillement...

(1) Maxime le confesseur, Ambigua 7 (PG 91, 1084 BD) cité par Balthasar, p. 355

11 janvier 2007

Soif de Dieu...

Si le désir est l'aspiration de l'âme vers Dieu, c'est en ayant soif de Dieu qu'elle devient capable de le saisir. Ce n'est donc pas par un enseignement subi qui impose que la soif peut naître, mais dans un "être avec" qui fait jaillir en l'autre la soif véritable. C'est pour moi le fondement de toute pastorale inductive, celui du compagnons d'Emmaüs, qui marche avec et laisse transpirer le désir d'aller plus loin.

10 janvier 2007

Mort...

La mort du Christ, nous dit Balthasar, (à propos de Rm 6,10) "c'est la mort au péché et c'est aussi la mort à toute espérance humaine de réussite". Rien n'est s'il n'est en Dieu.

09 janvier 2007

Même notre oui est inutile

Est-ce que nous n'avons pas souvent la tentation de "chasser Dieu de la finitude", de refuser de "recevoir quoique ce soit de lui, afin de produire" par nous mêmes nos propres fruits" (1) Pour Balthasar cet orgueil est comme renversé depuis sa racine par la "sagesse immanente" qui était "le premier fruit de Dieu et qui dans la création a toujours accepté d'être fécondé par Dieu et la Parole" (1)

Nous voulons tout maîtriser, tout décider et marquer par nos oui notre participation à la vie... Mais, comme le souligne le théologien, au calvaire même, "le oui de Marie est inutile". C'est Dieu qui de toute démarche humaine devenue inutile. Du grain mort peut faire jaillir la vie. "Quand la Parole définitivement muette a pu faire de tout son corps la semence de vie de Dieu, l'incarnation s'est achevée

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.335

Balises : Kénose, Marie

08 janvier 2007

Kénose...

Balthasar nous parle alors de ce "Le silence où le Père lui-même se retire dans l'invisible." Ce silence rappelle celui de la création, où, de la même manière, "après avoir doué ses créatures de forces fécondantes, il s'était éloigné silencieusement, ne lui parlant plus qu'à travers leur langage propre...". Pour lui, le retrait du Père s'achève et s'accomplit avec la déréliction de la croix. Mais ce silence mortel est le moment imperceptible de la génération et de la naissance de l'homme nouveau en celle qui est le sein de l'Eglise et dans la pauvreté la plus absolue de la compassion. Ce mystère est aussi pour moi, celui de Marie, cette mère qui "souffre avec" est devient en cela l'image même de l'Eglise, impuissante et aimante, image véritable de l'amour même de Dieu.
Ne peut on dire aussi que c'est la mort que Jésus donne sacramentellement aux hommes et qu'il fait fructifier en vie dans le sein de l'Eglise. Une mort qui devient signe. Si le gain de blé ne meurt, il ne portera pas de fruits...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.333-5

07 janvier 2007

La lumière...

Pour Balthasar, au bout de la mort jaillit tout à coup la lumière, "comme une première création (...) au terme de la vacuité du mal jaillit la plénitude du pardon. Mais la nuit sans fin était déjà elle même la lumière absolue (...) le pardon était donné parce que toute oeuvre possible était devenue impossible". Pour lui la colère de Dieu s'est heurtée à l'amour du Fils. Cette colère que l'homme avait soulevé par son refus est anéantie par "celui ci s'expose à la colère et la désarme, la rend sans objet". Cela ne répond pas à toute question dit Balthasar, mais pour moi cela révèle le "jeu trinitaire" qui complète à l'image d'un Dieu puissant et juste et donc susceptible de colère face à l'injustice, une autre facette de Dieu, infinie aussi, qui se manifeste dans la tendresse et l'impuissance du Fils. C'est dans cette tension que je perçois ainsi la Trinité

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.325

06 janvier 2007

Prier la parole - IV


Enzo Bianchi a une petite pique contre les "faiseurs d'exercices", ce qu'il appelle la "devotio moderna" qui est souvent anthropocentrique ou égocentrique et vise les mouvements du coeur. Pour lui, la lecture de la Parole doit chercher une méditation authentique, toujours théocentrique ou christologique. La lectio "n'est jamais centrée sur soi". (1)
On rejoint ce que disait saint Augustin : si la lecture de l'Ecriture n'ordonne pas vers la charité, c'est qu'elle est faussée dans son interprétation.

Mais n'est-ce pas là toute la difficulté. Comment une lecture peut être véritable si elle n'implique l'homme dans son intériorité et comment cette lecture peut ensuite rebondir sur une "ouverture" à l'autre ET à Dieu... ?

Enzo Bianchi, Prier la Parole, Vie Monastique, nº15. p. 20

Déréliction - III

Pour Balthasar, "Le mystère le plus profond de l'économie du salut, c'est Dieu en face de lui-même et même contre lui-même. Le Père laisse le Fils au milieu des pécheurs souffrir la déréliction la plus totale et de Fils souffrant sous le coup qui lui vient du Père, crie vers lui, alors qu'il n'en demeure pas moins encore, à ce moment la, totalement Dieu, non seulement mû, mais aussi porté et enfermé dans l'amour du Père" (1)

Certes un des points surprenants du mystère est la non réaction du Père devant l'innommable souffrance du Fils, mais c'est là où la colère de Dieu devant notre ignorance, colère qu'il contient pour nous, peut être signe plus grand. Cette contenance est signe de l'immense tendresse. Dans le don du Fils, transparaît pour moi le don du Père, qui accepte de se taire pour que le corps brisé rayonne pour l'éternité et donne tout son sens à l'eucharistie...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.324

05 janvier 2007

Le Grand Silence

Comment ne pas saluer ici dans ses pages sur le décentrement, la kénose et l'abandon, le nouveau film de P. Gröning, le Grand Silence et au travers lui cette épopée de la Grande Chartreuse où des hommes font l'expérience de la solitude et de la prière, du dépouillement et de la méditation...
Ce documentaire, qui commence par l'évocation de mon texte préféré de l'Ancien Testament : 1 Rois 19, est une invitation au silence intérieur. A voir absolument...

Une ligne de fuite

"Jésus a subi la contradiction : non seulement celle de Dieu offensée par l'homme mais aussi celle de l'homme menacé à mort par Dieu, voué à la mort sous le jugement de Dieu, puisqu'il était entré dans la ressemblance de la chair du péché (homiôma) : fait péché pour nous" (1)
C'est ainsi, dit Balthasar que se réconcilie l'apparente contradiction entre l'amour miséricordieux et la colère de Dieu dans les deux passages de l'épître aux Romains (1 Rm 1 à 3), Rm 3,25 ou il est présenté à la fois comme la victime expiatoire et dans Rm 9 comme portant les vases de colère... (2)
Ces textes visent pour Balthasar "un point de fuite" où la ligne de la colère et celle de l'amour se rencontrent. Or cela n'est possible que si l'objet de la juste colère de Dieu est replacé dans la relation Trinitaire. (3)
Et cela n'a de sens pour moi que dans ce cadre, c'est-à-dire au sein d'une triple kénose où se joue à la fois l'amour et le don parfait...

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 3, p. 321
(2) p.323
(3) p.323

04 janvier 2007

Agonie

Pour Balthasar, celui qui se débat dans l'agonie du Mont des Oliviers est révélateur de pathos (de son amour comme de sa colère sur les refus d'amour). Il porte les conséquences de sa médiation pour nous. Pour Urs von Balthasar, c'est ainsi que le rejet du Vendredi Saint est si terrifiant; et c'est aussi pourquoi dans la déréliction, se cache pourtant déjà le oui pascal de la justice de Dieu.

Je retiens personnellement ce lieu de combat intense, que les évangélistes évoquent sur la pointe des pieds, mais qui est pour moi le mystère même de la lutte entre le bien et le mal...

(1) UvB DD 3 p. 321

03 janvier 2007

Colère de Dieu - V

Il y a pour Balthasar, "une descente toujours plus en profondeur sur l'échelle de l'obéissance" jusqu'à la totale incarnation finale du Verbe divin (...), un enfouissement de plus en plus profond de la colère de Dieu au coeur des hommes médiateurs. Et cela va si loin que le prophète n'a plus finalement qu'à laisser muette cette voie de la colère - comme pour Jésus et Jérémie. La colère se tait mais pas la souffrance...

02 janvier 2007

Sainte Colère - IV

Si l'on poursuit dans cette analyse, la mort du Christ apparaît alors comme le point focal de la violence de l'homme, mais aussi de la violence de Dieu, au sein même de la manifestation même de Tendresse et de miséricorde. Le Christ est alors à la fois porteur de nos fautes, subissant la violence des hommes, mais aussi sacrement, signe efficace du pardon de Dieu, parce qu'acceptant, par son oui, de porter et de subir cette violence de Dieu, jusqu'à l'expérience de l'abandon. Il n'en subit pas la force comme la résultante d'un sadisme de Dieu, mais comme le signe d'un point de convergence, une hyperbole entre la rage de Dieu face au non de l'homme, dont il en subit l'expérience et dans le même temps comme signe de l'amour infini du Père qui refusant de frapper l'homme, accepte que le Christ devienne sacrement, signe du pardon de Dieu, parce que son abandon même est chemin de résurrection. On est au coeur du mystère même de la croix... (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.320-328
Balises : Décentrement Balthasar

Prier la parole - III

Se mettre à l'écoute nous dit E. Bianchi c'est écouter le Christ. Non pas se lancer dans une prière qui reste un monologue auto-centré mais se rendre écoutant...
St Ambroise : "Ecoute le Christ ! C'est à lui que tu parles quand tu pries, c'est lui que tu écoutes quand tu lis les divines écritures".

(1) Des devoirs des ministres sacrés I, 20,28 (PL 16, 50A)

01 janvier 2007

Prier la parole - II

Souvent nous dit E. Bianchi, notre usage de la Parole devient dangereux et sectaire, lorsqu'il n'est plus que le choix des thèmes accrocheurs qui vont permettre d'orienter la vie du groupe. Notre écoute est intéressée. Notre lecture est orientée... C'est pourquoi, l'auteur nous invite à lire et méditer longuement, et à prier de sorte que la Parole nous domine, nous décentre. Cette lecture est plus riche si elle suit la liturgie, ou reprend l'intégralité d'un évangile ou d'une lettre, en cherchant, non pas à choisir ce qui nous parle, mais à rester écoutant...

PS : Je vous avez annoncé quelques éléments de réflexion suite à la lecture d' Enzo Bianchi, Prier la Parole, Vie Monastique, nº15.

Voici, donc, dans les billets à venir et en alternance avec nos commentaires de Balthasar et en préparation du temps de carême et de notre reprise de la lecture de l'Evangile de Jean, quelques passages commentés de cette excellente lecture...

Balthasar : Sainte colère... III

Je ne peux qu'amener le lecteur de ce blog à se plonger dans la lecture de ce tome de Balthasar pour comprendre toute l'argumentation de l'auteur, qu'il serait difficile de traduire en quelques mots, sans en trahir l'originalité.
Si Hans Urs von Balthasar note que la colère de Dieu, bien visible dans l'Ancien Testament n'est pas effacée des propos de la vie publique de Jésus, puisqu'elle transparait dans de multiples paraboles (vignerons, invités du repas, Lazare) ou dans des attitudes du Christ (pharisiens, figuier, marchands du temple). Ces conjonctions ne peuvent nous amener à considérer Dieu comme un pur amour éthéré, mais bien comme un infini de miséricorde mais plein aussi d'une violence contenue, violence qui résulte de l'exaspération de Dieu face aux noms des hommes. La grande difficulté est de maintenir cette tension sans laisser libre cours à une vision d'un Dieu vengeur ou sadique. La violence de Dieu est le fruit même de son amour. Mais puisqu'il est Dieu, la façon dont il contient, maîtrise cette violence, la manière dont il reste le Miséricordieux est au coeur même de sa manifestation et de sa kénose... (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.316-320
Balises : Décentrement, Balthasar