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03 avril 2022

La semence 2.44


Les textes de ce dimanche sont très riches.

Isaïe nous parle de germes qui rejoint ces dons reçus déjà mentionnés dans mes billets précédents (2.23). Nous sommes les fruits de la grâce multiforme d’un Dieu amour. Ce passé, ces dons reçus, qu’en avons nous faits ? Souvent pas grand chose, voir le mal, le jugement ou la jalousie… balayures nous dit Paul, (Ph 3) car le Christ m’a saisi pour autre chose…

Saisi pour une course nouvelle : le saisir, lui l’insaisissable et se laisser saisir, transformer, se laisser « pousser » comme cette semence déjà évoquée pour en faire le bien.

Ce mal que j’ai fait est balayure si Dieu me relève et me glisse à l’oreille, « va, je t’aime, ne pèche plus.. »

À toute morale de condamnation qui rend froid nos discours, la danse du Christ à genoux devant la femme pécheresse, mais plus largement devant notre humanité fragile toute entière est de convertir la loi de pierre en traits fragiles, en chemin d’humilité et d’humanité… « va… ! »

Je sais que certain.e.s refusent de considérer que cette femme puisse être celle qui deviendra la première en chemin, celle qui est première apôtre de la résurrection… mais pourquoi pas ? Car si nous sommes tous enfermés dans notre passé, la danse humble de Dieu, loin des froideurs pharisiennes est une danse vectorielle, un agenouillement qui nous propulse plus haut. C’est cela être « saisi » dans la course à laquelle nous convie Paul. Course infinie nous dit le cappadocien… 

Danse…


Ce qui compte n’est pas notre passé mais de percevoir ce concept de tourbillon amoureux entre trois personnes, ce que j’appelle dans mon livre éponyme « la danse trinitaire ». Non pas un cyclone au dessus de nos têtes, mais, par l’incarnation, une éternelle invitation à la danse.

L’agenouillement de Jésus devant la femme adultère, qui tranche avec la froide raideur des pharisiens est le signe fragile de ces agenouillements qui traversent l’écriture et se répondent d’Abraham à Béthanie jusqu’en Jean 13. Dieu est ici à genoux, comme devant Judas ou moi Claude, qui fait rarement le bien que je voudrais faire. Il est le signe que l’amour est plus grand que ce qui me retient à la terre. Dieu nous aime et sa morale « vectorielle » est de croire qu’en tout homme repose la semence d’un amour à faire « pousser… »

12 juillet 2020

Le bon grain - Dépouillement trinitaire - Mat 15 - 15ème dimanche ordinaire A

Le bon grain - Dépouillement trinitaire Mat 13 - 15ème dimanche du Temps Ordinaire

Contemplation, Projet 1

Dépouillement de Dieu que ce grain jeté en terre, dans la profusion des dons et l'espoir que quelque chose sortira de ce don immense et gratuit.



Dépouillement que ce grain jeté
Dépouillement qui va jusqu'au don du Fils et de l'Esprit
Retrait de Dieu après le don.
Un Dieu qui s'efface et laisse pousser en nous le fruit de ses dons.
Espérance de Dieu, aussi...
Espérance du Père qui va jusqu'à la désespérance du Fils et jusqu'au silence de la déréliction
Espérance du Fils contre toute espoir dans un Gethsémani renouvelé à chaque eucharistie donnée et dépouillée jusqu'au cœur de l'homme.
Espérance et dépouillement de l'Esprit qui a mis en nous le grain et rêve du grain qui pousse.
Espérance de Dieu qui observe en nous la semence et rêve de la plante.
Espérance et dépouillement trinitaire donc de Dieu qui attend nos premiers pas de danse et se réjouit de nos petits pas vers lui, comme un Père qui regarde son enfant marcher et tituber pour la première fois...
Joie immense quand le fruit germe, l'enfant marche, la brebis trébuche et se retourne vers le berger en pleurant...


PS : voir en contrepoint mon hommage à une amie d'hier, comme la joie des anges devant un fruit mûr et une plante qui porte des fruits...

11 juillet 2020

Pourquoi ? - dernier hommage à une amie

Pourquoi C. nous a t elle quitté ?

Nous sommes en droit de nous poser cette question ?
Nous avons même le devoir de nous interroger sur ce pourquoi.
Nous avons le droit de crier ?
Le silence apparent de Dieu est toujours mis en cause....
Il n'y a pas de réponse directe, évidente à cette question...
Mais il nous reste des traces,
Des graines,
Des semences...
Si le grain ne meurt, nous dit l'évangile il ne peut porter de fruit...
Vous le savez plus que moi, le grain ne meurt pas vraiment
Au contraire, planté en terre, abandonné à la terre, il prépare une plante, il germe et porte du fruit...
Et quel fruit...
C. tu as été confié à la terre et tu n'as cessé de porter du fruit
Tu es vivante encore, c’est notre espérance
Tu resteras vivante,,, en nous...
Comme tu l'as été avec nous....
Je me souviens de toi comme quelqu'un de droit,,,
Non pas rigide, mais droit....
Ta droiture, je dirais même ta verticalité, venait d'une longue histoire, difficile, douloureuse parfois, joyeuse certainement mais toujours nourrie de cette verticalité.
Dieu avait sa place chez toi...
Une place immense
Une quête
Combien de fois, assise en face de moi, ouvrant la Bible, tu as cherché à mieux connaître ce Dieu qui reposait caché au fond de ton cœur ?
Ce Dieu fragile, discret, silencieux, t'a toujours habité
Dans cette église de N. comme celle de ton village, tu étais toujours là...
Au premier rang,,,
Dieu était en toi,,, au fond de toi
Tu l'as semé à ta manière dans tout qui était amour chez toi.
Dans ton amour pour ton mari, tes enfants, petits enfants...les enfants du catéchisme, tes amis...
Ce qui était amour chez toi, ne mourra pas, en nous car il ne pouvait mourir en toi.
Tu étais, par bien des manières, amour...
Tu portais l'amour. Or l'amour ne meure pas...
Il y a une demeure préparée pour toi la haut, nous dit l’Évangile choisi aujourd’hui (Jn 14)
Comme tu demeureras en nous, dans cette verticalité qui t'as caractérisé
Ce Dieu souffrant planté en croix que tu n'as jamais renié t'attends.
Il est amour et il est chemin.
Tu as laissé en nous ta trace, parce que l’amour qui vibre en toi est chemin, il est vérité
L'amour a fini par t'emporter,
Mais il reste en nous comme un manque.
Une semence
Une quête, un cri...
Dieu est amour
Il est semence
Il est vie
Tu es partie mais tu vies en nous, tu vivras par la mémoire de ton sourire et de ta joie.
Parce que l'amour est plus fort que la mort...
Amen

19 avril 2020

Esthétique et Pédagogie divine 26 - Gerhard von Rad

« La parole de Dieu doit, sans cesse, comme une source, murmurer dans le cœur et dans la bouche de l'homme pieux nous disent les psaumes 1,2 ; 19,15 ; 63, 7;  77,13 143, 5 »(1) 

Le but, nous dit à sa manière Urs von Balthazar est d'entretenir progressivement un lien tout particulier avec cette révélation divine progressive, « ce dialogue parfait où l'homme accepte qu'il soit déterminé par la fidélité à l'alliance, la crainte de Dieu et l'obéissance envers Dieu. dans la mesure où ce dialogue est tout entier informé par la grâce de dieu, il est, formellement, révélation trinitaire, avant même que la Trinité, matériellement, se révèle dans le Nouveau Testament. (2) »

Il est donc possible de chercher, comme nous l'avons fait dans pédagogie divine, ces traces de la révélation trinitaire, non seulement dans la construction même de l'histoire du peuple juif, mais à mon avis, de manière tout aussi légitime, dans ces traces ou semences du verbe dont nous parlait saint Justin et à sa suite Vatican Il dans GS.

Cette révélation progressive n’exclut pas que le rideau se déchire en Jésus Christ (3), mais il y a, comme le suggère Gerhard von Rad une « esthétique de l’Ancien Testament (4) : « c’est la foi qui façonne la forme et le style… C’est dans le domaine religieux qu’Israël a rencontré le beau avec le plus d’intensité, dans la contemplation de la révélation de Yahweh et de sa manière de conduire l’univers ; par cette manière de concentrer ses expériences esthétiques sur les articles de foi, il occupe une place spéciale dans l’histoire de l’esthétique ». Dans la contemplation du monde créé (psaume 104), Israël considère l’activité créatrice de Dieu avec « « tous les signes d’une émotion joyeuse », avec une suprême « délectation ». Dans la création tout est splendide, gratuitement splendide. Tous ces poèmes débordent  d’une ivresse de beauté qui ne pouvait être portée à un degré plus intense »(5).

Quel est l’enjeu, comme toute esthétique, il y a peut-être là une porte vers le ciel, comme l’est toute contemplation de l’univers. 

Dans notre monde plus noir, on peut effacer cela d’un trait. Le beau n’est qu’un chemin, une ouverture du cœur, une faille dirait Danièlou. De cette faille surgit l’espérance que la croix traduit en chemin vers ce que la résurrection dévoile de manière fugace. Dieu est au delà du beau, il est amour et miséricorde. 

« Si Sion est parfaitement belle (psaume 50,2) et « la joie de toute la terre » (psaume 48,3) (…) il ne conviendrait pas d’après Israël, « d’opposer cette déclaration emphatique à cette autre déclaration sur le serviteur de Yahweh qui n’avait ni beauté, ni éclat (Isaïe 53,2) et d’en faire un contraste absolu, car, dans ce dernier cas, il y a aussi une splendeur (sinon, elle n’aurait pas été exprimé sous forme poétique), mais beaucoup plus cachée. Cette audacieuse docilité à suivre les traces du mystère caché de la divinité, qu’Israël a assumé en parvenant à discerner une splendeur jusque dans le dépouillement le plus total de l’intervention divine, constitue certainement ce qu’il y a de plus remarquable dans les expressions esthétique de l’Ancien Testament (5).

Et Balthasar de conclure avec brio : « Dans le chant, Israël est heureux. En rendant à Dieu sa gloire, il s’accomplit lui-même en tant qu’image de Dieu, il comprend aussi pourquoi il ne doit y avoir aucune image taillée de Dieu. Dans l’échange de la parole divine, l’archétype et le reflet doivent se tenir découvert l’un devant l’autre. Ce n’est qu’ainsi qu’est préparé l’espace dans lequel la parole de Dieu pourra devenir chair ».(6)




(1) Urs von Balthazar, La gloire et la croix, 3 théologie, Ancienne Alliance, ibid. p. 179
(2) p. 181
(3) cf. plus bas mes essais éponymes 
(4) Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 182
(5) Balthasar cite ici G. Von Rad , ThAT I, p. 361-365
(6) p. 183

14 avril 2020

Au fil de Jean 20 - Mon Seigneur


« on a enlevé mon Seigneur (Jean 20, 17)». Le grec « τν Κύριόν μοu » littéralement « Le Seigneur de moi » m'interpelle ce matin. Non sur cette dévotion particulière et légitime de Marie Madeleine qui doit au Seigneur le retour à la vie, mais sur notre tentation de privatisation qui a été jusqu'à cette interprétation fermée de : « hors de l'Église point de salut ».

Le Christ est venu pour moi comme pour tous. Les semences du Verbe évoquées par saint Justin et reprises dans Vatican II ne sont pas réservées aux chrétiens. Elles sont l'amour en nous, dépôt fragile d'un Dieu qui se donne et nous conduit à la vie.
« Ne me touche pas » devient une invitation à ne pas enfermer le Seigneur dans une clé d'interprétation fermée.

La nouvelle traduction liturgique est d'ailleurs plus ouverte en dépit du verbe grec aptou : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »

On veut souvent toucher et prendre. La chasteté est de se laisser toucher, saisir (cf. Ph. 3) bien au contraire, c'est-à-dire retourner de l'intérieur.

31 janvier 2020

Au fil de Marc 4,26-34 - semence et pédagogie divine - amour en toi - 52

« Il en est du règne de Dieu comme d'un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D'elle-même, la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi.
Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »
Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences.
Mais quand on l'a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. » (Marc 4, 27-32)

On peut lire cette parabole sur deux niveaux ; en mode contemplatif pour voir le chemin de Dieu dans l'humanité depuis l'origine, comme une graine fragile qui suscite un vent de fécondité dans une terre libre et réceptive. On entre alors en résonance avec ma recherche déjà commentée plus haut sur la pédagogie divine.

On peut lire aussi cela sous le mode méditatif à la suite de Maxime le Confesseur : « La parole de Dieu (...) paraît bien petite (...) Mais quand elle a été cultivée comme il faut, elle se montre si grande que les raisons nobles des créatures sensibles et intelligibles se reposent sur elle. Car elle embrasse les raisons de tous les êtres. Mais elle-même, aucun être ne peut la contenir. C'est pourquoi celui qui a la foi comme un grain de sénevé peut, par la parole, déplacer la montagne, comme l'a dit le Seigneur (cf. Mt 17,20), c'est-à-dire chasser le pouvoir que le diable a sur nous et changer le fondement.
Le Seigneur est un grain de sénevé, semé en esprit par la foi dans les cœurs de ceux qui le reçoivent. Celui qui l'a soigneusement cultivé grâce aux vertus, déplace la montagne du souci terrestre. Puis, lorsqu'il a chassé de lui-même l'habitude du mal, si difficile à infléchir, il fait se reposer en lui les paroles des commandements et les modes d'existence ou les puissances divines, comme les oiseaux du ciel. (...) Ce n'est pas en dehors de ceux qui cherchent qu'il faut chercher le Seigneur, mais ceux qui cherchent doivent le chercher en eux-mêmes, par la foi qu'ils mettent en œuvre.
Car il est dit : « La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur » (Rm 10,8), c'est-à-dire la parole de la foi, comme le Christ lui-même : la parole de Celui qu'on cherche. »

L'amour est en toi comme un germe, une musique qui t'invite à « danser » sur les places. Ne refusons pas la valse de Dieu.

(1) Saint Maxime le Confesseur, Centurie sur la théologie II, n ° 10-11, 35 (Philocalie des Pères neptiques ; trad. J. Touraille, éd. DDB-Lattès), source : l'Évangile au Quotidien

23 décembre 2019

Noël - Homélie de la messe du jour - au fil de Jean 1 - kénose 148

Notes pour l'homélie - version 4

Quel est l'enjeu de Noël ?
Il n'est pas uniquement la fête des familles que notre société de consommation entretien, non sans un certain intérêt.
Il n'est pas non plus uniquement dans la naissance d'un enfant il y a deux mille ans. Il nous révèle quelque chose d'immense : le plan de Dieu sur l'homme. C'est ce que les textes d'aujourd'hui nous dévoile et je voudrais prendre le temps de les relire et les commenter avec vous...

Isaïe 52 nous parle d'une annonce toute particulière, de cette joie du salut qui vient. Avons nous cela à cœur, porter la joie d'un Dieu sauveur ?

Dans le début de sa lettre aux hébreux Paul insiste à son tour sur ce chemin de Dieu vers l'homme et il n'est pas anodin de le rapprocher d'une parabole que vous connaissez bien, celle de la vigne (à développer)

Dieu se livre mais il ne le fait pas avec trompette et tremblement de terre, comme le croyait les. Générations passées. Il se livre dans la faiblesse et la fragilité d’un enfant...

C'est dans ce contexte que le début de l'évangile de Jean peut être lu...

« Le Verbe s'est fait chair, une chair que nous puissions voir, afin que soit guéri en nous ce qui pourrait voir le Verbe » nous dit saint Augustin dans son commentaire sur la première lettre de Jean [source AELF]

L'amour vient nous visiter ainsi de l'intérieur et c'est dans la faiblesse et la dépendance de l'Enfant que se révèle en nous ce qu'il y a corriger, ce qui n'est pas digne d'être enfant, ce qui n'est pas empli de confiance et d'amour. 

Qu'est-ce que le Verbe ?
Le logos grec [la raison ou la logique du monde) n'est qu'une partie de la réponse. Est-ce la Sagesse de Dieu ? Non, pas uniquement. N'est-il pas à la fois amour et créateur, désir et action, danse et silence, cercle et triangle, inaccessible et proximité ?
Le mot théologique le plus interpellant est tension.
Car c'est au sein de cette tension entre les opposés égrenés plus haut que se révèle le Dieu chrétien.
Ce que nous dévoile Noël c'est l'amour de Dieu en actes.
Il faut entendre Dieu à la fois comme créateur et amour pour saisir qu'il est infini, mais aussi retenue, silence et humilité (1).

Le grec des premiers versets de Jean 1 reprend et conjugue le mot « pros ». Le Verbe, ce désir de Dieu en actes, ce « dire » qui devient « dit » (2) sans se perdre est tension, tourné vers, pro-jection, pro-position, pro-action de Dieu vers l'homme (3).

Dans ce "pro" se souligne à la fois l'amour in-transitif et ex-tourné de Dieu. Les pères de l'Église parlent de circumincession c'est-à-dire de danse(4) entre les personnes divines. En se "tournant vers", elles ne cessent de se pro-jeter au devant de l'autre et en cela d'être amour.

Que nous dit Noël ?
Alors que Dieu pourrait être pouvoir et gloire, il se fait faiblesse et humilité. « Il n'a pas retenu le rang qui l'égalait à Dieu, mais il s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur » (Philippiens 2).

Dans sa faiblesse l'enfant Jésus conjugue grandeur et humilité, pureté et simplicité. Le Verbe qui se fait chair danse pour l'homme sa plus belle création. Il se dévoile amour.

Dans son dépouillement (kénose) (1) le dire devient dit (2) sans perdre son intention. Il est agenouillement (3).

Noël nous révèle le projet de Dieu : « Ce projet de la création de l'univers, non sous forme d'un plan d'organisation de toutes choses, mais d'une semence de liberté et d'amour jetée dans l'univers en formation pour que naisse en son sein une créature spirituelle avec qui Dieu pourrait entrer en communication intime, semence que Dieu confiait au monde (...) un appel, un souhait, une parole, un logos, l'invitation à naître adressée à un Premier-né destiné à ramener à Dieu toute sa famille humaine" (5) tout cela donne du sens à notre aujourd'hui. 

Le don de Dieu est appel... Il s'origine dans un don (Gn 1 et 2) et l'appel d'un "où es-tu ?" (Gn 3) qui est plus qu'un cri, une plainte d'un Dieu qui aime sa création et n'a pour but que de le ramener à lui... 

Et notre chemin ?
Il est aussi agenouillement (3). Non pas avilissement ou négation de nous mêmes mais décentrement et don, imitation et humilité, miséricorde et simplicité.

Ce petit homme, cet enfant fragile est chemin de vérité et d’amour.

Aujourd’hui nous est né un sauveur, verbe et gloire de notre Dieu et pourtant faible semence qui nous invite à aimer.
Que cette lumière et cette vie confiée par le Seigneur vienne inonder vos vies de grâce et de paix.

(1) cf. mon livre Kénose, humilité et miséricorde
(2) cf. Emmanuel Lévinas, Autrement qu'être 
(3) cf. À genoux devant l'homme
(4) cf. La danse trinitaire in L'amphore et le fleuve
(5) Joseph Moingt, L’esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, pages finales

27 juillet 2019

Au fil de Matthieu 13,24-30 - le bon grain et l’ivraie

En ce temps-là, Jésus proposa cette parabole à la foule : « Le royaume des Cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ.
Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l'ivraie au milieu du blé et s'en alla.
Quand la tige poussa et produisit l'épi, alors l'ivraie apparut aussi.
Les serviteurs du maître vinrent lui dire : "Seigneur, n'est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D'où vient donc qu'il y a de l'ivraie ?"
Il leur dit : "C'est un ennemi qui a fait cela." Les serviteurs lui disent : "Veux-tu donc que nous allions l'enlever ?"
Il répond : "Non, en enlevant l'ivraie, vous risquez d'arracher le blé en même temps.
Laissez-les pousser ensemble jusqu'à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d'abord l'ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier." » Mat 13, 24-30 AELF, Paris

Qui sommes-nous pour juger ? Sommes nous d'ailleurs plus aptes que les autres à porter du fruit ?

« Le bon grain et l'ivraie, [sont] mêlés dans l'Église jusqu'au Jour du Seigneur
Dans l'Église n'habitent pas que des brebis et ne volent pas que des oiseaux purs ». nous dit saint Jérôme avec clairvoyance. Écoutons le !

« Le froment est semé dans le champ et, « au milieu de splendides cultures, l'emportent les bardanes et les ronces, ainsi que les folles avoines. » (Virgile, Géorgiques) Que doit faire le paysan ? Va-t-il arracher l'ivraie ? Mais la moisson entière sera en même temps saccagée ! (...)
Pendant le sommeil du père de famille, l'ennemi a semé l'ivraie ; comme les disciples se hâtaient d'aller la déraciner, le Seigneur les en a empêchés, se réservant à Lui-même de séparer la paille et le froment. (…) Personne, avant le jour du Jugement ne se peut s'approprier la pelle à vanner du Christ, personne ne peut juger qui que ce soit.(1)

(1) Saint Jérôme, Débat entre un luciférien et un orthodoxe (SC 473, p 179-180), source Evangelizo




30 avril 2019

Le fruit inattendu du silence - Edith Stein - Amour est en toi - 33

Quel est le fruit du silence sur l'âme ? Faut-il, comme le suggère Edith Stein, « attendre avec patience l'heure qu'il a fixé ; cheminer dans l'obscurité comme nous conduit le souffle léger de l'Esprit, et, sans être vu d'aucun regard humain, cueillir les fleurs qui fleurissent au chemin(1) ». L'enjeu est cette présence fortuite et silencieuse qui tout d'un coup éclaire nos âmes à jamais :
 «  Un éclat de ciel reste dans l'âme 
Une profonde lueur reste dans les yeux,
Un flottement dans le son de la voix. »
Cette trace est cicatrice d'un lumineux rayon venu d'ailleurs –rayon de nuit -, qui éclaire chacun des instants présents que je vis comme émerveillement, dans la reconnaissance.(2)
Telle est le fruit inattendu d'une prière au désert, quand au-delà d'une sécheresse qui frise le désespoir, nous percevons dans un frisson inattendu qu'il était là mais qu'on le cherchait ailleurs.
« Nous ne pouvons que nous étonner, balbutier et nous taire »(2)
Où comme le fit Moïse retirer nos sandales car ici le voile se déchire et le buisson ardent illumine nos âmes.

« Centre de tous les cœurs humains
Qui nous prodigue la vie divine.
Il nous attire à lui avec une force mystérieuse ; 
En lui il nous attire dans le sein du Père
Et nous inonde avec le Saint-Esprit (3).

« Tu viens et tu t'en vas, mais reste la semence
Que tu semas pour ta gloire future
Cachée dans le corps de poussière ». (4)



« Nos paroles tremblent : à quelle justesse peut-elle prétendre, quelle vérité peuvent-elles revendiquer (...) sinon celle de la kénose de ce Dieu qui s'anéantit pour moi et en moi ? »

(1) Edith Stein, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 270.
(2) Edith Stein, ibid. p. 271.
(3) p. 272.
(4) 273.
(5) François Marxer, ibid. p. 275.

30 janvier 2019

Au fil de Marc 4, 1-20 - Le semeur et la bonne terre

« ceux qui ont reçu la semence dans la bonne terre :ceux- là entendent la Parole, ils l'accueillent, et ils portent du fruit : trente, soixante, cent, pour un. » (Marc 4, 20)

Aide nous Seigneur à creuser en nous un sillon pour recevoir ta Parole au fond de notre cœur. Débroussaille ce qui en nous empêche cette réception, libère nous de ce qui nous éloigne de toi, viens transformer nos vies, aide-nous à porter tes fruits....
Donne nous accès au sacrement de ta réconciliation....



Nous avons reçu l’accès au ciel (...) par une action et une grâce du Rédempteur “ (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 262

13 novembre 2017

Recevabilité de l’Évangile

Il faut que Christoph Théobald insiste trois fois sur ce mot (1) pour que je prenne conscience de son importance. Et pourtant c'est bien pour moi une question essentielle de pastorale, mais plus largement de tout le christianisme. À quel point ouvrons-nous notre porte à l'Evangile ?
Comment creuser en l'homme ce désir, ce tressaillement intérieur qui rend sa terre féconde à la semence du Verbe ?
Notre mission d'évangélisation ne doit-elle pas s' auto-réguler pour accueillir et entendre ces freins à l'évangile ? C'est l'enjeu d'une pastorale du seuil (2).

Que nous dit Christoph Théobald ? Il reprend les termes mêmes du pape François dans EG 39 : «  L’Évangile nous invite avant tout à répondre au Dieu qui nous aime et nous sauve, le reconnaissant dans les autres et sortant de nous -mêmes pour chercher le bien de tous ». Soulignant cette reconnaissance de Dieu en autrui, Christoph Théobald note aussi l’importance pour François de la force et de l’attrait de l’annonce comme sa notion de « parfum de l’Évangile ».

Rien ne sert de servir une morale si on ne la fonde sur un désir profond d’adhérer à la personne de Jésus-Christ et de croire en sa force.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 94ss, 175ss et 208ss
(2) cf. mon essai éponyme

30 août 2017

Beauté intérieure et tressaillement - Saint Grégoire de Nysse

« Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous » (Lc 17,21). (...) celui qui a purifié son cœur de toute créature et de tout attachement déréglé voit l'image de la nature divine dans sa propre beauté... 
Il y a en toi, dans une certaine mesure, une aptitude à voir Dieu. Celui qui t'a formé a déposé en ton être une immense force. Dieu, en te créant, a enfermé en toi l'ombre de sa propre bonté, comme on imprime le dessin d'un cachet dans la cire. Mais le péché a dissimulé cette empreinte de Dieu ; elle est cachée sous des souillures. Si par un effort de vie parfaite, tu purifies les souillures attachées à ton cœur, la beauté divine brillera de nouveau en toi. Comme un morceau de fer débarrassé de sa rouille brille au soleil, de même l'homme intérieur, que le Seigneur appelle « cœur », retrouvera la ressemblance de son modèle lorsqu'il aura enlevé les taches de rouille qui détérioraient sa beauté."(1)
Alors tu pourras tressaillir d'allégresse car en toi, Dieu a déposé ce qu'il veut faire fructifier : l'amour. Semence fragile mais éternelle.
(1) Saint Grégoire de Nysse, Homélie 6 sur les Béatitudes ; PG 44,1269 (trad. cf bréviaire) 

26 septembre 2016

La nudité qui m'interpelle - Emmanuel Lévinas

Face aux cris de l'humanité en souffrance évoquée dès le début de l'Exode, il est bon également de relire ce qu'écrivait Emmanuel Lévinas en 1987 dans sa nouvelle préface de Totalité et Infini. "La nudité humaine m'interpelle (...) de sa faiblesse, sans protection et sans défense, mais elle m'interpelle aussi d'étrange autorité, impérative et desarmée, parole de Dieu et verbe dans le visage humain. (...) langage de l'inaudible, langage de l'inoui, langage du non-dit. Ecriture ! (1)

"Socialité utopique qui commande cependant toute l'humanité en nous et où les Grecs aperçurent l'éthique"(2)

Que tout juif qu'il est, il fasse mention des Grecs ne fait qu'ajouter du poids à nos propos précédents sur les semences du Verbe dans leur universalité. La souffrance est, par essence, le lieu d'interpellation de l'humanité et nos élans de charité, nos attentions "au visage" sont ce qui, de fait, nous rapproche des soucis de Dieu. Elle nous fait voir de ses yeux, entrer dans sa danse.

(1) Préface de 1987 de Totalité et Infini p. III, Martinus Nijhoff 1971
(2) Ibid

27 juillet 2016

Semences et miséricorde

La liturgie nous donne à contempler le beau texte du semeur. Sous la plume de saint Jean Chrysostome on y voit la mesure débordante et miséricordieuse de Dieu : "On aurait raison de faire des reproches à un cultivateur qui semait si largement... Mais quand il s'agit des choses de l'âme, la pierre peut être changée en une terre fertile, le chemin peut n'être pas foulé par tous les passants et devenir un champ fécond, les épines peuvent être arrachées et permettre aux grains de pousser en toute tranquillité. Si ce n'était pas possible, il n'aurait pas répandu son grain. Et si la transformation n'a pas lieu, ce n'est pas la faute du semeur, mais de ceux qui n'ont pas voulu se laisser changer. Le semeur a fait son travail. Si son grain a été gaspillé, l'auteur d'un si grand bienfait n'en est pas responsable."‎ (1)

(1) ‎Saint Jean Chrysostome, ‎Homélies sur Mt, 44 (trad. Véricel, L'Evangile commenté p. 138s) ‎

14 avril 2016

Semina Verbi - AL - 8

La mention des "semences du Verbe" en AL 77, les logos spermatikos de saint Justin, déjà apparues dans le rapport intermédiaire du synode, n'étonne pas dans la démarche pastorale de François. Qu'est ce qui est derrière ? Une contemplation du travail de Dieu en l'homme, y compris chez ceux qui n'entrent pas dans les critères sacramentels catholiques. Hors de l'Église, l'amour est possible et les germes de la Parole, déposés en tout homme doivent être contemplés comme tels, accueillis, encouragés voire éclairés....

19 août 2014

Diaconie VII - Philanthropie de Dieu et diaconie de l'Église


Le message à porter au monde nous dit Moingt* est la "révélation de la philanthropie de Dieu ". Un message, précise-t-il qu'il faut plutôt mettre en "oeuvre et en image, en paraboles comme le faisait Jésus". N'est ce pas la encore un appel à la diaconie et au service.

Je citais dans mon post précédent un extrait des notes de Congar au Concile. On trouve plus loin, dans le même livre une phrase qui m'a aussi marqué : "Dieu m’a amené à la servir et à servir les hommes à partir de lui et pour lui, surtout par la voie des idées. J’ai été amené à une vie solitaire, très vouée à la parole et au papier. C’est ma part dans le plan d’amour. Mais je veux m’y engager aussi de cœur et de vie et que ce service d’idées lui même soit un service des hommes."

Servir l'humain... Quel que soit soit sa forme, sa visibilité, l'essentiel est peut être l'essentiel en ce qu'il rayonne à sa manière de la philanthropie de Dieu.

N'est-ce pas d'ailleurs ce que le monde retient de plus beau à travers les gestes désintéressés des Soeurs Téresa, Emmanuelle ou d'un abbé Pierre ou Ceyras comme d'un Jean Vannier. Si ce service de l'humain est le seul message qui passe, n'est-ce pas en sa manière d'être "à genoux devant l'homme".

Poursuivons avec Congar : "Quand on regarde vivre l'Église, (...) ce qu'elle est et porte en elle (...) Il y a là, de sa part, dans les formes mineures au moins de son sacerdoce, de son prophétisme, l'exercice d'une forme de royauté, non d'autorité et de puissance — elle ne l'a pas — mais d'influence et de service, qui répond à sa véritable situation par rapport au monde. Car on peut dire qu'elle en a la responsabilité (...)". Le dominicain cite à ce sujet précise que "l'Eglise a [notamment] dans ce cadre véritablement le nom de semence ou cellule germinale du Royaume qu'aiment à lui donner en particulier les théologiens de langue allemande (Keimzelle)****".

Ce que saint Justin appellait les spermatikos logos ne sont-ils pas ces germes d'amour qui en scintillant de l'amour humain véritable deviennent signes de la philanthropie de Dieu.

* J. Moingt, L'Évangile sauvera l'Église, op. cit p. 121
** Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, op. cit. p. 384
*** Yves Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, Cerf 1953, p. 133
**** ibid. p. 134 et sa note où il cite le livre de H. André, Die Kirche als Keimzelle der Weltgöttlichung (Leipzig, 1920)

13 mars 2007

Sortir semer

"Les attentes, les moyens de communication sont différents. Ce que nous leur proposons doit l'être aussi (…) Il faut faire le deuil, sans peur, sans nostalgie d'une situation révolue. L'avenir sera tout autre. Il nous appartient de l'écrire aux couleurs de l'Evangile." (1)

Il nous faut semer largement ajoute-t-il, "sans souci d'efficacité ou de rentabilité – qu'elle soit immédiate où à long terme. Ne pas se soucier d'abord du terrain, de sa réceptivité mais semer parce que j'ai du grain à partager et qu'il ne peut rester au fond du silo"

(1) Olivier Fröhlich, Pour que notre joie soit complète…Proposer la bonne nouvelle aux jeunes, in Une nouvelle chance pour l'Evangile, p.157