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10 avril 2022

La passion selon saint Luc - Petite méditation fragile

 Qu’est ce qui distingue la lecture de Luc des autres synoptiques ?  Quelques clés de lecture.

1. Un Dieu à genoux

Sans aller jusqu’au lavement des pieds, Luc insiste sur le renversement de la vision du messie attendu : « Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »

Cette petite phrase est à contempler à la double lumière d’un Dieu à genoux devant ses disciples y compris Judas (1) et d’un Dieu qui tombera à genoux en « présentant son dos aux outrages » (Isaïe 50).

Kénose, c’est à dire humilité extrême nous dira Paul en Ph 2. Le messie que vous attendez se révèle dans son agenouillement…



 2. Agonie extrême 

« Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. »

Déjà dans la prière, il va jusqu’à prévoir ce qui l’attend. Devons nous entendre, pouvons nous entendre, comme le fera une mystique (2) que Jésus perçoit que son geste à venir ne servira pas à convertir l’homme, à changer nos cœurs de pierre ?

Sentons nous aussi qu’il va, comme le suggérera A. Von Spyer (3) jusqu’à faire l’expérience du silence du père, ce silence que connaît les grands souffrants et qui est l’extrême de notre condition humaine. Dieu à genoux, à nos côtés, jusqu’au bout…


 3. Le grand silence

« J’ai joué de la flûte et vous n’avez pas dansé » (Luc 7, 32). Si nous contemplons les gestes de la Passion ce qui surprend chez Luc c’est le quasi silence. Plus de grandes affirmations, mais juste une série de renvois «  C’est toi-même qui le dis ». Renvoie à la conscience intérieure.


 4. Miséricorde

« Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. »

C’est le Luc du chapitre 15, celui qui nous a donné la parabole du fils prodigue qui rejaillit ici. Christ est ici à l’extrême de son message. Après le silence qui renvoie à nous mêmes vient l’espérance du pardon… :

« Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »


 5. Le rideau du temple 

« Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. »

Ce qui était caché de l’indicible se dévoile. Dieu est là. Luc déchire le rideau du centre, quand Marc le fait de haut en bas… (4) mais le signe est le même, moins spectaculaire que chez Matthieu (5), mais qui vise le cœur. Dieu ne se cache plus, il est là, nu, dépouillé, fragile.


 6. Le dernier cri

« Père, entre tes mains je remets mon esprit. »

Ultime abandon, humilité extrême. Ici pas de cri au Père, pas de Ps 21 murmuré dans l’agonie finale, mais un message de soumission à la tendresse paternelle « entre tes mains », dans ta tendresse, je m’abandonne à toi…

   

 7. Le centurion

À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : « Celui-ci était réellement un homme juste. »

Marc en fait le sommet de la révélation et met dans la bouche du centurion la révélation qu’il est «  Fils de Dieu ». Luc est plus discret, renvoie au chemin intérieur de chacun, dans cette pédagogie qui culminera sur le chemin d’Emmaus puis ds le livre des Actes. Il rejoint cette invitation à un « rentrant en lui même » du fils prodigue (Luc 15).


 8. Conversion intérieure 

« Et toute la foule des gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, observant ce qui se passait, s’en retournaient en se frappant la poitrine ».


Mea culpa…

À la suite de cette lecture, Luc nous invite à retourner en nous mêmes.  À quoi m’invites tu Seigneur pour que ta croix ne soit pas vaine…? 


Parmi la symphonie des évangiles, Luc a sa mélodie particulière…(6)


(1) cf. « À genoux devant l’homme »

(2) Anne-Catherine Emmerich

(3) voir notamment l’excellent commentaire chez Hans Urs von Balthasar dans ses tomes de Dramatique divine

(4) voir aussi chez Kobo / Fnac « Le rideau déchiré »

(5) cf. Chemins d’Evangile

(6) voir « chemins de miséricorde »

15 novembre 2017

Le principe de l’agir - 2

Poursuivons la lecture : « Je n'ai rien que je n'aie reçu, et pourtant il faut en même temps que surgisse, en moi-même, l'être que j'ai reçu et qui me semble imposé (...) il faut que je l'engendre à nouveau par une adhésion personnelle (...) afin d'égaler le mouvement réfléchi au mouvement spontané de mon vouloir. Or c'est dans l'action que » (1) tout se joue pour Blondel.
Il y a là des propos que l'on retrouve à la fois d'une certaine manière chez Lévinas dans "l'appel du visage" à agir où dans les pages de Ricoeur sur la philosophie de la volonté. Mais relire cela dans un contexte de 1893 donne une autre lueur et en même temps une vision qui va jusqu'à nos pastorales d'engendrement.
On trouve bien sûr aussi un lointain écho de l'entretien du Christ avec Nicodème (Jn 3) dans le concept de nouvelle naissance. 
Qu'est-ce à dire aujourd'hui. Face à la soumission à une mode, un modèle, une culture, où se situe ma volonté ? Comment vient-elle à mon esprit et quelle interaction dynamique se joue entre ce que j'ai reçu et ce que je vis en acte ?
Quel lien, aussi entre la grâce reçue et enfouie en moi (2) et ce que je traduis ensuite par un agir ?
Comment puis-je mettre en actes, ce qui me tient à coeur ?
Quelle cohérence ?
Au creux de cette question se joue l'agonie et la déréliction : " non pas ma volonté,  mais celle du divin en moi qui m'appele"...
À méditer.
(1) Maurice Blondel, l'Action, Paris, Felix Alcan, éditeur, 1893, p. XXIV
(2) cf. plus haut le concept de grâce chez Diadoque de Photicé

08 septembre 2017

Agonisez pour entrer - Luc 13, 24

Surprenante version littérale du commandement de Jésus en Luc 13 notée par notre moine de Ligugé(1) Agônizezthe eiseltheîn en grec, ce qu'il traduit par "agonisez pour entrer" par la porte étroite. On lit, au travers les lignes, une invitation à la kénose, c'est à dire au don total de sa personne pour que le coeur enfin creusé du désir de Dieu, nous puissions passer le seuil de ce qui nous retient au monde. Une "agonie comme un commencement" ajoute-t-il. Une fois passé la porte, une fois que l'on a quitté l'antichambre où nous plaisons à rester, "Dieu fait tout et tout vient de lui" (1)
Comme cette eau se mêle au vin, puissions-nous,  par l'effort de nos vies, être admis au mystère de sa danse eucharistique. 
Puisons donc pour remplir nos jarres (Cf. Plus loin)
À méditer

(1) François Cassingena - Trévédy,  ibid.