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14 juillet 2022

Le bon samaritain 2.70

 

Où courons nous ?

La liturgie de cette semaine, si nous avons pris le temps de la méditer nous a alerté. Nous vivons trop vite, nous ne prenons pas le temps du silence, de cette lente manducation de la Parole qui nous fait percevoir que le don prime sur tous nos efforts humains.


« Écoute nous dit la première lecture.

(...) Elle est tout près de toi, cette Parole,

elle est dans ta bouche et dans ton cœur,

afin que tu la mettes en pratique. » Dt 30


Que nous dit elle ce dimanche, cette Parole ? Colossiens 1 nous décrit un Christ royal, premier et vêtu de Gloire. Mais ce n’est pas celui de l’Evangile, celui qui se penche vers nous, nous parle en Parabole.


Nous aussi, nous pouvons être happés par le désir de reconnaissance, par notre propre importance.

Ce n’est pas là le chemin. Augustin reprenait lundi, dans l’office des lectures cette phrase déroutante du psaume. Il nous faut avoir un cœur brisé.

Qu’est ce à dire ?

Peut-être que notre cœur s’est endurci à la souffrance du monde. Cœur de pierre disait Ezéchiel.

Mon cœur s’est retourné, glissait jeudi Osée au chapitre 11. Ce chapitre 11 d’Osée nous dévoile un Dieu presque maternel, dont les entrailles se déchirent à la vue de la souffrance des hommes. 


Ce que nous contemplons, aujourd’hui, c’est peut-être surtout ce cœur transpercé du Christ lui même sur la  Croix.

Peut-être pour nous faire comprendre que ce n’est pas la fonction qui prime. Christ est premier car il s’est agenouillé et est entré jusqu’au bout dans cette danse du don dont je ne cesse de parler. 

Dans la parabole, le prêtre, le lévite (une sorte de diacre de l’époque) ne sont pas plus que d’autres des supers paroissiens s’ils ne sont  pas attentifs à l’appel du monde.

Ce n’est que lorsqu’on médite le fleuve immense des dons de Dieu (cf. 2.69) que nous pouvons entrer à notre tour dans cette attitude particulière et centrale du Christ, comme ce bon samaritain, celui que les juifs méprisaient car infidèle à la loi, est celui qui a perçu l’essentiel.

Au don de Dieu il n’y a qu’une réponse : la charité attentive, délicate, poussée et aidée par la force de l´Esprit.

Il y a quelque jour nous méditions sur cette sculpture sublime du Dieu trinitaire. On y voit Jésus lavant les pieds de l’homme blessé soutenu par le Père sous le souffle de l’Esprit.

C’est cela entrer dans la danse du don. Comprendre que notre chemin n’est pas dans l’obéissance servile de la loi et des rites, mais dans ce cœur retourné et brisé par l’appel des souffrants. 


Le bon samaritain nous disent les Pères de l’Église c’est Jésus lui même, qui « n’as pas retenu le rang qui l’égalait à Dieu » (Ph. 1) mais s’est dépouillé, se faisant serviteur, pour  s’agenouiller devant l’homme (1) blessé pour le porter vers le salut… 



Il y a chez Luc plusieurs symboliques dans ce récit très original. Descendre à Jéricho, c’est pour les Pères se pencher vers la souffrance du monde. 


Le samaritain est l’exclu, l’impur, ce que notre pape appellerait la périphérie. Or tout homme est capable d’aimer. Le Christ nous rejoint tous et nous entraîne dans cette danse du don dont il est l’origine. 


Si le Christ se penche vers le blessé, comme cette brebis perdue évoquée plus loin, c’est que là encore ses entrailles maternelles se déchirent pour l’homme mais plus largement pour toute l’Église. 


Si le Christ EST ce « bon samaritain », c’est qu’il rejoint l’amour, voir qu’il EST amour [je suis]. Quelles sont alors les deux pièces qu’il donne à l’aubergiste. La tradition nous dit que nous recevons deux dons, pour deux tables, celle de la Parole et celle du Corps. Deux dons qui sont autant de grâces pour nous conduire vers le don, le service, l’amour du prochain vers lequel Jésus seul nous conduit…


* Traces fragiles pour une homélie de ce dimanche 

(1) cf. Jn 13 et mon livre éponyme

13 juin 2022

Danse eucharistique ? 2.66

 

En cette fête du Saint Sacrement, il peut-être important de vérifier ce que nous voulons dire par sacrifice. Sur ce chemin délicat, la lecture du livre de Martin Pochon montre bien les grandes différences entre la lettre aux Hébreux(1), et ce que dit les quatre Évangiles, en soulignant notamment l’approche trop sacrificielle de l’auteur. 

Cela nous interpelle. 

Plus je poursuis cette lecture, plus je perçois l’écueil de l’auteur, qui pourrait être Apollos, selon Pochon. 

Son interprétation du sacrifice est un sacrifice au Père, il vise à apaiser sa colère, sous-entend un Dieu courroucé par le mal, qui a besoin de la mort du Fils pour être apaisé. 


On est loin d’une vision évangélique, d’un don pour l’homme, d’un pain partagé, signe de l’amour conjoint du Père ET du Fils qui va jusqu’au bout du don de soi pour montrer que l’amour est le seul chemin, que l’amour est plus fort que le mal et la mort. 


On est loin du Dieu Trinitaire et de la triple humilité que j’évoquais récemment (2).


Le commentaire de Thomas d’Aquin que reproduit l’office des lectures de cette nuit est-il influencé d’ailleurs par la thèse de l’auteur de la lettre aux Hébreux ? 

C’est en tout cas ce que dit, probablement avec raison, Martin Pochon. Et cette piste qui distingue le Dieu amour et le « sacrifiel » est peut-être à entendre. Cela conditionne beaucoup de choses sur notre vision de l’Église, du sacrifice, du pain de vie, etc…


Que célébrons nous aujourd’hui ? 

Est-ce un sacrifice sanglant comme celui de Moïse, un sacrifice à un Dieu qui exige la mort d’Isaac, ce Dieu violent des nomades de l’époque que décrit bien Beauchamp et Thomas Römer (3), ou le don immense d’un Dieu qui nous fournit à la fois le blé et la vigne et son Fils bien aimé, agneau fragile, Celui va jusqu’à mourir pour changer notre vision de Dieu ?



La dérive sacrificielle, voire parfois cléricale du sacrificateur, celle qu’Apollos (?} veut remettre à l’honneur, est bien différente de celle que Jean nous enseigne dans ses chapitres 6 (multiplication) et 13 (lavement des pieds) en évitant d’ailleurs de revenir sur le récit de la Cène et présentant une autre approche ou prime le partage, le don, l’humilité. 


Non le sacrifice à un Dieu vengeur, mais un autre chemin, celui de celui qui va accepter d’avoir le cœur transpercé par la violence des hommes, pour être signe et source qui jaillit des entrailles maternelles (cf. Osée 11) et frémissantes d’un Dieu qui s’abaisse jusqu’à laver (baiser ?) les pieds de Judas pour nous montrer jusqu’où va l’amour…


C’est ce Dieu « à genoux » qui est chemin(2). C’est avec Lui que je veux danser avec mes frères (4)


(1) Martin Pochon, L’épître aux Hébreux au regard des Evangiles, (Lectio divina), Paris, Éditions du Cerf, 2020.


(2) cf. ma trilogie et notamment Dieu à genoux devant l’homme


(3) cf. Thomas Römer, L’invention de Dieu 


PS : vient de paraître ma 3eme édition de « Danse avec ton Dieu », gratuit sur Kobo/Fnac en numérique, à prix coutant sur Amaz… en version papier

12 août 2021

Un dixième pas de danse ?

Alors que nous nous préparons à fêter le 15/8, il y a peut-être deux premiers fils rouges à trouver : 

1. Le premier est probablement à percevoir entre nos lectures récentes du livre d’Osée dans la liturgie et la place particulière que donne ce prophète aux « entrailles » de Dieu (cf. Osée 11) et à cette sollicitude maternelle de Dieu, reprise dans la première lecture du 15/8 dans l’apocalypse où l’on voit Dieu conduire au désert et prendre soin de la femme « en lui réservant une place particulière », qui n’est pas non plus sans faire écho à Osée 2 et cette fiancée conduite  « à nouveau » au désert (1). C’est toute la sollicitude de Dieu qui est ici évoquée par Jean… entre les lignes. 


2. Dans la même trame, un deuxième fil est à trouver dans les nombreuses allusions à l’arche d’alliance, que l’on retrouve en lisant en mode cursif les lectures de cette semaine et celle de samedi soir et l’apocalypse dimanche, on conçoit le lien particulier entre l’arche d’alliance et Marie présentée là aussi par Jean comme nouvelle arche d’alliance. 


Ces deux fils rouges sont peut-être ce que nous avons à contempler pour aborder l’histoire même de Marie. 

Au regard de la tente de la rencontre (cf. notamment Ex 33-34) et toute l’histoire de l’arche d’alliance et du saint des saints qui abritait Dieu… (2) Marie apparaît soudain à nos yeux comme ce réceptacle de chair particulier, choisi par Dieu pour être le signe de l’amour divin…


Mais le désir d’un « Dieu qui vient à l’homme »(3) avait besoin d’une réponse et cette réponse est celle fragile, si bien illustrée par Fra angelico d’une jeune fille surprise par cette sollicitude et qui ose répondre oui mais mieux encore « fiat » sur le bout des lèvres dans le creuset d’un village perdu de Nazareth.


Il faut mettre peut-être ici aussi en perspective cet « où es-tu ? » de Dieu lancé à Adam ET Ève dans le jardin (4) pour contempler que c’est une petite bergère de Nazareth qui a répondu la première et totalement à cet appel de Dieu.


Le chemin de Marie ne sera pas un long fleuve tranquille. Avant peut-être de vénérer celle qui a dit oui, il nous faut contempler dans le silence ce chemin.


Que célébrons nous aujourd’hui finalement ?

Plus que l’assomption de la vierge Marie, c’est l’ensemble du mystère de la venue du Christ sur terre qui est à contempler.

Marie est l’écrin fragile de notre salut.

Mais qui est-elle véritablement ? Entre la jeune fille fragile que nous idéalisons et la femme-disciple que nous présente Jean à Cana, il existe une tension à maintenir.

Marie n’a pas été dès le début nimbée de lumière et de grâce mais a suivi un sentier qui nous interpelle. 

Marie est en effet au cœur de notre humanité celle qui répond probablement le mieux à l’appel de Dieu, celle qui comprend EN sa chair toute humaine, l’enjeu de la venue du Christ, marche à sa suite et répond à cet appel originel de Dieu(Gn 3,5), évoquée plus tôt. Elle devient en cela chemin pour nous. 

Ce que nous font découvrir les textes de ce dimanche n’est-il pas finalement que, dans le mystère de cette naissance, de cette femme habitée par la grâce divine, bouleversée par la venue du Christ EN son humanité (5) et dans le jusqu’au bout de son Amour, c’est la vocation de tout baptisé qui est surtout à contempler.

Dans la liturgie de la veille au soir du 15 août l’évangile interpelle notre propre manière de recevoir le Christ : L’Évangile de Luc ( 11, 28) insiste même dans le sens de tout ceux qui comme moi souvent rejette une idéalisation excessive. Relisons bien ce texte qui surprend la veille du 15/8 :

« En ce temps-là, comme Jésus était en train de parler, une femme éleva la voix au milieu de la foule pour lui dire : « Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri ! »

 Jésus déclare alors : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » Ces propos sont choquants a priori. 


Jésus « n’efface » pas sa mère mais insiste bien sur ce basculement entre la figure mariale et l’appel renouvelé à notre vocation. 


L’assomption n’est pas seulement en effet la fête de Marie. 

Elle ouvre une espérance particulière pour l’humanité que le magnificat vient amplifier, en faisant vibrer à nouveau l’espérance du peuple de Dieu, de tout ce que portait l’AT. 


« Mon âme exulte le Seigneur car ce dernier disperse les superbes et vient élever les humbles, combler de biens les affamés, renvoyer les riches les mains vides, relever Israël son serviteur ». 


Le cri de Marie est notre joie : « Dieu se souvient de son amour ».


Dans le tressaillement d’Elisabeth que nous donne à contempler Luc se retrouve à sa manière cette espérance du peuple en marche et donc notre propre espérance. 


Oui Dieu vient nous visiter…

À chaque fois que la Parole prend chair en nous, qu’elle fait en nous sa demeure, l’assomption prend sens, quand nous tressaillons, à la suite du Baptiste, de la joie du don de Dieu qui veut nous habiter.(6)

Le rêve de Dieu devient notre danse… 


« Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! »


Le mystère de l’assomption c’est que Dieu veut habiter TOUT homme. 


Le mystère c’est que Dieu souhaite prendre chair EN nous et que sa victoire sur la mort ne viendra que lorsque nous serons un, femmes et hommes, dans la contemplation du Verbe de Dieu, de cette Parole qui prend chair dans notre chair, nous transforme… 


Il y a peut-être ensuite un parallèle théologique à faire entre Philippiens 2 (et notamment le « c’est pourquoi » du verset 9 qui souligne que Jésus est relevé car il s’est vidé de lui même) et le dogme de l’assomption. Au delà du chemin intérieur de Marie, à rapprocher peut-être de la conversion même du Christ dont parle Sesboué dans sa « pédagogie du Christ (7), le chemin intérieur de Marie est aussi marqué par une forme de kénose. Or ce dessaisissement de soi qui s’exprime notamment dans son fiat, si bien traduit par Fra angelico, peut justifier que l’Église ai souhaité lui donner une place particulière que la tradition a cristallisé dans un dogme. Sans valider les excès d’une mariolatrie excessive si bien dénoncée par Congar(8), on peut néanmoins s’interroger sur la distance qui demeure entre le chemin vectoriel (c’est-à-dire qui nous pousse à grandir (cf. 7) et kénotique de la vierge Marie et notre propre chemin et en tirer une forme d’interpellation, d’humilité à défaut d’une vénération…


Il y enfin un thème que l’on peut également contempler dans le « en Christo » paulinien(9), c’est finalement la danse mariale particulière de celle qui a été habitée par le Verbe et est donc devenue contenant de l’insaisissable, ce qui pour reprendre la théologie de Karl Rahner donne à la vierge, un autre chemin vectoriel pour nos eucharisties et fait résonner nos tressaillements intérieurs avec ceux de toutes les mères à commencer par Elisabeth.(10)

Être en Christ et recevoir en soi celui qui nous invite à faire Corps…


(1) voir mon essai « Pédagogie divine »

(2) voir mes billets précédents (danses 4 à 9)

(3) pour reprendre et évoquer la somme de Joseph Moingt

(5) au sens de l’ « en christo » souligné par Hans Urs von Balthasar dans sa Dramatique 

(6) voir mes écrits divers sur le thème du tressaillement et notamment mon roman « le vieil homme et la brise »

(7) Sesboué y soutient que le Christ n’a qu’une conscience progressive de son rôle, une idée que j’ai toujours trouvée intéressante pour percevoir l’interaction entre humanité et divinité

(8) je pense notamment à son deuxième tome du journal du concile

(9) cf. note 5

(10) J’ai longuement développé ce point dans « danse trinitaire » puis dans « A genoux devant l’homme »

25 avril 2020

Pédagogie divine 27 - Hans Urs von Balthasar

Dès le commencement nous avons un dieu « accompagnateur » nous dit Balthazar. C'est sa « gloire qui chemine avec son peuple à travers le désert ; Dieu fraie le chemin du désert pour les siens ; il est lui-même ce chemin. Dans le paradis déjà, il est un Dieu qui vient puis s'en va (Gn 3,8) ; plus tard il est un Dieu qui descend (Gn 11,5-7) par un mouvement contraire à celui de l'homme qui veut se lever jusqu'au ciel. A Jacob il se montre montant et descendant en ses anges et il promet de nouveau de l'accompagner. À cette mobilité extérieure correspond les mobilités intérieures qui se manifeste déjà en ce que, certains instants de l'histoire, il s'engage librement et personnellement. Il décide, il annonce un châtiment (...) mais il peut aussi changer le disposition. Nous voyons son cœur affligé(Gn 5,6), nous prenons part à cette délibération avec lui-même (Gn 18,17-17); il est las de sauver, mais ensuite il ne supporte pas plus longtemps la souffrance d'Israël (Jg 10,16). Et même, non seulement « il mène au royaume des morts », mais il y accompagne l'homme, car de nuit il parle à Jacob ainsi : « n'ai pas peur de descendre en Égypte (ou le peuple sera si malheureux pendant des siècles), car là-bas je ferai de toi un grand peuple. C'est moi qui descendrais avec toi en Égypte, c'est moi aussi qui t'en ferai remonter »(Gn 46, 3-4). Ceux qui souffrent, dans les psaumes reçoivent aussi une telle promesse(Ps 91, Is 43). Ainsi Dieu accomplit des « choses étranges » (Is 28,21) dans sa liberté, tellement il s'en émerveille lui-même (Jr 31, 20), bien qu'il se doive à lui-même, en tant que Dieu, d'accomplir justement ces choses inconcevables (Os 11,8-9). Peut-être sont-ce là de simples conséquences de son mispat [justice des opprimés], parce qu'il ne peut faire autrement que d'adopter le parti des pauvres et des sans-droits, ou parce que l'affliction que lui fait éprouver le péché du monde le rend toujours plus solidaire des affligés. Peut-être est-ce parce que, dans son Alliance, il est traité d'une manière si infâme, qu'il aime être d'emblée avec ce qui sont affaiblis et humiliés : avec les hommes incapables d'être procréer et avec les femmes stériles (Gn 18, Jg 13,2s, 1 S 1, Lc 1,7) (...) C'est Dieu lui-même qui humilie Israël pour l'éprouver ; de cette manière il humiliera aussi Job jusqu'à l'extrême, il fera de lui un objet de risée et du mépris de tous. C'est ainsi qu'un homme, pour l'amour de Dieu, peut devenir pour beaucoup une énigme ; la connivence peut se renverser : « c'est pour toi que je souffre l'insulte, que la honte ne couvre le visage… L'insulte de tes insulteurs retombe sur moi » (Ps 69,8.10). Le nœud de l'histoire de l'alliance est ici serré, il ne sera dénoué que dans la Nouvelle Alliance.(1) ».

Beau résumé de ce que j'ai appelé la pédagogie divine.

« Dieu se révéla, en paroles et en actions, au peuple de son choix, comme l’unique Dieu véritable et vivant ; de ce fait, Israël fit l’expérience des « voies » de Dieu avec les hommes, et, Dieu lui-même parlant par les prophètes, il en acquit une intelligence de jour en jour plus profonde et plus claire, et en porta un témoignage grandissant parmi les nations (cf. Ps 21, 28-29 ; 95, 1-3 ; Is 2, 1- 4 ; Jr 3, 17). L’économie du salut, annoncée d’avance, racontée et expliquée par les auteurs sacrés, apparaît donc dans les livres de l’Ancien Testament comme la vraie Parole de Dieu ; c’est pourquoi ces livres divinement inspirés conservent une valeur impérissable : « Car tout ce qui a été écrit l’a été pour notre instruction, afin que par la patience et la consolation venant des Écritures, nous possédions l’espérance » (Rm 15, 4). L’économie de l’Ancien Testament avait pour raison d’être majeure de préparer l’avènement du Christ Sauveur de tous, et de son Royaume messianique, d’annoncer prophétiquement cet avènement (cf. Lc 24, 44 ; Jn 5, 39 ; 1 P 1, 10) et de le signifier par diverses figures (cf. 1 Co 10, 11). Compte tenu de la situation humaine qui précède le salut instauré par le Christ, les livres de l’Ancien Testament permettent à tous de connaître qui est Dieu et qui est l’homme, non moins que la manière dont Dieu dans sa justice et sa miséricorde agit envers les hommes. Ces livres, bien qu’ils contiennent de l’imparfait et du caduc, sont pourtant les témoins d’une véritable pédagogie divine (2). C’est pourquoi les fidèles du Christ doivent les accepter avec vénération : en eux s’exprime un vif sens de Dieu ; en eux se trouvent de sublimes enseignements sur Dieu, une sagesse salutaire au sujet de la vie humaine, d’admirables trésors de prières ; en eux enfin se tient caché le mystère de notre salut. (3)

L’idée rejoint ce que je notais à propos de la notion de dépouillement. Il y a dans le chemin du désert (qui est aussi celui du Christ), une pédagogie dans le dépouillement progressif de la notion d’un Dieu tout puissant et immuable, vers une autre révélation, un déchirement du voile, qui commence chez Abraham et Moïse et se poursuit jusque dans la relecture post-exillique qu’en fait les rédacteurs du Pentateuque. Ce cheminement est le foyer d’une nouvelle naissance : celle d’un Dieu qui se met à genoux devant l’homme.
 À suivre.





(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p 195
(2) Pie XI, Encycl. Mit brennender Sorge, 14 mars 1937 : AAS 29 (1937), p. 151.
(3) Dei Verbum  14 et 15

24 août 2015

Ce qui sera révélé - 1 Cor 4

On peut voir le jugement final comme le grand règlement de compte médiéval.  On peut aussi espérer le travail silencieux de Dieu en chaque homme à la lumière des deux paraboles du bon grain et de l'ivraie et des ouvriers de la dernière heure où transparaît ce que je citait hier chez Osée 11: la miséricorde divine et le chemin de Dieu en l'homme. Le texte proposé pour l'office des lectures nous ouvre aussi à cette "petite espérance (1)" : "C'est pourquoi ne jugez de rien avant le temps jusqu'à ce que vienne le Seigneur : il mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres et manifestera les desseins des cœurs, et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui est due". (2).

J'aime à ce sujet l'expression de saint Justin : "contempler les semences du Verbe"....

Sous cet angle résonne différemment ce que souligne saint Jean Chrysostome : " La faiblesse de Dieu est plus forte que tous les hommes. Que la prédication soit l’œuvre de Dieu, c’est évident ici. Comment douze hommes, des ignorants, ont-ils pu avoir l’idée d’une pareille entreprise, eux qui vivaient auprès des lacs et des fleuves, et dans le désert ? Eux qui n’avaient jamais fréquenté les villes et leurs assemblées, comment ont-ils pu songer à se mobiliser contre la terre entière ? Ils étaient craintifs et sans courage (3)". Et pourtant,  cette faiblesse a été la semence qui a transformé le monde.

(1) Charles Péguy,  Le porche de la troisième vertu
(2) 1 Corinthiens 4,  5 BCC1923
(3) Saint Jean Chrysostome,  commentaire de la première lettre aux Corinthiens, tr. Bréviaire

23 août 2015

Sophonie ou la colère de Dieu

Difficile lecture de l'office des heures, cette nuit :  (So 1, 1-7.14; 2, 1-3). Comment "actualiser" ce que l'on appelle non sans raison la parole de Dieu ?

Je ne peut que écarter cette impression d'un appel au Dieu vengeur des premiers versets pour me laisser interpeller par la fin du texte : "Recueillez-vous, rentrez en vous-mêmes, race sans pudeur, Cherchez Yahweh, vous tous humbles du pays, qui avez pratiqué sa loi; recherchez la justice, recherchez l'humilité. Peut-être serez-vous à l'abri au jour de la colère de Yahweh !..." Sophonie 2:1, 3 BCC1923

Le "rentrez en vous même" évoque pour moi le verset 17 de Luc 15 : "Alors, rentrant en lui-même, il dit : Combien de mercenaires de mon père ont du pain en abondance, et moi, je meurs ici de faim !". Alors tout s'éclaire... Car ce basculement intérieur qui précède la miséricorde temoigné au fils prodigue est la clé du mystère.

Dieu retient sa sainte colère pour laisser place à sa miséricorde,  nous dit Jésus entre les lignes, comme le souligne Kasper en citant Osée... :  "Comment te délaisserais-je, Ephraïm, te livrerais-je, Israël ? (...) Mon coeur se retourne en moi, et toutes ensemble, mes compassions s'émeuvent.  Je ne donnerai pas cours à l'ardeur de ma colère, je ne détruirai pas de nouveau Ephraïm. Car je suis Dieu, moi, et non pas homme: au milieu de toi est le Saint, et je ne viendrai pas dans ma fureur." Osée 11:8-9 BCC1923

Il nous reste l'espérance : " Elle passe la figure de ce monde (...) : mais nous avons appris que Dieu prépare une demeure nouvelle et une terre nouvelle où réside la justice, dont la béatitude comblera et surpassera tous les désirs de paix qui gonflent le cœur de l'homme. Alors la mort sera vaincue, les fils de Dieu ressusciteront dans le Christ, et ce qui avait été semé dans la faiblesse et la corruption revêtira l'incorruptibilité. La charité demeurera, ainsi que son œuvre, et toute cette création, que Dieu a faite en faveur de l'homme, sera délivrée de l'esclavage du néant." (1)

( 1) Gaudium et Spes