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01 novembre 2018

La danse des anges - 3 - saint Bernard - Toussaint - amour est en toi 24


Il viennent en chantant, le peuple des sauvés : immense fresque de joie, amour aux cent visages qui forment ensemble, dans la lumière, la seule icône de gloire : Jésus Christ ! Nous dit l'oraison finale de l'office des lectures. Alors que résonne dans nos églises l'hymne des Béatitudes (Luc 6, 26), contemplons la danse des anges (1)

« Pourquoi notre louange à l'égard des saints, pourquoi notre chant à leur gloire, pourquoi cette fête même que nous célébrons ? Que leur font ces honneurs terrestres, alors que le Père du ciel, en réalisant la promesse du Fils, les honore lui-même ? De nos honneurs les saints n'ont pas besoin, et rien dans notre culte ne peut leur être utile. De fait, si nous vénérons leur mémoire, c'est pour nous que cela importe, non pour eux. ~ Pour ma part, je l'avoue, je sens que leur souvenir allume en moi un violent désir. ~

Le premier désir, en effet, que la mémoire des saints éveille, ou plus encore stimule en nous, le voici : nous réjouir dans leur communion tellement désirable et obtenir d'être concitoyens et compagnons des esprits bienheureux, d'être mêlés à l'assemblée des patriarches, à la troupe des prophètes, au groupe des Apôtres, à la foule immense des martyrs, à la communauté des confesseurs ; au chœur des vierges, bref d'être associés à la joie et à la communion de tous les saints. Cette Église des premiers-nés nous attend, et nous n'en aurions cure ! Les saints nous désirent et nous n'en ferions aucun cas ! Les justes nous espèrent et nous nous déroberions !

Réveillons-nous enfin, frères ; ressuscitons avec le Christ, cherchons les réalités d'en haut ; ces réalités, savourons-les. Désirons ceux qui nous désirent, courons vers ceux qui nous attendent, et puisqu'ils comptent sur nous, accourons avec nos désirs spirituels. ~ Ce qu'il nous faut souhaiter, ce n'est pas seulement la compagnie des saints, mais leur bonheur, si bien qu'en désirant leur présence, nous ayons l'ambition aussi de partager leur gloire, avec toute l'ardeur et les efforts que cela suppose. Car cette ambition-là n'a rien de mauvais : nul danger à se passionner pour une telle gloire. ~

Et voici le second désir dont la commémoration des saints nous embrase : voir, comme eux, le Christ nous apparaître, lui qui est notre vie, et paraître, nous aussi, avec lui dans la gloire. Jusque-là, il ne se présente pas à nous comme il est en lui-même, mais tel qu'il s'est fait pour nous : notre Tête, non pas couronnée de gloire, mais ceinte par les épines de nos péchés. ~ Il serait honteux que, sous cette tête couronnée d'épines, un membre choisisse une vie facile, car toute la pourpre qui le couvre doit être encore non pas tant celle de l'honneur que celle de la dérision. Viendra le jour de l'avènement du Christ : alors on n'annoncera plus sa mort de manière à nous faire savoir que nous aussi sommes morts et que notre vie est cachée avec lui. La Tête apparaîtra dans la gloire, et avec elle les membres resplendiront de gloire, lorsque le Christ restaurera notre corps d'humilité pour le configurer à la gloire de la Tête, puisque c'est lui la Tête. » 

Cette gloire, il nous faut la convoiter d'une absolue et ferme ambition. ~ Et vraiment, pour qu'il nous soit permis de l'espérer, et d'aspirer à un tel bonheur, il nous faut rechercher aussi, avec le plus grand soin, l'aide et la prière des saints, afin que leur intercession nous obtienne ce qui demeure hors de nos propres possibilités.  (2)

Dans une belle contemplation du Paradis, Dante évoque cette danse des anges qui se réjouissent ensemble de la conversion d'une âme. Elle n'a de sens qu'au sein de la danse trinitaire, c'est à dire de cette communion polyédrique des âmes en Dieu, corps glorieux qui prends chair en nous. L'amour est en toi.. 


(1) voir mon livre éponyme 
(2) Saint Bernard, homélie pour la Toussaint source AELF 
(3) Fra Angelico, source https://goo.gl/images/skp5sA

17 janvier 2017

Joie céleste - Dante

C'est probablement le passage du tome 2 de la Gloire et la Croix qui m'avait le plus marqué il y a douze ans. Il s'agit de cette vibration céleste où "la montagne entre en transe chaque fois qu'une âme se sent purifiée (...) le purgatoire tout entier accompagne d'un Gloria tumultueux qui ébranle ses fondements mêmes, cette irruption dans la liberté éternelle" (1). Elle est pour moi une belle anticipation de la cité de Dieu, non lieu de rédemption individuelle mais collective. L'image se complète par celle des "corps lumineux des bienheureux" (...) "qui tournent sur eux-mêmes, comme des roues de lumière" (2) et me font penser à cette "danse des anges(3)" si bien représenté dans le "jugement dernier" de Fra Angelico que l'on trouve maintenant à Florence.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 384
(2) Dante, Par. 24, 13, cité p. 385
(3) cf. aussi mon livre éponyme.

15 janvier 2017

Dynamique sacramentelle 2

"Béatrice regarde Dieu, Dante regarde Béatrice, et dans ce pur miroir voit le signe que Dieu lui fait. Car la bien-aimée n'enferme pas en elle le poète; au contraire, elle lui ouvre le regard à toute réalité, alors qu'il se serait contenté d'elle seule et qu'il sent sa parole et son esprit se dérober lorsqu'il s'agit de dépeindre l'amour qui jaillit de ses yeux sanctifiés". (1) Dante le souligne d'ailleurs ainsi "Elle me dit : "Retourne-toi et écoute, car ce n'est pas dans mes yeux qu'est le Paradis"(2)

(1) Hans Urs von Balthasar GC2 p. 376
(2) Dante, La divine comédie, par. 18, 13-21.


14 janvier 2017

Dynamique sacramentelle chez Dante

Béatrice tourne ses regards vers le Christ, ce qui conduit Dante à réaliser qu'il est comme un vieux chêne déraciné par la tempête. "Il tombe vaincu sur le sol". Intéressante composition romanesque qui introduit ce qu'Hans Urs von Balthasar appellera la scène la plus dense de la Divine Comédie: "Ici, l'éros a dépassé sa subjectivité, il a grandi jusqu'à la forme objective d'un sacrement, et inversement la forme sacramentelle se dévoile, elle se justifie et apparaît comme amour".

Pourquoi parler de dynamique sacramentelle ici. Parce qu'à mon avis, le chemin "érotique" de Dante trouve ici son point culminant. C'est la direction du regard de Béatrice qui conduit Dante à la conversion et cette unité retrouvée en Christ est signe...

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p.373.

13 janvier 2017

La voie ascétique - Dante

Hans Urs von Balthasar nous prévient (p. 366), la Divine Comédie est centrée autour de la "rencontre de Dante avec Béatrice dans le purgatoire". "Dante commence par se laver dans la rosée du ciel (...) puis revêt la ceinture ascétique en jonc. Puis viennent les degrés de la montagne, et chaque fois c'est comme une mue (...) le dépouillement des ténèbres du monde (...) et par là le cœur s'ouvre à la paix, se purifie "pour revenir à celui qui t'a fait" (2).

Hans Urs von Balthasar souligne que le trajet se fait de jour à la différence du chemin de saint Jean de la Croix. Mais que nous importe... Car si dans la nuit de nos jours, nous marchons vers la lumière de nos nuits, l'enjeu est ailleurs, dans ces mues successives qui nous conduisent à la voie unique, celle des pas du Christ vers le Père.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, op. Cit. p. 366
(2) p. 369

11 janvier 2017

Beauté infinie

Il n'est pas humain de croire que l'on peut saisir l'insaisissable, comprendre l'infini de Dieu et tous nos efforts humains ne valent rien face à l'excès en Dieu. On peut comprendre dans cette dynamique que Dante dépose aux pieds de Béatrice "son emploi de poète ; car il est sûr, non seulement de ne pas pouvoir dire combien elle est belle, mais qu'elle est beaucoup plus belle qu'il ne le comprend et que, seul, son Créateur peut jouir totalement de cette beauté"(1).

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 389

28 décembre 2016

Anima ecclesiastica

Dante a cultivé ce qu'Hans Urs von Balthasar appelle à la suite d'Origène et jusque dans les commentaires médiévaux du Cantique des Cantiques l'anima ecclesiastica, cette "âme dont l'expérience et la sensibilité, la pensée et le vouloir, se sont dilatés jusqu'à l'universalité de la Sponsa Christi, l'épouse de l'Agneau, la Jérusalem céleste, jusqu'à la communauté de tous les saints et de tous ceux qui aiment". (1)

On a là une description presque poétique de la Koinonia paulinienne, cette unité à construire en dépit de la nécessaire diversité décrite par lui en 1 Co 12, 14.

Une unité en Christ à construire.

À méditer.

(1) GC2 p. 365

Contempler la grâce - Dante

"Ouvrez vos yeux et regardez : car avant que vous fussiez elle vous aima, préparant et ordonnant votre venue". (1)

On peut contempler en écho cette phrase de Dante sur la grâce et l'idée de prédestination chez Paul (cf notamment Eph. 1, 7), non au sens d'une perte de liberté mais dans celui du rêve de Dieu pour nous. Car s'il ne veut agir contre notre liberté, on peut penser qu'il rêve sans cesse de nous voir prendre le chemin de vie qu'il trace devant nos pas.

Certes les souffrants auront du mal à entendre cela. C'est ignorer que Dieu souffre à nos côtés ou prépare pour nous le creuset d'une tendresse qui nous permettra dans ce temps ou dans l'autre de comprendre l'inacceptable.

(1) Dante, Conv. 3, 15, (Le Banquet) cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 359

20 décembre 2016

Le phénomène érotique - Dante

J'emprunte à Jean-Luc Marion le titre de son livre pour décrire ce que Hans Urs von Balthasar nous dit de Dante. Par l'éros de Béatrice et la notion du voile et du dévoilement, il nous prépare en effet à cette révélation du divin qui culminera dans sa Divine Comédie : "la force de persuasion de la belle femme qui nous séduit en vue du mieux et qui voile et dévoile ses charmes, mais les voile en permettant de les dévoiler" est pour Hans Urs von Balthasar le prélude chez Dante de ce "désir éternel" vu comme contradiction, impossibilité et même éthiquement une abomination.
Cependant,  ajoute-il plus loin, l'éros nous purifie ainsi en nous rappelant l'humilité, (...) il nous entraîne toujours plus haut, jusqu'à cette figure ultime que Dante nous dévoilera dans la rose céleste (1).

Il y a donc là une dynamique qui n'est autre que celle de l'incarnation.  En rejoignant l'homme jusque dans ses tensions charnelles, en les purifiant jusqu'à comprendre leurs limites,   Dieu nous conduit à sa danse (un autre concept qui nous vient aussi de Dante).

(1) GC2 p. 359

08 décembre 2016

Langue vernaculaire

Poursuite de la lecture de la Gloire et La Croix tome 2 (GC2) de Hans Urs von Balthasar qui nous conduit sur les pas de Dante. Il y a, je trouve, dans le choix d'écrire en italien le même mouvement qui a emballé l'après Vatican II : une kénose véritable qui cherche à rejoindre l'homme jusque dans sa langue. Après tout, comme le note John P. Meier, Jesus appelait son Père Papa... La proximité est celle de l'amour vrai et nos ornements liturgiques, dont je ne nie pas l'esthétique et l'universalité oublie ce principe de proximité...

12 juin 2007

Immortalité

Si saint Justin fait une distinction entre la survie commune à tous après la mort et l’immortalité proprement dite, celle des bienheureux, je me demande pourquoi nous continuons à répéter sans cesse nos errements. Pour lui, en effet, s’il est vrai que « la survie est déjà elle-même un don (...) l’immortalité est un don supérieur, elle est la participation gratuitement offerte par le Christ à la vie éternelle de Dieu » (1)

J’entends résonner les chants de fête, les cantiques de ceux qui « verront Dieu » et comme le ciel qui vibre à la conversion d’une âme, (cf. Dante ), je me demande pourquoi nous continuons d’ignorer le chemin, englué que nous sommes dans tout ce qui nous rattache au mal.

Mais peut-être dois-je espérer plus dans la conjonction entre mes petits efforts humains et le chemin délicat et incessant de la grâce qui nous épure, nous émonde, jusqu’à ce qu’un petit fruit naisse de nos chemins d’hommes. En attendant, nourrissons-nous de cette eucharistie qui est pour Ignace d’Antioche (2) vie permanente dans le Christ : pharmakon athanasias : « le remède qui donne l’immortalité ».

(1) ID, Apol. I 8, 10.63 ; Dial 5 .114 cité par Hans Urs von Balthasar p. 278
(2) ibid. p. 279