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09 juillet 2020

Homélie de mariage - Danse et liturgie - 1 Corinthiens 13 et Matthieu 5

Homélie de mariage - projet 2

Quel chemin...
Quel chemin fragile qu'un mariage.
Dans ce temps nouveau où toutes les certitudes semblent se fissurer, il est presque inouï que vous soyez là tous les deux à croire en l'amour alors que notre monde est ébranlé par une crise dont on ne voit pas la fin...

Sur la petite douzaine de mariage prévu cette année, vous êtes les seuls à avoir résisté sur la date et l'heure et cela déjà est signe, que quelque chose en vous est plus fort. Quelque chose est grand en vous et je ne peux que m'agenouiller devant cela.

L'amour prend patience ; l'amour rend service ; l'amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d'orgueil ; il ne fait rien d'inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s'emporte pas ; il n'entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L'amour ne passera jamais. (1 Co 13)

Si vous permettez et si je pouvais en faisant cela ne pas endormir l'auditoire, j'aimerais commenter une à une ces phrases de Paul qui constitue probablement les plus belles pages jamais écrites sur l'amour...

Il y a plusieurs lectures possibles de ce texte, de la plus « charnelle » à la plus théologique..

La plus charnelle parce qu'un amour conjugal, un amour intime peut être habité par ces vertus de la patience, de l'attention à l'autre, de la quête, non de son propre intérêt mais de celui de l'autre. En plus de trente trois ans de vie conjugale je vous dirais, sur la pointe des pieds que cela est l'essence même d'une vie à deux.

Il y a là le fondement d'une danse, d'une symphonie des corps toujours à parfaire et purifier....

Vos corps et vos cœurs mêlés sont les lieux les plus intimes et les plus dépouillés de l'existence et patience, respect et souci de l'autre en forme la musique la plus essentielle.

Et en même temps, comme le disait Jean Paul Il cette rencontre la plus intime est appelée à être liturgie...

Que veut dire liturgie...?

Cela touche à la fois au sacré, à la joie, à la liberté et au don...

La liturgie des corps s'inscrit dans les quatre points que nous avons évoqués ensemble lors de notre première rencontre.

Lieu de liberté d'abord... que vos rencontres soient libres, c'est à dire à la fois librement consenties et légères de vos histoires passées
Que vos rencontres soient fécondes, lieu de vie, source de vie...
Que vos rencontres soient fidèles...
Que vos rencontres soient dons, indissolubles et par essence qu'elles ne cherchent plus vos intérêts propres mais ce couple que vous allez construire

Que votre couple enfin s'embrase dans quelque chose de plus immense. Votre amour est grand, il vous dépasse car il rejoint l'amour du créateur et c'est là où vous pouvez comprendre que ce lien indissoluble qui vous réunit est au cœur du projet de Dieu. La dimension liturgique de l'amour, c'est saisir qu'à deux rayonne quelque chose de grand, d'immense le plan de Dieu pour l'homme...

Votre amour deviendra alors « le sel de la terre », c'est à dire que pour vos enfants, vos amis, votre entourage la lumière cachée de votre union la plus intime sera lumière de l'amour reçu et donné, partagé, liturgie d'un Dieu qui donne et s'efface, qui meurt à soi même et se tait, qui prend patience et ne cherche pas son intérêt, qui invite à danser et trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L'amour ne passera jamais.

Votre amour sera chrétien s'il rayonne de cela, s'il exprime cela, s'il est habité par cela. Si au cœur de votre vie, l'amour est moteur, Dieu sera là et la joie qui habitera vos rencontres deviendra liturgie et danse avec, en Dieu et peut-être pour Dieu...

Le chemin n'est pas simple. Il est difficile. Vous en avez fait l'expérience. Vous traverserez encore des doutes et des souffrances mais je l'espère, ces textes et surtout le sens profond de ces textes, vous habiterons.

« Que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
Matthieu 5, 12

13 septembre 2019

Les richesses sont-elles dangereuses pour le salut ? - Saint Jean Chrysostome

     


En la fête de Chrysostome un cadeau de Clerus.org

HOMÉLIE 34 (13,8) OU LES PROPHÉTIES SERONT RENDUES INUTILES, OU LES LANGUES CESSERONT, OU LA SCIENCE SERA ABOLIE.

Chrysostome sur 1Co 3400

3400
(
1Co 13,8)

ANALYSE.

1. La charité supprime tous les maux.
2. La connaissance que nous avons de Dieu en cette vie ne peut être qu'une connaissance imparfaite.
3. Eloge de la charité.
4-7. Avec quelle ardeur il faut embrasser la charité. — Combien Dieu a fait de choses pour unir les hommes entre eux. — Des mariages. — Pourquoi Dieu les a défendus entre parents. — Comparaison de deux villes, l'une toute de riches, l'autre toute de pauvres. — Du respect pour l'Ecriture. — N'y rien ajouter, n'en rien retrancher. — D'où viennent les richesses et la pauvreté. — Dieu attend les mauvais riches à pénitence.

3401 1. Après avoir montré l'excellence- de la charité, en ce que les grâces et les succès du monde ont besoin d'elle, après avoir énuméré toutes ses vertus, et montré qu'elle est le fondement de la philosophie parfaite, il montre dans un nouveau et troisième point quelle est sa valeur. Et il le fait pour persuader à ceux qui sont humbles qu'ils ont le principal des biens, et que s'ils ont la charité, ils ne possèdent pas moins et possèdent même plus que ceux qui sont combles de faveurs; et aussi pour rabaisser ceux qui, combles de ces faveurs, en seraient enorgueillis, et pour leur montrer qu'ils n'ont rien s'ils n'ont la charité. Les hommes s'aimeront entre eux quand l'envie et l'orgueil seront supprimés parmi eux, et d'un autre côté, s'ils s'aiment les uns les autres, ils écarteront loin d'eux ces vices. Car « la charité n'est sujette ni à l'envie ni à l'orgueil ». Ainsi il a entouré les hommes comme d'un mur solide, et de cette concorde générale qui supprime tous les maux, et n'en devient que plus ferme, il leur a présenté toutes les raisons qui peuvent relever leur courage. C'est un même esprit qui donne, dit-il, et il donne en vue de l'utilité ; il distribue ses dons comme il lui plaît, et il les distribue à titre de faveurs et non de dettes. Quelqu'un eût-il reçu de moindres dons, il compte cependant parmi les élus, et jouira de grands honneurs; celui qui en a reçu de plus grands, a besoin de celui qui en a moins, et c'est la charité qui est le premier des dons et la voie la meilleure.

C'est ainsi que parlait l'apôtre, unissant les hommes entre eux par un double lien ; par la croyance qu'ils ne sont pas moins bien partagés, quand ils ont la charité, et que, s'ils s'empressent vers elle et la possèdent, ils ne souffriront plus aucun des maux de l'humanité, soit parce qu'ils ont la source de tous les biens, soit parce que tout en n'ayant rien, ils ne sont plus sujets à aucune lutte : car celui qui a été captivé par la charité, est tout aussitôt exempt de luttes. Aussi montrant tous les biens que l'on recueille de la charité, il a décrit ses fruits, dont le seul éloge est capable de guérir les maux des hommes. En effet, chacune de ces paroles est un remède suffisant pour guérir leurs blessures. C'est pourquoi il disait : «Elle est patiente », contre ceux qui s'emportent aux disputés; «elle est exempte d'envie », contre les hommes qui portent envie à ceux qui sont au-dessus d'eux; « elle n'est pas arrogante », contre ceux qui ne veulent condescendre à rien ; « elle ne cherche point son intérêt », contre ceux qui méprisent l'intérêt des autres; « elle ne s'excite point, elle ne médite point le mal », contre ceux qui se portent aux outrages ; « elle ne se plaît point (528) à l'injustice, et elle se plaît à la vérité », encore contre les envieux; « elle défend tous les hommes », contre ceux qui dressent des embûches; « elle espère tout », contre ceux qui se désespèrent; « elle supporte tout et ne perd jamais patience », contre ceux qui se livrent facilement à la discorde.

Après avoir ainsi montré la grandeur de la charité et sa supériorité, il en fait voir l'excellence sous un autre point de vue; il compare la charité à d'autres objets pour exalter sa valeur, et il dit: « Ou les prophéties seront rendues inutiles,ou les langues cesseront».En effet, si elles n'ont été accordées aux hommes qu'à cause de la foi, dès que celle-ci sera répandue par toute la terre, elles seront inutiles. Mais cette affection mutuelle ne cessera point, elle s'accroîtra au contraire, et sera plus forte encore dans l'avenir que dans le présent. Car aujourd'hui. il y a bien des causes qui affaiblissent et diminuent la charité, les richesses, les affaires, les maladies du corps et les souffrances de l'âme. Mais que les prophéties et les langues cessent, cela n'est pas étonnant; que la science elle-même soit abolie, voilà qui soulève des questions, car il ajouté : « Ou la science sera abolie ». Quoi donc? Nous vivrons alors dans l'ignorance ? A Dieu ne plaise ! Car la science alors devra être augmentée, et c'est pourquoi l'apôtre disait : « Alors je connaîtrai comme je suis connu ». (
1Co 13,12) C'est pourquoi, afin de ne pas laisser croire que la science cessera, de même que les prophéties et les langues, après avoir dit: « Ou la science sera abolie », il ne s'en contente point, mais il ajoute la manière dont elle sera détruite, disant.: « Nos connaissances sont partielles, et nos prophéties sont partielles. Mais quand sera venu ce qui est parfait, alors sera inutile ce qui est partiel ». La science donc ne sera point abolie, mais seulement la science partielle : non-seulement nous aurons autant et d'aussi grandes connaissances, nous en aurons de plus grandes encore. C'est ce qu'un exemple montrera bien, nous savons aujourd'hui que Dieu est partout, mais comment? Nous l'ignorons : Nous savons qu'il a tout tiré du néant, mais la manière, nous l'ignorons ; qu'il est né d'une Vierge, mais comment, nous l'ignorons également. Il montre ensuite combien grande est la différence entre ces deux sciences, et que ce qui nous manque n'est pas peu, disant : « Quand j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; quand je suis devenu homme, j'ai rejeté ce qui était de l'enfant ». Il nous le montre encore par un autre exemple, disant : « Nous voyons maintenant à travers un miroir (12) ».

3402 2. Après avoir montré ce miroir, il ajoute « Dans une énigme », prouvant plus clairement encore que notre science présente ne consiste qu'en de faibles parties. « Mais alors face à face », non pas que Dieu ait une face; c'est pour exprimer sa pensée d'une manière plus claire et plus intelligible. Voyez-vous comme notre connaissance s'accroît par degrés? « Maintenant je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme je suis connu». Voyez-vous comme il rabaisse doublement leur orgueil, et en ce due leur science n'est que partielle, et en ce qu'ils ne l'ont point tirée d'eux-mêmes? Ce n'est pas moi en effet, dit saint Paul, qui connais Dieu, c'est Dieu qui s'est fait connaître à moi. De même donc qu'aujourd'hui il me connaît d'abord, et vient vers moi, ainsi alors j'irai vers lui avec un empressement bien plus vif qu'aujourd'hui. En effet, celui qui demeure dans les ténèbres ne peut pas, avant d'avoir vu le soleil, s'empresser vers la beauté de ses rayons, c'est le soleil qui de lui-même et par son éclat se, montre à lui, mais quand il a perçu cette splendeur, il poursuit la lumière. Voilà ce que veut dire cette expression : « Comme je suis connu » ; non pas que nous connaîtrons Dieu comme il nous connaît, mais de même qu'aujourd'hui il vient vers nous, ainsi alors nous irons vers lui, et nous connaîtrons bien des mystères aujourd'hui cachés, et nous jouirons de cette science et de ce commerce bienheureux. Si, en effet, Paul qui savait tant de choses n'était qu'un enfant, réfléchissez à ce que sera cette science nouvelle, si l'ancienne n'était qu'un miroir et une énigme, pensez à ce que sera Dieu vu face à face. Pour vous faire sentir cette différence, et faire entrer dans votre âme un rayon obscur de cette connaissance, rappelez-vous les prescriptions de l'ancienne loi, maintenant que la grâce a brillé. Avant la grâce, elles paraissaient grandes et merveilleuses ; écoutez pourtant ce que Paul en dit après la grâce : « Ce qui a brillé en cette partie n'a pas été glorifié à cause d'une gloire supérieure ». (2Co 3,10)

529

Pour rendre ma pensée plus claire, appliquons notre discours à une de ces prescriptions qu'on accomplissait alors sous la forme mystique, et vous verrez quelle est la différence. Prenons la Pâque, si vous- voulez, et l'ancienne et la nouvelle, et vous reconnaîtrez l'excellence de celle-ci. Les Juifs célébraient l'ancienne, mais ils la célébraient comme. s'ils la voyaient à travers un miroir et une énigme. Ces mystères cachés ne se présentaient pas même à leur pensée, et ils ne savaient point quelles étaient ces choses qu'ils annonçaient, mais ils ne voyaient qu'un agneau immolé, et le sang d'une bête, et les portes qui en étaient arrosées. Mais que le Fils de Dieu incarné dût être immolé et délivrer la terre, et donner son sang à goûter aux Grecs et aux barbares, ouvrir le ciel à tous, et offrir au genre humain les biens d'en haut, qu'il dût porter cette chair sanglante au-delà des cieux et des armées des anges, des archanges et des autres puissances, et la placer sur un trône divin à la droite du Père, brillant d'une gloire ineffable: voilà ce que ne savaient point les Juifs, ni aucun autre parmi les hommes, et ce qu’ils ne pouvaient point soupçonner. Mais que disent les impies, qui osent tout? que cette parole : « Maintenant je connais en partie », s'applique à la Providence, car saint Paul avait la cou naissance parfaite de Dieu. Et comment se fait-il qu'il se donne le nom d'enfant? Comment voit-il à travers un miroir, comment à travers le voile d'une énigme, s'il possède la science parfaite? Pourquoi est-ce qu'il attribue cette science au Saint-Esprit, à l'exclusion de toute autre puissance créée, disant : « Qui est-ce qui connaît les pensées de l'homme, sinon l'esprit qui est en lui ? Ainsi personne ne connaît ce qui se rapporte à Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu ». (1Co 2,11). Et d'un autre côté, le Christ déclare que cette science est à lui tout seul, car il parle ainsi « Personne n'a vu le Père », si ce n'est celui qui « vient du Père ; celui-là a vu le Père » (Jn 6,46) : nous apprenant que cette vue seule est la connaissance claire et parfaite. Comment celui qui connaît la substance d'un être peut-il en ignorer l'économie? La connaissance de la substance est plus difficile que l'autre. —Ainsi, suivant l'apôtre, nous ignorons Dieu? — Loin de là ; nous savons qu'il est, mais quelle est sa substance, nous l'ignorons. Et ce qui prouve que cette parole : « Maintenant je connais en partie », ne s'applique point à la Providence, c'est la suite, car saint Paul ajoute : « Alors je connaîtrai comme je suis connu ». Or ce n'est point la Providence, c'est Dieu qui connaît. Cette opinion n'est donc pas simplement inique, elle l'est deux, et trois et mille fois. C'est par conséquent une vanité absurde, non-seulement de se glorifier de savoir ce que savent seuls le Saint-Esprit et le Fils unique de Dieu, mais encore de prétendre arriver par le raisonnement à cette connaissance parfaite, quand saint Paul n'a pu en saisir qu'une partie, et encore par une révélation d'en haut; car je défie que l'on me montre un seul passage de l'Ecriture qui raisonne de ces choses. Mais laissons de côté la folie des impies, et voyons ce que l'apôtre dit encore de la charité. Il ne s'en est pas tenu là, il ajoute : « Maintenant restent la foi, l'espérance, la charité, mais, la charité l'emporte sur les deux autres vertus ».

3403 3. Car la foi et l'espérance cessent, quand sont arrivés les biens dans lesquels on a cru et qu'on a espérés. C'est ce que veut dire saint Paul par ces paroles: « L'espérance qu'on voit n'est point l'espérance ; pourquoi en effet espérer ce que déjà l'on voit». (Rm 8,24) Et en un autre endroit : « La foi est la substance des choses que l'on espère et la preuve des choses qui n'apparaissent point ». (He 11,1) C'est pourquoi la foi et l'espérance cesseront, quand ces biens nous seront apparus; mais la charité s'en accroîtras et deviendra plus forte. Autre éloge de la charité : elle ne se contente point des biens qu'elle a ; elle s'efforce toujours d'en trouver de nouveaux.

Faites-y attention : il a dit que la charité est le plus grand des dons, et la voie la meilleure pour les obtenir; il a dit que sans elle, ces dons ne nous servent pas beaucoup; il l'a décrite par des traits nombreux, il veut de nouveau l'exalter d'autre façon et montrer qu'elle est grande en ce qu'elle est stable. C'est pourquoi il a dit : « Ce qui nous resté, c'est la foi, l'espérance, la charité, ces trois vertus, mais la charité l'emporte sur les autres ». Comment donc l'emporte-t-elle?, en ce que les autres passent. Si donc telle est la force de la charité, il ajoute à bon droit : « Poursuivez la charité ». En effet il faut la poursuivre et s'empresser vivement vers elle, car elle est prompte à s'envoler, et grands sont les (530) obstacles qui nous arrêtent dans notre course vers elle. Il faut donc déployer une grande énergie pour la saisir; c'est ce que le bienheureux Paul voulait montrer, car il n'a pas dit: Suivez la charité, mais « poursuivez la charité », nous excitant ainsi et nous enflammant du désir de l'atteindre. Dieu, dès le commencement du monde, a employé des moyens innombrables pour la faire pénétrer dans nos âmes : car il a donné à tous les hommes un seul père, Adam. Pourquoi ne naissons-nous pas tous de la terre? Pourquoi ne naissons-nous pas déjà formés et développés, comme Adam? C'est afin que donnant le jour à nos enfants et les élevant, et que nés nous-mêmes d'autres, nous nous aimions les uns les autres. C'est pourquoi il n'a pas formé la femme de la terre. Comme il ne suffisait pas pour nous inculquer le respect qui mène à la concorde, d'être de la même substance, et qu'il- fallait encore avoir un auteur unique de notre race, il a voulu qu'il en fût ainsi. Séparés aujourd'hui par l'espace seul, nous nous considérons comme étrangers les uns aux autres; cela serait arrivé bien plus encore, si notre naissance avait eu deux principes. C'est pourquoi il n'a fait en quelque sorte du genre humain qu'un seul corps, qui n'a qu'une tête. Et, comme au commencement il paraissait y en avoir deux, voyez, comme il les a rassemblées et unies en une seule par le mariage. « A cause de cela » dit-il, « l'homme abandonnera son père et sa mère, et il s'attachera a sa femme et ils seront deux en une même chair ». (Gn 2,24)

Il n'a point dit: la femme, mais« l'homme», parce que c'est en lui que la concupiscence est la plus grande. Et Dieu l'a voulu ainsi afin de fléchir la supériorité de l'homme. par la tyrannie de cet amour, et de le soumettre à la faiblesse de la femme. Comme il fallait établir le mariage, il a donné à l'homme une femme sortie de lui ; car Dieu a tout fait en vue de la charité. Si en effet, les choses étant ainsi, le démon a pu les égarer et semer entre eux l'envie et la discorde, que n'aurait-il pu, s'ils n'avaient pas été sortis d'une même souche? Il a voulu ensuite que la soumission fût d'un côté, et le commandement de l'autre, car l'égalité des honneurs a coutume d'engendrer les disputes; il n'a donc pas établi un gouvernement populaire, mais la royauté, et dans chaque maison vous pouvez observer le même ordre que dans une armée. Le mari a le rang d'un roi, et la femme d'un gouverneur ou d'un général d'armée; les fils ont le troisième rang, le quatrième est aux domestiques; ils commandent à ceux qui sont au-dessous d'eux, et un seul est souvent mis à la tête de tous les autres, et envers eux a le rang d'un maître, mais, en tout le reste; il est domestique. Après cela il y a encore des différences dans le commandement, suivant qu'il s'exerce sur les femmes ou sur les enfants, et envers les enfants, d'autres différences suivant l'âge et le sexe ; car la femme n'a point le même empire sur tous ses enfants. Et partout Dieu a créé de nombreux commandements, afin que la concorde et le bon ordre subsistassent toujours. C'est pourquoi, avant que le genre humain se fut multiplié, quand ils n'étaient encore que deux, il a donné à l'un le commandement, et imposé à l'autre l'obéissance. Pour que l'homme ne méprisât point la femme plus faible que fui, et que celle-ci ne s'éloignât pas de lui, voyez comment il l'a Honorée et unie à lui, même avant sa création; car il dit « Faisons-lui une compagne » (Gn 2,18), montrant ainsi qu'elle a été créée pour être utile à l'homme, et lui conciliant l'affection de l'homme, par cette raison qu'elle lui est utile; car nous aimons d'une affection plus vive ce qui a été fait à cause de nous. D'un autre côté, pour que la femme ne s'enorgueillît d'être pour lui une compagne nécessaire, et ne brisât ce lien, il l'a tirée d'une côte de l'homme, montrant qu'elle n'est qu'une partie de tout le corps. Pour que l'homme aussi ne S'enorgueillît point, Dieu n'a point permis qu'elle fût à lui tout seul, comme elle fut d'abord; il a fait le contraire, en lui faisant procréer des enfants; ainsi s'il a donné la supériorité à l'homme, il ne lui a point donné tous les avantages.

3404 4. Avez-vous vu que de liens d'amour Dieu a faits pour nous? Mais tous ces gages de concorde reposent sur la nature, et sur ce que nous sommes de la même substance; (en effet, tout être animé aime ce qui est semblable à lui;) et sur ce que la femme est née de l'homme, et les enfants de tous les deux. De là naissent mille affections diverses: il y a l'affection pour un père, pour un aïeul, pour une mère, pour une nourrice; il y a l'affection pour un fils, un petit-fils, un arrière petit-fils, pour une fille et pour une nièce; nous aimons celui-ci comme notre frère, celui-là comme (531) notre oncle ; celle-ci comme une soeur, celle-là comme une cousine. Et qu'est-il besoin d'énumérer tous les degrés de parenté? Dieu a encore imaginé une autre source d'affection: en défendant les mariages entre proches, il nous conduit vers les étrangers, et attire ceux-ci vers nous. Comme ils ne peuvent nous être unis par les liens de la nature, il les unit à nous par le mariage, alliant des maisons entières par une seule fiancée, et mêlant les familles aux familles : « N'épouse point », dit-il, « ta soeur, ni la soeur de ton père, ni une autre jeune fille qui ait avec toi une pareille parenté » (Lv 18,8-10) ; et il énumère tous les degrés de parenté qui empêchent le mariage. Il suffit, pour être attiré vers quelqu'un, d'être né du même sang, et d'être uni par les différents liens de parenté. Pourquoi resserrer en des bornes étroites les vastes désirs de la charité ? Pourquoi trouver dans la parenté seule une cause d'amitié, quand on peut faire naître une occasion nouvelle d'amitié en épousant une femme étrangère, et en gagnant par elle une série de parents, une mère, un père, des frères et leurs parents ? Voyez-vous de combien de manières Dieu nous a unis les uns aux autres ? Cependant il ne s'en est pas tenu là ; il a voulu encore que nous eussions besoin les uns des autres, pour nous unir de cette façon, car la nécessité crée des affections. Aussi n'a-t-il pas voulu qu'il y eût en tous les pays toutes les productions, pour nous forcer ainsi à nous mêler les uns aux autres.

Après avoir voulu que nous eussions besoin les uns des autres, il a rendu les communications faciles; en effet, s'il n'en était pas ainsi, de, nouvelles difficultés et de nouveaux obstacles naîtraient de là. Si, quand on 'a besoin d'un médecin, d'un forgeron ou d'un autre artisan, il fallait le chercher au loin, on périrait à coup sûr. C'est pourquoi Dieu a fait les villes, et les a unies les unes aux autres. Pour nous permettre de visiter facilement ceux. qui sont loin de nous, il a étendu la mer entre les peuples, et leur a donné la vitesse des vents, et a rendu ainsi les voyages faciles. Au commencement même, il a réuni tous les hommes en un seul lieu, et ne les a dispersés que quand ceux qui furent combles (le cette faveur s'entendirent pour le mal; mais de tous côtés il nous a unis, et par la nature, et par la parenté, et par la langue, et par la communauté de séjour. Et de même qu'il ne voulait point nous chasser du paradis, (car, s'il l'avait voulu, il n'y aurait point du tout placé l'homme après sa création, mais ce fut l'homme qui, par sa désobéissance, fut cause de cet exil) ; de même ne voulait-il pas qu'il y eût diversité de langues; il n'y en avait point au commencement, et aujourd'hui, par toute la terre, toutes les lèvres prononceraient les mêmes paroles. C'est pourquoi aussi, quand il fallut détruire la terre, il ne nous fit point d'une matière nouvelle, et il ne rejeta point le juste, et il envoya au milieu des flots le bienheureux Noé, pour être comme l'étincelle qui devait ranimer le genre humain. Au commencement, il n'avait établi qu'une seule domination, celle du mari sur la femme; mais quand le genre humain fut tombé en toute espèce de désordres, il établit encore d'autres dominations, celle des rois et des magistrats, et cela par charité.

Comme la malice dissout et détruit notre race; il a établi, comme des médecins au milieu des villes, polar prononcer des jugements et pour bannir cette malice qui est le fléau de la charité, et pour ne former de la cité entière qu'un seul corps. Pour établir cette concorde, non-seulement dans les villes, mais dans chaque maison, après avoir revêtu le mari du commandement et lui avoir donné le premier rang, après avoir armé la femme de la concupiscence, et placé entre eux la procréation des enfants comme un don, il imagine encore d'autres moyens de consolider entre eux l'affection. Il ne donna point tout à l'homme, ni tout à la femme ; il partagea les dons entre eux, assignant à la femme la maison, et à l'homme la place publique; il imposa à l'homme la charge de nourrir la maison, car c'est lui qui cultive la terre, et à la femme la charge de la vêtir, car tisser et tenir la quenouille appartient à la femme. C'est Dieu même qui a donné à la femme le talent de filer. Malheur à la cupidité qui veut supprimer cette distinction ! Car la mollesse de beaucoup d'hommes les a conduits à filer, et leur a mis clans les mains la navette, la chaîne et la trame. Mais là même apparaît la sagesse avec laquelle Dieu a dispensé ses dons ; car nous avons besoin de la femme pour des ouvrages tout à fait nécessaires, et nous avons besoin de plus petits que nous pour les choses mêmes d'où dépend la vie; et l'on aurait beau posséder toutes les (532) richesses, on ne pourrait se soustraire à cette nécessité qui nous fait dépendre de ceux qui sont au-dessous de nous. En effet, ce ne sont pas seulement les pauvres qui ont besoin des riches, ce sont encore les riches qui ont besoin des pauvres, et plus même que ceux-ci n'ont besoin d'eux.

3405 5. Pour rendre cette vérité plus claire, imaginons, si vous voulez, deux villes, l'une de riches, et l'autre de pauvres, et dans la ville des riches il n'y aurait point de pauvres, et dans la ville des pauvres il n'y aurait point de riches, car nous y faisons un triage parfait; voyons maintenant quelle est celle qui pourra se suffire. Si nous trouvons que c'est la ville des pauvres, il sera prouvé que les riches ont plutôt besoin d'eux. Dans la ville des riches, il n'y aura point d'artisans, ni architecte, ni forgeron, ni cordonnier, ni boulanger, ni laboureur, ni chaudronnier, ni cordier, ni quelqu'artisan que ce soit. Qui donc des riches voudra travailler à ces métiers, puisque les artisans mêmes, devenus riches, ne veulent plus supporter ces durs travaux? Comment donc cette ville pourra-t-elle subsister? On me dira que les riches achèteront tout des pauvres à prix d'argent. Ainsi déjà ils ne pourront se suffire à eux-mêmes, s'ils ont besoin des pauvres. Et qui donc construira les maisons ? Les achètera-t-on aussi ? Mais cela ne se peut. Il faudra donc appeler des artisans, et enfreindre la loi que nous avons établie au commencement, alors que nous avons fourni la ville d'habitants : vous vous souvenez, en effet, que nous avons dit qu'elle ne renfermerait point de pauvres. Et voici que la nécessité même, contre notre gré, y appellera et y introduira les pauvres. D'où il appert qu'une ville sans pauvres ne peut subsister; et que si une cité demeure en effet sans en recevoir, ce ne sera bientôt plus une cité, car elle périra. Ainsi aucune ville ne pourra se suffire, si elle n'a appelé dans son sein des pauvres pour la conserver.

Voyons d'un autre côté la ville des pauvres, et si pareillement elle se consumera dans le besoin par l'absence des- riches. Et d'abord établissons et définissons clairement les richesses. Quelles sont les richesses? l'or, l'argent, les pierres précieuses, les vêtements de soie, de pourpre et d'or. Maintenant que nous savons quelles sont les richesses, bannissons-les de la ville des pauvres, si nous voulons établir une vraie cité des pauvres; que l'or ni les vêtements que j'ai nommés n'apparaissent aux habitants, même en songe; ajoutez, si vous voulez, l'argent et les ustensiles d'argent. Eh bien ! dites-moi si à cause de cela la ville sera dans le besoin. Nullement: s'il faut bâtir, on n'a besoin ni d'or, ni d'argent, ni de perles, mais du travail des mains, et non pas de mains quelconques, mais de mains calleuses et de doigts endurcis, de bras forts, de poutres, de pierres ; s'il faut tisser des vêtements, on n'a point besoin d'or ni d'argent, mais de mains, de l'industrie et du travail des femmes. S'il faut cultiver et piocher la terre, a-t-on besoin de riches ou de pauvres? Evidemment de pauvres. Et s'il faut travailler le fer ou quelqu'autre métal, c'est alors surtout que nous aurons besoin du peuple. Quand donc aurons-nous besoin des riches, sinon quand il faudra détruire cette ville? Car, lorsque les riches une fois entrés, le désir de l'or et des perles se sera emparé de ces sages (car j'appelle sages ceux qui ne cherchent point le superflu), quand ils se seront adonnés à l'oisiveté et à la volupté, tout sera perdu. Mais si les richesses, direz-vous, ne sont pas utiles, pourquoi Dieu nous les a-t-il données? Et où prenez-vous que c'est Dieu qui nous a donné les richesses? L'Ecriture dit : « L'argent est à moi, et l'or est à moi » (
Ag 2,8), et je les donnerai à qui je voudrai.

Si je voulais me rendre coupable d'inconvenance, je rirais ici à gorge déployée, pour me moquer de ceux qui parlent ainsi, car ils sont semblables à de petits enfants qui, admis à la table d'un roi, avaleraient, en même temps que les mets royaux, tout ce qui leur tomberait sous la main. C'est ainsi qu'ils mêlent leur pensée à celles des saintes Ecritures. Ces paroles : «L'argent est à moi et l'or est à moi », ont été dites, je le sais, par le prophète, mais celles-ci : Je le donnerai à qui je voudrai, ne se trouvent point chez lui, elles y ont été introduites par ces gens misérables. Voici pourquoi le prophète Aggée parle ainsi. Comme il avait promis souvent aux Juifs, après le retour de Babylone, de leur montrer un temple aussi beau que l'ancien, quelques-uns n'ajoutaient pas foi à ses paroles, et ils pensaient que c'était une chose presque impossible que le temple, après avoir été réduit en cendres et en poudre, apparût dans son ancienne splendeur, et lui, pour dissiper leur incrédulité, parle au (533) nom de Dieu, et c'est comme s'il disait : Que craignez-vous? Pourquoi n'avez-vous pas foi? « L'argent est à moi et l'or est à moi », et je n'ai point besoin, pour construire mon temple, de l'argent emprunté avec usure. Et il ajoute : « La gloire de cette maison sera au-dessus de la gloire de la première ». (Ag 2,10) N'allez donc pas mêler des toiles d'araignées à un vêtement royal. Car si l'on surprenait quelqu'un occupé à mêler à la pourpre un tissu grossier, on le punirait du dernier châtiment ; et, à plus forte raison, quand il s'agit du spirituel, car ce n'est point là une faute légère. Et que dire des additions et des soustractions? Le changement d'un point et une leçon différente, donnent souvent lieu à des sens absurdes.

3406 6. D'où viennent donc les riches? Direz-vous. C'est qu'il est dit en effet: « Les richesses et la pauvreté viennent du Seigneur ». (Qo 2,14) Nous demanderons à ceux qui nous adressent cette objection : est-ce que, toute richesse et toute pauvreté viennent du Seigneur? Qui pourrait le prétendre? Nous voyons que c'est par les rapines, les tombeaux ouverts, et les duperies et les autres méfaits de ce genre qu'on se procure souvent les richesses, et que ceux qui les possèdent ne méritent pas même de vivre. Répondez-moi; direz-vous que ces richesses viennent de Dieu ? Loin de là; mais d'où viennent-elles? Du péché. Car la courtisane qui livre au déshonneur sa personne, s'enrichit; et le bel adolescent qui vend sa beauté, possède de l'or au prix de la honte ; et celui qui ouvre les tombeaux et les pille, amasse des richesses iniques, et de même le voleur qui perce les murs. Est-ce donc du Seigneur que viennent toutes les richesses? Mais, direz-vous, que répondrons-nous à cette parole de l'Ecriture?Apprenez d'abord que la pauvreté même ne vient pas de Dieu, et ensuite nous y viendrons. En effet, quand le jeune homme prodigue dépense sa fortune avec les courtisanes, les magiciens, ou se ruine par d'autres passions, et qu'il devient pauvre, n'est-il pas clair que ce n'est pas Dieu qui l'a rendu ainsi, mais sa propre prodigalité ? D'un autre côté, si l'on tombe dans la pauvreté par paresse ou par folie, ou parce qu'on s'est laissé aller à des entreprises dangereuses et iniques, n'est-il pas manifeste que, dans aucun de ces cas, ce n'est point Dieu qui vous a jeté dans la pauvreté. L'Ecriture ment donc? Loin de là, mais c'est folie de ne pas examiner ses paroles avec tout le soin qu'elles méritent. Car si nous confessons que l'Ecriture ne peut mentir, et si nous avons prouvé que toutes les richesses ne viennent pas de Dieu, la difficulté vient de la faiblesse d'esprit de ceux qui lisent sans réflexion. Et il faudrait les renvoyer, après avoir ainsi justifié l'Ecriture de leurs accusations, et les punir de la négligence avec laquelle ils lisent les Ecritures. Mais je leur pardonne, et pour ne pas les laisser plus longtemps dans le trouble, je veux leur indiquer la solution, en rappelant d'abord quel est l'auteur de ces paroles, en quel temps et à qui il les a dites.

Dieu, en effet, ne parle pas semblablement à tous; de même que nous ne parlons point de la même façon aux enfants et aux hommes. Quand donc ces paroles ont été prononcées, et par qui, et à qui? Par Salomon, dans l'Ancien Testament, et elles furent adressées aux Juifs qui ne connaissaient que les choses sensibles, et qui estimaient par là la puissance de Dieu. Ce sont ceux qui disaient : « Pourra-t-il nous donner du pain ? » (Ps 78,20) et : « Quel prodige nous montres-tu? (Mt 12,38) Nos « pères ont mangé la manne dans te désert. « (Jn 6,31) Ceux dont le ventre est le Dieu». (Ph 13,19) Comme c'est ainsi qu'ils concevaient Dieu, il leur dit : Dieu peut aussi faire des riches et des pauvres; non pas qu'il le fasse toujours, mais il le peut, quand il lui plaît; ainsi a-t-il dit « Celui qui menace la mer, et la dessèche, et change en déserts tous les fleuves » (Na 1,4), quoiqu'il ne l'ait jamais fait. Comment donc le prophète entend-il cette parole? Il ne veut pas dire que Dieu le fasse toujours, mais qu'il peut le faire. Quelles sont donc la pauvreté et les richesses qu'il donne? Souvenez-vous du patriarche, et vous saunez les richesses que Dieu donne. C'est Dieu lui-même qui a donné ses richesses à Abraham, et plus tard à Job, qui dit : « Si nous avons reçu les biens du Seigneur, pourquoi ne supporterions-nous pas les maux qu'il nous envoie? » (Jb 2,10) C'est là aussi la source des richesses de Jacob. La pauvreté qui vient de Dieu est aussi louable; c'est celle qu'il enseigne aux riches, disant : Si tu veux être parfait, vends ce que tu possèdes, donne tout aux pauvres, et viens, (534) suis-moi (Mt 19,21), et la recommandant en un autre endroit à ses disciples, et disant « Refusez-vous à posséder de l'or, de l'argent ou deux tuniques ». (Lc 9,3) Ne dites donc pas que c'est Dieu qui donne toutes les richesses, car nous avons montré que c'est par le meurtre, les rapines et mille autres méfaits qu'on les amasse.

Mais ramenons le discours à notre première question : si les richesses ne sont utiles à rien, pourquoi sont-elles créées? Que répondrons-nous? Que les richesses ainsi amassées ne sont pas utiles, et que celles qui viennent de Dieu sont très-utiles. C'est ce que vous pouvez apprendre par les actions mêmes des riches. Car Abraham. possédait ses richesses pour les étrangers et tous les nécessiteux. Quand arrivèrent chez lui trois hommes, ainsi qu'il croyait, il tua un veau et pétrit trois mesures de farine; toujours assis à sa porte à l'heure de midi; voyez sa libéralité toujours empressée à dépenser ses biens pour tous; voyez-le payant de sa personne, ainsi que de ses richesses, et encore dans une vieillesse avancée. Il était le port des étrangers et de ceux qui étaient dans la nécessité, ne possédant rien qui lui fût propre, pas même son fils, car il le sacrifiait sur l'ordre de Dieu, et avec son fils il se donnait lui-même, et toute sa maison, quand il fut si prompt à délivrer son neveu. Et il ne le faisait point par amour du gain, mais par humanité. Quand ceux qu'il avait délivrés le mirent en possession des dépouilles, il refusa tout, jusqu'au fil d'une robe, et jusqu'au cordon d'une sandale.

3407 7. Tel était aussi le bienheureux Job, car il disait : « Ma porte était ouverte à tout venant. J'étais l'oeil des aveugles et le pied des boiteux ; j'étais le père des infirmes, aucun étranger ne demeurait à ma porte » (Jb 31,33Jb 29,15 Jb 29,16) ; les infirmes, quand ils s'adressaient à moi dans le besoin, n'étaient point trompés dans leur espoir, et je n'ai point permis qu'un pauvre sortit de ma maison l'estomac vide. Je ne puis tout énumérer, mais il faisait plus encore, distribuant son argent à tous les nécessiteux. Voulez-vous voir maintenant les riches que Dieu n'a point faits, et savoir comment ils ont usé de leurs richesses? Voyez celui de Lazare, qui ne lui donnait pas même les miettes de sa table; voyez Achab qui a enlevé au pauvre sa vigne ; voyez Giézi et tous ceux qui furent comme lui. Ceux qui possèdent les richesses à juste titre, parce qu'ils les ont reçues de, Dieu, les dépensent conformément à ses préceptes; ceux qui ont offensé Dieu en les acquérant, l'offensent encore en les dépensant; en les prodiguant à des courtisanes et à des parasites, en les cachant et en les enfouissant, et en n'en donnant rien aux pauvres. Et pourquoi, direz-vous, Dieu permet-il que de tels hommes soient riches? Parce qu'il est patient, parce qu'il veut nous amener à la pénitence, parce qu'il a préparé la géhenne, et fixé le jour où il jugera lé monde. S'il frappait tout de suite les riches, Zachée n'aurait pas eu le temps de se repentir, de rendre. le quadruple de ce qu'il avait ravi, d'ajouter même la moitié de ses biens. Matthieu n'aurait pas eu le temps de se convertir et de devenir apôtre,, s'il avait été enlevé avant l'heure favorable, et ainsi de beaucoup d'autres. C'est pourquoi Dieu attend, les appelant tous à la pénitence, s'ils s'y refusent, s'ils persistent dans leurs péchés, ils entendront Paul leur dire : « Qu'à cause de leur dureté et de leur coeur impénitent, ils amassent contré eux de la colère, au jour de là colère, de la révélation et du jugement équitable de Dieu ». (Rm 2,5). Evitons cette, colère, enrichissons-nous des richesses célestes, et poursuivons la pauvreté louable. C'est ainsi que nous atteindrons les biens célestes; puissions-nous les obtenir tous, par la faveur et la bienveillance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, conjointement avec le Père et le Saint-Esprit, appartiennent la gloire, la puissance, l'honneur, aujourd'hui et toujours, et jusqu'à la fin des siècles. Ainsi soit-il.


En cette fête de saint Jean Chrysostome une lecture stimulante par le P. de Forges

Écoutez 2019 - 05 - 09 DeForges Les richesses sont-elles dangereuses pour le salut ? de Podcast du College des Bernardins dans Podcasts. https://podcasts.apple.com/fr/podcast/podcast-du-college-des-bernardins/id1077794976?i=1000448706009

07 septembre 2019

Au fil de Luc 14, 25-33, Homélie du 23ème dimanche du Temps Ordinaire

Notes pour une homélie donnée à Notre Dame des Puits
Où est notre priorité ?
Les textes d’aujourd’hui nous conduisent très loin, sur une haute montagne qui semble impossible à gravir.
Sagesse 9 insiste sur notre corps de chair qui nous retient vers les choses matérielles. Dans l’Epître Paul demande à Philémon de passer au dessus des liens d’esclavage qui le relie à Onésime.
Dans l’Evangile Jésus nous demande de renoncer aux liens familiaux...

Ces textes demandent beaucoup. Ils nous introduisent à une double contemplation et un double déplacement. ils s’inscrivent dans la ligne de l’Evangile de dimanche dernier qui nous parlait d’abaissement. (Luc 14, 7sq).

Mais Luc va plus loin. Car entre le texte d’aujourd’hui et celui de dimanche dernier, il y a une forme d’exigence. Luc nous parle entre les deux d’un banquet où les invités habituels ne viennent pas, insistant aussi sur ceux qui n’ont pas l’apparence mais le cœur. 

« Jésus lui dit : « Un homme donnait un grand dîner, et il avait invité beaucoup de monde. À l'heure du dîner, il envoya son serviteur dire aux invités : "Venez, tout est prêt." Mais ils se mirent tous, unanimement, à s'excuser. (...) pris de colère, le maître de maison dit à son serviteur : "Dépêche-toi d'aller sur les places et dans les rues de la ville ; les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux, amène-les ici." (...) Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner." » (Lc 14, 16_24)
Je vous invite ce soir à relire l'ensemble du chapitre pour entrer dans sa dynamique propre.
Quel est finalement l'enjeu ?
La clé finale est donnée aujourd'hui.
L'enjeu est triple.
  1. Renoncer à ce corps périssable qui nous retient 
  2. Nous laisser pénétrer par la Sagesse et l’Esprit Saint
  3. et fort de cela mettre l'amour en premier...
Quand je parle d'amour il s'agit pas uniquement de cet amour d'échange que nous avons tendance à privilégier : « je te donne parce que tu me donnes ». Il s'agit d'un autre amour, de l’amour qui ne cherche pas son intérêt (cf. 1Cor 13). Du véritable amour qui n'est pas celui que l'on porte à ceux qui nous rendent leur affection mais d'un amour qui s'efface. Un amour qui est don....

Sommes-nous prêts à cela ?
La barre est haute... Elle est très haute pour tous. Car aimer Dieu plus que son père et sa mère, sa femme ou ses enfants c'est entrer dans le don total, dont le Christ est le seul exemple parfait.
La tension est importante.
L'important est de se mettre en marche... de ne pas rester statique.
On peut courir même, comme le suggère Paul (Ph 3)

Cela peut conduire néanmoins à un conflit intérieur.
Cela peut engendrer de la culpabilité...
Deux remarques à ce stade.
  1. La culpabilité est souvent le jeu du malin qui veut nous empêcher d'agir...
  2. Luc nous invite à discerner... Ni se précipiter, ni fuir...
Discerner... c'est le deuxième message de l'Evangile...
Ne pas en faire trop.. avancer à la mesure de nos forces....
Entrer dans la danse de l'amour
Faire le premier pas qui nous conduit au deuxième. Quand on aime vraiment, on ne compte plus ses pas... L'important est d'avancer.

Luc ne s'arrête pas là. Tout en plaçant bien haut l'appel, il se prépare à nous parler de miséricorde...
Alors pour ne pas perdre sa perpective. Au lieu de lire seulement le chapitre 14, lisez aussi le  chapitre 15... Non pas dans une lecture superficielle mais dans cette attention que nous demande Jésus : « commence par t’assoir ». S’il le répète deux fois, c’est que notre discernement est en jeu...

30 mai 2019

Homélie de mariage 2 et 3 - 1 Corinthiens 13 et Matthieu 5

Ci-joint un extrait de l'ébauche de ma troisième homélie de mariage qui reprend en partie la fin de ma deuxième homélie de mariage. Commentaires bienvenus...
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Vous êtes des sages.... il transparaît en vous une sagesse. (...) On sent chez vous une recherche profonde, qu'on lit à livre ouvert dans cette première lecture que vous avez choisi : s'il me manque l'amour, je ne suis rien...
L'amour est là. On le sent tout particulièrement chez vous au point que j'ai envie de m'agenouiller. En effet qui suis-je pour juger ce qui vibre en vous, vous a fait dépasser les préjugés, les histoires, le passé pour espérer l'un dans l'autre, mettre votre confiance l'un dans l'autre, avancer ? 
Je vais vous confier un secret, si j'ai envie de m'agenouiller devant vous, c'est bien parce que je reconnais entre vous une tendresse très particulière, qui vous embrase et vous dépasse. Votre amour est né en vous mais il vient d'ailleurs, il vient de Dieu. Ce n'est pas moi qui l'affirme, c'est vous mêmes dans cette belle première lecture que vous avez choisi. 
Rappelez-vous : 
« S'il me manque l'amour, je ne suis rien »
J'aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j'aurais beau me faire brûler vif, s'il me manque l'amour, cela ne me sert à rien.
L'amour prend patience ; l'amour rend service ; l'amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d'orgueil ; il ne fait rien d'inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s'emporte pas ; il n'entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L'amour ne passera jamais. (1 Cor 13)
Cet amour, vous l'avez reconnu en vous et pourtant il parle de Dieu, il parle de son Fils, mort sur la Croix. Un amour qui « espère tout, qui endure tout. Un amour qui « ne passera jamais »
Quand je me suis marié, moi aussi, j'ai été porté par un beau texte que j'avais choisi le jour de mon mariage et qui disait à peu près ça : « oubliant le chemin parcouru je me laisse saisir par l'amour ». je vous souhaite de vous laisser saisir par ces textes que vous avez choisi, car c'est un chemin, une course infinie.
Quel est l'enjeu ?
Devenir « le sel de la terre. (...)  la lumière du monde. (...) Que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » (Matthieu 5)
Je reprends cet Evangile que vous avez vous-même sélectionné.
Le sel de la terre.
Qu'est-ce que le sel...? 
Une saveur, un amplificateur de goût, un réveil des sens ? 
Ce n'est pas rien d'être le sel de la terre. Cela implique, pour Jésus, de réveiller l'amour là où il a perdu son goût, d'aller jusqu'au bout de l'amour. Lui a été jusqu'à La Croix. Et vous, jusqu'où irez-vous ?
Tout à l'heure vous allez vous engager l'un vers l'autre pour la vie, pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur vous n'aurez pas forcément besoin de Dieu. Peut-être pourrez-vous lui dire un petit merci....
Pour le pire, vous vous demanderez où Il est passé ? Et vous serrerez les dents, comme vous avez su le faire dans le passé. Et bien, même si vous ne sentez pas sa Présence je vous assure qu'il sera là. Parce qu'il est Amour. Parce qu'il vous aime. Parce qu'il vous a choisi l'un comme l'autre. Parce qu'il vous a conduit l'un à l'autre.
Par votre façon de vivre, par votre ouverture aux autres, vous êtes déjà sur cette voie. Que dire ? 
L'Amour est plus fort que la mort, les souffrances, les obstacles, les chaos de la vie.
Aimer pour la vie c'est entrer dans l'Espérance de la résurrection 
Ce qui compte c'est cette symphonie, cette maison vivante que vous constituez et que vous n'allez pas cesser de construire.
L'amour qui coule déjà en vous est un Fleuve immense, une source de lumière pour les autres 
Un Amour qui ne cesse de jaillir...
Je vous souhaite de continuer à vivre ce chemin sans faillir. Votre amour est signe. Qu'il le devienne pour tous ceux qui vous entourent. C'est dans l'amour donné, partagé, débordant que Dieu se manifeste, qu'il agit, et qu'il vous soutient...

01 février 2019

Au fil de Luc 4, 21-30, le prophète ou les larmes de Dieu - Homélie du 4ème dimanche du Temps Ordinaire

Projet pour le 3/2/19 - version 4
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Avez-vous déjà perçu les larmes de Dieu ? prenons le risque d’une métaphore humaine et poétique : si nous écoutions la pluie, comme le signe d'un Dieu qui pleure ? Ou la neige, comme le silence de Dieu souffrant.
Est-ce que nous entendons la souffrance du Dieu trinitaire (1), depuis le cri qu'il lance à l'homme dans le jardin d'Eden, jusqu'au cri du Christ en croix ? 
« Où es-tu ? », dit-il à Adam (Gn 3) - J’ai soif [de toi] (2), lance-t-il en Croix (Jean 19, 28, (cf. mon livre éponyme)

Les textes que nous avons entendus ce 4ème dimanche du temps ordinaire, nous dévoile la fonction du prophète. Ils font à leur manière résonner la parabole des vignerons homicides qui tuent les envoyés du maître...
Qui est le prophète ? N’est-ce pas celui qui nous fait part de la désolation de Dieu. Dans la première lecture, Dieu lui demande de revêtir sa ceinture (Jérémie 1), une ceinture bien fragile (cf. Jer 13 sq). De la même façon, par une allusion à Élie, Jésus nous conduit dans l'évangile sur les pas du grand prophète jusqu'à Sarepta, (cf. 1 Rois 17, 9 sq) retrouver la veuve qui n'a plus rien et qui s'apprête à mourir avec son fils. 
Quel est l'enjeu, sinon que Dieu as entendu son cri, loin de l'indifférence de son peuple, qui dans son opulence, n'entend plus Ses appels.

Par ce récit (Luc 4) , Jésus nous fait entendre sa désolation et les larmes qu'il verse sur son village natal incapable de reconnaître sa fonction de prophète. 
C'est au sein de cette tension que deux clés se révèlent. Deux clés qui nous conduisent à une contemplation et une méditation.

1ère clé 
Nous avons entendu déjà, la semaine dernière, le début du texte. Il s'est arrêté, sur la notion d'accomplissement, aujourd'hui nous allons un peu plus loin. 

Je vous propose de contempler encore cette notion d'accomplissement, de la « manduquer » dans un premier temps, avant de méditer sur la deuxième lecture et sur ce qu'elle me dit de l'amour de Dieu.

Premier temps - contemplation.
L'accomplissement, ce que le Christ  me dit comme accompli, se tend dans les évangiles entre cette affirmation de Jésus à Nazareth et ce « tout est accompli » qu'il prononce sur sa croix.
Savez vous combien de fois le mot accompli est cité dans l'évangile ?
En fait on le trouve une petite vingtaine de fois dans l'évangile, mais ce qui est frappant, c'est que c'est l'un des premiers mots de Jésus dans Luc et le dernier dans Jean. Tout est accompli. C'est peut-être cela que nous avons à contempler aujourd'hui. Un Dieu qui fait tout pour l’homme, jusqu’à donner son Fils et qui pleure sur son Amour rejeté par l’homme.
C'est néanmoins dans cette tension entre le début et la fin de son ministère, que Jésus va tenter de d’aller plus loin, de révéler la hauteur de l'amour de Dieu et en meme temps sa souffrance de n’être  pas entendu. 

La deuxième clé est enchâssée dans la première : cet amour infini de Dieu qui cherche à se révéler.

C'est cet amour de Dieu que nous avons à méditer et que saint Paul nous révèle dans la deuxième lecture.

« L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil (...) ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; (..) il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. » (1 Cor 13). Ce que Paul nous dit, ce qu'il nous révèle entre les lignes, c'est d'abord l'amour de Dieu avant d'être une exhortation sur ce vers quoi nous devons tendre. Le chemin du prophète, le chemin de Jésus, n'est ce pas finalement de nous révéler l'amour avec un grand A
Ce n'est que lorsque que nous avons découvert cela que nous pouvons passer au deuxième temps et à une méditation sur ce que cela appelle chez nous.

Deuxième temps - Exhortation 
Quel est le but de Paul, quel est le message de Jésus ? N'est-ce pas finalement nous faire goûter la largeur, la profondeur, la grandeur et la hauteur de l'amour de Dieu. Il n'est pas anodin que les fiancés prennent ce texte pour leur mariage. C'est l'amour idéal, c'est l'amour de Dieu, c'est l'amour d'un Dieu qui pleure. Prenons le temps de méditer cela. 

Si Dieu pleure, c'est sur l'aveuglement des hommes. 
Mais après la pluie il y a toujours le signe de l'alliance, le signe d'un dieu qui est espérance, l'arc-en-ciel, ce clin d'œil de Dieu qui précède le soleil, la lumière la chaleur, la vie. Dieu nous fait signe, il me dit qu'au-delà des pleurs, au delà des larmes, vient l'amour. Alors écoute ton Dieu pleurer et cherche au fond de ton cœur comment répondre à son amour infini, comme entendre son cri, comment répondre par l'amour à un amour qui se donne sans chercher son intérêt, jusqu'au bout. 

(1) cf. aussi François Varillon, La souffrance de Dieu
(2) cf. mes travaux évoqués, mais aussi une réflexion de sœur Térésa


13 octobre 2018

Homélie de Baptême - 1 - Au fil de Marc 9, 39

Regardez ce petit enfant, dans sa fragilité, dans sa quiétude relative.
Qu'est-ce qui vous frappe ?
Pourquoi Jésus le met au centre dans cet Évangile (Mc 9, 30-37) que nous avons lu, une seconde fois ?
Prenons le temps, un instant de nous poser la question.

Pourquoi Jésus met l'enfant au centre dans cet Évangile ?

Je vous propose une réponse, fragile. Car je suis, moi aussi un petit enfant « diacre », tout juste sortie du grand berceau de la cathédrale de Chartres, mystérieusement réceptacle d'un don particulier dont je n'ai pas encore mesuré l'importance.

Ce don est le même, d'une certaine manière, que celui reçu par X. Il est donné par « le grand donateur qui s'efface » . Un grand donateur qui va jusqu'à nous donner son Fils et se taire. Pourquoi ce silence ? Pourquoi se tait-il ?

Le silence de Dieu, qui nous interpelle tous, un jour ou un autre, est sa marque de fabrique. Il donne et se tait.
Qu'a-t-il donné ?

Je vous propose une réponse, en tout cas la plus essentielle : Il nous donne la Foi, l'Espérance et la Charité.

X a confiance en sa maman, et même foi dans sa maman. Quand il la regarde, il sait qu'elle le comblera. Enfant, il n'en doute pas encore.
Et nous, doutons-nous de Dieu ?
Redevenons comme un enfant nous dit Jésus.

X vit dans l'espérance. Il sait que même si sa maman s'est absentée, elle reviendra.
Nous avons plus de mal à espérer…
Surtout quand la souffrance nous tombe dessus.

Notre vie entière, même embourbée dans le marécage de nos addictions, devrait être, pourtant, comme lui, dans l'attente de cette branche d'olivier rapportée par la colombe le jour du déluge (Gn 7). Un jour il reviendra. « Il est ressuscité » nous disent les 4 Évangiles.

X a, en lui, une réelle capacité d’Amour et de Charité. Il l’a reçu de Dieu, Elle dort en lui et ne demande qu'à’ “servir”.
Il va y travailler ! Il va recevoir, comme nous, l’Esprit de charité dans le silence de son baptême. Nous aussi, nous pouvons, comme lui, en faire usage.

C'est pour moi ma première mission de diacre et je me trouve, comme X très démuni.

Pourtant, il y a, autour de moi, des parrains dans la foi, qui m'aideront à me libérer de mes adhérences au mal’.

C’est cette sortie des eaux de la mort que nous allons exprimer tout à l’heure.

Mes parrains dans la foi vont m’aider à traverser encore et toujours les tentations qui m’embournent pour me conduire et m’accompagner au désert (Os 3), celui de l'attente, du silence, de la prière.

Parrain, marraine, et nous tous autour de lui, c'est notre premier rôle. Faire découvrir chez X, que seul l'amour véritable vaut la peine d'être vécu.
« Si vous n'avez pas la charité », X ne l'aura pas. Si elle n'est chez nous « qu'une cymbale qui sonne creux »(1 Co 13), X devra la trouver tout seul, et traverser le désert bien démuni.

Il aura soif (Jn 4, Jn 19) et c'est à vous de lui apporter l'eau. Cette eau vive (Jn 4) qui guérit et vivifie.

Si vous ne savez plus où se trouve cette source, penchez vous à nouveau vers la Croix. C'est de la Croix qu'elle jaillit. C'est le don de Dieu. Le seul, l'unique : la charité vient de Lui, elle se ressource en Lui, elle se contemple dans la Croix.

Je vais vous confier un secret. A chaque eucharistie, je contemple la Croix. (...)

Pourquoi je lève la tête? Parce que le pain offert et consacré n'est rien, s'il n'est compris comme le don total, immense, d'un amour qui se donne et s'efface. Et c’est ce que j’ai besoin de contempler.

Le seul amour est celui qui se donne et s’efface ensuite.
C’est celui de cette maman et de ce papa qui nous apportent X.
C’est celui auquel nous sommes appelés, chacun à notre manière.
C’est celui de ce Christ, reçu il y a quelques instants dans notre coeur.

Il nous faut prendre le temps de nous disposer à l'accueillir. Lui laisser une place.
Et pour cela, laisser l’Esprit creuser en nous un espace, un temple (1 Co 3), pour que Dieu laisse fasse en nous jaillir sa source, pour que nous puissions y puiser, et agir.

03 octobre 2018

Théologie du corps - L’amour est en toi 17

C’est peut-être dans la première lettre aux Corinthiens que se dévoile le mieux la théologie chrétienne du corps. D’abord dans les premiers chapitres où Paul parle de notre corps comme temple de l’Esprit et met de fait tout notre rapport au monde en tension avec notre ouverture au divin.
«Ne le savez-vous pas? Votre corps est le sanctuaire de l’Esprit saint qui est en vous et que vous tenez de Dieu; vous ne vous appartenez pas à vous-mêmes, car vous avez été achetés à un prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps.»
‭ (1 Co ‭6:19-20‬)
Cette théologie est héritage du premier Testament. L’hébreu est lui-même objet d’interprétation puisque le mot « basar » est en grec traduit soit par sarx (chair) ou soma (corps) alors que cette chair est habitée par nephesh (le souffle de vie) et ruah (relation disposée vers Dieu)
Bien sûr, on peut passer aux côtés de cette théologie, mais c’est faire impasse sur Gn 2, don du souffle et appel à faire une seule chair.
Il y a dans le don du corps à l’homme à la fois une infinie liberté et une invitation : être signe d’une danse symphonique entre l’homme et Dieu dans la « chair même » d’une danse des corps.
Saint Jean Paul Il l’a bien compris dans ses catéchèses, « l’union conjugale peut être liturgie » dit-il.
Si nos corps à corps deviennent symphonie, c’est qu’en portant du fruit, ils participent à la création du monde. J’entends cela au sens le plus large du mot fécondité.
Et c’est là où les chapitres 12 et 13 de Corinthiens entrent en compte. Si je n’ai pas l’amour je ne suis rien. « L’amour prend patience, ne cherche pas son intérêt », est don total (agape) qui s’oublie dans une fécondité sans retour, qu’elle soit dans une autre chair ou d’un autre ordre.
Alors pouvons-nous comprendre Ephesiens 5 : «Maris, aimez votre femme comme le Christ a aimé l’Eglise: il s’est livré lui-même pour elle,»
‭‭(Eph. 5:25‬),
L’amour humain est tremplin vers l’agape. S’en priver n’a de sens que s’il est don renouvelé de soi. S’y consacrer à l’inverse n’est pas chemin de perdition. Il est don pour une même diaconie : l’amour conjugal devient sacrement dans l’effacement de la chair qui devient temple de la vie reçue et donnée (1)

  1. en résonance avec un cours d’Eric Morin aux Bernardins sur 1 Co 7 (https://www.collegedesbernardins.fr/content/saint-paul-la-premiere-lettre-aux-corinthiens-2017) et mes travaux publiés sous le titre de Aimer pour la vie, essai de spiritualité conjugale