30 décembre 2006

Colère de Dieu - II

Pour Balthasar, sans la colère de Dieu, il ne pourrait pas y avoir de grâce. La colère et la tendresse sont inséparables (1)
La colère de Dieu est cependant pour lui une colère maîtrisée. Comme Jésus qui s'irrite, se met en colère contre les pharisiens. Mais cette n'est pas incompatible avec son amour mais bien au nom de l'amour du bien. Il faudrait donc pour lui percevoir la colère avec la même intensité que la miséricorde et la tendresse comme des attributs essentiels mais contenu et maîtrisé, intrinsèque à la nature divine ?
L'erreur serait par contre de voir dans les séismes ou la peine injuste la manifestation de Dieu.
(cf. la distinction reprise chez Thomas d'Aquin).

(1) Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, p. 315

Ecoute...


Ecoute, tel est le premier mot de la règle de St Benoît. Dans notre société de l'information, l'interpellation à écouter prend une coloration particulière. Elle est invitation au silence et à une réceptivité nouvelle. Mais notre monde est il prêt à ce silence, à éteindre "les machines à bruit" pour laisser passer le souffle ténu, le bruit du fin silence qui souffle au fond de notre coeur...

Balise : Prier, Silence

22 décembre 2006

La tendresse de Dieu

C'est le temps de Noël... Chemins de lecture fait une pause et vous laisse méditer la tendresse de Dieu, qui dans les traits d'un petit enfant, vient habiter notre humanité...

20 décembre 2006

Un oui d'amour

Quand on compare le non libre de l'homme et le "oui" d'amour "purement gracieux et totalement sans cause de Dieu", on perçoit la distance abyssale de l'amour divin "qui suscite l'intensification croissante et sans cause (cf. Jn 15,25) de la haine humaine". (1)
On perçoit aussi la distance entre notre oui et celui du Christ.
Distance et appel...

(1) ibid p. 313

19 décembre 2006

L'abandon de Dieu...

La situation du Christ est pour Urs von Balthasar plus radicale et plus accablante que celle subie par le pécheur, parce qu'elle se déroule à un niveau de profondeur que nulle créature ne pourrait soupçonner, celle de la relation entre les hypostases divines. C'est pourquoi, ajoute-t-il, "l'abandon de Dieu est le contraire de l'enfer tout en étant son authentique réalisation. C'est pourquoi, les plaies du Christ demeurent éternellement ouvertes" (1)
N'est-ce pas aussi d'une certaine manière, le prix de notre liberté... Un prix bien cher à payer et que nous ne pourrons pas rembourser... Un prix qui nous interpelle surtout, signe élevé pour nous élever...

Urs von Balthasar, ibid p. 312

18 décembre 2006

Kénoses multiples...

Balthasar définit 3 niveaux de la même kénose :
1) la désappropriation du Père dans le Fils
2) celle du Fils en l'Eucharistie
3) de l'ensemble de la Trinité, dans le nous Trinitaire
Enfin, de part cette kénose originelle, d'autres kénoses de Dieu sont rendues possibles :
a) L'"autolimitation du Dieu Trinitaire" dans le don de la liberté aux créatures,
b) L'alliance indissoluble du côté de Dieu
c) L'eucharistie pro-nobis qui n'est pas que la kénose du Fils seul mais un don trinitaire, au monde, de la croix et de la résurrection.
En ce sens, Balthasar interprète l'échange admirable comme au coeur de l'impuissance de Dieu, plus fortes que toutes les puissances d'amour ou Dieu accepte d'aller jusqu'à être bouc émissaire, toute impuissance, jusqu'à aller au point d'éprouver le mal qui résulte du péché (il s'est fait péché). Pour lui la plus grande distance, infinie entre Dieu et le fils est le résultat même de cette impuissance.
Cette vision kénotique corrige à mon avis les premières impressions qui laissaient voir la distance comme une apatheia du Père. Le concevoir comme une kénose lui donne une autre dimension, celle de faire apparaître l'abandon comme l'acte ultime de la tendresse de Dieu, celle qui plonge l'ensemble de la trinité dans une démarche kénotique...

Urs von Balthasar, Dramatique divine, 3, p 305 à 312
Balises : Kénose Bathasar

17 décembre 2006

Fils Prodigue revisité

Et si nous devions relire le Fils prodigue (Luc 15) à l'échelle de l'humanité entière. Dieu aurait une multitudes de fils perdus et il n'aurait de cesse de guetter leur retour pour leur donner la place de fils, leur mettre les sandales au pieds, celle de l'homme libre et non du va-nu-pieds, les habiller de la robe de l'héritier...
Files infinies des hommes qui se présentent penauds et que Dieu comble de la joie du Père...
Et foules inombrables aussi des fils aînés qui ne connaissent pas la joie d'un "tout ce qui est à moi est à toi" et qui méprisent ceux que Dieu attends...
Suis-je loin de la réalité... ?

16 décembre 2006

Dieu est dans le don - II

Pour Urs von Balthasar, en Dieu "se trouve le point de départ de ce qui peut devenir souffrance". Il note à ce sujet l'imprudence du Père qui se donne (et donne tout ce qui lui appartient). Une imprudence qui mène à celle du Fils qui reçoit tout en acceptant de se laisser lui aussi prodiguer mais aussi à celle de l'Esprit qui en même temps lui est donné et se heurte à une liberté qui refuse de répondre à cette imprudence et la déforme en la prudence de celui qui veut prendre par lui même toute initiative. (1)
Peut-on dire que l'amour est imprudence et donc point de départ d'une souffrance possible ? N'est-ce pas là ce qui distingue d'une certaine manière l'éros de l'apapê, ce saut dans l'incertitude et dnas la confiance où l'on s'expose au non retour d'autrui... On peut entrevoir ici l'extrême imprudence de Dieu qui confie à nos mains le monde...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.303-304

Balises : Don, Agapê, Lévinas, Balthasar

Prier - 2

Prier, c'est ne plus être seul - et ce n'est pas seulement l'individu, c'est l'humanité toute entière qui est solidaire -, prier, c'est émerger comme l'homme qui se noie, émerger à la surface des eaux de sang, d'ennui ou de frénésie de l'histoire pour respirer un instant l'aire de l'éternité. - non pour fuir l'histoire, mais pour y devenir patient et tenace, humblement serviteur de la vie, à la fois réaliste et visionnaire. (...) "Trouve la paix intérieure, et des milliers se sauveront à tes côtés ", disait au siècle dernier Séraphin de Sarov, qui à la fin de sa vie, vibrait d'une telle intensité pascale qu'il accueillait chaque visiteur de ces mots : "Ma joie, Christ est ressuscité !"

Source : Olivier Clément, Parole et pain, nº 37

15 décembre 2006

La Prière

Il n'y a rien qui ne demande plus d'effort que de prier Dieu. Car chaque fois que l'homme veut prier, les ennemis cherchent à l'en détourner ; ils savent en effet qu'on ne peut résister que si l'on prie Dieu. Et quel genre de vie vertueuse que l'homme poursuive, il trouvera son repos s'il y persévère ; quant à la prière, elle réclame le combat jusqu'au dernier soupir.

Agathon l'ermite, Témoignages des Pères du désert, cité par Magnificat, Juin 2004

Dieu, principe de division...


Dieu est principe de division, nous dit Balthasar...

Peut-on parler d'un Dieu qui tend vers l'humanité ? Peut-on dire que cette tension se cristallise en Christ, Dieu-Fils qui est différent du Père et expression de cet amour du Père, libre et fidèle au don voulu d'un Dieu aimant ?

Pour Urs von Balthasar, ce don n'est pas externe mais intérieur, "à l'intérieur du premier geste de Dieu". L'amour absolu qui se donne soi-même sans cesser d'être amour et se faisant est "plus fort que l'enfer" dans l'ordre "englobant de la distinction réelle absolue du Père et du Fils". Il se donne sans se perdre. "Il ne s'évanouit pas avec le don". Il est la totalité d'existence divine dans ce don même. Pour le théologien, ainsi se manifeste à la fois toute la puissance infinie et toute l'impuissance de Dieu puisqu'il ne saurait être Dieu autrement que dans cette kénose intra-divine. (1)

Je pense que le paradoxe de la puissance et de l'impuissance est très bien traduite ici. Ne touche-t-on pas ici à la définition même du décentrement comme don qui ne se perd pas mais reste don permanent. Qui ne se perd pas parce que ce don même est reconnu comme moyen d'être, et de ce fait comme existence.

Pour Balthasar, la conséquence, c'est que le Fils ne peut, à son tour exister en possédant le caractère absolu de divinité que sous le mode de la réception de cette synthèse unique de toute puissance et d'impuissance.

Alors voit-on la totalité de l'imago dei comme être de réception totale et étant par ce fait sujet existant, comme "pouvoir de se faire don", perpétuellement régénéré dans l'existence, malgré le don total, parce qu'étant d'abord réception.

Je suis, être temple, passeur, sarment d'une sève reçue. Le grain existe parce qu'il meurt et peut être à son tour touché au coeur du kérygme...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.302
Balises : Don, Image, Décentrement, Balthasar

13 décembre 2006

Prier selon les exercices

J'ai découvert récemment cette approche de la prière par saint Ignace : "Demander ce que je veux. Ce sera, ici, demander une connaissance intérieure de tout le bien reçu, pour que moi, le reconnaissant pleinement, je puisse en tout aimer et servir sa divine Majesté. Le premier point est de me remettre en mémoire les bienfaits reçus : ceux de la création, de la rédemption et les dons particuliers, pesant avec tout mon coeur tout ce que Dieu notre Seigneur a fait pour moi et tout ce qu'il m'a donné de ce qu'il a, et ensuite que le Seigneur lui-même désire se donner à moi, autant qu'il peut, selon son divin dessein. Et à partir de là, réfléchir (...) sur ce que je veux donner..." Il complète ses réflexions par un bel acte d'abandon: "Prenez Seigneur, et recevez toute ma liberté ; tout ce que j'ai et tout ce je possède ; vous me l'avez donné ; à vous, Seigneur, je le rends. Tout est vôtre, disposez-en selon votre entière volonté. Donnez-moi de vous aimer, donnez-moi votre grâce, celle-ci me suffit."

Source : S. Ignace de Loyola, Exercices spirituels 233-234, Christus nº 76

Sotériologie chez Balthasar - Suite

Procédant du Père et du Fils, "respire l'esprit commun qui scelle la différence infinie tout en la maintenant ouverte (c'est cela même l'essence de l'amour) et parce qu'il est l'unique esprit des deux il fait le lien de leur unité.". Pour Balthasar, la "kénose de Dieu qui se révèle dans la théologie de l'alliance - pour en arriver jusqu'à la croix - et tâche d'atteindre à partir de là le mystère de l'absolu selon une théologie négative : celle-ci, d'une part écartera de Dieu toute expérience et toute science qui le compromettrait avec le monde ; mais d'autre part, elle portera en Dieu les conditions de possibilité de cette expérience et de cette souffrance, de manière à fonder une christologie avec toutes ses implications "trinitaires". Pour Urs von Balthasar cette réflexion permet d'avancer sur "la corde raide" en évitant les "discours à la mode sur la souffrance de Dieu, tout en posant en Dieu un agir" (1)
On voit que Balthasar ne veut pas se désolidariser de la vision grecque d'un Dieu immutable et fait là comme une contorsion entre Dieu et le monde. D'une certaine manière, l'intérêt de cette dissociation est de permettre une vision économique du Christ qui assume par son incarnation ce que Dieu ne peut assurer sans perdre de ce qui fait de lui Dieu. C'est pour Balthasar une façon de "procéder à tâtons bien au delà et aussi loin que possible vers ce que pressent la foi du "mystère des mystères" qu'il voit posé comme insondable"

(1) Balthasar, DD III, p.300-1

Balises : Sotériologie Souffrance Kénose Balthasar

Le présent

La foi s'organise selon le passé, l'espérance selon l'avenir, mais la charité, nous dit Jean-Luc Marion, "se joue au présent". (1) Elle nous rebute, nous inquiète et nous lasse, parce qu'ajoute t-il, "à son sujet, aucune excuse, aucune échappatoire, aucun discours d'excuse ne vaut. J'aime ou je n'aime pas, je donne ou je ne donne pas. (...) inquiétante doctrine qui met toutes choses entre nos mains. D'autant plus inquiétante qu'il s'agit de l'acte le plus simple - aimer ou ne pas aimer."
(1) Jean Luc Marion, La connaissance de la charité, Communion n° 196

11 décembre 2006

Un coeur qui écoute...

En face de Dieu, dans nos rapports les plus intimes avec lui, est-ce qu'un coeur qui écoute n'est pas cette meilleure part dont le Seigneur a dit qu'elle ne nous serait pas ôtée ? (...) Parle, ton serviteur écoute (1 S 3,9) : une attitude fondamentale de l'âme qui sait dans la foi que son Dieu veut entrer en communication directe avec elle. Elle reste ainsi à l'écoute de tous les appels de Dieu, de tous les souffles de l'Esprit. (...) Mais c'est seulement quand un profond silence enveloppe toutes choses que la Parole en nous se déclare. Donne-moi, Seigneur, un coeur qui écoute - car la Parole unique ne multiplie pas les paroles (cf. Mat 6,7). Lorsque le Seigneur (...) prend possession d'une âme, il ne crie pas, il n'élève pas la voix, mais il se tait dans son amour. (...) Il suffit d'écouter dans son coeur le silence de Dieu jusqu'à ce que notre coeur s'affine dans ce silence et que le Seigneur lui donne la sagesse (cf. Pr 2,6)... la sagesse, don qui transforme le silence en saveur nous fait goûter la saveur incréée, l'Esprit.
(...) N'est-ce pas ce qu'attendent obscurément de nous tous nos frères ? Les malades ont souvent plus besoin de cela que de remèdes (...) Un silence plein d'amour, qui entend avec charité la plainte de celui qui souffre, est souvent bien plus efficace que des paroles de consolation.

Soeur Jeanne d'Arc, o.p. Un Coeur qui écoute, Cerf 1966, p. 17-19, cité par Magnificat, Juin 2004

Dieu est dans le don

Pour Balthasar, le Père n'existe pas avant ce don de soi, il est ce mouvement. Balthasar décrit dans ces pages un acte divin qui fait procéder le Fils tout en instaurant une distance absolue infinie. Pour lui dans l'amour du Père, il y a un renoncement à être Dieu pour soi seul, un abandon de l'être-Dieu et, en ce sens, un a-théisme divin, celui de l'amour auquel le Fils répond par "une éternelle action de grâces (eucharistie)" vis à vis de la source.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 300
Voir sur ce thème : Décentrement Balthasar Sotériologie

09 décembre 2006

La Parole...


"La Parole ne veut nullement demeurer sous le boisseau ; elle désire être mise bien en évidence, au sommet de l'Eglise. Dissimulée sous la lettre de la loi comme sous le boisseau, la Parole aurait privé tous les hommes de la lumière éternelle. Elle n'aurait pu donner la contemplation spirituelle à ceux qui cherchent à se dégager de la séduction des sens capables d'illusion et prompts à percevoir seulement les choses passagères inhérentes à la matière. Mais placée sur le chandelier de l'Eglise, c'est-à-dire fondée sur le culte en esprit et vérité, elle éclaire tous les hommes... Car la lettre, si elle n'est pas comprise selon l'esprit, n'a que la valeur sensible et limitée de son expression et elle ne permet pas à l'intelligence de saisir la portée de ce qui est écrit... (1)
J'aime cette image, qui rentre en résonnance avec cet apport de Dei Verbum qui demande de mettre la "Table de la Parole" au côté de la "Table du corps et du sang du Christ"... Le Verbe s'est fait chair...

(1) Maxime le Confesseur, Question 63 à Thalassius (PG 90, 670; tr. Orval) cité par Magnificat, Juin 2004

06 décembre 2006

Déréliction - Suite

Pour Moltmann "la déréliction du Fils sur la croix devient un évènement intrinsèquement Trinitaire : le Père lui-même souffre la douleur de l'abandon (ibid p. 220), la mort est en Dieu (235), la mort de Jésus sur la croix est la mort de Dieu et la passion de Dieu (217ss). Pour lui, La communion la plus profonde du Père et du Fils est "exprimée tout justement dans ce qui fait leur séparation la plus radicale, c'est-à-dire dans la mort abandonnée et maudite de Jésus sur la croix(1).
Pour Balthasar ces interprétations sont inévitables si l'on ne sépare plus le processus interne à la vie Trinitaire, de l'idée d'un progrès dans l'histoire du salut. Mais cette confusion entraîne forcèment Dieu dans le flux du monde et fait de lui un Dieu tragique relevant de la mythologie (2)
Dans ce sens Balthasar rejoint plutôt Boulgakov et parle d'une kénose intra-trinitaire ou Dieu abandonne sa divinité au Christ.

Ces querelles de théologien me dépassent beaucoup, puisqu'il s'agit avant tout d'un mystère. Que l'abandon soit intra ou extra-trinitaire, ou que nous soyons dans le vrai ou dans une vision anthropocentrique du mystère n'enlève pas pour moi le sens même de la kénose ni ce qu'exprime la vision forcèment réductrice de la douleur du Père... Dieu reste amour et n'est-ce pas le coeur du message...

(1) cité par Balthasar, Dramatique divine, III, ibid p.281
(2) ibid p. 299

Pure distance

"C'est au Calvaire et dans la déréliction de Jésus sur la Croix que la distance entre le Père et le Fils devient pour la première fois tout a fait manifeste ; et même l'Esprit, qui les unit tous les deux en formant leur "nous", apparaît précisèment dans le dévoilement de l'unité, comme pure distance. Le Fils portant le péché, c'est-à-dire ce qui constitue l'écart pur et simple par rapport à Dieu, semble avoir perdu le Père au milieu de son abandon" (1)

Cette apologie de la distance nous dérange, de même que l'abandon. Mais comment peut-on ressentir la souffrance de l'abandon sans faire l'expérience, au coeur même du désespoir, que Dieu est possible, si le Christ n'a pas été jusque là sur ce chemin ? Echange sublime de deux kénoses, celle du Père qui laisse aller le Fils et celle du Fils qui va jusque là par amour du Père... Là est le dévoilement, dans la symphonie trinitaire...

Balthasar, ibid p. 296

Balises : Souffrance, kénose, déréliction

05 décembre 2006

Sotériologie chez Balthasar - Suite

Hans Urs von Balthasar présente la sotériologie dramatique selon cinq thèses :
1) La livraison du Fils par le Père pour le salut du monde
2) L'échange entre celui qui est sans péché et les pécheurs (repris par les Pères)
3) La Libération de l'homme qui en est le fruit, comme un rachat, une rédemption
4) L'entrée dans la vie trinitaire
5) De telle sorte que la somme de ces points révèle une initiative de l'amour de Dieu (1)
Cette vision multiple élargit de fait mon point de vue. Comme il le dit d'ailleurs, si les hommes n'avaient que la seule initiative de la mort du Christ, tandis que Dieu restait toujours aimant et pardonnant (Karl Rahner), Dieu aurait seulement le rôle d'un spectateur et cela enlèverait l'importance de la livraison du Fils. (2)
Peut-être qu'il faut s'ouvrir à cette vision, non pas comme l'expression d'un Père qui veut la mort du Fils, mais d'une dimension trinitaire où l'un et l'autre font mouvement pour le salut du monde et dans ce sens entre dans la symphonie d'un désir d'amour et d'une obéissance... (Le thème de l'obéissance sera longuement développé dans notre analyse à venir du tome 4 de la Dramatique Divine...).
Dans cette dynamique, la parabole des vignerons est éclairante... Il n'ont pas voulu entendre les prophètes alors j'ai dit : "Voici mon Fils"... Et tu n'as pas voulu de sacrifice, alors j'ai dit : "Me voici"... N'est-ce pas la trace kénotique d'un dialogue trinitaire...

(1) H. Urs von Balthasar, Dramatique divine, III, p. 293

Balises : sotériologie Balthasar

03 décembre 2006

Girard - Sotériologie - II

S'il est vrai que dans le Nouveau Testament, Jésus est victime d"une "injustice criante", René Girard dénonce comme Rahner le retour en arrière Anselmien qui rétablit la notion de bouc émissaire et à sa suite de nombreux autres boucs émissaires pour conjuguer la violence des hommes (Judas, juifs, sorcières...).
Pour Girard, les peuples païens n'avaient pas bénéficié de la pédagogie de l'ancienne Alliance et le choix de la non violence restait à faire (1)
Cette vision est critiquée par Balthasar qui considère que la synthèse de Girard est un système clos, purement scientifique ou la métaphysique est exclue. Il note cependant que Girard rejoint Barth pour qui l'analogia entis est l'invention de l'anté-christ. Pour Girard, le religieux est l'invention de Satan. Ce qu'Augustin nommait le désir naturel de Dieu (desiderium naturale in Deum) est chez Girard comme chez Barth totalement canonique. Il y a là des tensions si forte qu'aucuns drame ne se déroule plus pour lui, la violence est partout (2)
Il n'est plus question ici de péché mais d'hostilité et d'une certaine manière la culpabilité est devenue secondaire. Urs von Balthasar ne voit pas comment chez Girard le Christ réduit au rôle de bouc émissaire porterait le péché du monde sauf si le péché lui est prétendument imposé par les Hommes. Personellement je suis peut être plus proche de cette conception de Girard que de Balthasar sur ce point ou tout au moins entre les deux.
Pour Urs von Balthasar "que se passe-t-il, dans la réalité de la Croix, si l'on suppose que le fait de changer le Christ du péché du monde n'est qu'un défoulement psychologique et si on fait un Père non violent ne demandant rien qui puisse ressembler à un sacrifice d'expiation ?". "L'Eglise considère l'Eucharistie comme une actualisation du sacrifice de la croix dans lequel le Christ s'est offert pour l'humanité dès lors quel sens cela-a-t-il de présenter et d'offrir ce don du Christ au Père divin si l'on admet que celui ci, qui n'est plus un Dieu de l'Ancien Testament, ne saurait s'y complaire étant donné qu'il n'a jamais voulu la mort et moins encore ne l'a imposé à son Fils ?" (3) Pour Balthasar, avec Girard on n'a pas épuisé le problème posé par la justice, le jugement et la colère de Dieu.
A méditer, mais faut-il suivre Urs von Balthasar là dessus ? Je continue de buter sur cette notion d'un Dieu vengeur...

(1) Urs von Balthasar, DD III, Ibid p. 282
(2) p. 280 de "Des choses cachées depuis la fondation du monde, cité par Balthasar, ibid p. 285
(3) ibid

Balises : Girard, Sotériologie, Balthasar, bouc

01 décembre 2006

René Girard - dramatique et sotériologie

Pour Balthasar, Réné Girard voit le désir de l'homme illimité et sans objet définitif à l'intérieur d'un dynamisme mimétique. Le sujet désire l'objet parce que le rival lui-même le désire (..) Le désir est ainsi essentiellement mimétique (1).
C'est pourquoi la violence est là avant même le désir de l'objet. Pour le philosophe, la violence elle même valorise l'objet. (...) C'est dans l'accord spontané sur la victime que se produit le rétablissement de la paix de manière cathartique en ce sens que l'antagonisme négatif de la violence se mue en réciprocité positive. Faire sacrifice prend alors le double sens de rendre maudit et de rendre saint : la victime est tour à tour abaissée et exaltée.
Le rite offre ainsi la solution toute prête qui consiste dans le choix unanime de la victoire pour appaiser la violence divine. Il y a là répétition cathartique du drame originel de la victime émissaire (2)

Ce qui est frappant, finalement c'est l'éternelle actualité de cette analyse, où plusieurs milliers d'années après, nous reproduisons ces schémas, de la politique à notre environnement le plus proche. Se concentrer sur une victime pour appaiser notre violence.
En prenant sur lui cet abaissement et cette condition de victime, le Christ démonte le système. Sans le guérir, il ouvre une fenêtre vers la vérité, dévoile l'essentiel : le mal et l'amour.

(1) Hans Urs von Balthasar, DD III, ibid, p. 275
(2) ibid, p. 276 à 279

Balises : kénose, sacrifice, Girard, Balthasar

30 novembre 2006

Souffrance de Dieu

Pour Moltmann, quand le Fils souffre jusque dans la mort, le Père souffre de la mort de son Fils. Car Dieu sans souffrance ne pourrait être le Dieu de ce monde. Cela rejoint pour Balthasar (p. 270) les expressions du pathos de Dieu dans l'Ancien Testament.
Je retrouve ici ce que j'avais aimé dans La souffrance de Dieu chez Varillon. C'est probablement un anthropomorphisme, mais cela prend sens et donne à Dieu un "toujours plus" dans sa miséricorde... Peut on être amour sans souffrance ?

28 novembre 2006

Partager notre peine... et dévoiler la faute...

Pour Saint Augustin, "Jésus, nous ayant trouvé dans la peine et la faute a pris sur lui la peine seulement mais nous a sauvé de l'un et de l'autre" (1), j'aime cette vision du "pro nobis" qui évite une sotériologie trop doloriste... Il a partagé nos souffrances et ce faisant montré l'impasse de toute violence.

(1) Cité par Balthasar, ibid p. 265

24 novembre 2006

Colère de Dieu

La notion de drame implique-t-elle pour autant d'introduire la colère de Dieu. Ce concept continue de m'interpeller chez Balthasar... Peut-être suis-je trop contaminé par Rahner ? Est-ce que le mal de l'homme doit avoir sa contrepartie dans la colère de Dieu. Certes, elle transpire sans cesse dans l'Ancien Testament, mais je continue de penser qu'il s'agit d'un anthropomorphisme...
Et pourtant, l'amour peut-il être sans une colère intérieure, une violence contenue... Comment interpréter l'apocalyse... ? Comme un récit d'histoire nous dit Théobald, où comme un récit téléologique comme l'interprète Balthasar ?
A suivre...

23 novembre 2006

Sotériologie chez Rahner et Balthasar - III

"Si en la réalité de Jésus, en laquelle et par engagement et acceptation, l'autocommunication de Dieu se fait à toute l'humanité et (...) est réellement insurpassable, alors il faut dire qu'elle n'est pas seulement posée par Dieu, mais qu'elle est Dieu lui-même" (1)

Là, pour Urs von Balthasar la visée transcendentale de l'homme et la révélation de Dieu finissent par se rejoindre dans Karl Rahner au point qu'il y a identité entre anthropologie et christologie . La Trinité ne peut jamais s'éclairer qu'à partir du mouvement transitif de Dieu dans lequel il manifeste "3 modes de présence" (2)

Pour Urs von Balthasar, cela conduit à la critique suivante : "Il n'est pas montré clairement si le mouvement transitif de Dieu, où il se manifeste, contient la totalité du mouvement imanent (...). Cela reste un discours abstrait dont la seule fin est de souligner la liberté de communion de Dieu"

Pour moi, Balthasar a partiellement raison, dans la mesure où le discours rahnérien a des accents utopiques et exclut en quelque sorte le réel, au delà de l'idéal humain, d'une humanité déchirée, divisée, en proi à la souffrance et au mal, au non amour et sur laquelle la thèse de l'auto-communication risque de rebondir comme l'eau sur les ailes d'un canard...
Et Urs von Balthasar de conclure que "finalement, à la sotériologie de Rahner (...) il manque le facteur dramatique décisif. Cela se manifeste aussi en ce que la "colère de Dieu" est toujours surpassée par sa volonté de salut; et celle-ci est-elle même toujours au delà de tout refus humain et négation de Dieu : à la limite, dit-il, "n'irait-t-on pas jusqu'à l'apocatastase" ? (3)


(1) Rahner Traité fondamental de la Foi p. 231, cité par Balthasar, ibid p. 256
(2) Rahner Traité fondamental de la Foi p. 162, cité par Balthasar, ibid p. 257
(3) p. 258

22 novembre 2006

Sotériologie chez Rahner et Balthasar - II


D'après Balthasar, Rahner rejette toute idée de substitution et évite d'accentuer la souffrance de Jésus mais met l'accent sur la mort "c'est de la mort que tout ce qui est catégorial s'efface, le monde disparaît et le sujet libre s'en remet irrévocablement (pourvu qu'il veuille) à Dieu (1)
Pour Rahner : "la mort de Jésus est la conséquence inévitable de la fidélité à sa mission et en obéissance à ce que Dieu lui demandait" (2)
Il y a pour moi comme unetension à trouver entre une vision un peu utopique rahnerienne et ce que je pourrais qualifier de relent janséniste chez Balthasar. La souffrance du Christ n'est pas à mettre en avant comme une incitation à souffrir mais comme un chemin particulier à laquelle notre amour nous conduit et que nous sommes appelés à transcender par amour et en communion. Le risque serait de retomber dans la vision d'un Dieu-colère comme celle qui transparaît dans Job, sans voir en quoi le Christ n'est pas bouc émissaire de Dieu, mais comme le dit Girard lieu de cristalisation du péché de l'homme et lieu d'expérience, d'incarnation mais aussi de dépassement par Dieu, en Dieu... Les écueils sont visiblement nombreux sur ce chemin d'interprétation... Pour K. Rahner cependant, note Urs von Balthasar, toute dévotion à la passion sont à dépasser si l'on ne veut pas manquer l'essentiel (2) Qu'est-ce à dire : un dolorisme qui oublie de s'ouvrir à la grâce et son auto-communication ?
A méditer et à travailler...
J'ai conscience que j'invite le lecteur sur un chemin complexe, que je ne maîtrise pas moi-même, et j'invite encore une fois à la lecture du texte original... (Chemins de lecture est un lieu de défrichage...)

Balthasar, ibid p. 253
Balthasar, citant le Traité fondamental de la foi, p.280-1, p.254

Balises : Rahner, Balthasar, Sotériologie

21 novembre 2006

Sotériologie chez Rahner et Balthasar

Balthasar présente dans ces pages la position de Rahner qui rejette la manière courante d'interpréter le pro-nobis et d'abord celle d'une expiation. Pour Rahner cela "réduit à l'extrême la valeur du hyper hêmon ["pour nous" selon Rom 8,32] paulinien et cela de façon purement arbitraire". Pour lui il faut revenir plutôt à l'expérience pascale des disciples G. 261 (TFF 299) (1)
Pour Balthasar il s'agit cependant d'une "grande dépréciation de tout ce qui fait pratiquement la grande théologie du Nouveau Testament, celle d'où l'Eglise de tous les temps, non seulement les simples, mais surtout les grands saints, ont tiré leur spiritualité" (1)
Il note que pour Rahner, le Jésus pré-pascal n'a pas forcèment interprété sa mort comme un sacrifice d'expiation. Il souligne par ailleurs que pour K. Rahner, la thèse de l'immutabilité divine, d'un "Dieu ne pouvant changer de dispositions est toujours déja réconcilié c'est-à-dire que dans son offre de grâce est incluse cette volonté de pardonner les péchés et de justifier l'homme (TFFoi p. 139ss). (2)
Nous reviendrons là dessus. Personnellement, même si j'ai toujours été fasciné par le travail de Balthasar, j'avoue que là dessus, je rejoins encore Rahner dans son analyse... Mais ce serait préjugé de la suite de la lecture...

La notion du Dieu vengeur continue de me déplaire. Je préfère celle d'un Fils de Dieu qui aime envers et contre tout...

Mais le "pour nous" interpelle et mérite que l'on avance dans la lecture...

(1) Balthasar, ibid p.249
(2) ibid p. 251

La maladie du chrétien

Je vous confie ce texte d'Y. Congar, cité par Magnificat... :
"Aujourd'hui, après quarante ans de sacerdoce, quarante-cinq de vie religieuse, après avoir beaucoup réfléchi et prêché, je crois m'être approché d'une position (...) [ou] « Dieu » est absolument premier mais il est « Père de Jésus Christ, notre Seigneur », cela dans ma pensée dogmatique et dans ma prière, si j'ose employer d'aussi grands mots pour des choses qui sont chez moi médiocres. Mais, s'il s'agit de ma vie telle que j'essaie de la mener au milieu des hommes, avec eux et pour eux, alors Jésus Christ qui en est la lumière et la chaleur par son Saint-Esprit, le mouvement. Chaque jour, il m'interpelle. Chaque jour, il m'empêche de m'arrêter. Son Évangile et, son exemple m'arrachent à la tendance instinctive qui me retiendrait lié à moi-même, à mes habitudes, à mon égoïsme. Je lui demande de me faire cette miséricorde de ne pas me laisser à moi-même lié à ma tranquillité égoïste. Et je vérifie la vérité du mot d'Ibn Arabi : « Celui dont la maladie s'appelle Jésus ne peut pas guérir."
Yves Congar.

19 novembre 2006

Controverse - Sotériologie - VII

A la notion d'échange apporté par les Pères de l'Eglise (commercium), Anselme introduit idée du rachat. Cette idée est rejetée par Saint Thomas dès le départ. Pour lui, il n'y a pas de prix de rachat à payer aux Puissances ou d'une action pénale venant satisfaire la colère divine. Pour Balthasar cependant, Saint Thomas a une vision pâle de la passion qui ne sent pas l'abandon par Dieu comme le coeur de la Passion.
J'avoue avoir toujours eu la même réaction et cette lecture m'interpelle, ce qui n'est pas nouveau. Là encore, il faut percevoir l'ensemble de l'exposé de Balthasar pour percevoir son cheminement de pensée... Afin de ne pas morceler ce chemin de pensée, j'ai décidé de réunir sur Chemins, une analyse plus complète de la sotériologie balthasarienne, telle que je la perçois, et non comme une vision objective et scientifique, mais comme un ressenti personnel, un chemin de lecture que je vous invite à parcourir, à défaut de vous plonger dans le texte intégral...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 239
Voir sur ce thème : Théologie Balthasar Sotériologie

18 novembre 2006

Assumé nos péchés - Sotériologie - VI

Pour Ambroise, le Christ a assumé nos péchés non dans leurs effets mais dans leur réalité. Il a ainsi porté les conséquences du péché.
Pour Jean Damascène, c'est non en tant que lui-même qu'il aurait été ou serait devenu malédiction mais en tant qu'il a assumé le rôle (prosôpon) et s'est mis à notre place. C'est dans ce sens qu'ont les mots : "il est devenu pour nous malédiction".

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 228
Voir sur ce thème : Théologie Balthasar Sotériologie

15 novembre 2006

Miséricorde volontaire - Sotériologie - V

Augustin parle d'une miséricorde volontaire : "il assume les passions de l'âme, par exemple la crainte de la mort à Gethsémani, comme des "mouvements de la faiblesse humaine en vertu d'une miséricorde volontaire" (...) il n'avait pas à être tenté (...) ni à craindre la mort, mais il éprouve la crainte de la mort, de la tentation et de l'abandon "en nous" pour nous..."
On perçoit qu'il ne s'agit pas là d'une auto-flagellation, mais d'un vivre-avec, de ce qui constitue l'amour véritable, comme l'élan de la mère qui veut souffrir avec son enfant (ce qui est d'ailleurs la réponse de sa mère : le oui de Marie à Gethsémani, humble et présent...).

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 226
Voir sur ce thème : Augustin Balthasar Sotériologie

13 novembre 2006

Consumer... Sotériologie - IV

"Il veut consumer ce qui est mauvais en moi, comme le feu consume la cire ou dissipe la lumière tandis que grâce à un tel mélange je deviens participant de sa bonté (Or 30 PG 36 108C - 109 C) Grégoire de Naziance. En cela, il joue notre rôle, s'insère dans le drame (dramatourgeita). Balthasar rappelle plus loin que le premier sens de drame c'est l'action. Il ne s'agit donc pas d'un Dieu abstrait, mais d'un spectateur engagé..

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 225
Voir sur ce thème : Théologie Balthasar Sotériologie

10 novembre 2006

Né pour nous... - Sotériologie - III

C'est afin de pouvoir mourir que Dieu a accepté de naître (Grégoire de Nysse - Or Cat 32,3)
Il ne s'agit pas en cela d'un parachutage de Dieu, Deux ex machina qui fait semblant de vivre et fait semblant de mourir. Mais bien la descente kénotique et discrète de Dieu en l'homme, miracle de l'incarnation de l'infini dans la contingence pour nous ouvrir à l'au-delà de nous...

Balise : Kénose

08 novembre 2006

Admirable échange - Sotériologie - II

Cyprien décrit bien la notion d'échange: "Ce qu'est l'homme, le Christ voulu l'être afin que l'homme puisse être ce qu'est le Christ". Et cette notion me permet d'insister sur la double nature du Christ : vrai homme et vrai Dieu, sans laquelle cette affirmation n'a pas sa pleine portée.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 218-220
Voir sur ce thème : Théologie Balthasar Sotériologie

Sotériologie chez Balthasar

Pour Hans Urs von Balthasar, la théologie du salut (sotériologie) se comprend sous 5 aspects complémentaires. Et toute cette analyse de la Dramatique divine cherche à montrer l'importance des 5 aspects complémentaires, dont certains ont été ignorés par des tendances passées de la théologie, au détriment du sens global de notre foi.
Ces cinq points sont les suivants (1) :
a) Le Père livre son Fils comme don
b) ce don est un échange véritable (commercium) identifié au péché (bouc émissaire)
c) la mort du Christ est libération de l'esclavage du péché
d) elle est dans le Saint-Esprit et donc inséré dans la vie Trinitaire, membre du Corps
e) il ne s'agit pas de la colère de Dieu mais d'un signe de l'amour miséricordieux
Pour lui ces 5 aspects sont essentiels et la théologie de la libération a notamment oublié trop les points a, b et d...
Nous reviendrons sur l'interprétation de ces points, sans cacher d'ailleurs notre difficulté à percevoir le point b. Si les billets suivants ne vous permettent pas d'en saisir l'importance, nous réinvitons le lecteur à la lecture ardue mais autrement plus construite du texte original de Balthasar que ce blog ne fait que survoler...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 216 - 217
Voir sur ce thème : Théologie Balthasar Sotériologie

06 novembre 2006

Dieu, le grand compositeur...

Balthasar décrit la période avant la passion comme une série de petites touches qui sont autant de préparation de l'Heure. Pour lui c'est comme une "sorte de projection qui tourne pour éclairer sucessivement tel ou tel aspect d'une réalité qui s'étend à l'infini (le péché du monde) et une foule immense (de pécheurs concrets) pour faire participer chacun à l'évènement. Ce faisant on peut avoir des moments où tout sombre dans le tunnel étroit et sans issue de la passion. La mission est assez large et son déroulement assez souple pour laisser place à tout cela". (1)
Cette vision correspond assez bien à celle que j'ai de l'Ancien Testament, cette intrication d'histoires, de situations, de rencontres et d'alliances qui permettent cette même vision stéréophonique de l'avancée des hommes vers la découverte du Dieu véritable. Tout culmine à la passion. La parbole du vigneron est dans ce cadre très expressive. C'est pour moi ainsi que l'on peut comprendre la kénose de Dieu dans l'Ecriture
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.210
Voir sur ce thème : Bible Balthasar Kénose

04 novembre 2006

Naïveté - II

Et pourtant, je ne peux oublier que c'est la cananéenne qui à interpellé le Christ sur l'ouverture aux païens... Elle n'avait pas toutes les connaissances de l'Ancien Testament et pourtant ce qu'elle disait, ce qu'elle portait en elle était digne d'amour...

03 novembre 2006

Naïveté

J'ai souvent défendu dans ce blog la thèse des "semences du verbes", ces parcelles d'humanité qui seraient présentes chez tout homme, même ceux loin de la foi chrétienne. Est-ce l'expression de ma naïveté traditionnelle ? Hans Urs von Balthasar est plus réservé en tout cas.
Pour lui, ces semences de la Parole (logoi spermatikoi) ne peuvent germer que dans le sol chrétien et seulement après une conversion, celle-ci n'étant pas la simple addition d'un élément qui ferait provisoirement défaut, mais bien la métanioa que la Bible annonce comme mort et nouvelle naissance. Il faut pour lui parler avec une grande réserve d'une fonction salutaire positive des religions pré-chrétiennes. On ferait mieux pour lui de les mettre en relation avec la longue patience de Dieu et sa volonté de "passer condamnation" sur ce qui est momentanèment en désordre.
Je trouve cette analyse un peu dure, mais est-ce que je suis trop naïf sur ce point... ?

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.203
Voir sur ce thème : Pluralisme Balthasar

31 octobre 2006

Image de Dieu

Pour Urs von Balthasar (1), le concept d'image de Dieu se décline en trois tensions complémentaires. Il y a d'abord la tension entre le corps et l'esprit, mais aussi entre l'homme et la femme (cf. Gn 2) et enfin celle qui touche l'individu et la communauté tout entière. Pour lui, ces trois images restent inachevables. Elles ne sont que des esquisses de projets fragmentaires. Peut-on dans ce cadre dire que seul le Christ achève la synthèse de ces trois tensions : Il est esprit et corps transfiguré. Mais il est aussi le lieu d'unité de l'homme et de la femme dans le sens symbolique que lui donne Ephésiens et si l'on considère que son coeur ouvert et transpercé abreuve l'Eglise. Cette deuxième notion est alors complétée par celle de l'unique médiateur, individu qui se fait corps du Christ...
Si nos tentatives humaines, que nous avions déjà commenté chez Bonaventure reste des esquisses partielles, il est alors important de ne pas absolutiser "un seul aspect de l'image de Dieu au détriment des autres qui sont aussi indispensables" (2)
On peut concevoir ainsi l'importance de l'union de l'esprit et du corps dans la sexualité, de l'homme et de la femme comme source de don mutuel, et insister sur le rapport entre l'individuel et l'universel pour défendre l'importance de l'envoi et de la fécondité de tout homme. Mais cela ne reste que des tensions. Je note cependant avec intérêt à ce stade, une théorie que je défends sur les trois aspects qui peuvent mieux approcher la notion d'image que la seule relation ? Cela rappelle en effet, ce que j'ai évoqué sur une sexualité qui doit reposer sur trois piliers : le plaisir (lieu de rencontre du corps et de l'esprit), la construction du couple (lieu de don et de différences assumées) et la fécondité (lieu d'ouverture à l'universel)... Ainsi ces trois aspects contribuent au sein même de la rencontre de l'homme et de la femme à exprimer l'étendue et la tension d'un chemin vers Dieu...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.199
(2) ibid. p. 200

30 octobre 2006

Un chemin...


Quelque soit le chemin que l'homme parcours il y a bien un seuil à franchir et nul ne peut forcer le passage de ce seuil si ce n'est Dieu par le don de sa grâce qui conduit comme un passeur l'homme à percevoir combien sa recherche est dans le plan de Dieu ou qui l'ouvre à voir un autre chemin au delà de l'impasse où il s'enferme. Alors il peut librement faire le saut de la foi et concevoir que l'objet de son désir n'est pas ailleurs. Le choix adulte et libre est une conversion, une métanoia, véritable fusion du coeur qui laisse l'homme ancien de l'autre côté du seuil. Est-ce là que le baptême de l'enfant devient véritablement sacramentel ?

28 octobre 2006

Bonté de Dieu et cadeau du Christ

La "bonté salvifique de Dieu pour le monde repose sur l'unique pivot de l'incarnation de son Verbe en Jésus Christ. Tout le reste, proche ou lointain va vers ce terme ou en émane" nous dit Balthasar (1) Si je reconnais ici l'idée qui m'est chère de l'unique médiateur (cf. Sesboué), je dois avouer que cette vision peut aussi laisser un arrière goût d'un Dieu vengeur si l'on retire le Christ du système. Dieu serait-il bon sans le Christ ? Je préférerai une idée plus vaste de la bonté de Dieu où le Christ n'apparaît que comme point focal ou sommet mais peut-être est-ce réduire le Christ à son incarnation alors qu'il était, est et vient...
A méditer...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.185
Voir sur ce thème : Christ Balthasar Médiateur

26 octobre 2006

Ancienne et nouvelle alliance.

Pour Balthasar, il faut éviter de tomber entre les deux extrêmes que sont

a) une théorie protestante qui met une opposition radicale entre la loi et l'Evangile et
b) la pensée de certains Pères selon laquelle ces "connaissants" de l'ancienne alliance auraient eu part anticipativement à la nouvelle.

Pour Urs von Balthasar on doit laisser subsister ce flottement, qui montre d'abord le coté extrèmement positif de la loi mosaïque puisqu'elle rend possible la proximité avec Dieu dans l'alliance mais révèle postérieurement (dans les évangiles et de manière plus radicale dans Paul) son côté dangereux pouvant conduire à l'orgueil.

J'aime bien aussi sur ce thème l'intéressant développement de Beauchamp dans "D'une montagne à l'autre"...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.185
Voir sur ce thème : juif Balthasar Orgueil

22 octobre 2006

Toutes choses nouvelles...

Voilà que je fais toutes choses nouvelles Ap 21,5 "Cela ne signifie pas voilà que je fais du tout nouveau, mais bien : voici que je refonds à neuf tout ce qui est." (1)
Toute tentative (...) tout effort tenté par les religions extra-bibliques pour briser les structures contraignant l'existence terrestre, ne pouvait, si on les pousse à la dernière logique, qu'aboutir à une auto-dissolution de l'humain. Ni la faute, ni la souffrance ne peuvent, pour l'existence prise en son ensemble être éliminés, quelle que soit la façon dont on s'y prenne". En ce sens, pour Baltasar, "tous les projets conçus effectivement en vue d'une auto-rédemption ne pouvait consciemment ou non qu'enfoncer l'homme plus profondément dans la faute. Au lieu de cela, c'est un pathos tout autre qui doit intervenir dans le drame, celui de Dieu qui lui-même entre en scène (...). Et pour lui, c'est ainsi que la "finitude et la mort sont transcendés d'une manière inimaginable".
D'une certaine manière, c'est la faillite de la gnose, de toute tentative humaine d'auto-résolution du monde qui s'effondre. Et dans la toute faiblesse de Dieu, apparaît en filigrane, la faiblesse véritable de l'homme, non pas comme une violence à sa liberté, mais comme la tendre démonstration qu'il n'est rien sans la grâce...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.178
(2) ibid, p. 179
Voir sur ce thème : Souffrance Balthasar

21 octobre 2006

Souffrance...

La souffrance est bien trop forte, trop innommable pour qu'on puisse l'ignorer. Pour certains, elle éloigne même de Dieu mais à cette incompréhensible somme de souffrance, Dieu n'a d'autres réponses que celle de la croix, l'homme élevé sur le bois de la croix. Tout est dit et rien ne peut être dit d'autres qui ne soit parole, vent. Pour Balthasar, "Dieu ne donne autre chose que la folie de la croix qui triomphe seule du non-sens de la souffrance du monde (...) Ce n'est que dans l'Apocalypse que l'agneau égorgé remporte la victoire (...) le Dieu de Job ne répond pas "car la réponse se trouve dans le Christ. Job est plus fort que le Dieu ancien "

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.172-3
Voir sur ce thème : Souffrance Balthasar

19 octobre 2006

Le cadeau de la liberté...

Il faut concevoir le péché, non comme une sanction, mais comme la conséquence du cadeau de notre liberté. Pour Balthasar, il faut concevoir ainsi le péché originel dans une perspective dialectique". Pour lui, "dans ce cadre au lieu de nous plaindre de la déchirure qui traverse la nature humaine ou de nous révolter à ce sujet (...) nous avons le droit et même le devoir d'être reconnaissants envers Dieu de ce qu'existe cette solidarité des hommes dans leur destin face à l'absolu. C'est en effet la perte de la justice qui orientait l'homme vers Dieu et sa grâce et qui l'a poussé à nous révèler une forme encore plus profonde et plus émouvante de son amour. Il a voulu nous montrer par là jusqu'à quels abîmes cet amour à décider de descendre, quand il s'est proposé une fois pour toutes à ses créatures (...) sans doute Dieu réclame plus à l'homme soumis au péché, la conversion est plus exigeante et la pédagogie plus austère (...) mais c'est une exigence de l'amour absolu" (1) Je compléterai en disant que c'est le prix à payer pour notre liberté véritable. Nous ne sommes pas dans une autonomie protégée qui nous conduit au bonheur mais bien sur les pentes escarpées d'une montagne au relief difficile et notre joie sera plus grande quand au delà du chemin parcouru nous verrons la gloire de Dieu dans sa totalité

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.169
Balises : Liberté Balthasar

Le mal et le bien

On ne peut distinguer Adam et le péché originel du Christ et de sa grâce car si l'un précède l'autre il n'existe qu'à travers le don de la grâce. Comme préfigurait déjà la protection donné à Caïn par Dieu malgré son crime, Dieu n'est pas éloigné du pécheur et l'entoure de sa grâce. Ainsi Urs von Balthasar rappelle qu'il faut toujours lire ensemble 1 Co 15 ("Tous meurent parce qu'ils sont liés à Adam, de même tous recevront la vie parce qu'ils sont liés au Christ") et Rom 5 ("le péché est entré dans le monde par la faute d'un seul homme..."). On ne peut se désespérer de l'absence de Dieu, car ce serait nier l'infini de son amour.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.166
Balises : liberté Balthasar

18 octobre 2006

Saint Augustin : L'Eglise fondée sur le Christ

Pour Augustin, Pierre signifiait l'Eglise toute entière qui, en ce monde, est secouée par toutes sortes d'épreuves, comme par des pluies, des innondations, des ouragans, mais qui ne tombe pas parce qu'elle a été fondée sur la pierre, d'où l'Apôtre a reçu son nom.
Et si le Seigneur dit : "Sur cette pierre je bâtirai mon Eglise", c'est parce que Pierre a dit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Sur cette pierre que je viens de confesser, dit Jésus, je bâtirai mon Eglise. En effet, la pierre c'était le Christ. Et sur ce fondement, Pierre a son tour a été bâti. Les fondements, personne ne peut en poser d'autres que celles qui existent déjà : ces fondements, c'est Jésus Christ.
Donc l'Eglise, qui est fondée sur le Christ, a reçu de lui, en la personne de Pierre, les clefs du Royaume des cieux, c'est-à-dire le pouvoir de lier et de délier les péchés. Cette Eglise, en aimant et en suivant le Christ est libérée de tout mal. Mais elle le suit davantage chez ceux qui luttent jusqu'à la mort pour la vérité.

Saint Augustin d'Hippone, Sur l'Evangile de Jean, 124,5 (CCL 36, 684-685).

15 octobre 2006

Péché orignel



La notion de péché originel ne doit pas pour moi être conçue comme une punition, mais comme le cadeau d'une liberté. Que serions nous en effet si nous n'étions que des êtres de grâce, embrasés de la tête aux pieds par l'amour de Dieu au point de ne pouvoir que tendre vers cette communion spirituelle ? Certes nous serions dans la béatitude céleste, mais tels des pantins ou des robots dépendants de notre grand programmeur...
Non ! Dieu, parce qu'il est amour, nous a fait libre et cette absence de grâce est le prix à payer pour la trouver, à la fin, non comme un dû, mais comme le fruit de la longue pérégrination d'un désir qui en aspirant à ce qu'il n'a pas, trouve du prix à ce qu'il aura...
Notre liberté se trouve ainsi située antérieurement à toute décisions personnelle. Si nous sommes libre physiquement il n'en reste pas moins que nous sommes moralement incapable de déployer notre liberté (1). Et cette impossibilité originelle appelle à une médiation. En cela, notre impuissance va de pair avec le don qui nous est fait en Christ. Nous sommes imparfaits mais tachons "de le saisir" (cf. Phil 3), lui sans qui nous ne sommes.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.162
Balises : Décentrement Balthasar

10 octobre 2006

Autonomie

Il y a pourtant pour Balthasar encore plus subtile que l'idolatrie, et c'est peut-être la tentation d'autonomie. (1) Nous avons déjà trouvé chez Ratzinger de long développement sur ce plan. N'est-ce pas encore le leitmotiv de ce blog. La mise en évidence de l'importance du décentrement.
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.156
Balises : Décentrement Balthasar

09 octobre 2006

Le chemin de nos pères

Je ne cesse de mesurer à la fois la grandeur et la misère de ceux qui nous précédé dans la foi. Et si pour Balthasar "Israël s'est infatué de sa propre beauté, qui lui avait pourtant été donné que par Dieu et pour Dieu.", s'il est devenu un "rassasié" ce n'est peut-être que parce qu'il était pré-destiné à tracer devant nous les conséquences de nos propres actes. L'histoire du peuple de Dieu est comme un livre ouvert sur notre propre chemin. Et si "c'est de cet oubli coupable que jailli son idolatrie" (1) ce n'est peut-être pour nous qu'un rappel évident de nos propres idoles.


(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.154

08 octobre 2006

Les Tours - IV

La symbolique des tours que j'utilise depuis 1996 dans Bonheur dans le couple pour caractériser le non dialogue de deux personnes, trouve chez Balthasar un renfort inattendu.
Pour lui en effet, tout pécheur s'édifie une sorte de bastion contre la vérité authentique et il se retranche dans cette illusion "toujours inquiet de voir la vérité qu'il retient injustement (...) se lancer à l'assaut de ses défenses". ("ceux que la vérité rendait captive" Rm 1, 18). Cette allégorie vient en fait de saint Paul qui l'exploite longuement quand il dit que "ses armes à lui ont, pour la cause de Dieu, le pouvoir de renverser les forteresses. Nous détruisons les raisonnements prétentieux et la toute puissance hautaine qui se dresse contre la connaissance de Dieu" (2 Co 10, 4-5)
L'idée n'était pas de moi, mais je ne savais pas qu'elle remontait si loin.... Il est vrai qu'en 1990, j'écrivais un long essai resté inédit qui décrivait l'homme et la femme dans le jardin d'Eden comme deux arbres solitaires. Mais à l'époque, je n'avais pas pleinement compris que le second Adam n'était pas un "troisième arbre dans le jardin", mais plutôt le renversement de cette prétention. A l'opposé des tours de Babel, se tient la croix du serviteur, signe élevé d'une kénose. Le nouvel Adam n'est pas la toute puissance d'un Dieu, mais la toute faiblesse de celui qui refuse le "rang qui l'égalait à Dieu" pour se faire tout amour.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.147

03 octobre 2006

La réponse...

A la tentation de dépasser seul la finitude, Dieu répond par un appel, une invitation discrète. Et pour cela, il se met parfois à genou, à nos pieds, prenant la place du serviteur pour implorer notre conversion.
Pour Balthasar, "il faut qu'à la liberté finie soit offert quelque chose de plus, nommèment la vocation effective adressée par la liberté divine ou l'appel à s'ouvrir en retour à l'ouverture que Dieu fait de lui-même" Interpellation qui va profondèment à l'essentiel.
Comment allons nous nous laisser interpeller ? Quelle place laisserons nous à notre table... ?
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.146

Tentation

Nous ne sommes pas dépourvus de réflexion et notre intelligence nous conduit souvent à biaiser avec la vérité. Balthasar évoque à ce sujet l'enchevêtrement inextricable du mensonge originel et l'édification d'une hiérarchie de valeurs qui alimente notre désir spirituel d'être comme Dieu. C'est peut-être cela le péché d'orgueil à laquelle nous ne cessons de succomber
La tentation serait ce désir perpétuel de tout faire tout seul, de penser tout seul, d'être maître de la vérité. C'est le danger du chercheur.
A la différence, le bon chemin resterait celui de l'écoute, de la tempérance et plus intrinsèquement du décentrement...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.145
Balises ; Balthasar, décentrement

01 octobre 2006

Chemin de pauvreté

Je viens de perdre un vieil oncle, mort il y a 8 jours en Guinée après 30 ans de mission... Voici un extrait de son testament spirituel qui me touche particulièrement : J'ai voulu vivre assez pauvre pour être un peu plus près des pauvres, non pas seulement pour le paraître mais pour en subir les conséquences. Je pars vers le Seigneur que j'ai si mal servi? qu'il me montre sa miséricorde.

Je confie à votre prière, tous les germes de vie qu'il a semé sur les terres d'Afrique...

30 septembre 2006

Connaissance du bien et du mal


Une volonté qui viserait la connaissance du bien et mal, n'est-ce pas d'une certaine manière se croire comme des dieux ?
N'est-ce pas être en contradiction secrète avec la liberté ?

En se posant en autonomie absolue, comme un moi qui décide seul je risque de rentrer dans ce travers.

Cela peut aller parfois par le biais d'une vision trop poussée de l'auto-communication, lorsque sous prétexte d'une conscience reçue, l'on se décrète un "Moi qui ai reçu la connaissance" (soit disant de Dieu). Car ce faisant, l'on se défait du lien véritable avec Dieu et l' Eglise (1).

Je crois que l'on n'a jamais fini de s'interroger et de s'interpeller sur le sens de la conscience éclairée. Quand la conscience est-elle vraiment éclairée ? A qu'elle moment je quitte la perversion du sens, le totalitarisme du moi pour atteindre le décentrement véritable ?

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.144

26 septembre 2006

Comme des Dieux

Vouloir être comme Dieu c'est supprimer la différence (1).
Mais n'est-ce pas la tentation fréquente, lorsque nous oublions que notre toute-puissance reste limitée et n'est finalement qu'illusion et éphèmère.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.143

21 septembre 2006

Maîtrise technique

Notre siècle passe par la maîtrise technique, par cette volonté de tout régler par la science, les machines et d'une certaine manière sans Dieu. Cette volonté de puissance n'intègre plus la bonté ou l'abandon comme des valeurs utiles ou souhaitables. (1)
Pour Balthasar, une philosophie de puissance doit être complétée par une "philosophie de la prière, un acte fondamental qui ne redeviendra un acte de réflexion qu'avec Blondel et Ulrich" (1)
Et de fait, à l'heure où tout est réglé et régi par l'homme et la science, comment accepter l'inacceptable, comment se préparer à ce qui n'est pas maîtrisable, sinon en trouvant un chemin vers le décentrement et l'acceptation de l'Autre...

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.137

15 septembre 2006

Lectio Divina

Nouveau, sur le site chemins, un petit résumé de ce qui a été ma principale lecture de l'été : Prier la Parole, d'Enzo Bianchi, l'introduction à la "Lectio divina".
Je vous en reparlerai...

12 septembre 2006

Toute puissance de l'homme...

L'expérience montre que tout individu puissant incline à l'abus du pouvoir et ne s'arrête que s'il se heurte à quelques barrières. Seule une puissance contraire arrêtera la puissance"

d'après Montesquieu Esprit des lois, 1748 XI,4

07 septembre 2006

Abandon et liberté...

Oter à Dieu sa liberté c'est oter sa toute-puissance au profit d'une bonté pure. D'un certain côté, cela met en lumière la tragédie de Dieu...

Quant à la liberté créée, elle ne s'éclaire vraiment qu'en partant du lien qui la rattache à son origine, "laquelle, en vertu de son essence est identique de liberté et de puissance absolue" (1)

"L'essentiel et le pénible c'est de bien faire ce qu'on fait, c'est-à-dire en esprit de soumission et de détachement, de le faire parce qu'on y sent l'ordre d'une volonté à laquelle on se doit de subordonner la notre" (2)

Il y a dans les propos de Blondel, un mot qui ne passe plus aujourd'hui, celui de soumission. Mais est-on loin des propos même du Christ : "Que ta volonté soit faite"... Il a de quoi méditer largement pour la journée.


(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.132
(2) Blondel L'action 1893, p 376

06 septembre 2006

Soi face à Dieu

Toute manière par laquelle le soi veut renier son enracinement en Dieu et reposer par lui-même est une tentative pour renforcer sa liberté et mettre la main sur sa puissance.

Cette puissance est heureusement confrontée à la mort, qui vient limiter cette tentation de l'absolu. Pour Balthasar, cependant, d'une certaine manière, si l'on fait apparaître Dieu comme toute puissance, alors le soi croit trouver une excuse, et même puisqu'il est "image de Dieu" un encouragement à se poser comme puissance en face de Dieu.

Pour dépasser ce stade, il faut atteindre, soi un second degré de réflexion, mais aussi probablement une révélation : celle de la générosité aimante de Dieu qui permet de dépasser une vision de liberté comme puissance pour accéder à la vraie notion de liberté comme don de soi. (1)

Ce passage reste difficile à passer. C'est le chemin d'une véritable maturité et de fait d'une libération.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.129ss

05 septembre 2006

Un équilibre à construire

Balancé par le vent de nos désirs, par les pressions collectives, les névroses médiatiques, les on dit et les courants de pensée, notre coeur est balloté.

Il nous faut prendre une distance, se recentrer sur une parole, devenir écoutant d'une autre manière...

L'homme doit "se reconnaître comme le lieu d'une synthèse qu'il ne peut réaliser seul, comme un balancier dont le mouvement ne trouve sa stabilité qu'en Dieu dans la révélation" (1)

Entre le subjectif et l'objectif, la contrainte externe et l'émotion ressentie, nous devons chercher l'équilibre qui nous libère de ce que Luther appelait le "serf-arbitre"... (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.129

04 septembre 2006

Soi et liberté


Le rapport de soi à soi-même est, en raison de son caractère spirituel une liberté "Le Soi est libre"(*) Cependant, le soi reconnaît dans sa conscience libre, qu'il ne pose pas lui-même la totalité du rapport à soi ; un autre le détermine, en qui seul il peut acquérir " équilibre et repos ". C'est un soi infini, c'est-à-dire Dieu (1)

Toute la question demeure. Comment avoir suffisament de liberté intérieure, pour reconnaître en soi la présence d'un autre que soi, qui nous décentre vers une vraie liberté.

(*) Kierkegaard La maladie mortelle, ou le concept du désespoir 1849 p. 25

02 septembre 2006

Conçu pour le dialogue...

La fuite peut être aussi la fuite en soi...

L'homme, image du Verbe a été "conçu dès l'origine en vue du dialogue ; donc toute recherche de sens qui le replie sur lui-même et ne peut que le détruire" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.127

31 août 2006

Désincarnation

Face à la complexité du monde actuel, nous penchons souvent vers une désincarnation, une fuite hors du temps et du présent. On reste alors dans l'intemporel lorsque l'on choisit le plan vertical où dans l'avenir si l'on se projette sur l'horizontal, "que ce soit vers le surhomme ou la future société sans classes. On dérive ainsi vers le bouddhisme ou le marxisme qui nie le présent". (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.127

29 août 2006

Les limites du moi

D'une certaine manière, le culte du moi, très répandu dans notre société et renforcé par la psychologie moderne a conduit à une anbsolutisation du moi...
Mais le moi n'a de sens que lorsque l'autre existe...
Du rêve du moi comme absolu on peut aller jusqu'à une réduction de la transcendance en un anthropocentrisme. Et cela peut aller, nous dit Balthasar (1) jusqu'au fanatisme, l'anarchie ou le terrorisme destructeur.
(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.126

27 août 2006

Connaissance de Dieu - II

S'il doit être à même de connaître Dieu en son intériorité, cela ne se peut se réaliser sans une libre manifestation de Dieu. Pour Henri de Lubac "tout homme pour devenir lui-même, dépend de la libre rencontre d'un autre, mais il ne saurait contraindre l'autre à se manifester". En cela, toute anticipation du terme prévu par Dieu est une "hybris" (un orgueil) et cela d'autant plus qu'on pourrait se rapprocher du terme (1).
Laissons Dieu nous conduire sur les chemins de sa révélation. Laissons la lecture de la Parole nous conduire ailleurs que notre propre volonté...

26 août 2006

L'enfant

"l'enfant ne peut concevoir qu'être n'est pas être bon"(1). On entend en filigranne l'invitation du Christ à devenir enfant, qui signifie pour moi de dégager en soi une ouverture, une réceptivité à la lumière qui tombe de l'absolu et nous éclaire...
C'est là aussi chemin de décentrement.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.123

24 août 2006

Subjectivité du je

La liberté, bien qu'elle soit autopossession n'est pas donnée à elle-même, elle doit se recevoir, ouverture de l'être à sa totalité, et donc au vrai et au bien absolu. "La conscience, c'est fondamentalement se recevoir d'un autre, s'ouvrir à l'être et à la réception de l'être et de tout le possible". La conscience n'est pas alors un absolu, elle est seulement une image de l'absolu dont elle se trouve dépendante dès l'origine et dans la fin qui la dépasse." (1)
Il me semble qu'il y a là encore une manière de décrire ce que j'appelle le décentrement, c'est-à-dire cette aptitude à sortir de la prétention d'être seule conscience, pour se laisser éclairer par l'autre, par l'absolu qui ne peut être moi...

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.122

02 août 2006

Chaque personne est une histoire sacrée...

"Dans l'avènement du verbe incarné, ce qui prend figure de résurrection des morts n'est pas la construction dans l'au-de-là de l'existence terrestre (...) c'est la mise en évidence du contenu et de la valeur d'éternité de chaque existence toujours unique en sa vie et sa mort corporelle" (1)

Savoir que pour Dieu chaque personne est unique, fruit de l'histoire d'une alliance célébrée personnellement, et pour laquelle l'univers entier à été orientée, c'est le cadeau de la foi... et de l'espérance, parce qu'au delà du présent, Dieu nous ouvre des horizons nouveaux. Certes, l'on pourrait en oublier le présent et ne faire que réver... Mais la tension demeure. Dieu t'aimes. Qu'en fais tu ?

(1) Balthasar, ibid p. 118

02 juillet 2006

Face à la mort...


La réponse à la mort n'est pas donnée d'en haut mais de l'intérieur par un Dieu qui "entre presque incognito sur la scène (...) qui éprouve la finitude (...) et veut en vivre le dénouement, c'est-à-dire l'échec et la mort". Si cela est, ajoute Balthasar, alors "l'existence ne pourra se plaindre d'avoir été méconnue en ce qui lui donne tout son poids".

Je crois que tout repose dans ce qui peut paraître paradoxal, mais qui est folie pour les hommes et sagesse pour Dieu... Dieu le tout-puissant d'amour éprouvre la toute-faiblesse, par la manifestation la plus "exposée" de sa divinité : l'homme-Dieu. Et dans cette faiblesse paradoxale, du fait de son infini, se dévoile l'intensité même de son amour pour tous les autres faibles et souffrants.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.116

PS : L'été avec ses joies et ses contraintes va reculer fortement le rythme de mes publications...

30 juin 2006

Se mettre à l'écart ?

En 1952, Paul-Louis Lansberg, compagnon de Mounier, écrivait déjà : « Jeté dans un monde plein de contradictions, chacun de nous éprouve souvent le besoin de se retirer du jeu et de se mettre à l'écart. Le motif d'une pareille fuite du monde n'est pas un égoïsme plat, mais plutôt le désir de pouvoir constituer au moins une vie pleine de sens dans sa sphère individuelle et privée en se repliant sur soi-même. »

L'individualisme, le désert, permet à la fois de prendre de la distance, de se protéger, mais constitue, en même temps, une porte ouverte à l'autre et au décentrement. Sachons mettre à profit cette mise à l'écart, sans qu'elle devienne égoïsme mais lieu de ressourcement, de respiration qui nous permet d'être alors plus aimant...

29 juin 2006

Angoisse...

Le frère Timothy Radcliffe, soulignait que "Notre angoisse face à l'avenir est si profonde qu'il est plus comfortable de ne pas y penser du tout"
C'est peut-être cette fuite qui nous fait privilégier l'immédiat et nous éloigne de ce fait de Dieu. Jusqu'à ce que le présent devienne à ce point insupportable que le besoin de Dieu s'impose (soit sous forme de rejet, soit sous forme de demande). Il y a dans ce discernement de Ratcliffe plein de discernement et une possible clé d'interprétation de nos propres fonctionnements.

28 juin 2006

Auto-communication et dangereuse autonomisation

A partir de cette analyse de la volonté de puissance, dans l'observation de ce qui en nous, par notre recherche de la connaissance du bien et du mal nous porte à nous poser en autonomie absolue surgit le risque d'une vision trop poussée de l'auto-communication qui se défait du lien avec Dieu et l'Eglise (1)
N'y a-t-il pas de fait dans une lecture trop monolytique du don de l'Esprit, le même risque qu'ailleurs, nous couper de la racine, devenir par nous "comme des Dieux" ???

C'est le risque du chrétien. C'est le risque du fils ainé (cf. Luc 15) qui se complait dans les biens de Dieu, sans en comprendre l'enjeu...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.144

27 juin 2006

La chute


Pour Balthasar, le récit Javhiste de la chute dans Gen 3 montre que ce n'est pas le péché qui constitue l'acté décisif d'accès à la libre conscience de soi, c'est le choix lui-même. Même si l'homme avait rejeté le serpent, il aurait été différent d'un simple récepteur de la bonté de Dieu (1) : "le choix du mal survient quand on attribue au pôle d'autonomie de la liberté un caractère absolu." On est alors loin de la liberté conçue comme un don fragile... Pour Balthasar, on résorbe alors le caractère du don divin et l'orientation vers Dieu de l'autonomie même du sujet.

En soi, vouloir être comme Dieu c'est supprimer la différence

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.143

26 juin 2006

Maîtrise technique

La puissance de l'homme est amplifiée par la puissance de la machine, qui flatte ses besoins de pouvoir et décuple ses forces. C'est pourquoi notre monde devient la cible de forces toujours plus brutales, ce qui ne veut pas dire que la violence des hommes soient supérieures à celle d'antan, mais ce qui sous entend que la fragilité de l'être se trouve maintenant et plus qu'avant à la merci du drame.
Quand la puissance n'intègre plus la bonté, quand elle perd son humanisme profond, on devient esclave du pouvoir que l'on a créé même si c'était pour le bien. C'est pourquoi Balthasar nous rappelle (1) qu'une philosophie de puissance doit être complétée par une philosophie de la prière, l'acte fondamental qui ne redeviendra pour lui un acte de réflexion qu'avec Blondel et Ulrich

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.140

25 juin 2006

Le pouvoir qui détruit...

"L'expérience montre que tout individu puissant incline à l'abus du pouvoir et ne s'arrête que s'il se heurte à quelques barrières" (1) Seule une puissance contraire arrêtera la puissance
C'est ce que Saint Augustin nommait déjà la "libido dominandi" (2). Notre monde politique n'est pas la seule démonstration de cet excès. Et il nous faut souvent balayer devant nos propres portes, tant notre monde, qui valorise l'individu, le rend "égal aux dieux" dans sa course aux idoles...
(1) d'après Montesquieu Esprit des lois, 1748 XI,4
(2) Cit. Dei XII, 14

24 juin 2006

Le drame qui est en nous...

Nous ne sommes pas tout blanc ou tout noir. Créé par amour et pour l'amour, nous restons marqué par ce qui en nous refuse cet amour, dans son exigence et dans sa persévérance. D'ou le drame intérieur qui affleure à chaque moment de notre vie. On ne peut "ôter à l'homme la dramatique qui lui est propre" (1)
Or cette dramatique est incontournable, si la création est faite d'être libres.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 133

23 juin 2006

La litanie des jours...

Notre vie est souvent marquée par l'ennui, le désespoir, l'absence d'exitation des sens. Et nous sommes désemparés par le temps qui passe et n'apporte pas de joie. Mais c'est peut-être dans la durée que se vérifie la qualité de notre amour, de notre foi. Comme le disait Blondel : "L'essentiel et le pénible c'est de bien faire ce qu'on fait, c'est-à-dire en esprit de soumission et de détachement, de le faire parce qu'on y sent l'ordre d'une volonté à laquelle on se doit de subordonner la notre" Blondel L'action 1893, p 376 (1)
Encore et toujours ce difficile décentrement de soi, qui n'est pas perte de soi, mais adhésion amoureuse à un plus grand que soi. Et sur ce chemin, nous pouvons faire résonner les paroles du "maître" : "Non pas ma volonté, mais la tienne"...
(1) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.132

19 juin 2006

Dieu libre, de Varillon à Balthasar...

Est-ce un anthromorphisme que de croire que Dieu n'est qu'amour. Lecteur assidu de Varillon et de l'excellent ouvrage, "Joie de croire, joie de vivre", j'ai toujours apprécié son affirmation qui mettait l'amour au centre de notre vision de Dieu. Dieu n'est qu'amour, affirme-t-il.
Visiblement Balthasar prend des distances avec cette lecture (en l'occurence à propos de Berdiaev).Il affirme en effet "qu'oter à Dieu sa liberté c'est lui oter sa toute-puissance au profit d'une bonté pure" (1). On tomberait pour lui dans une vision gnostique qui verrait une "tragédie en Dieu".
Certes Dieu est miséricorde, et notre volonté de voir chez lui un Dieu de justice peut être aussi entâchée d'un sadisme propre. N'y a-t-il pas en effet dans notre vision d'un Dieu qui punit, dans notre vision de la colère de Dieu, la transposition de notre propre colère. Je reste persuadé que la clé de ce paradoxe est dans la parabole du bon grain et de l'ivraie. Il y a un temps pour tout. Et si Dieu est miséricorde face à notre liberté finie, cela ne l'empêche pas d'être juste, au delà de notre espace de liberté.
Il me semble qu'il faut pour le moins se laisser interpeller par cette divergence. Mais répondre maintenant serait probablement prématuré. La relecture de Rahner, Moltmann, Girard qui va suivre va nous conduire plus loin dans cette interpellation. Laissons nous en tout cas travailler par ces interpellations.
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 131

17 juin 2006

La fin du rêve...?


Qu'elle est notre société où l'absence de rêve assèche la source de l'espérance.
On ne rêve plus. Le monde s'enterre sous la peur, l'insécurité ? La course perpétuelle au plaisir immédiat peut-elle être la source de cet assèchement. Peut-on réver sans mimétisme et sans violence, par le seul fait que l'absence de bien génère en nous autre chose que de la concupiscence mais un simple rêve. Rêve non d'avoir mais d'être, d'aimer, de vivre dans le respect de nos différences, mais en voyant en chaque homme un autre qui est...
Pour sortir de cette spirale incessante de l'avoir, n'est-ce pas dans l'apprentissage de la frustration, de la solitude et de la chasteté que l'on peut faire renaître la source d'un ailleurs, la source d'un être en devenir qui sort de ses esclavages intérieurs pour s'ouvrir au dialogue, à la présence intérieure où dans l'autre.
Un autre monde.

Désespoir

Pour Kierkegaard, le désespoir serait refuser d'être soi-même, ou vouloir être lui-même. Comment comprendre cette affirmation. Pour que l'homme puisse "se reconnaître comme le lieu d'une synthèse qu'il ne peut réaliser seul, comme un balancier dont le mouvement ne trouve sa stabilité qu'en Dieu dans la révélation" (1) il lui faut percevoir à quel point il est le battant d'une cloche qui ne cesse d'être malmené par le subjectif et ses émotions multiples d'une part et l'objectif avec son lot de contrainte, sa non liberté. Toute manière par laquelle le soi veut renier son enracinement en Dieu et reposer par lui-même est une tentative pour renforcer sa liberté et mettre la main sur sa puissance. On est là au centre du drame, où le choc des puissances fait face à la mort. Si l'on fait apparaître Dieu comme toute puissance, alors le soi croit trouver une excuse, et même puisqu'il est "image de Dieu" un encouragement à se poser comme puissance en face de Dieu. Pour sortir de ce combat, il faut atteindre un second degré de réflexion, celui qui s'ouvre à la révélation, à la générosité aimante de Dieu et nous permet de dépasser une vision de notre liberté comme puissance pour accéder à la vraie notion de liberté qui elle est don de soi.
N'est-ce pas de fait une métanoia, une conversion totale du coeur qui est en jeu, à travers une mort à l'ancien monde et une renaissance à une vie nouvelle. "Si le grain ne meurt pas, lui-même, seul il reste, si part contre il meurt, beaucoup de fruit il porte..." (Jean 12, 24, traduction littérale du grec)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.129ss

16 juin 2006

Soi-même vers un autre

Plagiat de la remarquable analyse de Paul Ricoeur, "Soi-même comme un autre" ? Il me semble que le vers exprime plus ce décentrement qui est au coeur de la recherche de ce blog. Chemins de lecture ne veut pas thématiser une science, s'enorgueillir d'un savoir. Ce qui compte est dans l'incessante interpellation d'un texte qui réveille notre conscience, limite nos recherches de liberté solitaire.
Comme l'indique Balthasar, le rapport de soi à soi-même est, en raison de ce caractère spirituel une liberté "Le Soi est libre"(*) Cependant, le soi reconnaît dans sa conscience libre, qu'il ne pose pas lui-même la totalité du rapport à soi ; un autre le détermine, en qui seul il peut acquérir "équilibre et repos". C'est un soi infini, c'est-à-dire Dieu

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.128
(*) Kierkegaard La maladie mortelle, ou le concept du désespoir 1849 p. 25

15 juin 2006

Se "faire" un dieu...

Quand on commence à rêver du moi comme absolu (ce à quoi notre absolutisation de la liberté peut amener) on peut aller jusqu'à une réduction de la transcendance en un anthropocentrisme qui peut aller jusqu'au fanatisme, l'anarchie ou le terrorisme destructeur. Je deviens "maître de Dieu" en faisant de moi son instrument. On perçoit la peut-être, également les limites d'une absolutisation du don qui conduirait à la perte de l'individu comme fils. C'est le chemin du kamikaze.
Dieu n'est pas moi, et s'il est en moi, ce n'est que parce que je reste rattaché à la vigne. Si je me coupe de la source, je deviens un baton sec et noueux qui ne porte plus que le fruit de la violence qui demeure en moi quand l'amour s'est évaporé de moi...
Pour Balthasar, cela peut conduire à une désincarnation, une fuite hors du temps et du présent. On reste alors soit dans l'intemporel (si l'on choisit le plan vertical) soit dans l'avenir si l'on se projette sur l'horizontal, que ce soit vers le surhomme ou la future société sans classes. On dérive ainsi vers le boudhisme ou le marxisme qui nie le présent.
"Pour échapper à la démesure du moi, l'homme, cette image du Logos a été conçu dès l'origine en vue du dialogue ; donc toute recherche de sens qui le replie sur lui-même ne peut que le détruire" (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.127

14 juin 2006

A la rencontre de Dieu

Paradoxe d'un Dieu qui respecte notre liberté en restant voilé, tout en se dévoilant dans son Fils et dans l'expression de sa Parole, retraduite dans l'Ecriture, par la main d'hommes en chemins. L'histoire de notre marche avec Dieu se construit à travers des rencontres, à travers le souffle d'un silence...
Pour Henri de Lubac, s'il doit être à même de connaître Dieu en son intériorité, cela se peut se faire sans une libre manifestation de Dieu. Comme le note Balthasar (1) Henri de Lubac nous a redit que "tout homme pour devenir lui-même dépend de la libre rencontre d'un autre, mais il ne saurait contraindre l'autre à se manifester". En cela, pour Balthasar, toute anticipation du terme prévu par Dieu est une "hybris" et cela d'autant plus qu'on pourrait se rapprocher du terme.
Mystère de la rencontre qui interpelle notre propre cheminement, nos recherches humaines, sur un chemin de crête entre la toute puissance du moi et l'ouverture à l'autre, véritable décentrement...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.125

13 juin 2006

L'enfant, chemin de notre humanité


Notre raison nous emporte dans des calculs et des projections, dans des désirs de puissance et dans l'orgueil. J'ai voulu atteindre le sommet, mais à chaque fois que je croyais faire de mon travail une idole, Dieu m'a délicatement rappelé que j'étais un amateur. Que je ne suis que si je suis "en lui", c'est-à dire non de cette liberté qui est autonomie, mais une autre liberté, plus difficile, celle du décentrement et de l'obéissance à celui qui m'aime libre mais qui m'invite ailleurs... Et ce chemin est celui de l'enfant.
"L'enfant ne peut concevoir qu'être n'est pas être bon" (1) C'est pour quoi Jésus nous appelle à devenir enfant. Il nous invité à cette réceptivité à la lumière qui tombe de l'absolu et nous donne la vérité.Celle qui ne nous appartient pas mais qui est grâce.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 123

10 juin 2006

Le Je à l'épreuve.

Cette liberté qui demeure un des biens les plus précieux de notre humanité est pourtant, en soi, lieu de danger et d'erreur. Car il demeure en nous une grande subjectivité. La liberté, bien qu'elle soit autopossession n'est pas donnée à elle-même, elle doit se recevoir, ouverture de l'être à sa totalité, et donc au vrai et au bien absolu. "La conscience, c'est fondamentalement se recevoir d'un autre, s'ouvrir à l'être et à la réception de l'être et de tout le possible" (1). La consience n'est donc pas un absolu, elle est seulement une image de l'absolu dont elle se trouve dépendante dès l'origine et dans la fin qui la dépasse.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 122

Balises : Liberté, décentrement, Balthasar

09 juin 2006

Chaque personne est une histoire sacrée


Cette co-habitation ou in-habitation par Dieu de notre condition humaine donne sens à chacune de nos épreuves.
Rien de ce qui nous touche, en notre chair, n'échappe à l'amour de Dieu, non pas comme une chappe emprisonnante et "maternisante" qui nous empêcherait d'être, mais bien comme un être-avec, un "j'ai marché à tes côtés", un "j'ai souffert avec toi" qui caractérise et renforce cette idée qu'aucun cheveu de notre tête ne tombera sans toucher le coeur de Dieu (cf. Mat 10,30).
Chaque personne est une histoire sacrée.
"Dans l'avènement du verbe incarné, ce qui prend figure de résurrection des morts n'est pas la construction dans l'au-de-là de l'existence terrestre (...) c'est la mise en évidence du contenu et de la valeur d'éternité de chaque existence toujours unique en sa vie et sa mort corporelle" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.118

08 juin 2006

Christ présent

Le mystère de l'incarnation est au coeur de cette révélation d'un Dieu qui se fait petit, fils d'homme et qui va jusqu'à éprouver les formes les plus douloureuses de notre condition d'homme : la peine, l'affliction, la souffrance et la mort.
Le Christ a connu ma mort et notre mort, il en a "creusé le sens jusqu'à une profondeur abyssale, cela est vraiement le coeur de la foi chrétienne." (1)
On peut toujours objecter qu'il n'a pas connu toutes les souffrances et toutes les peines, mais dans l'affirmation de Balthasar, il ne s'agit pas de cela, mais d'autres choses, que seul une contemplation de la croix peut révéler... "Tu ne voulais pas de sacrifice alors j'ai dit me voici" dit le psaume comme une introduction au mystère... Nous reviendrons longuement sur ce point...
(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 117

07 juin 2006

Les petits pas de Dieu

S'il est un texte qui me touche dans l'Ancien Testament, c'est bien celui d'1 Rois 19, qui raconte qu'Elie, au bout de 40 jours dans le désert et après avoir entendu la foudre et le tonnerre, ne trouve que le "bruit d'un fin silence".
Toute interprétation d'un Dieu violent contredit pour moi cette révélation du Dieu amour, d'un Dieu aimant, qui va jusqu'à l'effacement malgré les signes évidents de sa présence dans l'esthétique du monde, pour laisser à l'homme un peu de liberté.
Face au drame de la mort et de la violence, je conçois alors que la réponse à la mort n'est pas donnée d'en haut mais de l'intérieur par un Dieu qui "entre presque incognito sur la scène (...) qui éprouve la finitude (...) et veut en vivre le dénouement, c'est-à-dire l'échec et la mort".
Si cela est, ajoute Balthasar, alors "l'existence ne pourra se plaindre d'avoir été méconnue en ce qui lui donne tout son poids" (1)
(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 3 p. 116

06 juin 2006

Aimer c'est risquer...

On ne rêve plus. Le monde s'enterre sous la peur, l'insécurité ? Est-on prisonnier à ce point de la désespérance, quelle place laisse-t-on au possible, au sourire, à autrui ?
Notre XXIème siècle n'est-il pas malade de cette course au bonheur individuel, loin de la joie véritable, celle qui risque, ose, de lance dans l'inconnu de la rencontre.
L'amour est-il dans le confort douillet d'un "autour-de-moi" ou dans la lancée vers autrui, au mépris de l'inconfort et de ce que cela pourra générer chez moi de peine et de souci...
Difficile tension me direz vous... ?
Mais n'est-ce pas là l'enjeu d'une humanité en devenir...

04 juin 2006

Un engagement...

La foi chrétienne engage. Et elle dégage le croyant autant de l'activisme exaspérant de certains militants que du repli sur soi et de la piété sans prise sur le sort de l'humanité. La foi chrétienne engage au nom du souci universel non seulement de toutes les Eglises, mais de toutes les communautés humaines. Pour le Père Paul Valadier, le chrétien ne peut pas se contenter du moins, il doit viser l'humanité tout entière.
Et c'est bien là où nous sommes pauvres, où nous restons englués dans nos microcosmes, enfermés dans notre horizon... Ouvrir grand nos coeurs, l'enjeu et la réponse d'une mondialisation croissante de nos économies ?

03 juin 2006

Individualisme

Alexis de Tocqueville, dans son livre célèbre sur La démocratie en Amérique, définissait l'individualisme comme « un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s'être créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même. »
On ne peut que constater à quel point notre société semble emporté dans le tourbillon d'un tel mouvement. Phénomène lié à la mondialisation, il est aussi peut-être, la source possible d'une prise de distance intérieure, qui laisse à l'homme le temps de reprendre pied, à condition de faire de ce temps de solitude, un temps de regénération, pour être à nouveau au centre du monde, ouvrier de Dieu.
Ce repli et cette solitude doit pour cela ne pas être un lieu de fuite, mais d'écoute intérieure, de reconnexion avec ce qui au centre de notre existence, nous vient d'ailleurs, nous vient de Dieu.

Viens Esprit-Saint...


02 juin 2006

De l'ombre à la lumière,

Il y a dans ce film de Ron Howard, une grande finesse de traits. Admirablement interprété par Russel Crowe et Rénée Zwellinger, on notera la fragilité de cette histoire conjugale, malmenée par la grande dépression de 1929. Une grande rage de vivre anime le boxeur déchu, Jimmy Braddock et le pousse à résister, à conserver sa famille unie, à se battre pour ses enfants...
De l'ombre à la lumière est un film d'espérance, parfois violent sur le ring, il est très discret et sensible dans son exécution.
A voir (maintenant en DVD).