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29 mai 2022

Ascension, ultime agenouillement ? 2.60

 

D’agenouillements en agenouillements nous contemplons aujourd’hui l’élévation comme l’ultime et grand retrait du Fils, dans la dynamique même décrite par Paul en Ph 2.

Il nous faut probablement prendre du recul et percevoir peut-être la pédagogie divine (1) qui de théophanies en théophanies corrigent nos fausses idées de Dieu (2) jusqu’à prendre conscience qu’après le retrait du Père suit l’effacement du Fils.


Humilité extrême de celui qui après le grand abaissement devant l’homme, mimé dans le lavement des pieds (Jn 13) (3) et accompli et dévoilé sur une croix:(Marc 16) (4) vient l’enlèvement ultime de son corps transfiguré (Actes 1 - Luc 24)  pour que ne demeure plus qu’un souffle fragile et ténu.

 

Comme certaines interprétations le suggèrent, le bruit d’un fin silence n’est plus habité que par le chant des anges (1)  Le retrait de Dieu (5) est le don ultime qui conditionne notre liberté. Dieu se fait discret et fragile pour nous rendre capable d’avancer à notre tour vers l’amour. 

« Encore un peu de temps » et c’est maintenant « l’heure » favorable où nous devons tisser le Royaume de celui qui nous aime au point de livrer son corps pour transformer nos eaux en vin capiteux (cf. cana en Jn 2) ? et nous laisser les clés du Royaume. 

Il s’est retiré sur la point de les pieds. Comme le suggère Varillon, il ne sert à rien de lever la tête. Il nous faut peut-être contempler plutôt Celui qui pleure, probablement à chaque fois que nous refusons de marcher sur Ses pas. 

L’amour trinitaire ne se dévoile jamais autant que dans ce silence qui suit l’élévation ultime. Sommes nous à nouveau dans ce silence du samedi saint qu’évoque si bien Joseph Moingt ? 


La symbolique de Luc reprend ici probablement le schéma du livre des Rois et le départ d’Elie, pour nous faire comprendre que l’élévation du Fils ne se perçoit que dans le retrait et le silence. 

Il faut probablement revenir jusqu’à 1 Rois 19 pour entendre résonner sous une harmonique nouvelle la double question de « l’où es-tu ? » discrète posé dans le jardin originel et lancé à tout homme depuis Gn 3.

Le Fils de l’homme est le signe que l’indicible et l’inaccessible se joue dans le paradoxe du retrait et l’absence d’un Dieu qui s’est totalement révélé « à genoux devant l’homme » (1) agenouillement ultime devant ce que nous pouvons devenir si nous entendons le cri d’amour d’un Dieu qui attend que nous devenions ce à quoi nous sommes appelés. 


Retrait et présence ?

Dieu s’efface pour que nous entrions dans sa danse trinitaire et que nous devenions enfin ce qu’il a rêvé pour nous : des aimants véritables qui dans l’amour vécu et partagé, dans le don gratuit, commence à faire de nous le grand Corps de Celui qui a déjà tout livré pour préparer l’arrivée fragile du Défenseur, ce souffle discret qui après les feux follets de la Pentecôte s’effacera progressivement dans une multitude d’étincelles intérieures où Dieu vient souffler en nos cœurs la force d’avancer. 


Ce matin résonne le chant :

« Entré dans la gloire,

Jésus nous trace le chemin

Et nous conduit vers le matin

De sa victoire.


℟Mais l'amour seul est puissance,

Mystère découvert

Aux yeux de l'espérance.


Vêtu de lumière,

Il transfigure pour toujours

Le fils prodigue de retour

Auprès du Père.


Ouverte est la porte,

En sa demeure il nous reçoit,

Dans son offrande, vers la joie,

Ses mains nous portent.


Soleil de justice,

Il fait mûrir tout l'univers,

Et son Esprit, dans nos déserts,

Est source vive. » (5)


(1) cf. le tome 1 de ma trilogie Pédagogie divine, suivi de « À genoux devant l’homme » gratuits sur Kobo/Fnac

(2) cf. Tomas Rõmer l’invention de Dieu 

(3) Xavier Léon Dufour. 

(4) voir mon « rideau déchiré » et le magnifique « Dieu est nu. Hymne à la divine fragilité » de Simon Pierre Arnold, Lessius 2019 qui précise notamment p. 28  : « La kénose [humilité et dépouillement de Dieu au sens donné par Ph. 2] est une décision, et non une erreur stratégique. Elle est le point de départ de toute véritable nouveauté

(5) voir Dieu qui vient à l’homme de J. Moingt

(6) hymne de l’office des lectures de l’ascension qu’il faut lire tout entier sur AELF.org

28 mai 2020

Abandon et dépouillement - 9 - Cyrille d’Alexandrie

L'abandon temporaire du Christ exprimé en Luc 24 à Emmaüs et repris et « transformé » dans l'Ascension s'inscrit dans l'axe même du dépouillement que je continue d'explorer depuis quelques jours.

Il fait écho aujourd'hui avec la méditation de Cyrille d'Alexandrie trouvée ce matin dans l'office des lectures : « Tout ce que le Christ avait à faire sur la terre était maintenant accompli ; mais il fallait absolument que nous devenions participants de la nature divine du Verbe, c'est-à-dire que nous abandonnions notre vie propre pour qu'elle se transforme en une autre, qu'elle se transfigure pour atteindre la nouveauté d'une vie aimée de Dieu. Et cela ne pouvait se faire autrement que par union et participation à l'Esprit Saint. »(1)

Cet abandon, ce dépouillement est au cœur de notre chemin de vie. Inaccessible à l'homme sans la force de l'Esprit.

Écoutons encore Cyrille : « Le moment le plus indiqué et le plus opportun pour l'envoi de l'Esprit et sa venue en nous était celui où le Christ notre Sauveur nous quitterait.
En effet, aussi longtemps qu'il demeurait dans la chair auprès des croyants, il leur apparaissait, je crois, comme le donateur de tout bien. »

On rejoint la thèse du grand donateur qui s'efface repris par Jean Luc Marion, qui n'est autre qu'une variation sur la kénose.

Poursuivons notre lecture : « Mais lorsque viendrait le moment où il devrait monter vers son Père des cieux, il faudrait bien qu'il soit présent par son Esprit auprès de ses fidèles, qu'il habite par la foi dans nos cœurs. Ainsi, le possédant en nous-mêmes, nous pourrions crier avec confiance : Abba, Père ; nous porter facilement vers toutes les vertus et, en outre, montrer notre force invincible contre tous les pièges du démon et toutes les attaques des hommes, puisque nous posséderions l'Esprit tout-puissant.

Les hommes en qui l'Esprit est venu et a fait sa demeure sont transformés ; ils reçoivent de lui une vie nouvelle comme on peut facilement le voir par des exemples pris dans l'Ancien et le Nouveau Testament. Samuel, après avoir adressé tout un discours à Saül, lui dit : L'Esprit du Seigneur fondra sur toi et tu seras changé en un autre homme. Quant à saint Paul : Nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, de gloire en gloire, comme il convient au Seigneur qui est Esprit. Car le Seigneur, c'est l'Esprit.

Vous voyez comment l'Esprit transforme pour ainsi dire en une autre image ceux en qui on le voit demeurer. Il fait passer facilement de la considération des choses terrestres à un regard exclusivement dirigé vers les réalités célestes ; d'une lâcheté honteuse à des projets héroïques. Nous constatons que ce changement s'est produit chez les disciples : fortifiés ainsi par l'Esprit, les assauts des persécuteurs ne les ont pas paralysés ; au contraire, ils se sont attachés au Christ par un amour invincible. C'est absolument indubitable. » (1)

(1) Saint Cyrille d'Alexandrie, commentaire de l'évangile de Jean, source AELF, office des lectures du jeudi du 7eme dimanche de Pâques


21 mai 2020

Dieu dépouillé - 8 - Méditation sur l’ascension

Version 2
La clé de lecture de mes lectures pastorales se trouve dans l'humilité de Dieu (la kénose des théologiens). D'où le titre un peu provocateur de Dieu dépouillé de mon dernier opus (1)  - inspiré par un texte de François Cassingena-Trévédy publié récemment dans Etudes (cf. billet récent) sur le dépouillement. Cette humilité est le cœur du kérygme, inaccessible pour l'homme que je suis, et pourtant but à saisir (au sens de Ph. 3) et ligne de conduite bien difficile.

Elle est aussi une clé de l'ascension que nous fêtons aujourd'hui, comme le montre ce petit extrait du docteur angélique découvert ce matin sur l'Évangile au Quotidien alors que je me trouvais bien sec sur l'ascension : « le Christ méritait d'être au ciel à cause de son humilité. En effet, aucune humilité n'est aussi grande que celle du Christ, car alors qu'il était Dieu, il voulut devenir homme ; alors qu'il était Seigneur, il voulut prendre la condition de l'esclave, se rendant obéissant jusqu'à la mort (cf. Ph 2,7) et il descendit jusqu'en enfer : aussi mérita-t-il d'être exalté jusqu'au ciel, au trône de Dieu. L'humilité en effet est la voie qui conduit à l'exaltation. « Celui qui s'abaisse, dit le Seigneur, (Lc 14, 11) sera élevé, et saint Paul écrit aux Éphésiens (4, 10) : « Celui qui est descendu, c'est le même qui est aussi monté par-delà tous les cieux. »(2).
Pour comprendre cette affirmation il faut remonter un peu plus haut dans le texte cité «  Les saints aussi montent au ciel, cependant ils n'y montent pas de la même manière que le Christ ; le Christ en effet s'est élevé aux cieux de sa propre puissance, mais les saints s'y élèvent comme entraînés par le Christ. Aussi lui disons-nous avec l'épouse du Cantique (1, 3) : « Seigneur, entraîne-nous à ta suite. » On peut dire également que personne ne monte au ciel si ce n'est le Christ. Le Christ en effet est la Tête de l'Église, et les saints ne montent au ciel que parce qu'ils sont ses membres. »(3).
Le mystère de l'ascension s'inscrit dans la tradition hébraïque de l'ascension d'Élie (4) et dans la méditation des anges qui montent et descendent de l'échelle de Jacob (5) et notamment de l'interprétation donnée par le targum (6).
Cette dimension verticale est soulignée par Thomas d'Acquin dans le même texte « le Christ tire son origine de Dieu, qui est au-dessus de tout. Jésus dit en effet à ses Apôtres (Jn 16, 28) : « Je suis sorti du Père et je suis venu au monde : maintenant je quitte le monde et je vais au Père. » (7)
Cet axe vertical est surtout à contempler pour moi dans cet axe particulier de la kénose c'est pourquoi il faut relire Thomas dans le bon sens, pour percevoir in fine l'insistance sur le dépouillement comme clé d'interprétation de l'ensemble.
Paul le dit très bien dans Ph. 2, c'est parce qu'il c'est abaissé que Dieu lui a donné le nom (de Jésus c'est-à-dire de Dieu sauveur).
Il nous reste aujourd'hui à méditer la dernière phrase du Christ qui est notre espérance : « je serai avec vous » et contempler le triple don qu'il nous fait dans l'Écriture, l'eucharistie partagée et l'Esprit déposé en nous par les sacrements reçus du baptême et de la confirmation.

Alors, dans la dynamique même de son dépouillement, pourrons-nous le laisser « transformer notre corps humilié, en le configurant à son corps glorieux par l’opération qui le rend capable de tout s’assujettir.» Philippiens‬ ‭3:21‬

(1) cf. sur Fnac.com en téléchargement gratuit
(2) Saint Thomas d'Aquin, Commentaire du Credo (Le Credo; trad. par un moine de Fontgombault; collection Docteur Commun; Nouv. éd. latines, 1969; p. 137.139; rev.)
(3) ibid.
(4, 5, 6) Dieu dépouillé
(7) St Thomas, op. cit.

04 janvier 2016

Le sens de notre mort

Si nous percevons l'ampleur de la danse à laquelle nous sommes invités, nous percevons que notre mort n'est pas anodine. Elle a une double finalité : celle de rencontrer Dieu‎, danser avec lui l'éternelle danse, mais aussi créer un manque sur terre qui entretient le désir. Au delà de la souffrance de la séparation, l'absent est aussi celui qui fait naître en nous le désir de l'au-delà, le désir de Dieu. En cela, Dieu est plus grand que sa création, car en la laissant agir, il fait naître chez l'homme de nombreux mouvements qui conduisent à lui, du cri au manque, de la frustration au désir et du manque à la contemplation du chemin parcouru et à parcourir. Bien sûr tous ces mouvements ne sont pas immédiats et, à l'image des Apôtres désemparés par le tombeau vide, comme par l'ascension de leur maître, il faut laisser le temps du décentrement, pour qu'en nous la souffrance de la séparation laisse place à la quête ultime et l'accueil du Consolateur.

11 mai 2015

Du désert à l'ascension

À l'issue de son périple au désert,  le voyageur peut enfin saisir ce à quoi il est appelé dans une lecture spirituelle des premiers chapitres de Jean.
Il a puisé avec effort l'eau de la grâce dans sa jarre, il a perçu sa soif et son manque de vin, il a saisi combien le Christ est celui qui change l'eau en vin, alors il est prêt à mourir pour renaître.  
Le baptême de Jean est une étape,  mais ne devient le baptême véritable que lorsque assoiffé,  il s'approche du puits de la rencontre, pour boire à la source vive, à celui dont le sang et l'eau déverse son esprit dans l'inimitable don. Vers ce signe élevé sur le bois de la Croix,  l'homme régénéré peut se tourner pour recueillir l'éternel don de la Parole qui seule est source vive.

« Aujourd'hui notre Seigneur Jésus Christ monte au ciel ; que notre cœur y monte avec lui. Écoutons ce que nous dit l'Apôtre : Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d'en haut : c'est là qu'est le Christ, assis à la droite de Dieu. Le but de votre vie est en haut, et non pas sur la terre. De même que lui est monté, mais sans s'éloigner de nous, de même sommes-nous déjà là-haut avec lui, et pourtant ce qu'il nous a promis ne s'est pas encore réalisé dans notre corps.

Il a déjà été élevé au-dessus des cieux ; cependant il souffre sur la terre toutes les peines que nous ressentons, nous ses membres. Il a rendu témoignage à cette vérité lorsqu'il a crié du haut du ciel : Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? Et il avait dit aussi : J'avais faim, et vous avez donné à manger.

Pourquoi ne travaillons-nous pas, nous aussi, sur la terre, de telle sorte que par la foi, l'espérance, la charité, grâce auxquelles nous nous relions à lui, nous reposerions déjà maintenant avec lui, dans le ciel ? Lui, alors qu'il est là-bas, est aussi avec nous ; et nous, alors que nous sommes ici, sommes aussi avec lui. Lui fait cela par sa divinité, sa puissance, son amour ; et nous, si nous ne pouvons pas le faire comme lui par la divinité, nous le pouvons cependant par l'amour, mais en lui." (1)


Alors peut retentir l'hymne que l'Église chante à l'aube de l'ascension : 
"Entré dans la gloire,
Jésus nous trace le chemin
Et nous conduit vers le matin
De sa victoire.
(...) l'amour seul est puissance,
Mystère découvert
Aux yeux de l'espérance.
Vêtu de lumière,
(...)
Dans son offrande, vers la joie,
Ses mains nous portent.
(...)
Il fait mûrir tout l'univers,
Et son Esprit, dans nos déserts,
Est source vive."

( 1) saint Augustin,  sermon pour l'ascension

14 octobre 2007

Méditation sur l’Ascension

Ne peut-on dire à l’aune des développements anciens sur l’hyperbole, que l’Ascension est en sens la véritable hyperbole ? Le Christ se révèle, s’incarne, puis se retire et ce retrait est ouverture pour nous. Ouverture dangereuse parce que notre interprétation peut se tromper, mais ouverture qui laisse une place à l’Esprit, qui prendra fonction d’interprète de ce chemin hyperbolique.

On aperçoit pour moi, là encore, le rôle kénotique de chacune des personnes divines.