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25 juillet 2019

Solitude et absence du Père - De Speyr à Teresa - 8

Il faut revenir à l'analyse d'Adrienne von Speyr sur la place du « non-voir » qu'évoque le dialogue entre Moïse et Dieu en Exode 33 pour comprendre ce qu'elle contemple en Christ face à l'expérience de la déréliction. « Le non-voir est la condition même de la contemplation de la croix, de ce Dieu dont aucune image ne peut être donnée (1) ». La privation du voir est vision sur le mode de la non vision. Le refus du visage, la solitude est le chemin du mystère... La nuit contemporaine résiste à toute assimilation.
Elle conduit à la foi véritable évoqué à Thomas : « heureux qui croit sans avoir vu ». N'est-ce pas le chemin de nos solitudes...?

« il s'en est allé, l'amour pour quoi que ce soit, pour quiconque ; et, malgré cela, je brûle jalousement de désir pour Dieu, à L'en aimer de chaque atome de vie en moi. Je veux L'aimer d'un amour profondément personnel. Je ne peux pas dire que j'en suis distraite, car mon esprit, mon cœur sont ordinairement avec Dieu. Tout cela vous paraît délirant devant tant de contradictions ! »(2)
Et pourtant il y a l'essence de la déréliction speyrienne.

(1) Adrienne von Speyr, le visage du Père, p. 68-69, cité par Hans Urs von Balthasar et François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 438

(2) ibid p. 439

04 juillet 2019

Nuit des ténèbres - Adrienne von Speyr

Personne plus qu'Adrienne von Speyr n'a été aussi loin sur la nuit des ténèbres et sur l'abandon ressenti par le Fils. Comme le souligne à ce sujet François Marxer : « si le Père à nos yeux se détournent du Fils par lui abandonné, ce n'est pas réprobation ni châtiment - là est l'erreur de toute la théologie victimaire –, c'est, dans la suprême spontanéité de l'amour, pour lui faire connaître, jusque dans le frémissement de sa chair accablée et la désolation de son âme, le mystère impensable de Qui il est. Le secret que protégeait le Buisson ardent est levé, et ainsi s'accomplit le mystère de Dieu, à l'évidence inconcevable. Aussi inconcevable que la méchanceté d'un Dieu cruel, cette impensable façon d'en rendre compte ; aussi inconcevable (et scandaleux) que la coupe d'amertume et d'angoisse qui, sans alternative, s'offre aux mystiques et leur fait goûter (et peut-être même concevoir) cette inconcevabilité même. La nuit est le dévoilement de Dieu. » (1)

Adrienne va loin. Elle médite sur la révélation d'un Fils qui plonge dans l'abîme absolu, là où Dieu n'est plus. Dans toute nuit se pose la question de cet abandon de Dieu. Malgré nos doutes, notre espérance repose sur ce constat. Il a traversé la mort, la déréliction, l'abandon, la nuit. Dans ce désert Dieu semble mort et pourtant il est là, pleurant peut-être de notre douleur à nos côtés. Toute tentation de penser que Dieu voudrait réparation est une fausse route. Si Dieu se tait, c'est pour notre salut. Car au delà de nos nuits obscures, à la suite de saint Jean de la Croix (comme il l’exprime dès le début de son livre éponyme), nous pouvons affirmer qu'il nous relève.

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 334

30 mai 2019

Nudité et silence - Adrienne von Speyr - Kénose 161 (et déréliction)

Version 2 :
A la nudité à laquelle nous appelle Dieu au début d'Exode 33, Adrienne von Speyr semble, si l'on suit F. Marxer (1) percevoir au bout de la déréliction la « nudité sans recours du Fils abandonné, dont la nuit spirituelle revêtira l'âme de nos mystiques (...) la seule parole qui puisse se déployer est le silence, le silence partagé par le Père et le Fils (...) il est devenu le Verbe muet du Père (...) la chair se meurt, le Père se tait pour ne faire qu'un avec le Fils qui se tait (...) silence de la mort du Fils et silence de la réponse du Père ».

Pourquoi ? veux-t-on crier...
« Adrienne précise et explicite les raisons de cette nuit qui refuse au Fils tout soulagement. Le Père ne persécute pas le Fils selon quelque sadique inclination, mais en accord parfait avec la volonté salvifique du Fils qui n'a pas d'autre choix (...) l'Agapè, par sa seule force, sans aide ni répit quelconque [doit] venir à bout des ténèbres »(1)

C'est, précise F. Marxer, aussi le chemin de Marie de la Trinité et Mère Teresa. C'est aussi l'impasse apparente de tout homme face à la souffrance. Sans explication, sans autre présence que le Silence, l'appel intérieur qui nous conduit à continuer d'aimer, d'espérer et de croire alors que tout nous pousse à fuir. Je citais au début Exode 33. Comme je l'ai longuement montré, ce passage où Moïse cherche Dieu après le veau d'or est clé, il passe par l'échec et la nudité, le quiproquo et l'erreur pour aboutir à la vision...

La nuit qu'évoque Adrienne et qu’il faudrait reprendre plus longuement
n’est qu’une facette de la nuit du combat des ténèbres où le Christ avance seul, première victime innocente de ce qui au XXème siècle deviendra le chaos sans nom du crime organisé. En cela le Silence de Dieu est le prélude d’un grand silence qui dure. De ce silence que dire ? Seule la croix éclaire fragile la violence inouïe des hommes dont nous sommes tous un peu responsables, dès que nous tournons le dos à l’amour.

La croix est le signe inouï de Dieu, Père et Fils. Signe incompris, méprisé, bafoué et pourtant lueur de ce qui est notre Salut...

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 318-9

17 août 2018

Déréliction de Marie

« La déréliction dans laquelle elle vit (...) est sans attache aucune. C'est un délaissement absolu. La mère ne sent plus rien que l'impuissance et la solitude, au point que ce sentiment occupe toute son âme, et que le cri du Fils la saisit tout entière et fait d'elle une partie même de ce cri. Et alors qu'elle s'enfonce ainsi dans la plainte du Fils, son premier oui reprend vie (...) surexigence pure » (...) Ce qu'elle a à donner n'est plus force mais faiblesse. (1)

« C'est Dieu lui-même qui conduit par delà le seuil de l'activité d'obéissance dans la passivité consistant à ne plus être que celui dont on dispose »(2)

Il y a la le sommet du décentrement...

(1) La servante du Seigneur - Adrienne von Speyr, ibid. p. 162
(2) p. 163

Don et obéissance - La servante du Seigneur - Adrienne von Speyr

A propos du mariage la lecture mystique d'Adrienne va très loin à partir d'une contemplation de Jean et Marie au pied de la Croix : « Le véritable amour doit donner à la personne aimée la possibilité d'obéir à Dieu, de sorte qu'il est lui-même disposé à obéir (...) ultime obéissance envers Dieu. (...) le regard est tourné vers Dieu (...) changement de direction total » (1)

Depuis le oui originel jusqu'au oui de la Croix, « jaillit en une effusion pure et eucharistique, ouverte et féconde à l'infini » (2) toute la dynamique sacramentelle d'une vie.

(1) Adrienne von Speyr, La servante du Seigneur, Johannes Verlag, 1948/79, p.173
(2) ibid p. 177

12 janvier 2016

Miséricorde

Dans une trilogie à paraître sur "l'humilité et la miséricorde", je cherche à mettre en tension ces deux concepts et leurs qualités théologales‎. Chez Adrienne von Speyr qui, après Madeleine Delbrêl et Jacques Loew m'ont accompagné pendant un temps sur ce chemin, je trouve en conclusion cette contemplation d'A. von Speyr qui donne à penser : "La miséricorde de Dieu et son amour sont plus grands que sa volonté de châtiment. (...) Dieu a accordé à la mort le caractère de la confession, en faisant de la mort, conjointement avec le purgatoire une purification. Mais ce n'est pas encore assez ; il permit que sa Mère fut reçue dans le ciel avec son corps, (...) afin que le mourant acquiert la certitude que l'amour est plus fort que la mort (...) la mort est anéantie dans la vie éternelle. (1)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, op. Cit p. 124


11 janvier 2016

La démesure de Dieu

Intéressante discussion mercredi sur les Psaumes vengeurs et l'idée du châtiment. Plus je médite sur le thème de la miséricorde, plus il me semble que l'amour de Dieu étant par essence débordant, il ne peut qu'être lié à cette démesure dont parle Adrienne : "l'homme trouvera infiniment plus qu'il ne pourrait jamais atteindre, parce que l'accomplissement du ciel comparé au monde est encore bien plus exaltant que ne l'est la nouvelle alliance comparée à l'ancienne. La démesure de ‎Dieu est elle-même la réalisation qui ne peut cesser de combler en toute réalité" (1)

(1) Adrienne von Speyr,  Le mystère de la mort, op. Cit p. 92

10 janvier 2016

Transparence et humilité

‎Intéressante réflexion d'Adrienne von Speyr sur la transparence : "Celui qui sème doit faire don à ses semblables ce qu'il a saisi de Dieu par expérience d'une manière qui leur soit compréhensible et qui les engage. Cela n'est possible :

  • que s'il devient lui-même transparent et que la Parole de Dieu ne subisse aucune réfraction en passant par lui, 
  • que s'il transmet sans altération l'essentiel de cette Parole : l'Amour" (1)

C'est aussi une leçon d'humilité pour tous ceux qui ose ajouter par leurs commentaires à ce que la Parole est seule capable de dire. On pourrait se contenter de se taire... Si une longue expérience pastorale me pousse à continuer dans mes travaux de lecture commentée de la Parole, je dois reconnaître qu'il demeure toujours un risque d'utilisation de la Parole dans le sens de sa pensée, alors qu'elle devrait au contraire nous conduire toujours à un déplacement vers l'amour. Si je ne prêché pas l'amour,je ne suis "qu'une cymbale qui résonne" (1 Cor 13)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1989, p. 86.

09 janvier 2016

Chemins d'humilité et déréliction

Prendre conscience de nos abandons réguliers c'est entrer en contemplation, avec toute l'Église, de la déréliction‎ et de l'abandon du Christ à l'aurore de sa vie.
A chaque fois que nous célébrons sa mort, nous contemplons sa solitude dans le jusqu'au bout de l'amour. Et à chaque fois que nous percevons combien son amour nous dépasse, nous percevons combien nous avons besoin de sa venue en nous...
De même, A. Von Speyr fait écho de cela a propos de ce qu'elle appelle les chargés de mission, ceux qui sont suffisamment décentrés pour percevoir combien notre vie n'a de sens qu'en diaconie pour Dieu. "Tout ce qui arrivera désormais dans la vie du chargé de mission se trouvera sous le signe de l'amour de Dieu, y compris ce qu'il ne comprend, y compris ce qui accentue, par nécessité, sa solitude et sa déréliction, ce qui ne permet plus de témoigner sa communion avec les hommes autrement que comme une communion en Dieu(1)".

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, op. Cit p. 87







05 janvier 2016

Le sens de notre mort - 2

En première lecture, ni la mort des saints innocents, ni la mort du Christ n'avaient de sens pour le témoin direct du drame. Et pourtant, ils participent à ce plan de Dieu, à cette révélation profonde du drame de la violence et nous appelle à l'amour. La mort d'un proche, la mort d'un enfant est l'objet d'un cri et d'une souffrance extrême jusqu'à ce que nous prenions conscience de la communion qu'elle a engendré, de l'amour et de l'entraide qui jaillit au delà de la peine et nous pousse à l'amour véritable. C'est ce que j'exprime entre les lignes dans certains de mes romans comme "La caresse de l'ange, La danse des anges, mais aussi Le collier de Blanche ou Le chant du large".
"Il nous faut confier à l'anonymat du service ecclésial le sens ultime que notre mort peut revêtir pour l'humanité" disait Adrienne von Speyr (1)
"Il y a dans la vie terrestre du Seigneur une concentration de toute sa fécondité en direction de sa mort sur la Croix, et parce que son incarnation signifie communion avec nous, nous pouvons avec lui, dans l'Église, concentrer sur sa croix notre volonté (...) voir dans notre mort, quelle qu'elle puisse être, l'ultime récapitulation de notre oblation à Dieu." (2) l'idée centrale, inscrite dans la dynamique sacramentelle est de voir notre vie, comme participation à "l'explosion en force de toute vie humaine dans" (3) celle du Christ, Lui qui est "la résurrection et la vie".


(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de notre mort, Culture et Vérité, 1953-1989, p. 61
(2) ibid

(3) p. 66‎

04 janvier 2016

Nous ne sommes pas immunisés

Il règne parfois un utopie véhiculée par certains courants religieux au sein de notre Église qui nous laisserait croire qu'une pratique régulière nous protégerait du "mal de peine"(1), de la maladie et de la mort. Adrienne von Speyr nous précise avec raison que "le Fils n'est pas venu nous faire le don d'une vie de foi qui serait d'entrée immunisée contre toutes les difficultés et tous les doutes, qui serait une sorte de bonheur inconscient qui se déroberait à toute difficulté et à toute souffrance. Une vie de ce genre ne serait pas une vie à la suite du Christ." (2)
Elle serait utopie et renfermement ‎communautariste dans l'illusion.

(1) Saint Thomas d'Aquin, dans sa Somme théologique distingue mal de peine et mal de faute‎. Le mal de peine est le mal subi.
(2) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1953-1989, p. 58

28 décembre 2015

La miséricorde divine

Jusqu'où va la miséricorde divine ? Penser Dieu comme infini de l'amour c'est accepter que nos limites et nos justices humaines volent en éclat
 Or Dieu n'est-il pas au delà de nos calculs, au-delà de nos justices. Une méditation de Luc 15 peut nous conduire à contempler que "la résurrection du pécheur est la décision extrême, la plus éclatante, que Dieu peut prendre à l'égard d'un être humain. Elle n'est pas seulement victoire mais renversement radical de tout ce qui a existé, à été vécu et espéré."‎ (1)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1953, p. 53

27 décembre 2015

Face à la mort - chemin d'humilité

Intéressante analyse d'Adrienne von Speyr sur la condition humaine, ce monde fictif dans lequel on semble trouver sa raison d'être par nos oeuvres, cet "agir" dirait Bernard Pitaud. "Un monde qui reflète très fortement notre personnalité (...) un monde qui nous est conformé" jusqu'à ce que survienne l'inattendu qui ouvre à la reconnaissance qu'au dessus de notre jugement, "il y a une autre instance, une volonté qui influe sur lui. C'en est fait alors de [notre] monde fictif", nous devons faire tomber nos écailles et trouver le chemin du "vrai monde de Dieu". Cette expérience est une mort de ce qui nous est propre, mais surtout que l'on est "mûr pour le langage de Dieu" (...) " on devient libre pour lui" (1)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1953, p. 30-31

29 septembre 2015

Misère de l'esprit

Auteur de Pastorale du seuil, je ne peut être insensible aux propos de Madeleine Delbrel sur la misère de l'esprit‎, sur cette "intelligence qui n'a plus ce pour quoi elle est faite", (...) "une misère spirituelle" à l'image de ce qu'on lit quelque part dans les Actes des Apôtres : "Nous ne savons pas qu'il y eut un Esprit-Saint". (...) La mort elle-même perd de son mystère prochain. La causalité humaine tend à s'emparer même de la mort. (...) Parce qu'on peut la retarder, on oublie qu'elle vient toujours".
Misère de l'esprit donc pour ceux qui ont un accès "limité à un réel extrêmement restreint" (1)

L'allusion à la mort est intéressante à plusieurs point de vue. Dans mes travaux récents je montre que cette faille de la mort peut être une clé d'entrée à un au delà de l'intelligence commune. "La mort est fin et en tant que fin elle est mystère", (...) elle introduit une relation étrange avec le prochain" (2) nous dit ‎Adrienne von Speyr. De fait, elle ouvre au mystère et à Dieu alors que la vie dans sa routine n'est qu'une course au bonheur que l'on achète : "bonheurs chiffrables en prix d'achat" (3).
Un point qu'il me semble sensible.

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres, gens des rues, Paris, Seuil, 1966, p. 120ss
(2) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, culture de vérité, Namur, Letheilleux, 1989, p. 11
(3) Madeleine Delbrel, ibid. p. 122

16 décembre 2014

La face du Père, Adrienne von Speyr - 2 - Marie et la kénose du Père.

On contemple souvent Marie sous l'angle de l'humanité et nous émerveillons non sans fondement sur son "Fiat" ("qu'il me soit fait selon sa parole")
Je trouve dans "La face du Père" d'Adrienne von Speyr un autre point de vue complémentaire,  celui du Père, qui en confiant son Fils au sein d'une Vierge, amorce le mouvement même de la kénose (1).
Quel pari fou sur l'homme. N'est-on pas déjà dans le mouvement même de l'abandon et de l'agenouillement de Dieu.
Cette contemplation n'est pas sans rejoindre ce que j'ai écrit,  à la suite d'Emmanuel Durand (2) sur la Danse Trinitaire (3). Elle entre en résonance avec ce qu'écrivait Hans Urs von Balthasar sur la kénose du Père  : "Il a tout donné"

(1) La face du Père, Editions Lethielleux, 1984, p. 56
(2) La circumincession des personnes divines, Cerf.
(3) repris in A genoux devant l'homme

13 décembre 2014

Voir Dieu - Le rêve des prophètes.

L'Avent nous permet de faire le long chemin des prophètes. Je retombe sur un livre commencé de A. von Speyr, qui a de très belles phrases sur ce temps de l'Avent : "Il entend la voix de Dieu", dit-elle (1), "il a maintenant une oreille pour la percevoir (...) l'obscure captivité de ce monde est suspendue (...) il est entré dans le monde de Dieu, avec des sens qui peuvent le saisir. (...) Il se voit soudainement tout entier transporté dans une nouvelle existence (...) il découvre
tout d'un coup le sens du nom de "Père". Plus loin (2) elle précise qu'il est "affaibli, aveuglé, chancelant". Il est pris de "tremblement".  "Il se sent comme un jeune garçon devant son père, il guette sa parole, la comprend jusqu'à un certain point, mais la cohérence et les motifs lui de ce que fait le Père lui restent voilés." (...) il obéit (...) avec une obéissance qui fait voler sa vie en éclats et la recompose de façon neuve selon un plan pour lui intelligible (...) il est dépouillé de lui-même, car Dieu l'a tellement associé à la sphère de sa volonté (...) qu'il exécute".

C'est sous cet angle que l'on peut contempler le texte de Matthieu 11,11-15 "En ce temps-là, Jésus déclarait aux foules : " Amen, je vous le dis : Parmi les hommes, il n'en a pas existé de plus grand que Jean Baptiste; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.
Depuis le temps de Jean Baptiste jusqu'à présent, le Royaume des cieux subit la violence, et des violents cherchent à s'en emparer.
Tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont parlé jusqu'à Jean.
Et, si vous voulez bien comprendre, le prophète Élie qui doit venir, c'est lui.
Celui qui a des oreilles, qu'il entende !"

 Saint Augustin dira à ce sujet : "Jusqu'à Jean Baptiste la Loi et les prophètes comportaient des préfigurations qui avaient pour but d'annoncer l'avenir. Mais les sacrements de la nouvelle Loi, ceux de notre temps, attestent la venue de ce que les anciens proclamaient à venir. Et Jean a été, de tous les précurseurs du Christ, le messager qui l'annonce de plus près.  Car tous les justes et tous les prophètes des siècles antérieurs avaient désiré voir l'accomplissement de ce qu'ils discernaient déjà dans cet avenir dont l'Esprit Saint leur soulevait le voile. Le Seigneur Jésus le dit en personne : « Bien des justes et bien des prophètes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l'ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l'ont pas entendu » (Mt 13,17). C'est pourquoi il a été dit de Jean Baptiste qu'il était « plus que prophète » et qu'« aucun des enfants des femmes ne l'a surpassé » (Mt 11,9-11).       En effet, les justes des premiers temps avaient eu seulement la faveur d'annoncer le Christ ; Jean Baptiste, lui, a eu la grâce de l'annoncer encore absent et de le voir enfin présent. Il a vu à découvert celui que les autres ont désiré voir. C'est pourquoi le signe de son baptême appartient encore à l'annonce du Christ qui vient, mais à l'extrême limite de l'attente. Jusqu'à lui, il y avait eu des prédictions du premier avènement du Seigneur ; maintenant, après Jean, cet avènement du Christ, on ne le prédit plus, on le proclame." (3)

Voir Dieu... Dans la deuxième partie de l'Amphore et le fleuve, j'ai donné une longue analyse du texte d'Exode 33 et 34 où je décris le désir de Moïse de voir sa face et la façon dont Dieu lui répond. C'est dans cet axe Moïse, Elie, Isaïe, ..., Jean, Jésus que nous pouvons entrer, à l'aube de Noël. C'est notre chemin de l'Avent.

(1) Adrienne von Speyr, La face du Père, P. Letheilleux,1984 p. 47
(2) ibid. p. 49ss
(3) Saint Augustin, Traité anti-donatiste « Contre les lettres de Petilianus » livre 2, §87 (trad. Bibliothèque augustinienne,  DDB 1986, vol. 30, p. 341), source : Evangile au quotidien

05 juillet 2014

Déréliction - V

« Jésus peut donner part, de même qu’il a fait participer les sœurs de Béthanie, à sa passion future. En cela se montre l’intemporalité de sa passion, l’intemporalité de la rédemption et celle de la marche à sa suite (...) on peut y entrer aussi bien jadis que 1000 ans plus tard » (1)

Je retombe sur cette citation d'Adrienne von Speyr, qui complète, à sa manière mes propos sur D. Bonhoeffer. Le Christ d'hier n'est pas différent du Christ d'aujourd'hui et tout ceux qui payent de leur sang son message montre l'intemporalité de sa Parole et rendent plus vivent l'espérance de la rédemption.

(1) Adrienne von Speyr Johannes, 386 cité par Hans Urs von Balthasar p. 283

14 septembre 2012

Pourquoi j'ai mal ? - Avis de recherche

Depuis la nuit des temps, la question de la souffrance interpelle l'homme ? Cette question, il la pose aussi à Dieu, dès qu'il en perçoit la présence. La Bible nous fait état, à plusieurs reprises de cette question et les psaumes retentissent, souvent de ce cri. A la suite de l'exil, cette question de la souffrance et en particulier de la souffrance des justes, se cristallise dans le texte de Job. Il rebondit ensuite, plus tardivement, dans la question posée par la mort des martyrs d’Israël. Jésus se fait écho de cette question dans l'épisode de la tour de Siloë. Et l'explication qu'il donne, reste alors sous forme d'une aporie. Peut-être, parce qu'une seule réponse nous est offerte, celle de la Croix..., signe élevé pour le monde. Cette question fondamentale pour l'homme affleure dans toutes les rencontres avec les gens du seuil. Un des exemples les plus criants, m'a été rapporté par un jeune, l'année dernière, dans cette phrase : « Quand je vais bien, je regarde le ciel et je lui demande, qu'est-ce que tu vas m'envoyer encore, comme malheur ?»... Face à ce lien entre la peine et Dieu, nous sommes souvent démunis. Et pourtant, l’Église n'a cessé de tenter d'apporter une réponse à cette question. Elle y est parvenue avec plus ou moins de conviction et a peut-être manqué en tout cas de clarté dans sa réponse. Nous chercherons, chez des théologiens comme Moltmann et Balthasar, des clés d'interprétation. Peut-être que ce chemin nous conduira ailleurs, notamment sur la question de la déréliction, mise en avant par A. von Speyr. Une certitude : au delà des concepts, la traduction pastorale ne cessera d'être notre préoccupation... Parce que les mots de l’Église, ses références, ne parlent plus aux hommes d'aujourd'hui. Cet argumentaire trace en quelques mots, mes préoccupations de cette année à venir, puisque je vais y consacrer l'année, dans le cadre de ma dissertation de licence de théologie. Les suggestions de lecture sont les bienvenues...

04 décembre 2007

Union trinitaire

« L’Esprit est le mouvement qui rend possible et que réussit cette disposition auprès du Père. L’Esprit fait que l’union hypostatique de la divinité et de l’humanité prend maintenant (sur la croix) une figure telle qu’elle fait apparaître jusqu’à l’extrême la différence entre Dieu et le pur homme. » (1)

« Le Père doit croître par le fait que le Fils dépose tout ce qui en lui est divin auprès du Père » (2)

Nous sommes plongés par là au cœur du mystère de la Trinité, comme un échange incessant entre le don de l’un et de l’autre et cette contemplation est porte du mystère. D’elle rayonne la lumière indicible du plan de Dieu sur l’homme.

(1) Adrienne von Speyr, Passion nach Matthaüs, Einsielden, Johannes Verlag, 1957, p. 154

(2) Adrienne von Speyr, ibid p. 153-154, cité par Hans Urs von Balthasar, Théologique III, L’Esprit de Vérité, p. 166

18 octobre 2007

Inépuisable lumière

« Adrienne von Speyr va jusqu’à dire que cet excès [de lumière] fait partie de l’essence même de Dieu qui dans sa vie trinitaire elle même, se trouve toujours de nouveau confronté à la surprise de la grandeur toujours plus grande qu’il est pour lui-même ». (1)

(1) Cité par Hans Urs von Balthasar, La Théologique, III – L’Esprit de Vérité p. 24