Version 2 :
A la nudité à laquelle nous appelle Dieu au début d'Exode 33, Adrienne von Speyr semble, si l'on suit F. Marxer (1) percevoir au bout de la déréliction la « nudité sans recours du Fils abandonné, dont la nuit spirituelle revêtira l'âme de nos mystiques (...) la seule parole qui puisse se déployer est le silence, le silence partagé par le Père et le Fils (...) il est devenu le Verbe muet du Père (...) la chair se meurt, le Père se tait pour ne faire qu'un avec le Fils qui se tait (...) silence de la mort du Fils et silence de la réponse du Père ».
Pourquoi ? veux-t-on crier...
« Adrienne précise et explicite les raisons de cette nuit qui refuse au Fils tout soulagement. Le Père ne persécute pas le Fils selon quelque sadique inclination, mais en accord parfait avec la volonté salvifique du Fils qui n'a pas d'autre choix (...) l'Agapè, par sa seule force, sans aide ni répit quelconque [doit] venir à bout des ténèbres »(1)
C'est, précise F. Marxer, aussi le chemin de Marie de la Trinité et Mère Teresa. C'est aussi l'impasse apparente de tout homme face à la souffrance. Sans explication, sans autre présence que le Silence, l'appel intérieur qui nous conduit à continuer d'aimer, d'espérer et de croire alors que tout nous pousse à fuir. Je citais au début Exode 33. Comme je l'ai longuement montré, ce passage où Moïse cherche Dieu après le veau d'or est clé, il passe par l'échec et la nudité, le quiproquo et l'erreur pour aboutir à la vision...
La nuit qu'évoque Adrienne et qu’il faudrait reprendre plus longuement
n’est qu’une facette de la nuit du combat des ténèbres où le Christ avance seul, première victime innocente de ce qui au XXème siècle deviendra le chaos sans nom du crime organisé. En cela le Silence de Dieu est le prélude d’un grand silence qui dure. De ce silence que dire ? Seule la croix éclaire fragile la violence inouïe des hommes dont nous sommes tous un peu responsables, dès que nous tournons le dos à l’amour.
La croix est le signe inouï de Dieu, Père et Fils. Signe incompris, méprisé, bafoué et pourtant lueur de ce qui est notre Salut...
(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 318-9
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