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02 août 2019

Effacement et contraste - 9 - Beau ou Bon ? - Balayure - Marie de la Trinité

"Un soir d'hiver j'accomplissais comme d'habitude mon petit office, il faisait froid, il faisait nuit… Tout à coup j'entendis dans le lointain le son harmonieux d'un instrument de musique, alors je me représentai un salon bien éclairé, tout brillant de dorures, des jeunes filles élégamment vêtues se faisant mutuellement des compliments et des politesses mondaines ; puis mon regard se porta sur la pauvre malade que je soutenais ; au milieu d'une mélodie j'entendais de temps en temps ses gémissements plaintifs, au lieu de dorures, je voyais les briques de notre cloître austère, à peine éclairé par une faible lueur" (1)

Terrible contraste entre le Beau et le Bon. Tension s'il en est pour ceux qui cherchent dans l'esthétique une porte d'entrée mystique. Ici, pas de fuite possible. Le visage de l'autre m'interpelle toujours. Entre l'exigence de Lévinas et la culpabilité de Sibony, il n'y a pas photo. L'autre est la porte vers l'Autre, même si ce dernier est silencieux... Le chemin parcouru est celui d'une vie. 

Face au silence, y-a-t-il que l'Ecriture ? Avec ou sans grand "E" ?

Entre une auto-justification narcissique et le silence, Pascal a fait le choix, in fine, du silence nous dit Hans Urs von Balthasar dans Gloire et Croix, Styles, tome 3.

A méditer.

C'est en tout cas mon choix, depuis que j'ai compris, à la lumière de Philippiens 3 et de Grégoire de Nysse que je ne suis que balayure (2) sur une course infinie(3).

(1) Marie de la Trinité citée par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 562
(2) ibid. p. 524 et 528 sq et Ph 3
(3) cf. mon livre éponyme 

15 mars 2019

Beauté du monde et séduction divine - Gerard Manley Hopkins

"Dieu s'empare de l'âme en deux opérations. D'abord par le piège de la beauté, il l'enlève par surprise et pure violence, tout à fait malgré elle et sans qu'elle sache où elle va ; puis par un mélange de surprise, de contrainte et de séduction, il lui arrache son consentement en lui faisant goûter un instant la joie divine. Alors elle est prise pour toujours" (1)

Ce texte cité par François Marxer (2) est interpellant à bien des égards. Même s'il l'utilise pour décrire la conversion de Simone Weil, la notion de violence de Dieu peut déranger. Mais qu'est-ce à dire si ce n'est un arrachement de notre paresse et de notre quiétude stérile ? Dieu nous fait violence car notre nature nous fait fuir, à la manière de Jonas, l'appel incessant de l'où es-tu de Dieu (Gn 3). La séduction de Dieu n'est pas celle du serpent. Elle utilise d'autres armes, celle de la Vérité, de la grandeur d'âme et de cet appel intérieur qui fait jaillir en nous l'amour enfoui.

(1) Gerard Manley Hopkins, Cahier VIII, dans OC VI, Paris, Gallimard, 2002, p. 59
(2) Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 172

29 août 2017

Tressaillement et splendeur

Entrer en prière dans son corps et non contre son corps(1), c'est s'unir avec le mouvement kénotique de l'incarnation du Christ, respecter le don que Dieu nous fait et tressaillir de tout notre être en "recevant l'emprunte de [la] fulgurante splendeur [divine]"(2). C'est
entrer dans la transe trinitaire, prélude à la danse des anges.
"Ne savez vous pas que votre corps est un temple ?" (1 Co 3, 16).
En entrant dans notre corps nous reconcilions ce pour quoi nous avons été créé.

(1) cf. François Cassinga-Trévédy, Pour toi quand tu prie, op. Cit. p. 65
(2) Maxime le Confesseur, Mystagogie, 6, PG 91, 684

08 mai 2017

De la beauté à la grâce -Saint Basile

"SI les prémices sont aussi belles, qu'en sera-t-il de la plénitude totale ?" (1)

(1) Saint Basile,  traité sur l'Esprit Saint,  source AELF

11 janvier 2017

Beauté infinie

Il n'est pas humain de croire que l'on peut saisir l'insaisissable, comprendre l'infini de Dieu et tous nos efforts humains ne valent rien face à l'excès en Dieu. On peut comprendre dans cette dynamique que Dante dépose aux pieds de Béatrice "son emploi de poète ; car il est sûr, non seulement de ne pas pouvoir dire combien elle est belle, mais qu'elle est beaucoup plus belle qu'il ne le comprend et que, seul, son Créateur peut jouir totalement de cette beauté"(1).

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 389

29 novembre 2016

Beauté et gratuité

Revenons au tome 2. "En toute offre de beauté, il y a un facteur de gratuité, de liberté et de désintéressement (...) trace et reflet de la beauté trinitaire qui, en se donnant elle-même, ne doit rien à personne"(1). Cette manifestation objective de la bonté est en effet ce qui nous renvoie à notre excursus dans le tome 6. La beauté véritable est dans la bonté qui révèle, plus que tout agir, le don de Dieu qui se donne et s'efface.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 312

28 novembre 2016

Beauté et bonté chez Platon

La beauté est chez les Grecs un concept plus vaste et plus complexe que le sens commun dans le langage français. Le terme kalon se traduit,  nous dit Hans Urs von Balthasar, autant par beau que par juste convenable, bon, adapté à l'être... (1) jusqu'à atteindre une dimension transcendantale, qui nous échappe. De même le rapport entre bonté et beauté peut s'approcher :
"Tout ce qui est bon (agathon) est beau (kalon) et la beauté n'est pas sans mesure intérieure(2)".
Cette notion de mesure, qui inspirera le livre de la Sagesse puis saint Augustin nécessite une bataille contre le principe de plaisir, qui va être, selon Balthasar, le grand combat de Platon. L'enjeu est d'inverser le principe subjectif du plaisir (édonisme) pour caractériser objectivement la beauté sur une autre échelle, non plus celle de l'extérieur mais de l'agir. Est beau ce qui rayonne et transpire de bonté. Sur cette dimension objective le Christ peut alors être placé en haut alors qu'à l'inverse nos beautés apparentes se fanent à la mesure de nos hypocrisies.
Mais Hans Urs von Balthasar note une autre difficulté, celle du plaisir procuré par sa propre bonté, sa rectitude qui procure une certaine béatitude(3) et donc peu être source d'orgueil.
Là se comprend que les grands saints restent éprouvés jusqu'au bout. Car cette épreuve qui est aussi celle du Christ est la condition pour ne pas considérer que la bonté vient de l'homme mais bien de Dieu. Elle est théologale.


(1) Hans Urs von Balthasar, GC6 p. 162
(2) Platon, Le Timée, cité in GC6. p. 164.
(3) ibid.




26 novembre 2016

La sagesse, véritable beauté chez Bonaventure

Une deuxième approche de la beauté va du monde sensible "à celui, intérieur, de l'âme et des anges, puis au Christ, puis au Dieu trinitaire (...) voir l'humanité du Christ et la divinité du Dieu un et trine" (1).
"La véritable beauté réside dans la beauté de la Sagesse" ajoute-t-il. Tout en la ramenant au Verbe, "splendeur et expression du Père" (2).

Retrouve-t-on là l'oxymore de la beauté du Christ en Croix, image du donateur qui s'efface dans une kénose invisible pour les yeux mais éclatante pour le cœur ?

(1) Bonaventure, cité in GC2 p. 303
(2) p. 304

19 septembre 2016

Le beau démoniaque

Ambivalence et tension. "Aucun transcendantal n'est plus démoniaque que le "kalon" (beau)(...) apparence projetée sur la réalité périssable : reflet de Dieu ou du néant" (1). Nous devons porter ce risque qui depuis Cesarée (Mc 8, 34) fait cohabiter en nous l'intuition du divin et le risque de passer à côté et sombrer dans la vanité et la fatuité de se croire plus grand que Dieu. Ce rêve d'Icare habite notre condition humaine. Nous devons l'apprivoiser pour ne pas le laisser nous envahir. Pierre l'a appris à ses dépends. Dès que nous nous croyons proche de Dieu, il nous rappelle que nous ne sommes qu'un homme tout en nous couvant de son amour miséricordieux.

(1) GC6 p. 28

16 septembre 2016

La beauté et la gloire

On comprend mieux dans la suite du tome 6 la distinction fragile entre la beauté, transcendantal porté aux nues depuis Platon jusqu'à Hegel, et la Gloire (1) dont nous avons vu dans le tome 7 combien elle ne rayonnait finalement que dans la Croix. C'est ce gouffre qu'il faut combler entre la projection humaine et la révélation fragile de l'amour divin. Nous avons déjà commenté plus haut la tension testamentaire entre le plus bel enfant des hommes et l'ignominie de la Croix. Les chemins de Dieu sont insondables. Dans cette contemplation se joue pourtant la tension même de la foi.

Hans Urs von Balthasar, GC6 p. 18

03 juillet 2016

Humilité et beauté

Dans la mouvance de ma trilogie sur Humilité et miséricorde, je ne peux que relever cette belle prière de louange de François d'Assise :"Tu sei amore et charità, Tu sei sapienta, Tu sei humilità, Tu sei patienta, Tu sei belleza... Tu sei bonté infinita" (1)

Là où Balthasar ajoute un commentaire c'est de montrer que l'axe de François dépasse la distinction entre datio et donatio d'Erigène‎ ou entre création et décoration de l'école de Chartres pour ouvrir à une autre dimension soulignée par Thomas d'Aquin et propre à François celle qui met en "harmonie [douloureuse] humilité, pauvreté et beauté" (2)

(1) François d'Assise, Bénédiction et louange pour frère Léon in Franz von Assise, Legende und Laude, O. Karrer, 1945, 3eme édition, p. 552 cité par Hans Urs von Balthasar, GC7, op. Cit p. 57.
(2) GC7 p. 58.

02 juillet 2016

Le summum de la bonté

Dans les résumés saisissants de Balthasar qui nous portent de l'école de Saint-Victor à l'école de Chartres, puis à la métaphysique de Thomas d'Aquin ressort à la fois la recherche de l'être dans une dynamique trinitaire et le bon et le beau comme sommet de l'esse divin. Quel est l'enjeu de son discours sinon de nous conduire, au delà d'un lien trop étroit entre Trinité et création vers la contemplation de la Bonté comme centre et finalement du Christ comme seule forme, figure et sommet de la révélation.
On comprend cela quand il cite E. Gilson qui affirme que "l'exemplarisme est le coeur de la métaphysique" (1).
Une question se pose. S'est-on éloigné de l'imitation paulinienne ? Tout ce détour par les Transcendentaux est-il nécessaire ?
Ne cédons nous pas là au rêve, à la tentation mystique ? Oui et non, tant la contemplation du beau peut être porte du ciel. Et pourtant la gloire du Christ n'est pas dans sa beauté platonique, elle réside dans sa pauvreté et sa kénose et la beauté du Christ en Croix est d'un autre ordre que les canons de l'esthétique.

(1) Etienne Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, 12eme édition (1943), p. 120, cité en GC7 p. 54

23 mars 2016

Désert et démesure

Quand on est dans le désert, que Dieu nous semble bien loin, silencieux alors que nos cris montent vers lui, il est rassurant d'entendre que ce n'est pas sa nature. Sommes nous, comme le fils aîné de Luc 15, incapables de sentir que "tout ce qui est à Lui est à nous". Ne voyons nous pas les dons de Dieu ? Que nous faut-il encore ? Le voir face à face ?

"S'il est vrai que l'Église, pas plus que le chrétien, ne doit jamais désirer de grâces mystiques comme si la figure de la révélation placée devant le monde ne suffisait pas, il est pourtant tout aussi vrai que Dieu ne s'en tient jamais, d'une manière minimiste, à ce qui est strictement suffisant. Car la beauté éternelle se dépense et rayonne toujours merveilleusement au-delà de toute attente." (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, tome 1, GC1 p. 353

12 décembre 2015

La théologie du coquelicot

"Inviter l'homme a un certain type de regard (..) à regarder la nature dans son environnement premier" (1), telle est la théologie du coquelicot de Jacques Loew ‎parue dans un Fêtes et Saisons de 1953 sous le titre de "Dieu existe", récit d'une pastorale en milieu urbain et ouvrier. Le prêtre se justifie avec cette phrase de Vatican I, reprise dans Vatican II : "Dieu principe et fin de toutes choses peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées : "depuis la création du monde, ses perfections invisibles se laissent voir à l'intelligence par ses oeuvres" (Rom 1, 20)" ..

On peut toujours objecter à cela l'imperfection de la nature, mais c'est peut être se cacher devant une évidence : derrière ce qui nous est donné de contempler se cache l'amour infini. Y résister est finalement faire preuve d'orgueil. Croire que l'on peut seul trouver une explication au mystère, se substituer à ce que Dieu a écrit entre les lignes et dont nous contemplerons in fine le but ultime (2)
Qui suis-je dit ? Job devant tant de mystère.

(1) Jacques Loew, ce Dieu dont je suis sûr, op. Cit p. ‎70
(2) cf. à ce sujet le post récent de saint Jean Chrysostome




09 décembre 2015

Jacques Loew - chemin spirituel

Nous poursuivons notre quête avec la lecture de Mon Dieu dont je suis sûr, de Jacques Loew (1) prêtre déjà croisé, car proche de Madeleine Delbrêl‎. Ce livre est avant tout une contemplation de ses 50 ans de vie chrétienne. Les premières pages retracent sa conversion intérieurs ponctuée d\'un verbatim de saint Augustin que l'on peut citer comme un itinéraire : 
1) Tu nous a fait pour Toi mon Dieu ! Et notre coeur est inquiet jusqu'à ce qu'il ne repose en toi (2)
2) Les choses restent muettes pour l'un, tandis qu'elles répondent à l'autre. Ou, pour mieux dire, elles parlent à tous, mais ceux-là seuls qui comparent cette voix venue de dehors avec la vérité qu'ils portent en eux (3)
Maritain se glisse dans cet itinéraire avec cette phrase sublime qui invite à une réceptivité "où nous sommes devenus assez disponibles assez vacants, pour entendre ce que toutes choses murmurent et pour écouter au lieu de fabriquer des réponses" (4)
Viens alors cette dernière citation de Augustin que l'on n'a pas fini de déguster : 'tard je t'ai aimée, ô Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je t'ai aimée ! Mais quoi ! Tu étais au dedans de moi, et j\'étais, moi, en dehors de moi-même ! Et c'est au dehors que je te cherchais (...) Tu m'as appelé, et ton cri a forcé ma surdité' (5)

Si l'on peut trouver dans la première phrase des accents rahnériens la dernière évoque pour moi Gn 3, ce cri de Dieu vers l'homme : 'où es-tu ?'. Ce cri que l'on ne veut pas entendre, quand nos adhérences nous conduisent loin du chemin, nous éloignent de Dieu.‎
‎(1) Jacques Loew, Mon Dieu dont je suis sûr,‎ fayard Mame 1982
(2) Cité p. 34‎
(3) Confessions X, 10‎
(4) Jacques Maritain, Sept leçons sur l'être. P. 56, 60‎, cité par Loew p. 45
(5) Confessions X, 27

06 novembre 2015

Le bruit d'un fin silence - suite

Nous avons commenté plus haut longuement les atouts et les limites d'un esthétisme théologique à partir de GC1 chez Hans Urs von Balthasar, après notre livre éponyme (1) sur "le bruit d'un fin silence (2)" (1 Rois 19). Cette courte remarque chez MD entre en résonance : "Il semble souvent que la meilleure louange de la beauté soit le silence, l'effacement de tout ce qui n'est pas elle." (3)

En soit cette remarque traduit la poursuite de l'effacement de Madeleine, un agenouillement après tant de verbe désordonné, fut-il masqué par une recherche esthétique intérieure qui n'avait pas dévoilé son but ultime, la rencontre avec le vrai Créateur de toute chose.

En soi, cette maxime qui devrait se traduire par un jeûne de la communication, a une limite, celle de l'urgence d'annoncer la bonne nouvelle...‎ Et le dit à sa part, même s'il restera, comme le dit Levinas toujours en-deçà du dire.

‎(1) maintenant intégré dans L'amphore et le fleuve, Createspace 2014
(2) Cette traduction est de Lévinas
(3) Madeleine Delbrêl,‎ Éblouie par Dieu, p. 153, cit. dans le livre de Pitaud, op Cit p. 77

06 octobre 2015

Beauté de l'Église

Cette beauté que nous peinons souvent à trouver est d'abord de notre responsabilité. Il ne sert à rien de critiquer l'Église si nous n'avons pris à bras le corps ses enjeux, si nous ne retroussons pas nos manches.
Écoutons encore une fois Madeleine : "L'Église, il faut s'acharner à la rendre aimante. Son amour est en grande partie à notre merci." citant saint Ambroise, Madeleine ajoute "c'est dans les âmes que l'Église est belle". Dans nos vies, ajoute-t-elle, "l'Église doit être bonne; dans nos vies, le Christ-Église doit aimer à l'aise, dans le sens même de son amour, dans les règles de son amour, dans les exigences de son amour". (1)

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit, p. 137

03 mai 2015

Où es-tu ? Postface, relire Hans Urs von Balthasar...

‎Une des questions soulevées dans mon dernier livre (Où es-tu mon Dieu ?, souffrance et création) portait sur notre capacité à parler du beau, du bon et du vrai, dans un monde défiguré par la souffrance. Et ce faisant j'attaquais une version édulcorée de l'esthétique de Balthasar, pourtant largement à l'origine de ce blog (cf les premiers messages de ce blog)‎....
Et voilà que j'ouvre à nouveau le maître 10 ans après.
"Il y a des époques", écrit-il, "où l'homme (...) se sent tellement humilié (...) que la tentation s'offre à lui chaque jour de mettre en doute la dignité de l'existence et de répudier le monde qui nie et détruit son propre caractère d'image. Devoir retrouver, à partir de ce vide sans écho, l'image que l'Auteur Premier avait envisagé pour nous, cette exigence apparaît surhumaine. Peut-être, en vérité n'est elle envisageable que chrétiennement. (1)
Je crois, in fine, que l'objet de mon livre se résume de fait à cela. Le monde en soi ne peut plus voir l'Auteur Premier à l'oeuvre tant il s'est défiguré et a perdu sa trace. Trouver un chemin d'espérance devient un acte de foi. Tel est peut être l'enjeu pastoral premier de notre temps.
J'ai eu l'intuition récemment que l'une des pistes pastorales pourrait être, en "pastorale familiale de la périphérie" (mon domaine principal de recherche), de creuser chez le couple loin de l'église la contemplation de la paternité comme étincelle de révélation du projet de l'Auteur Premier sur l'humanité .
Le théologien nous conduit sur un chemin équivalent. Écoutons le encore :" ce ne serait pas la peine d'être un homme si (...) il n'y avait pas l'Unique Nécessaire, la perle irremplaçable pour l'amour de qui nous vendons tout ce que nous avons (...) au point que nous considérons tout le reste comme balayure pour acquérir l'unique (Mt 13, 46, Ph 3, 8)." (2) Balthasar parle de l'amour humain et du mariage. 50 ans plus tard, je parlerai de paternité car il semble que ce soit la cause qui demeure la plus fiable dans notre monde, le lieu où se cristallise encore une quête de sens.
(1) Hans Urs von Balthasar, la gloire et la Croix, apparition, tome 1, DDB Paris, 1990, p. 22
(2) ibid p. 23

02 mai 2015

Beauté de Dieu, Barth, postface 2

‎Je poursuis ma relecture de Balthasar. Il ouvre, avec Karl Barth, dont j'ai découvert récemment que ce n'était autre que son voisin de rue, une réflexion sur la beauté qui me trouble, dans le bon sens du terme. Barth a selon lui une approche contemplative. "Dans quelle mesure la lumière de Dieu, lorsqu'il se donne à connaître, est-elle lumière, donc éclairante ?". Pour Barth en effet, il ne s'agit plus de foi nue, mais d'une fois habitée (gnosis) de l'intérieur où par la contemplation on découvre que Dieu est beau "à la manière qui lui est propre (...) comme la beauté originelle et inaccessible (...) créant le désir (...) en tant que Dieu digne d'amour" (1).
Il me semble que cette voie est celle que je prends dans mon nouveau travail de recherche sur le désert, comme voie contemplative...

(1) dogmatique, II, 1, p. 732 s. Trad. Fr. (Genève, 1957) vol. 2, t. I, 2, p. 405 ss.,cité par Hans Urs von Balthasar, GC 1, ibid. P. 45

16 juillet 2014

Beauté symphonique

Qui peut dire la signification d’une symphonie de Mozart ? Et pourtant chaque note est pleine de sens nous rappelle Hans Urs von Balthasar. Plus l’œuvre est parfaite, plus aussi son contenu à interpréter est inépuisable.

Il conçoit alors la beauté comme le « rayonnement inexpliqué du foyer de l’être sur le plan extérieur de l’image ». Un rayonnement qui s’imprime sur l’image elle-même et « lui confère une unité, une plénitude et une profondeur représentant bien plus que ce que l’image en elle-même contient. Elle est généralement ce qui donne à la vérité le caractère permanent d’une grâce ». (1)

Cela fait résonner en moi ce que je me plais à affirmer sur le « je te reçois et je me donne à toi ». On reçoit infiniment plus que ce que l’on ne pourra jamais donner, parce que le don de l’autre n’est que la face visible du don de Dieu. L’autre est image d’un mystère plus grand, plus infini qui l’habite et le transcende.



(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, I – Vérité du monde, ibid, p.149-150