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18 avril 2022

Nouvelle naissance - à l’aube pascale

 Hier nous avons vécu le grand silence du samedi saint, le cœur empli et meurtri du souvenir de cette souffrance des femmes et des hommes de notre temps, des enfants maltraités, de tous ces dénis d’humanité qui nous sautent au visage jusqu’à cette guerre meurtrière maintenant aux portes de l’Europe. Combien notre monde semble aujourd’hui fragile !

Le mal a-t-il gagné sa cause ?

Comment espérer encore…?

Où es-tu mon Dieu ?


Où a-t-on mis notre foi ?

Nous étions dans le noir et pourtant…


Et pourtant, hIer soir, d’un feu de joie a jailli la lumière et en brandissant le cierge pascal, j’ai chanté « lumière du Christ…. »

Quelle est cette flamme fragile qui brille soudain dans nos nuits obscures ? 

Voici que vient une aube nouvelle, un jardin où une fleur mystérieuse et fragile vient de naître.

Au cœur de nos souffrances et de nos doutes, par le mystère encore insaisissable de la croix se révèle à nous un brin d’espérance….

Que nous dit l’Evangile ? 

Ce n’est pas aux disciples qu’il appartient de sentir en premier le bruit d’un doux murmure, mais à une femme, Marie, celle là-même qui probablement (1) a compris à l’avance, à Béthanie, que Jésus allait mourir pour nous et qui le cherche pourtant contre toute espérance dans le jardin du monde…

Le cri de Marie doit rejoindre notre quête…


Il n’est plus là ? L’homme… l’ecce homo broyé par la violence des hommes.

Où es-tu Seigneur ?


La course de Pierre et du disciple bien aimé est d’une certaine manière aussi la nôtre en ce matin de Pâques…


À quoi croyons-nous ?

Y croyons-nous ?

Et nous, le sentons-nous ?

Pouvons nous faire d’une absence une espérance ? 

Le saut de la foi à laquelle nous invite la liturgie est finalement de croire qu’à partir de signes fragiles, un vide, un linceul plié, l’espérance peut naître.

Une bien petite espérance et pourtant…

Christ n’est pas mort en vain…

S’il est parti en silence, s’il semble insaisissable, c’est bien parce qu’il a besoin de nous…

Il a besoin de vous, les parents de Jade pour faire naître dans le cœur de votre enfant, baptisée tout à l’heure, l’envie d’aimer…

L’envie d’aimer.


C’est toujours frustrant d’arrêter là la lecture de Jean car dans la suite du chapitre 20, Marie voit, ce jour-là, l’insaisissable. 


« Allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” » disait déjà Marc 16,7…


Creusons cela…


Il nous précède en Galilée - c’est à dire dans le monde, auprès des souffrants. Il est absent et pourtant toujours là.

Pourquoi ? 


À chaque fois que nous répondons par l’amour à la violence ou la désespérance, Christ est présent…

Il est ressuscité dès que l’amour surgit…


Cela ne veut dire finalement qu’une chose, c’est par nous, en nous, à chaque fois que nous « entrons dans sa danse », celle du don, que Dieu renaît. 

Il a « besoin de nos mains » (2) et de nos cœurs pour être, pour renaître.

Osons y croire, porté par ce don fragile de l’Esprit qui met en nous la foi…

Chantons et dansons pour notre Dieu, l’alléluia. 

Non dans une danse éphémère, mais parce que cela nous (re)met en route : il est ressuscité. 

Osons y croire, osons le vivre…


Aujourd’hui est venu, en nous, se loger une flamme fragile, transformons là en feu de joie. 

Donne nous Seigneur cette force toute intérieure de croire en cette aube nouvelle qui fait renaître en nous un chemin de vie. 

Donne nous de croire que l’amour est plus fort que la mort, que la lumière va éclairer nos nuits…

Christ est ressuscité.

Il est vraiment ressuscité…

Car en nos cœurs qui s’ouvrent Dieu renaît à la vie.


(1) cf. Sylvaine Landrivon, Les leçons de Béthanie, Cerf 2022.

(2) c’est l’affirmation sublime d’Etty Hillesum, voir ses lettres au camp de Westerbroch in « une vie bouleversée »…

09 janvier 2022

La danse de l’eau - 2.27

En Jn 3 on voit Jésus baptiser à côté de Jean.
Pourquoi cette concomitance si ce n’est qu’il y a un déplacement à faire ? Il y a un rapport insaisissable entre l’eau et le Corps à contempler. Depuis le jour où le Verbe a séparé les eaux, jusqu’au jour où elle a jailli du rocher le mystère est resté bien opaque à l’homme. 
On peut suivre le chemin de l’eau chez Jean d’un chapitre à l’autre. La voir transformée en vin, sentir la soif du Fils de l’homme qui, pourtant, promet l’eau vive à la femme étrangère, la contempler bouillonnante près de Siloē avant de se laisser laver les pieds, à côté de disciples inquiets. 
Ce n’est qu’au bout du chemin, après un « j’ai soif » qui révèle tout l’amour de Dieu pour l’homme, que, soudain, dans une nuit mystérieuse, jaillira les premiers filets d’un fleuve immense qui va ruisseler sur l’humanité. C’est quand elle jaillit d’un cœur transpercé, que cette eau révèle son cours mystérieux et la danse sublime d’un Dieu qui vient rejoindre notre humanité en s’y trempant totalement, en jouant avec l’onde, comme avec la mort, en commandant son apaisement ou la foulant de son pied nu.
Il aurait pu marcher dessus, mais a plongé pour nous, avec nous, dans l’humilité particulière (kénose) où l’homme-Dieu « trempe tout son pain/Corps » avec/pour nous. 
Le baptême de Jésus, nous disent les synoptiques, est la première théophanie. Elle en reprend les codes de l’Ancien Testament, mais ouvre déjà une porte vers l’essentiel.
Il vient se plonger jusqu’au bout et tout entier, dans l’eau de nos vies, jusqu’à en perdre souffle, jusqu’à en mourir pour nous…
Est-ce pour cela qu’a jailli le cri de Dieu : Oui, vraiment « tu ES mon Fils bien aimé, en toi je trouve ma joie » ?
C’est dans cette danse inquiète que Dieu nous invite, c’est là que se dévoile le mystère sacré du baptême. C’est à cela que Dieu veut participer et nous inviter...
Inter ou circumincession ?
Déplacement ?
Nos jarres sont à remplir d’une eau tarie et transformée pour que dans sa danse discrète Dieu se dévoile un vin nouveau, après la plongée finale sur le bois…
L’onde est chemin… 



L’eau est danse.

03 juillet 2020

Homélie de Baptême du 4/7/20 - Projet



Projet d'Homélie - est-ce que je vais trop loin ? Avis bienvenus

Qu,êtes-vous venus chercher aujourd'hui pour Maēl ?
Une armure, un airbag, un contrat d'assistance comme celui offert par Darty ?

L'église ne procure rien de tout cela. Et le fait que vous portiez un masque aujourd'hui montre que la protection de Dieu est bien fragile.

Tournez vous un instant vers la Croix. Est-ce que Jésus avait l'air protégé par son père ? Non...

Le baptême est autre chose. C'est une invitation à suivre ce même Christ, fragile, transpercé, défiguré qui nous conduit à l'essentiel.

Les textes que vous avez choisi le disent à leur manière. L'important n'est pas la santé, le confort, la richesse. Dieu ne fournit rien de tout cela. L.important c'est l'amour...

«Je verserai sur vous l'eau pure qui vous purifiera; oui, je vous purifierai de toutes vos souillures et de toute votre idolâtrie. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J'enlèverai votre cœur insensible comme une pierre et je le remplacerai par un cœur réceptif. Je mettrai en vous mon Esprit, je vous rendrai ainsi capables d'obéir à mes lois, d'observer et de pratiquer les règles que je vous ai prescrites. Alors vous pourrez habiter dans le pays que j'ai donné à vos ancêtres; vous serez mon peuple et je serai votre Dieu
‭‭Ézékiel‬ ‭36:25-28‬ ‭BFC‬‬

Cette prophétie d'Ezechiel est au cœur du mouvement qui est en jeu dans le baptême. Changer son cœur, aimer, comme le Christ, aimer jusqu'au bout...

Certes, le « Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien. Il me met au repos dans des prés d'herbe fraîche, il me conduit au calme près de l'eau. Il ranime mes forces, il me guide sur la bonne voie, parce qu'il est le berger d'Israël. Même si je passe par la vallée obscure, je ne redoute aucun mal, Seigneur, car tu m'accompagnes. Tu me conduis, tu me défends, voilà ce qui me rassure. Face à ceux qui me veulent du mal, tu prépares un banquet pour moi. Tu m'accueilles en versant sur ma tête un peu d'huile parfumée. Tu remplis ma coupe jusqu'au bord. Oui, tous les jours de ma vie, ta bonté, ta générosité me suivront pas à pas. Seigneur, je reviendrai dans ta maison aussi longtemps que je vivrai
‭‭Psaumes‬ ‭(22):1-6‬ ‭BFC‬‬

Mais ce chemin n'est pas un chemin sans ombre...

«personne ne peut voir le Royaume de Dieu s'il ne naît pas de nouveau.» Nicodème lui demanda: «Comment un homme déjà âgé peut-il naître de nouveau? Il ne peut pourtant pas retourner dans le ventre de sa mère et naître une seconde fois?» Jésus répondit: «Oui, je te le déclare, c'est la vérité: personne ne peut entrer dans le Royaume de Dieu s'il ne naît pas d'eau et de l'Esprit. Ce qui naît de parents humains est humain; ce qui naît de l'Esprit de Dieu est esprit.»
‭‭Jean‬ ‭3:5-6‬ ‭BFC‬‬
L'enjeu pour Mael est de trouver l'amour. Si Dieu l'accueille aujourd'hui dans sa maison c'est parce que vous désirez cela. Qu'il meure à ce qui n'est pas l'amour et qu'il se mette en chemin...

Ce chemin il ne peut le faire sans vous, parrain, marraine, parents et vous tous ici rassemblés. Son baptême n'aura de sens que si vous participez tous à ce chemin qui fera de Maēl un prophète de l'amour de Dieu pour l'homme, d'un amour sans limite...

Ce que nous allons vivre aujourd'hui s'inscrit dans cette dynamique...

Ez 36 24-28
Ps 22
Jn 3, 1-6

05 juin 2020

La Trinité comme une danse - Homélie du 7-8 juin

Projet 4 - notes pour une homélie orale 
 
Comment comprenez vous le grand mystère de la Trinité ?

Vous allez me parler du Père, du Fils, et peut-être de l'Esprit. Et vous aurez raison.
Il y a cependant une interaction particulière qui a beaucoup fait réfléchir les pères de l’Église et qu'il est intéressant de contempler en cette fête particulière.
Je vous propose pour cela 3 temps :
1. temps de contemplation des textes
2. un temps de contemplation de la Trinité
3. un temps d'exhortation... et de mise en mouvement.


1er temps :  j'aimerais vous introduire à la contemplation des textes de ce dimanche.
Dans l'Exode, Moïse cherche Dieu. Il l'a déjà rencontré dans le buisson ardent (Ex 3, Ex 19, etc.) pourtant, il gravit cette fois la montagne du Sinaï avec une attente particulière à l’issue de la « crise » du « Veau d’or » et c'est là que Dieu se révèle, non pas dans la puissance, mais dans le point ultime de sa pédagogie et dans un déchirement de sens par rapport à toutes les révélations [théophanies] précédentes. Il est "tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de vérité." (Ex. 34)
Que verra vraiment Moïse ? Je vous invite à lire la suite... 

1ere contemplation...

Saint Paul, dans la  deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens, parle lui aussi d'un "Dieu d'amour et de paix". Il évoque également notamment "la grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit"(2 Co 13) .

Prenons le temps de méditer chaque partie de l'affirmation : "l'amour de Dieu, la grâce du Christ, la communion de l'Esprit". Nous avons là aussi des indications qui distinguent, mais en même temps, une commune référence à l'amour, la communion, la grâce et la Paix.

Saint Jean introduit quant à lui, une dynamique : "Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé".     




2ème temps
Quel est maintenant le point commun des trois textes ?
L'amour, la communion, un Dieu qui sauve. 
Un Dieu de tendresse, loin des images du Dieu vengeur, du Père qui exigerait la mort du Fils en rançon, ou du Père fouettard qui nous envoie un virus pour nous punir. Toutes ces images qui masquent le Dieu qui nous sauve. Ce qui se révèle c'est le don, l'amour infini de Dieu, un Dieu qui bouge, loin des images statiques [ou trop immanente de Dieu](1). La trinité n'est-elle pas là...?
Dans ce mouvement particulier et premier d'un Père qui donne...
Ce mouvement second d'un Fils qui se donne
Ce mouvement de communion d'un Esprit qui est donné.
La Trinité est le don en actes de Dieu...
Elle rayonne dans ce mouvement de Dieu vers l'homme, dans ce dépouillement trinitaire, ce don qui vise la tendresse, l'amour, le salut.

Réécoutons à nouveau Dieu qui parle à l’homme dans la première lecture : Je suis « tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de vérité. ». En redescendant de la montagne Moïse est illuminé de la lumière de cette révélation. Probablement parce que lui a été donné ou promis de voir Dieu en mouvement.


C'est sur la base de la contemplation de ce mouvement, que les Père de l'Eglise parle avec leurs mots savants d'une danse (2).
Le mot danse m'a toujours interpellé.
"J'ai joué de la musique sur la place et vous n'avez pas dansé nous" dit Jésus...(Mat 11, 17). Sommes nous prêts à entrer dans la danse de Dieu, à nous laisser emporter par l'amour, le don, le dépouillement (3) de nous lourdeurs naturelles, pour être porteur de la joie de Dieu ?
La Trinité est mouvement, danse, don, dépouillement...

J'en viens à mon troisième temps...
Nous avons perdu le mouvement dans un confinement sécuritaire et parfois douillet. Mais la vie, le mouvement nous appelle. N'oublions pas le cri de Dieu qui nous interpelle sur nos chemins de vie : "Où es-tu ?" (Gn 3) - Viens tu danser, viens tu aimer, veux-tu donner de toi même au service d'une communion réelle... ?
Tel est l'enjeu de la fête d'aujourd'hui. Tel est l'appel que Dieu nous fait.
Préparons nous à recevoir le don de Dieu en nous. Non pour le laisser confiné en nous, mais pour entrer dans la dynamique de l'amour...

Dimanche dernier, je vous invitais à venir vous présenter à l'autel, en même temps que les offrandes. Ce geste n'est pas un geste anodin. Il vous demande un mouvement extérieur, mais s'inscrit dans un mouvement du cœur. N'oubliez pas, comme le suggère Varillon (4), que votre cœur doit s'unir à l'offrande que Dieu nous fait. Que notre amour n'est pas la contemplation statique d'un Dieu statique, mais un mouvement en réponse à un Dieu en mouvement.

Ce mouvement est le premier des trois mouvements qui vous sont demandés : offrir puis recevoir et ensuite partir. Car entrer dans la danse c’est aussi partir à la rencontre du monde, porter le Christ à vos frères...
Amen 

Annexes pour le lecteur anonyme : 
(1) cf. K. Rahner et son traité sur la Trinité où il rejoint trinité économique et immanente 
(2) Périchorèse ou circumincession - Cf. E. Durand, La Périchorèse des personnes divines, Cerf
et mon essai de simplification : "La danse trinitaire"
(3) Cf. plus bas - Dieu dépouillé 
(4) François Varillon Joie de croire, joie de vivre 

Rappel : l’interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l’interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets 

25 mai 2020

Esprit et eau - Cyrille de Jérusalem - Amour en toi 57

« L'eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. C'est une eau toute nouvelle, vivante, et jaillissante, jaillissant pour ceux qui en sont dignes.



Pour quelle raison le don de l'Esprit est-il appelé une « eau » ?

C'est parce que l'eau est à la base de tout ; parce que l'eau produit la végétation et la vie ; parce que l'eau descend du ciel sous forme de pluie ; parce qu'en tombant sous une seule forme, elle opère de façon multiforme. ~ Elle est différente dans le palmier, différente dans la vigne, elle se fait toute à tous. Elle n'a qu'une seule manière d'être, et elle n'est pas différente d'elle-même. La pluie ne se transforme pas quand elle descend ici ou là ,mais, en s'adaptant à la constitution des êtres qui la reçoivent, elle produit en chacun ce qui lui convient.

L'Esprit Saint agit ainsi. Il a beau être un, simple et indivisible, il distribue ses dons à chacun, selon sa volonté. De même que le bois sec, associé à l'eau, produit des bourgeons, de même l'âme qui vivait dans le péché, mais que la pénitence rend capable de recevoir le Saint-Esprit, apporte des fruits de justice. Bien que l'Esprit soit simple, c'est lui, sur l'ordre de Dieu et au nom du Christ, qui anime de nombreuses vertus.

Il emploie la langue de celui-ci au service de la sagesse ; il éclaire par la prophétie l'âme de celui-là ; il donne à un prêtre le pouvoir de chasser les démons ; à un autre encore celui d'interpréter les divines Écritures. Il fortifie la chasteté de l'un, il enseigne à un autre l'art de l'aumône, il enseigne à celui-ci le jeûne et l'ascèse, à un autre il enseigne à mépriser les intérêts du corps, il prépare un autre encore au martyre. Différent chez les différents hommes, il n'est pas différent de lui-même, ainsi qu'il est écrit: Chacun reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous. ~

Son entrée en nous se fait avec douceur, on l'accueille avec joie, son joug est facile à porter. Son arrivée est annoncée par des rayons de lumière et de science. Il vient avec la tendresse d'un défenseur véritable, car il vient pour sauver, guérir, enseigner, conseiller, fortifier, réconforter, éclairer l'esprit : chez celui qui le reçoit, tout d'abord ; et ensuite, par celui-ci, chez les autres.

Un homme qui se trouvait d'abord dans l'obscurité, en voyant soudain le soleil, a le regard éclairé et voit clairement ce qu'il ne voyait pas auparavant: ainsi celui qui a l'avantage de recevoir le Saint-Esprit a l'âme illuminée, et il voit de façon surhumaine ce qu'il ne connaissait pas. »

Sans autre commentaire que de noter une correspondance spirituelle entre mon homélie de dimanche et ce beau texte de Cyrille découvert ce matin dans l'office des lectures du 7eme lundi de Pâques.

Plus encore, il y a cette même trame que je vous invite à découvrir dans la balise « amour en toi ». Cette 57eme balise donne en effet un surcroît de sens au 56 premiers billets (2). L'Esprit qui habite en nous depuis le baptême fait renaître en nos cœurs une flamme secrète, une source profonde. Capax dei.Dieu n'attends qu'un cœur ouvert pour libérer de nos cœurs de pierre, la lumière et la gloire qui jaillit de sa charité en actes.

Au fonds de chacun d'entre nous repose la capacité d'aimer en actes et en vérité et l'Esprit de Pentecôte est le révélateur de cette aptitude secrète que nous ne cessons de mettre sous le boisseau.

(1) Saint Cyrille de Jérusalem, catéchèse sur l'Esprit Saint, source AELF
(2) je rêve depuis longtemps d'avoir le temps de mettre en livre cette trame discrète... née un jour de la lecture de « Pour toi quand tu pries » de François Cassingena-Trévédy - un livre qui, bien que dense et un peu ardu à la lecture reste pour moi le plus beau livre spirituel du XXIeme siècle naissant. Suis-je objectif ? Peut-être pas. Le fait qu'il soit écrit par un moine de Ligugé, cette abbaye où a pris corps, il y a 45 ans m'a vocation de baptisé puis de diacre trouble peut-être mon objectivité...toujours est-il que je manduque depuis cette idée de développer un livre qui fasse jaillir au sein du lecteur cette prise en compte que le but ultime de la danse trinitaire est de faire jaillir en l'homme cette source secrète déposée en lui par le baptême ou même cette semence du Verbe qu'il a reçu malgré lui. Capax dei...

22 avril 2020

Au fil de Jean 3, Nicodème - Transformés par le Christ - saint Léon…

Quel est l’enjeu du dialogue avec Nicodème ?

« Tout l'effet de la participation au corps et au sang du Christ est de nous transformer en ce que nous consommons; morts avec lui, ensevelis avec lui, ressuscités avec lui, portons-le toujours dans notre esprit et dans notre chair »(1).
Cette phrase de saint Léon nous interpelle au sein même de notre expérience de jeûne eucharistique forcé. Puisque nous sommes privés du corporel, nous laissons nous habiter par le spirituel, cette communion véritable où notre être perd son ego pour être amour. De même que le côté du Christ s'ouvre pour faire jaillir un fleuve d'eau vive, de même que la fraction du pain révèle l'amour, de même que rideau du temple se déchire devant l'homme élevé sur le bois, de même devons-nous, comme le suggère saint Ignace d'Antioche(2), devenir « le froment de Dieu » par ces petits sacrifices qui font de nous des aimants.

« Personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit,
ne peut entrer dans le royaume de Dieu.
Ce qui est né de la chair est chair ;
ce qui est né de l'Esprit est esprit.
Ne sois pas étonné si je t'ai dit :
il vous faut naître d'en haut.
Le vent souffle où il veut :
tu entends sa voix,
mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va.
Il en est ainsi
pour qui est né du souffle de l'Esprit. » Jean 3

Cette transformation - metanoia - nécessite une fission du cœur... Le Christ « donne la vie de Dieu aux hommes par son enseignement divin, en « mettant ses lois dans leur pensée et en les inscrivant dans leur cœur » nous rappelle saint Clément d'Alexandrie(3)

La route est longue. Une seule espérance dans ce dépouillement : ce qui est bon ne vient pas de nous mais de ce que nous avons libéré de l'amour de Dieu inscrit dans nos cœurs...
Quel chemin !
« Sans fin, je veux te rendre grâce, car tu as agi. J'espère en ton nom devant ceux qui t'aiment : oui, il est bon ! » Ps 51

(1) Léon le Grand, sermon sur la Passion, office des lectures du mercredi de la 2ème semaine de Pâques
(3) Saint Clément d'Alexandrie, Exhortation aux Grecs, 11, 113 ; GCS 1, 79 (Les Pères commentent l'évangile; Coll. liturgique sous la direction de H. Delhougne, o.s.b.; trad. A.-M. Roguet, o.p.; Ed. Brepols 1991, p. 300 rev.), source : l'Évangile au Quotidien

24 août 2019

Au fil de 1 Corinthiens 4, force est en toi 42 - La Croix et la faiblesse de Dieu comme chemin…

Au terme de notre voyage intérieur, il nous faut percevoir que rien n'arrête ceux qui ont tout laissé pour le suivre. Il y a dans la kénose, l'effacement et l'abandon de tout calcul humain une renaissance possible au sens soulevé par Jésus à Nicodème. Cette puissance c'est celle de la faiblesse d'un Dieu qui n'est qu'amour. De notre renoncement jaillit la force de l'Esprit.
«En fait, il me semble que Dieu nous a mis, nous les apôtres, à la dernière place: nous sommes comme des condamnés à mort jetés dans l'arène: nous sommes donnés en spectacle au monde entier, aux anges aussi bien qu'aux êtres humains. Nous sommes fous à cause du Christ, mais vous êtes sages dans l'union avec le Christ; nous sommes faibles, mais vous êtes forts; nous sommes méprisés, mais vous êtes honorés! A cette heure encore, nous souffrons de la faim et de la soif, nous manquons de vêtements, nous sommes battus, nous passons d'un endroit à l'autre; nous travaillons durement pour gagner notre pain. Quand on nous insulte, nous bénissons; quand on nous persécute, nous supportons; quand on dit du mal de nous, nous répondons avec bienveillance. On nous considère maintenant encore comme les balayures du monde, comme le déchet de l'humanité.»
‭‭1 Corinthiens‬ ‭4:9-13‬ ‭

Écoutons à ce sujet saint Jean Chrysostome : « La croix a gagné les esprits au moyen de prédicateurs ignorants, et cela dans le monde entier. Il ne s'agissait pas de questions banales, mais de Dieu et de la vraie foi, de la vie selon l'Évangile, du jugement futur. Elle a donc transformé en philosophes des rustres et des illettrés. Voilà comment la folie de Dieu est plus sage que l'homme, et sa faiblesse, plus forte.

Comment est-elle plus forte ? Parce qu'elle s'est répandue dans le monde entier, qu'elle a soumis tous les hommes à son pouvoir et qu'elle a résisté aux innombrables adversaires qui voulaient faire disparaître le nom du Crucifié. Au contraire, ce nom s'est épanoui et propagé ; ses ennemis ont péri, ont disparu ; les vivants qui combattaient un mort ont été réduits à l'impuissance. Aussi, quand un Grec dit que je suis fou, il manifeste que lui-même l'est au maximum, puisque moi qu'il juge fou, je me montre plus sage que les sages ; s'il me traite de faible, il se montre lui-même plus faible encore. En effet, ce que des publicains et des pécheurs ont pu réussir par la grâce de Dieu, les philosophes, les rhéteurs, les tyrans, bref la terre entière, dans toute son étendue, n'a même pas été capable de l'imaginer. ~

C'est en pensant à cela que Paul disait : La faiblesse de Dieu est plus forte que tous les hommes. Que la prédication soit l'œuvre de Dieu, c'est évident ici. Comment douze hommes, des ignorants, ont-ils pu avoir l'idée d'une pareille entreprise, eux qui vivaient auprès des lacs et des fleuves, et dans le désert ? Eux qui n'avaient jamais fréquenté les villes et leurs assemblées, comment ont-ils pu songer à se mobiliser contre la terre entière ? Ils étaient craintifs et sans courage : celui qui a écrit sur eux le montre bien, lui qui n'a voulu ni excuser ni cacher leurs défauts. C'est là une preuve très forte de vérité. Que dit-il donc à leur sujet ? Quand le Christ fut arrêté, après avoir fait d'innombrables miracles, la plupart s'enfuirent, et celui qui était leur chef de file ne resta que pour le renier.

Ces hommes étaient incapables de soutenir l'assaut des Juifs quand le Christ était vivant. Et lorsqu'il fut mort et enseveli, alors qu'il n'était pas ressuscité, qu'il ne leur avait donc pas adressé la parole pour leur rendre courage, d'où croyez-vous qu'ils se seraient mobilisés contre la terre entière ? Est-ce qu'ils n'auraient pas dû se dire : « Qu'est-ce que cela ? Il n'a pas été capable de se sauver lui-même, et il nous protégerait ? Quand il était vivant, il n'a pas pu se défendre, et maintenant qu'il est mort il nous tendrait la main ? Quand il était vivant, il n'a pu se soumettre aucune nation, et nous allons convaincre la terre entière en proclamant son nom ? Comment ne serait-il pas déraisonnable, non pas même de le faire, mais seulement d'y penser ? »

La chose est donc évidente : s'ils ne l'avaient pas vu ressuscité et s'ils n'avaient pas eu la preuve de sa toute-puissance, ils n'auraient pas pris un risque pareil. (1)

(1) Saint Jean Chrysostome, Homélie sur la première lettre aux Corinthiens, source office des lectures du 23/8/19, AELF


19 mai 2019

Homélie de baptême - 2

Ébauche - commentaires bienvenus 
Frères et sœurs, qu'est-ce que ces textes nous amènent à contempler à la lumière de ce qui va se passer tout à l'heure.
Allez baptiser les nations nous dit l'Évangile.
Baptiser pourquoi ?
Si l'on regarde ces trois enfants qui vont être baptisés tout à l'heure, rien ne va changer en apparence. Ils resteront des petits trésors, des enfants qui font le bonheur de leurs parents. Et pourtant tout aura changé. Car le Seigneur, le Dieu créateur qui les aiment depuis toute éternité a décidé de répondre à la demande de leurs parents, de les introduire plus en avant dans son cœur, de les faire entrer dans la communauté des enfants de Dieu.
Qu'est-ce à dire ?
A travers ce sacrement quelque chose se construit...
Ce pas, ce premier pas, est le début d'un long chemin où ils vont prendre conscience de cet amour inouï de Dieu pour l'homme et qu'à cet amour ils sont conviés, comme invités. Dieu veut danser avec eux !
Pour cela ils ont besoin de vous, parrains et marraines, parents, mais aussi de vous tous ici présents qui vous êtes déplacés pour venir à ce baptême. Ce que nous allons signifier par des gestes ne représente rien si vous ne mettez pas chacun votre petite pierre pour transformer ces enfants en signe visible de l'amour. Ils ont besoin de vous, ils ont besoin de votre amour pour rayonner eux-mêmes de l'amour dont ils sont issus et qu'il vont donner à leur tour. Vous avez choisi ce texte mais vous en avez aussi proposé d'autres. Il y a notamment cet extrait de l'Évangile de Jean au chapitre trois qui nous parle de renaissance. Pourquoi renaître alors qu'on vient de naître ?
Parce que, en fait, notre première naissance est une naissance de chair, elle a besoin d'aller plus loin, de quitter ce qui nous enferme dans des addictions, dans le mal avec un grand « M » et pour cela nous avons besoin de l'aide de Dieu et de l'aide de la communauté. De la communauté familiale, de la communauté chrétienne. Le baptême symbolise la traversée de la mort, la traversée de tout ce qui nous empêche d'aimer. Dans ce plongeon dans l'eau on se purifie de ce qui nous empêche d'avancer, mais ce chemin pour aller plus loin ne fonctionnera qu'à trois conditions : 
La première, qui conditionne toutes les autres et que chacun à sa manière vienne aider l'enfant à devenir plus aimant.
La deuxième et que vous puissiez l'introduire à la contemplation de l'amour dans sa manifestation la plus explicite : je parle de Jésus-Christ, celui qui a été jusqu'à mourir pour nous.
La troisième et que pour cela vous preniez tous les moyens pour l'éduquer dans la foi.
Parrain marraine, N.N. vous avez été désignés par les parents pour aider chacun de ces enfants à avancer sur ce chemin. S'il vous ont choisi, si Dieu vous a choisi, c'est parce qu'il y a quelque chose en vous qui signifie l'amour. Et cet amour qui est en vous, qui vous habite et qui fait que vous avez été choisis entre tous, votre responsabilité est de le transmettre, de faire fructifier ce que l'enfant à en lui, de rallumer la flamme qui dort, d'accompagner chaque enfant vers l'autonomie en amour. Cela ne va pas consister à gâter l'enfant, mais au contraire à lui faire trouver l'essentiel, ce qui est véritablement amour et l'amour est autre chose que des cadeaux matériels, c'est ce qui est le plus compliqué, le plus intime, c'est la capacité de se donner. Ce que le Christ seul a vraiment réussi.
Parfois les parents n'auront pas cette force parce qu'ils seront traversés, eux aussi, par des crises (après 32 ans de mariage je parle en expert). Votre responsabilité sera d'autant plus grande qu'ils vous auront choisis. Et je ne parle pas des drames qui peuvent arriver et que je n'espère pas, où là, votre responsabilité sera entière. Le baptême ne s'arrête pas aujourd'hui.
C'est le chemin d'une vie.

30 avril 2019

Au fil de Jean 3 - L’amour est en toi - Edith Stein

« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin qu'en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. » Jean 3, 15
La contemplation de la Croix et notre union spirituelle au Christ est l'unique chemin qui conduit à la vie. Seule la Croix nous décentre de nous mêmes et nous permet d'entrer dans cette Danse où nous devenons « tournés vers Dieu ». 


Écoutons sur ce thème Edith Stein : « Mon Seigneur et mon Dieu,
tu m'as guidée sur un long chemin obscur, pierreux et dur.
Mes forces semblaient souvent vouloir m'abandonner,
je n'espérais presque plus voir un jour la lumière.
Mon cœur se pétrifiait dans une souffrance profonde
quand la clarté d'une douce étoile se leva à mes yeux.
Fidèle, elle me guida et je la suivis
d'un pas d'abord timide, plus assuré ensuite.
(....)
Et ta bonté permet qu'elles m'éclairent dans mon chemin vers toi.
Le mystère qu'il me fallait garder caché au profond de mon cœur,
je peux désormais l'annoncer à haute voix :
Je crois, je confesse ma foi !
(...)
J'ai porté à la main le cierge dont la flamme annonce
qu'en moi brûle ta vie sainte.
Mon cœur est désormais devenu la crèche qui attend ta présence.
Pour peu de temps !
Marie, ta mère, qui est aussi la mienne, m'a donné son nom.
À minuit elle dépose en mon cœur son enfant nouveau-né.
Oh ! nul cœur humain ne peut concevoir
ce que tu prépares à ceux qui t'aiment (1 Co 2,9).
Tu es à moi désormais et jamais plus je ne te quitterai.
Où que puisse aller la route de ma vie, tu es auprès de moi.
Rien jamais ne pourra me séparer de ton amour (Rm 8,39).(1)

(1) Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith Stein], Poésie « Heilige Nacht » (trad. Malgré la nuit, Ad Solem 2002, p.21)


05 mars 2019

L’amour est en toi - 29 - Marie Noël

Une nouvelle stèle dans ma série sur l'amour en toi que cette petite méditation de la poétesse Marie Noël qui se souvient de sa première communion : « J'avais reçu le pain, j'étais revenu à ma place, j'étais sous mon voile avec Dieu. C'était… C'était ce qui devait être depuis le commencement qui n'avait jamais été… Quelqu'un… Quelqu'un à moi, de plus à moi que tous ceux de ma famille… Quelqu'un qui m'aimait… Quelqu'un que j'aimais. J'avais presque oublié que c'était Dieu. Mais bientôt je m'en souvins et je lui fis ma prière. Il pouvait tout. Il était là. Je lui demandai de mourir ».(1)

La demande, surprenante est liée à cette nuit obscure qui l'habitera. Pourtant à la lumière de Jn 3 elle peut aussi être un appel à une nouvelle naissance.


(1) Marie Noël, citée par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 109

22 janvier 2019

Tension johannique - Hans Urs von Balthasar

Je poursuis ma lecture interrompue de La prière contemplative et tombe sur une longue relecture par Hans Urs von Balthasar des épisodes de révélations successives chez Jean. Au travers des rencontres de Jean-Baptiste, Nicodème, la Samaritaine et les autres personnages de l'Evangile, se succèdent, pour le théologien, toute une série de dévoilement qui forment autant de theophanies d'un Dieu qui se dévoile et se révèle comme la Vérité et la Vie. Cette succession prend sens et donne une étonnante clé de lecture de l'évangile, cohérente avec celle que j'ai entreprise dans « A genoux devant l'homme » mais éclairante à bien des aspects.
Quel est l'enjeu pour Balthasar et donc pour nous ? Toute rencontre est contemplatio et oratio. C'est pour moi aussi un agenouillement croisé entre l'homme et Dieu. Dieu trouve en l'homme une terre féconde dans lequel les semences du verbe peuvent germer. L'homme est invité à découvrir et contempler ce Dieu qui vient à nous et se révèle en nous tirant plus haut. 
Comme le disait un commentaire, la « hauteur, la profondeur, la largeur du mystère » évoqué par Paul est révélé en Christ et culmine en Croix.

A découvrir in La prière contemplative, ibid p. 224sq


12 janvier 2019

Au fil de Jean 3,22-30, tressaillement et décentrement - Cana et Nicodème

*En ce temps-là, Jésus se rendit en Judée, ainsi que ses disciples ; il y séjourna avec eux, et il baptisait.
Jean, quant à lui, baptisait à Aïnone, près de Salim, où l'eau était abondante. On venait là pour se faire baptiser.
En effet, Jean n'avait pas encore été mis en prison.
Or, il y eut une discussion entre les disciples de Jean et un Juif au sujet des bains de purification.
Ils allèrent trouver Jean et lui dirent : « Rabbi, celui qui était avec toi de l'autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tous vont à lui ! »
Jean répondit : « Un homme ne peut rien s'attribuer, sinon ce qui lui est donné du Ciel.
Vous-mêmes pouvez témoigner que j'ai dit : Moi, je ne suis pas le Christ, mais j'ai été envoyé devant lui.
Celui à qui l'épouse appartient, c'est l'époux ; quant à l'ami de l'époux, il se tient là, il entend la voix de l'époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite.
Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue*. Jean 3,22-30 (1)

Ce petit épisode où l'on voit Jésus baptiser en « concurrence » avec Jean est très particulier. Pour l'exégète John Meyer il traduit et prépare à la coexistence de deux écoles différentes, celle des disciples de Jean qui perdurera encore après la mort du Christ. Et c'est justement au sein de cette école que l'évangéliste Jean va tenter deux déplacements et une tentative de réconciliation. Augustin nous y conforte en apportant deux exhortations : « le tressaillement » et le « décentrement » deux concepts déjà largement commentés dans nos pages.
*Écoutez, enfants de la lumière, vous qui avez été adoptés en vue du Royaume de Dieu ; écoutez, frères très chers ; écoutez et tressaillez de joie dans le Seigneur, vous les justes, puisqu' « à vos cœurs droits, la louange va bien » (Ps 33,1). Écoutez ce que vous savez déjà, méditez ce que vous avez entendu, aimez ce que vous croyez, proclamez ce que vous aimez ! ...
Le Christ est né, Dieu par son Père, homme par sa mère ; il est né de l'immortalité de son Père et de la virginité de sa mère. De son Père, sans le concours d'une mère ; de sa mère, sans celui d'un père. De son Père, sans le temps ; de sa mère, sans la semence. De son Père, il est principe de vie ; de sa mère, la fin de la mort. De son Père, il est né pour régler l'ordre des jours ; de sa mère, pour consacrer ce jour-ci.
Devant lui il a envoyé Jean Baptiste, qu'il a fait naître lorsque les jours se mettent à décroître, et lui-même est né lorsque les jours commencent à rallonger, préfigurant ainsi les paroles de ce même Jean : « Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue ». En effet, la vie humaine doit s'affaiblir en elle-même et s'augmenter en Jésus Christ, « afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux » (2Co 5,15). Et afin que chacun de nous puisse répéter ces paroles de l'apôtre Paul : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).(2)

Cette première place du Christ ne nie pas notre existence, elle constitue le lieu de notre déplacement. Diminuer pour qu'en nous (en Christo) nous devenions passeur de Dieu, Christophore, porte-Christ.

La phrase de Galates citée par Augustin résume tout.

Quelles sont les conditions de cette transformation en nous ? 
Elle se lit entre les lignes dans un autre passage des mêmes chapitres de Jean et rejoins notre commentaire de 1 Jn 4. 
« Le troisième jour, il y eut des noces. Que sont ces noces, sinon les vœux et les joies de l'humanité sauvée, célébrées le troisième jour, dans le mystère de ce chiffre qui désigne soit la confession de la Trinité, soit la foi en la résurrection.

Car, dans un autre passage de l'Évangile, c'est avec la musique et les danses et la robe des noces que l'on accueille le retour du fils cadet, c'est-à-dire la conversion du peuple païen.

Aussi, tel un époux sortant de la chambre nuptiale, le Verbe descend jusqu'à la terre, jusqu'à l'Église qui doit rassembler les nations ; en assumant l'incarnation, il va s'unir à celle qu'il a gratifiée d'un contrat de mariage et d'une dot. Un contrat, quand Dieu s'est uni à l'homme ; une dot, quand il a été immolé pour le salut de l'homme. Le contrat, c'est la rédemption présente ; par la dot, nous entendons la vie éternelle. ~ Aussi était-ce des miracles pour ceux qui voyaient, des mystères pour ceux qui comprenaient. C'est pourquoi, si nous regardons bien, on découvre d'une certaine manière, dans les eaux elles-mêmes, une ressemblance avec le baptême et la nouvelle naissance. En effet, lorsqu'une chose se transforme intérieurement en une autre, lorsque la créature inférieure, par un changement invisible, se transmue en une nature meilleure, le mystère de la seconde naissance s'accomplit. Les eaux, tout à coup, sont changées, elles qui plus tard doivent changer les hommes. ~

Par l'action du Christ en Galilée, voici du vin. C'est-à-dire que la loi touche à sa fin et la grâce lui succède : le reflet est écarté, la vérité est rendue présente ; les réalités charnelles conduisent aux spirituelles, l'observance ancienne se transforme en la Nouvelle alliance. Comme dit l'Apôtre : Ce qui est ancien a passé, voici que du nouveau est advenu. De même que l'eau contenue dans les cuves ne perd rien de ce qu'elle était, mais reçoit alors une existence qu'elle ne possédait pas auparavant, ainsi la loi ne disparaît pas, mais se perfectionne par l'avènement du Christ. ~

Le vin venant à manquer, un autre vin est procuré ; le vin de l'Ancienne alliance était bon, mais celui de la Nouvelle est meilleur. L'Ancienne alliance, celle que les Juifs observent, s'évapore dans la lettre. La Nouvelle alliance, celle qui nous concerne, restitue le goût de la vie en donnant la grâce.

Le bon vin, c'est-à-dire le bon commandement, est celui de la loi, lorsque tu entends : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais le vin de l'Évangile est meilleur et plus fort, lorsque tu entends : Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. » (3)

De Cana à Nicodème, Jean nous mène un pas plus loin

(1) Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
(2) Saint Augustin, Sermon 194, onzième sermon sur la Nativité du Seigneur (trad. coll. Icthus, t.8, p. 98 rev.), source Evangile au quotidien 
(3) Fauste de Riez, Sermon sur l'eucharistie, source AELF


15 novembre 2018

Au fil de Luc 17,20 - le règne de Dieu est au milieu de vous - 27

C’est « dans le miroir de la Parole que l’homme voit qu’il est en vérité ». (1)
Ce passage de Luc nous livre deux trésors. Le premier c'est qu'il nous faut arrêter de chercher des signes extérieurs, mais contempler ce souffle intérieur déposé en nous dans le silence et qui conduit notre âme. 
« Le règne de Dieu est au milieu de nous et au-dedans de nous ». Lc 17, 10

« Elle est tout près de nous, cette Parole, elle est dans notre bouche et dans notre cœur » (Dt 30,14). Écoutons Origène : « celui qui prie pour que vienne le règne de Dieu a raison de prier pour que ce règne de Dieu germe, porte du fruit et s'accomplisse en lui-même. Chez tous les saints en lesquels Dieu règne et qui obéissent à ses lois spirituelles, il habite comme dans une cité bien organisée. Le Père est présent en lui et le Christ règne avec le Père dans cette âme parfaite, selon sa parole : « Nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. » (Jn 14,23). (2)

Que nous le précise Origène, cette paix intérieure nécessite d'avoir combattu ce qui en nous résiste. Une « cité bien organisée » est cette chambre intérieure, nettoyée du superflu, attentive aux tentations qui l'attaque à nouveau (Lc 11, 24-26) à laquelle nous devons veiller.
Luc nous met en garde sur le retour des 7 démons furieux. Comme le dit Grégoire 
« Il arrive souvent (...) que, lorsque l'âme vient à s'enorgueillir de ses premiers pas dans la perfection, et veut en être louée comme de véritables vertus, elle donne entrée à son ennemi furieux contre elle, et qui s'acharne avec d'autant plus de violence à sa ruine, qu'il a éprouvé de douleur d'en avoir été chassé, ne fût-ce que pour quelque temps. »(3)

Une homélie du 2eme siècle le précise : « lorsque les païens entendent de notre bouche les paroles de Dieu, ils admirent leur beauté et leur noblesse. Mais ensuite, lorsqu'ils découvrent que notre conduite n'est pas en accord avec les paroles que nous disons, ils passent au blasphème en disant qu'il n'y a là que fable et folie.

En effet, lorsqu'ils nous entendent dire, comme une parole de Dieu : Quelle reconnaissance pouvez-vous attendre, si vous aimez ceux qui vous aiment ? Mais on vous sera reconnaissant si vous aimez vos ennemis et ceux qui vous détestent. Oui, lorsqu'ils entendent ces paroles, ils admirent cette extrême bonté. Mais lorsqu'ils voient que nous n'aimons pas ceux qui nous détestent et même pas ceux qui nous aiment, ils se moquent de nous, et le nom de Dieu est blasphémé.
Ainsi donc, mes frères, si nous faisons la volonté de Dieu notre Père, nous appartiendrons à l'Église primordiale, à l'Église spirituelle, qui fut créée avant le soleil et la lune. Mais si nous ne faisons pas la volonté du Seigneur, nous relèverons de ce passage de l'Écriture : Ma maison est devenue une caverne de bandits. Préférons donc appartenir à l'Église de la vie, afin d'être sauvés. »(4)

Reconnaissons le, c'est donc le chemin d'une vie, qui est en jeu ici. Passer de la parole aux actes. Notre lutte contre nos adhérences au mal qui nous entravent et nous lient de l'intérieur est une lutte sans fin ? Peut-on y arriver seul ? Non ! 
N'est-ce pas « impossible à l'homme ? » (Mat 19, 26).

Comment y parvenir ? 
C'est la contemplation de la Croix qui nous libère. « Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé » (Za 12, 10 - Jn 19, 37). Le daqar hébreu (percé au travers) exprime ici un double déchirement. Celui qui libère l'Esprit de Dieu jaillissant du cœur transpercé et celui intérieur en nous, qui ouvre nos yeux du cœur (5) et nous conduit à une « nouvelle naissance » (cf. Jn 3, 7)
« Le règne de Dieu qui est en nous (...) parviendra à sa perfection lorsque la parole de l'apôtre Paul s'accomplira : le Christ « après avoir soumis » tous ses ennemis, « remettra son pouvoir royal à Dieu le Père pour que Dieu soit tout en tous » (1Co 15,28). C'est pourquoi, priant sans relâche, avec des dispositions divinisées par le Verbe, disons : « Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne » (Mt 6,9). (6)
Alors, « comme l'éclair qui jaillit illumine l'horizon d'un bout à l'autre, ainsi le Fils de l'homme, quand son jour sera là.» Luc 17, 23

Qu'est-ce que cette lumière ? Benoît XVI évoquait au JMJ de Cologne une fission nucléaire. On peut y voir à notre tour un déchirement intérieur comme celui du voile qui cachait Dieu au temple. Alors à la suite de Marc nous entendrons le centurion nous dire « celui-ci était vraiment le fils de Dieu. Marc 14, 39

L'éclair qui illumine est le feu allumé par le Ressuscité, buisson ardent qui nous sauve.
(1) Hans Urs von Balthasar, op. cit. p. 101
(2) Origène, Traité sur la prière, 25 ; GCS 3, 356 (trad. bréviaire, 34e dimanche)
(3) S. Grég. (Moral. 7, 7.) 
(4) source office des lectures du 15/11/18, AELF 
(5) cf. notre commentaire de Bartimée Mc 12
(6) Origène, ibid.

12 octobre 2018

La tentation cléricale

L'Esprit de Dieu ne nous appartiens pas. Il n'est pas nécessairement transmis par voie hiérarchique, auto-attribué aux clercs par un sacrement. Plus foncièrement, il continue de « souffler où il veut ». (Jn 3). L'ordre n'est pas une distinction mais une imitation et une responsabilité. La tentation qu'exploite bien le Malin est de laisser croire qu'on est des purs. Notre purification n'est qu'illusion. La véritable pureté est dans la kénose. Un long et difficile chemin pour celui qui reçoit le sacrement de l'ordre.
La tentation du cléricalisme n'est-elle pas d'oublier que l'Esprit souffle autant chez les laïcs, que le sensum fidei (1) est une réalité de l'Église.

(1) relire à ce sujet la lettre de notre pape François au cardinal Ouellet (voir post 2 ou lien )

http://m.vatican.va/content/francescomobile/fr/letters/2016/documents/papa-francesco_20160319_pont-comm-america-latina.html