09 janvier 2022

La danse de l’eau - 2.27

En Jn 3 on voit Jésus baptiser à côté de Jean.
Pourquoi cette concomitance si ce n’est qu’il y a un déplacement à faire ? Il y a un rapport insaisissable entre l’eau et le Corps à contempler. Depuis le jour où le Verbe a séparé les eaux, jusqu’au jour où elle a jailli du rocher le mystère est resté bien opaque à l’homme. 
On peut suivre le chemin de l’eau chez Jean d’un chapitre à l’autre. La voir transformée en vin, sentir la soif du Fils de l’homme qui, pourtant, promet l’eau vive à la femme étrangère, la contempler bouillonnante près de Siloē avant de se laisser laver les pieds, à côté de disciples inquiets. 
Ce n’est qu’au bout du chemin, après un « j’ai soif » qui révèle tout l’amour de Dieu pour l’homme, que, soudain, dans une nuit mystérieuse, jaillira les premiers filets d’un fleuve immense qui va ruisseler sur l’humanité. C’est quand elle jaillit d’un cœur transpercé, que cette eau révèle son cours mystérieux et la danse sublime d’un Dieu qui vient rejoindre notre humanité en s’y trempant totalement, en jouant avec l’onde, comme avec la mort, en commandant son apaisement ou la foulant de son pied nu.
Il aurait pu marcher dessus, mais a plongé pour nous, avec nous, dans l’humilité particulière (kénose) où l’homme-Dieu « trempe tout son pain/Corps » avec/pour nous. 
Le baptême de Jésus, nous disent les synoptiques, est la première théophanie. Elle en reprend les codes de l’Ancien Testament, mais ouvre déjà une porte vers l’essentiel.
Il vient se plonger jusqu’au bout et tout entier, dans l’eau de nos vies, jusqu’à en perdre souffle, jusqu’à en mourir pour nous…
Est-ce pour cela qu’a jailli le cri de Dieu : Oui, vraiment « tu ES mon Fils bien aimé, en toi je trouve ma joie » ?
C’est dans cette danse inquiète que Dieu nous invite, c’est là que se dévoile le mystère sacré du baptême. C’est à cela que Dieu veut participer et nous inviter...
Inter ou circumincession ?
Déplacement ?
Nos jarres sont à remplir d’une eau tarie et transformée pour que dans sa danse discrète Dieu se dévoile un vin nouveau, après la plongée finale sur le bois…
L’onde est chemin… 



L’eau est danse.

06 janvier 2022

Un petit pas de danse 2.26

Καὶ εὐθὺς -> Aussitôt, v’la t’y pas… Marc 6,45

Juste après avoir été nourris, v’la t’y pas qu’il nous faut grimper dans la barque…

Cette liaison de Marc est à contempler à l’horizon de nos vies… de ses tempêtes et de ses grâces, de ses douleurs et de la foi…

N’ayez pas peur…

Je suis avec vous…

Dans nos vies marquées par la crainte, par la tempête et la mort, la liturgie d’hier (multiplication des pains) et d’aujourd’hui, lecture cursive de Marc 6 nous emmène sur cette barque fragile, symbole puissant et bien secoué de notre Église.



N’ayez crainte, je suis avec vous…

Il est là, le Dieu d’amour, celui qui nous cherche depuis l’où es tu de Gn 3 et à qui nous posons pourtant sans cesse la même question… où es-tu ? Mon Dieu…

« Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! »

Il monta ensuite avec eux dans la barque et le vent tomba…

Tu étais là et je ne le savais pas..

04 janvier 2022

Épiphanie et danse tragique ? 2-25

Quel est notre roi ? Quel chemin vers le royaume… ?

Il faut peut-être mettre en perspective ce que révèle la lecture de l’office des lectures d’aujourd’hui pour saisir la tension même de l’Évangile d’aujourd’hui et percevoir que le seul récit des mages nous conduit bien plus loin. L’office des lectures reprend toutes les attentes royales des psaumes 71 et 95 et d’Isaīe 60, qui mettent en contexte l’attente d’Israēl, cristallisée par ce récit des mages de Matthieu. Pour un juif baignant dans les Écritures il n’est pas difficile de sentir qu’elle était la pression derrière cette quête royale. 

Prenons le temps d’en relire certains versets avant de comprendre le chemin à parcourir :

« Des peuplades s’inclineront devant lui,

ses ennemis lècheront la poussière. Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents.

Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande. Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront. » Ps 71, 9 à 11


« Rendez au Seigneur, familles des peuples

rendez au Seigneur la gloire et la puissance » Ps 95,7


« rendez au Seigneur la gloire de son nom. 

« Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. » (Is 60,8)


Matthieu nous y prépare par son Evangile de l’enfance et son récit des mages. Il glisse par l’évocation de la myrrhe une direction particulière, mais c’est son Evangile entier qu’il faut contempler car l’attente messianique a besoin d’être convertie.  Cela ne constitue qu’une infime partie du fil rouge de l’évangéliste qui de l’épiphanie au manteau rouge et à la couronne d’épine, va venir convertir cette attente en autre chose et quel chemin !


Quelle déception en effet pour les juifs ordinaires, et notamment Judas, de voir le roi qu’il attend, trainé dans la poussière et la dérision jusqu’à cet épisode sordide du couronnement d’épines : 

« Ils emmenèrent Jésus dans la salle du Prétoire (...)  lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge. Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient devant lui en disant : « Salut, roi des Juifs ! » Et, après avoir craché sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier. » Matthieu 27, 28-31


La danse où nous conduit Matthieu n’est pas un chemin de gloire humaine mais bien le chemin de dépouillement. Et c’est peut-être Jean 21 qui, des évangélistes, en aura le dernier mot, signe pour Pierre et d’une certaine manière, pour toute notre Église : 

« Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » 


Notre Dieu est nu et là est sa gloire… son royaume est autre…


Aujourd’hui nous contemplons son épiphanie, mais, à la suite des mages, ce que nous venons contempler n’est pas une toute puissance, mais bien le dépouillement de nos idées de puissance et de gloire. Il est chemin par sa faiblesse et son humilité.