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16 juin 2017

Juridisme, cléricalisme et triomphalisme - Mgr de Smedt

Après une allocation qui fit déjà du bruit le 19 novembre 1962 en marquant son opposition au projet de Fontibus(1), Monseigneur Émile-Joseph de Smedt, l'évêque de Bruges, alla plus loin le 1er décembre 1962 en disant que trois dangers pesaient sur l'Église : le cléricalisme, le juridisme et le triomphalisme(2). Comme le note Congar dans son journal, c'était un peu excessif. Mais le danger de ces trois tentations qui ne sont que des variantes de celle dénoncées par Jn (avoir, pouvoir, valoir) est le lot de toute humanité.

Qu'en est-il 55 ans plus tard ? Les propos du pape au cardinal Ouellet déjà cités ne soulignent pas autre chose. La réception de Vatican II n'est pas terminée.

(1) John W. O'Malley op. Cit. p. 206
(2) p. 215

10 juin 2017

Un discours inductif - 3, nouvelles tendances pour l'Église

La longue présentation du XIXème siècle et de l'évolution du discours papal par O'Malley(1) me laisse rêveur, non que je réfute son fil de lecture, mais parce qu'il introduit pour moi une vision d'ensemble intéressante sur l'impact des Lumières sur le christianisme actuel et futur. L'aufklärung, en dépit de ses travers et de ses exagérations aurait-il été inspiré dans sa déconstruction d'un monde figé et sclérosé où l'Église et l'État avaient mutuellement conforté leurs bases dans une vision totalitaire du pouvoir et du savoir ? Quid du vent de l'Esprit dans ce système ? Et quel impact pour l'Église ?
Le Concile dont la réception est loin d'être terminée, donne-t-il une place plus large à un souffle nouveau qui vient d'ailleurs, ne cherche plus ses bases dans l'obéissance aveugle et ouvre à une foi authentique ? Sujet dangereux, hérétique peut-être. Mais l'inductif, le primat de la conscience, l'auto communication rahnérienne est enfin possible. Face à un monde ancien qui distinguait "les pasteurs [éclairés] et le troupeau"(2), la démocratie chrétienne, la collégialité et la co-responsabilité sonne le glas d'un monopole abusif.
Le danger est de tomber dans l'excès inverse et oublier que la place de Pierre est lieu d'unité et comme nous le rappelle François d'humilité. Notre Église a besoin de cette alchimie subtile entre liberté et autorité, souffle et solidité, recherche et chemins, foi et raison.
Dans son interview à RND du 7/6 le père Alphonse Borras soulignait cela avec justesse :  "L'Église catholique est le lieu où se conjugue bien [il osait dire le mieux] foi et raison" (3) L'art est de conserver cette articulation.
Ce qui est certain, c'est que la désertification apparente de l'Église n'est à concevoir que comme la conséquence d'une intériorisation du message et d'une plus grande vérité intérieure. Il n'y a plus beaucoup de christianisme social en Europe. Ceux qui franchissent nos églises sont portés par une authenticité et une quête qu'il faut entendre, écouter et ensemencer par la Parole. Là est l'avenir(4).

(1) John W. O'Malley, L'Évenement Vatican II, Bruxelles, Lessius, 2011, p. 79
(2) p. 95
(3) je cite de mémoire 
(4) cf. à ce sujet mes développements dans Cette Église que je cherche à aimer, Pastorale du Seuil et Humilité et Miséricorde tome 3.

09 juin 2017

Un discours inductif - 2

Comment illustrer ce que je développais dans mon billet précédent ? En quoi les textes du Concile ouvrent-ils un style nouveau et inductif. Deux citations de O'Malley (1) me semblent conforter ce sens. Ce sont pour moi parmi les lignes les plus belles de GS.

"Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur." GS 1 (2).
Elles entrent dans cette contemplation de l'humanité, de cette terre si chère à Bérulle où Dieu se fait chair.
Elles préparent aux versets du par. 16 :". Au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d'aimer et d'accomplir le bien et d'éviter le mal, au moment opportun résonne dans l'intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c'est une loi inscrite par Dieu au cœur de l'homme ; sa dignité est de lui obéir, et c'est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. C'est d'une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s'accomplit dans l'amour de Dieu et du prochain. Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale. Plus la conscience droite l'emporte, plus les personnes et les groupes s'éloignent d'une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité." GS 16.

Nous ne sommes pas là dans une morale culpabilisante ou un jugement a priori sur l'homme, mais bien au coeur d'un travail inductif, c'est-à-dire intérieur qui plonge l'homme dans la danse d'un Dieu agenouillé, d'une inhabitation du Verbe, d'un souffle trinitaire et kénotique. Le Concile croit en l'homme.

(1) John W. O'Malley, p. 76
(2) citations de GS, source Vatican.va

08 juin 2017

Panégyrique, épidictique, inductif ou pastoral

Un des apports de John W. O'Malley est de nous faire percevoir Vatican II à partir du contexte et de l'histoire. Les pages 68ss nous précisent le style comme panégyrique, épidictique et pastoral, à la différence du style plus canonique des conciles précédents. Pourquoi remplacer la loi et la condamnation par un appel à la conversion intérieure, à ce qu'on appelle aussi l'inductif ?
Le grand saut du Concile dans le monde de notre temps est de comprendre que les temps ont changé, que le monde n'est plus capable d'entendre des condamnations venues d'en haut, mais est avide de sens. Là est la dimension pastorale.
"Sa façon d'enseigner (...) passe par la suggestion, l'insinuation et l'exemple. Il a pour instrument la persuasion, non la contrainte". (1)
"Il vise la réconciliation (...) crée et encourage la prise de conscience" (...) travaille de l'intérieur vers l'extérieur (...) partage l'espérance et la joie" (2)

(1) L'événement Vatican II, ibid. p. 71
(2) p. 73

06 juin 2017

Une tradition dynamique

"Cette Tradition qui vient des apôtres se poursuit dans l'Église sous l'assistance du Saint-Esprit : en effet, la perception des choses aussi bien que des paroles transmises s'accroît" DV8.

"Selon cette définition, précise John W. O'Malley, la tradition n'est pas inerte, mais dynamique" (1).

Je m'amuse à retrouver chez l'Américain cette expression qui est l'une de mes préférés dans mon essai sur la dynamique sacramentelle. Elle est l'enjeu pour moi d'une remise en question pastorale des conditions d'inculturation de la foi, non pour sombrer dans un relativisme tiède, mais parce qu'un travail à la périphérie nécessite une souplesse qui permet de rejoindre au plus près ceux qui n'ont plus accès à la source, à l'image de Celui qui mangeait avec les prostituées et les pécheurs.

Mais l'enjeu n'est pas pour autant de changer pour changer, mais bien un retour aux sources évangéliques, à ce qui fait le coeur de notre agir chrétien, un mouvement qui est proche de ce ressourcement prôné par Congar et Lubac (2)

(1) John W. O'Malley, Vatican II, p. 61
(2) ibid. p. 66

02 juin 2017

Dialogue, charisme, partenariat et amitié

Ces nouveaux termes de Dialogue, charisme, partenariat, coopération et amitié(1) portés par le concile introduisent plus que les "ordonnances" souligne O'Malley. Ils portent un nouvel "événement dialogal(2). Dans la suite de notre post précédent, il y a effectivement là un nouvel enjeu qui rejoint les questions soulevées par Borras sur le monopole et la présidence. Nous commençons seulement, grâce aux initiatives synodales (poussées par François) à en percevoir l'enjeu. Les rapports des synodes diocésains donnés par La Croix d'hier montre bien la question en jeu. Maintenant que nos églises sont vides de christianisme social, les baptisés doivent prendre en main leur avenir et la synodalité est le moyen de retrouver le véritable sens de l'unité et d'une présidence assumée.

(1) O'Malley Vatican II p. 24
(2) bien souligné dans Le bien commun, tome 2 déjà cité.

01 juin 2017

Fidélité et changement

Je reprends ici la lecture de John W. O'Malley, mais cette fois dans son analyse de Vatican II(1). La question qu'il soulève p. 22 est celle qui me travaille depuis des années. Peut-on infléchir, voir rejeter la Tradition ? Déjà dans sa thèse sur Trente, je soulignais son utilisation du mot sans T majuscule. Le traducteur s'est-il trompé en le mettant ici ? Pas forcément, mais la question demeure. Celle de l'ordre et des charismes qui est aussi au coeur des débats est du même ordre. Elle questionne les questions d'infaillibilité et de collégialité. On voit que le thème du monopole du prêtre, évoqué plus haut à propos de Borras change de braquets. Ici c'est la place du Pape et de l'Église hiérarchique face au "peuple de Dieu" qui est en jeu.

Et en même temps, l'unité de l'Eglise est aussi à maintenir. Une danse ?

John W. O'Malley, L'Évenement Vatican II, Bruxelles, Lessius, 2011, p. 22 et 24

03 mars 2017

Le trépied eucharistique

Une découverte qui montre l'immensité de mon ignorance : cette insistance de Trente sur les "trois aspects de l'eucharistie : sacrifice, présence réelle et communion(1)" devrait être au coeur de ma pratique.

Plus qu'une question de définition, c'est l'aspect synthétique qui me semble ici intéressante.
Je découvre en même temps que mon insistance habituelle sur l'unique sacrifice du Christ est de fait trop protestante, car elle fait obstacle à la contemplation de la venue du Christ en moi, à travers le saint sacrifice de la messe.

Le trépied eucharistique est alors ici intéressant à plusieurs titres. Il me faut ensuite reconnaître que "les cérémonies, les bénédictions mystiques, les lumières et les encensements (...) soulignent la majesté d'un si grand sacrifice et [que] les esprits des fidèles seraient stimulés, par le moyen de ces signes visibles de religion et de piété, à la contemplation des choses les plus hautes qui sont cachées dans ce sacrifice(2)"

Si j'ai du mal avec l'ostentation, je dois peut-être encore me convertir pour accepter qu'il y a là une nécessaire mise à distance entre mon moi trop présent et ce Dieu qui vient à nous.

À méditer...

(1) O'Mallley, Trente, ibid. p. 234
(2) Concile de Trente p. 1493, cité par O'Malley p. 235

16 février 2017

Le chemin de la grâce - Concile de Trente

Beau résumé du décret sur la justification du concile de Trente par John W. 0'Malley : "Le commencement, le milieu et la fin de tout mouvement vers la grâce est aussi un effet de la grâce qui accompagne le mouvement, le fait progresser et accompagne et le mène à son accomplissement" (1)
On pense en écho au "tout est grâce" de Bernanos, mais aussi à ce que je tente de décrire maladroitement dans "La dynamique sacramentelle" en contemplant le chemin de Dieu en l'homme, au delà et en dépit de ses adhérences.

O'Malley précise : "si la foi était au commencement de la justification, ce n'est pas par la foi seule que celle-ci s'accomplissait, mais par la foi conjointe à l'espérance et à la charité, ce qui rendait efficace en vue du salut la coopération à la grâce" (2)

(1) op. Cit p. 142
(2) p. 144

29 décembre 2016

Langue vernaculaire 2 - Concile de Trente

Une première contre-vérité démantelée à la lecture des travaux d'0'Malley : "La messe devrait être célébrée uniquement dans la langue vernaculaire". En d'autres termes, selon le concile de Trente, "le latin était légitime mais pas obligatoire" précise l'historien (1).
On est loin de l'image tridentine colportée près de 500 ans plus tard.

Affaire à suivre.

(1) John W. O'Malley, Le concile de Trente, Ce qui s'est vraiment passé, Bruxelles, Lessius, 2013, p. 33