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01 mai 2022

Un texte fondateur ? 2.52 ter

 

D’une certaine manière le contraste entre Actes et Jean 21 que l’Église nous propose aujourd’hui reste pour moi la piste essentielle pour travailler l’humilité du clerc, mais également de tout homme. Pierre est à lui seul incapable de mener l’Église et ce n’est qu’à travers l’humilité et par la force discrète de l’Esprit qu’il peut être pêcheur d’hommes.

Plus encore,  nos efforts individuels sont vains s’ils ne sont « poussés par l’Esprit ». 


Certaines interprétations de Jn 21 en font un texte tardif ou l’école Johannique fait allégeance à celle de Jérusalem tout en mettant cette distance salutaire entre l’apôtre éclairé et conduit par l’Esprit et l’homme relevé par la miséricorde divine. C’est notre chemin à tous, le contraste souligné par Paul, notamment en Ph. 3 entre nos balayures humaines et ce qui peut nous saisir dans une course infinie pour tâcher de Le saisir, alors même que nous parvenons rarement à faire ce que nous voulons. 


PS : Merci à l’amie fidèle qui m’a aidée à améliorer mon texte et à Claire pour une suggestion dans notre Maison d’Évangile - La Parole Partagée

30 avril 2022

corrigé à mon essai d’homélie 2.52: * « M'aimes-tu ? »

 En guise de corrigé à mon essai d’homélie 2.52: *

« M'aimes-tu ? »

« Aimes-tu ? (...) M'aimes-tu ? (...) » Pour toujours, jusqu'à la fin de sa vie, Pierre devait avancer sur le chemin accompagné de cette triple question : « M'aimes-tu ? » Et il mesurait toutes ses activités à la réponse qu'il avait alors donnée. Quand il a été convoqué devant le Sanhédrin. Quand il a été mis en prison à Jérusalem, prison dont il ne devait pas sortir... et dont pourtant il est sorti. Et (...) à Antioche, puis plus loin encore, d'Antioche à Rome. Et lorsqu'à Rome il avait persévéré jusqu'à la fin de ses jours, il a connu la force des paroles selon lesquelles un Autre le conduisait là où il ne voulait pas.... Et il savait aussi que, grâce à la force de ces paroles, l'Église « était assidue à l'enseignement des apôtres et à l'union fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » et que « le Seigneur ajoutait chaque jour à la communauté ceux qui seraient sauvés » (Ac 2,42.48). (...)

Pierre ne peut jamais se détacher de cette question : « M'aimes-tu ? » Il la porte avec lui où qu'il aille. Il la porte à travers les siècles, à travers les générations. Au milieu de nouveaux peuples et de nouvelles nations. Au milieu de langues et de races toujours nouvelles. Il la porte lui seul, et pourtant il n'est plus seul. D'autres la portent avec lui (...). Il y a eu et il y a bien des hommes et des femmes qui ont su et qui savent encore aujourd'hui que toute leur vie a valeur et sens seulement et exclusivement dans la mesure où elle est une réponse à cette même question : « Aimes-tu ? M'aimes-tu ? » Ils ont donné et ils donnent leur réponse de manière totale et parfaite — une réponse héroïque — ou alors de manière commune, ordinaire. Mais en tout cas ils savent que leur vie, que la vie humaine en général, a valeur et sens dans la mesure où elle est la réponse à cette question : « Aimes-tu ? » C'est seulement grâce à cette question que la vie vaut la peine d'être vécue » (1)


D’un certain côté, mon intuition de relier la nudité de Pierre à celle d’Adam est probablement la clé que suggère Jean dans son chapitre 21.


On pourra lire aussi, l’excellent commentaire de Marie-Noēlle Thabut https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/


(1) Jean-Paul II (1920-2005)

Homélie à Paris 30/05/80, 1-3 (trad. DC 1788, p. 556 copyright © Libreria Editrice Vaticana)


* mon homélie : https://www.facebook.com/100003508573620/posts/4849361138524124/

29 avril 2022

Esprit et ouverture - 2.52bis

 

Nous sommes en chemin…

Si l’on prend un peu de recul sur les événements passés qui nous ont conduits de la Passion aux premières manifestations de la résurrection, mais aussi sur notre propre vie, comme de vrais pèlerins pour le Royaume, c’est peut-être à partir de la figure de Pierre que la liturgie nous conduit aujourd’hui vers un nouveau souffle...

Pierre est un homme comme nous, faible, plein de bonne volonté mais fragile et capable de violence.

Il a suivi Jésus

Il l’a renié par trois fois

Il fait des efforts 

Il veut maîtriser sa vie, relancer la pêche 

Mais malgré cela il passe une nuit sans rien prendre….

Jésus revient, le matin, au bord de la mer, au bord de nos efforts et nous appelle. 


Qu’as-tu fais de ta vie ?


Pierre se voit nu, comme Adam au jardin

Pourtant il plonge dans cette eau dangereuse pour se rapprocher de Jésus 

Vient la triple question dont le grec donne une finesse particulière. M'aimes-tu vraiment ?

« Agapas me… » M’aimes tu d'agapè, de cet amour entier, de ce jusqu'au bout qui m’a conduit à la Croix ? 

Deux fois, la question lui est posée mais Pierre se rend compte qu’il n’est pas à la hauteur, qu’il lui reste du chemin. Je t’aime seulement d’amitié « philo te » répond Pierre en grec.

Alors Jésus repose la question en reprenant le même verbe que Pierre « Phileis me », m’aimes tu d’amitié ? 


Veux-tu avancer vers moi ?


Qu’est ce à dire ?


À la lumière de dimanche dernier, n’oublions pas que Dieu est miséricorde, qu’il est conscient de nos faiblesses et qu’il nous rejoint, comme il l’était devant Pierre, par deux fois, à genoux : pour lui laver les pieds, puis à nouveau au bord du lac probablement à genoux à nouveau en train d’attiser le feu d’un repas qui se prépare.


Que va-t'il se passer dans le double mouvement  que nous allons vivre aujourd’hui d’un baptême de l’eucharistie ?


Pas grand chose finalement si ces deux rites restent des gestes creux, des mots, un peu comme cette pêche nocturne de Pierre. Il y a un saut à faire pour consentir à nous laisser guider, habiter par l’Esprit : « jette ton filet ailleurs, suis moi, laisse moi te laver les pieds et le cœur, renonce à croire que tu maîtrises tout, laisse toi revêtir, habiter par l’Esprit… »


Le rite du baptême comme celui de l’Eucharistie sont bien fragiles si nous passons à côté de l’essentiel : Dieu nous invite à genoux à dépasser les gestes du rite pour vivre en actes et en vérité ce que nous célébrons. Le rite n’est rien si nous ne parvenons pas à transformer les symboles en chemins de vie, si nous ne devenons « porte-Christ » comme le suggère cette ancienne catéchèse de Jérusalem.


Le sacrement est vide s’il ne se transforme en mouvement, en « dynamique sacramentelle »


Dans les lectures de mardi dernier Jésus glissait à Nicodème que nous ne sommes rien tant que nous ne sommes pas « nés du souffle de l’Esprit » 

Qu’est-ce que ce souffle ?


Un souffle ténu, le bruit d’un fin silence (1 Rois 19), ce cri intime de Dieu qui nous invite à marcher, chant intérieur qui veut allumer en nous un feu… 

Il nous faut écouter ce que l’Esprit enseigne dans le silence d’un orant.


M'aimes-tu au point de plonger dans la vie en Dieu et renoncer à ton petit confort…


En versant l’eau vive par trois fois sur la tête du petit Côme, un rien va se produire et pourtant une étincelle mystérieuse va se glisser dans le cœur de cet enfant, flamme fragile que la prière conjointe de ceux qui l’entourent et la nourriture spirituelle transformera, par l’action discrète et humble de l’Esprit en lumière.


Nos rites sont inutiles si nous ne choisissons pas d’entrer dans la danse de l’Esprit…


Nos communions sont façades si nos joies intérieures ne deviennent lumières pour le monde, dans la contagion discrète mais joyeuse des danseurs pour le royaume.


L’échange avec Nicodème de mardi nous a permis de contempler la brise fugace et tendre de l’Esprit…


La liturgie nous fait découvrir aujourd’hui que Pierre hésitant et désemparé (Jean 21) peut entendre, comme nous, cet appel fragile d’un Dieu à genoux qui l’invite à choisir une vie nouvelle. 


En nous laissant aimer par Jésus, habités par le souffle c’est une danse nouvelle qui nous appelle.


Qu’est-ce qui explique en effet cette différence entre le Pierre de l’Evangile et celui de la première lecture si ce n’est l’Esprit qui vient transformer l’homme ?

Je renonce, je crois diront les parents de Côme. Et nous ?


Laissons une place à l’Esprit qui veut allumer en nous un feu de joie…


Le baptême est un petit pas en avant, mais l’essentiel est ailleurs : se laisser saisir par ce Dieu qui veut allumer en nous un feu…

28 avril 2022

La danse de l’Esprit - 2.52

 L’échange avec Nicodème qu’évoque partiellement la liturgie d’aujourd’hui (Jn 2) nous permet de contempler la brise fugace et tendre de l’Esprit…


Dimanche nous verrons à la fois un Pierre hésitant et désemparé (Jean 21) et sûr de lui dans les Actes. 

Le premier Pierre a pêché seul sans succès et doit plonger nu pour trouver le chemin du triple pardon de Jésus et comprendre qu’il n’est pas digne, encore de l’agapè. Le second est empli d’un souffle puissant qui convertit les foules.  Qu’est-ce qui explique cette tension apparente si ce n’est l’Esprit qui vient transformer l’homme ?


La liturgie nous prépare à la contemplation du don de l’Esprit… 


Un chemin pour tous ?


Que va-t-il se passer dans le double mouvement sacrementel  que nous allons vivre dimanche prochain dans ma paroisse alors que nous célébrerons coup sur coup un baptême et une eucharistie ?


Pas grand chose finalement si ces deux rituels ne sont  la base d’un double mouvement à la fois théologal et actif au sein des récipiendaires… 


Le rite du baptême comme celui de l’Eucharistie sont bien fragiles si nous passons à côté de l’essentiel : Dieu nous invite à sa danse kénotique et à dépasser les gestes du rite pour vivre en actes et en vérité ce que nous célébrons. Le rite n’est rien si nous ne parvenons pas à transformer les symboles en chemins de vie, si nous ne devenons « porte-Christ » comme le suggère cette ancienne catéchèse de Jérusalem.


Le sacrement est vide s’il ne se transforme en « dynamique sacramentelle » (1).


Jésus glisse aujourd’hui à Nicodeme que nous ne sommes rien tant que nous ne sommes pas « nés du souffle de l’Esprit » 

Qu’est-ce que ce souffle ?


Un souffle ténu, le bruit d’un fin silence (1 Rois 19), le chant ou la danse des priants. Nous vivons souvent dans un balancier fragile entre les excès charismatiques et la pudeur des communautés qui refusent d’écouter ce que l’Esprit enseigne dans le silence d’un orant.


La vie chrétienne consiste finalement à trouver 

le juste équilibre entre kénose et prosélytisme, enfouissement et moralisme, pastorale et ritualismes.

Attention aux excès comme aux extrêmes ! 😉 


Au pharisaïsme hésitant de Nicodème, Jésus rappelle que la guérison de la morsure du mal, de ces « serpents du désert »  ne s’est pas faite dans le combat et la violence mais dans un signe fragile, élevé et suscitant de détourner son regard.


Appel bien mystérieux pour ce chercheur de Dieu que ce serpent de bronze évoqué au chapitre 11 du livre des Nombres qui devient pourtant le prélude et l’annonce de la Croix et du mystère d’un Christ transpercé d’où jaillit l’Esprit.


Ce qui était voilé devient lumière.


En versant l’eau vive par trois fois sur la tête du petit Côme dimanche, un rien va se produire et pourtant une étincelle mystérieuse va se glisser dans le cœur d’un enfant, flamme fragile que la prière conjointe de ceux qui l’entourent et la nourriture spirituelle transformera, par l’action discrète et humble de l’Esprit en lumière.


Nos rites sont inutiles si nous ne choisissons pas d’entrer dans la danse de l’Esprit…


Nos communions sont façades si nos joies intérieures ne deviennent lumières pour le monde, dans la contagion discrète mais joyeuse des danseurs pour le royaume.


(1) cf. mon livre éponyme

23 mai 2021

Méditation sur la Pentecôte - danse 50.3

C’est peut-être à partir du Buisson Ardent (1) que l’on peut considérer l’ensemble de la pédagogie divine(1) sur la Pentecôte. Le but ultime de notre réconciliation « en Christo »  est de rejoindre ce grand feu lumineux, qui nous purifie sans nous détruire, qu’est finalement la danse en Christ, dont on fait l’expérience les disciples au mont Thabor…

N’allons pas trop vite. Revisitons d’abord nos premiers pas, nos « Chemins du désert » (1) où nous cherchons à tâtons la lumière. 

« Poussé par l’Esprit au désert » où nous suivons le Christ, il nous faut d’abord subir la grande épreuve de la nuit, épreuve difficile que souligne depuis des siècles les mystiques de puis la nuit obscure de saint Jean de La Croix, jusqu’à celle de nos doutes confinés, comme ces nuits des mystiques que nous traduit magnifiquement François Marxer, « Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017 ».

Rappelons nous aussi nos pas encore fragiles, dans cette fausse nuit pré couvre feu 2021. 

Comme dans toutes les  Pâques, nous avons cherché à contempler ce feu béni hors de nos églises au bout de notre nuit spirituelle très symbolique des 40 jours de Carême. C’est alors une bien fragile lumière qui pénètre symboliquement dans l’église encore sombre,  brandie par le diacre en une triple évocation : « Lumière du Christ »avant qu’il n’entonne l’exultet. 

Qu’est ce à dire ?

Jésus est lumière et notre capacité à la contempler dans sa vraie clarté, n’est finalement possible qu’au bout du chemin. 

Il nous faut encore 40 jours de crainte, de doutes et d’hésitation. 

La liturgie nous a encore fait manduquer les hésitations de Pierre en Jean 21 ces derniers jours, derniers soubresauts d’une Église en devenir avant ces flammes de feu qui rendent tout lumineux.

« M’aimes-tu ? » demande trois fois Jésus à Pierre dans un decrescendo kénotique qui le fait passer en grec d’un « agapas me » à un « phileis me »…(2). M’aimes-tu d’agapé ou as tu seulement de l’affection pour moi… ? triple questionnement que l’école johannique inflige symboliquement à Pierre au terme du chemin qui prépare pour eux et symbolise sa réintégration dans la mission ecclésiale qui l’attend…(2) après la démarche à la fois kénotique et miséricordieuse qu’est finalement cette triple interpellation qui fait écho à son triple reniement… (3)


N’est-ce pas finalement le chemin de tout baptisé qui reçoit un cierge alors qu’il est encore tout endormi de ses nuits obscures et qu’il n’a pas encore fini son chemin ?

Les sacrements d’initiation vont devoir encore lui faire franchir de sacrés pas avant qu’il puisse confirmer de lui-même sa foi…

Il lui faudra percevoir comme Pierre, d’abord son insuffisance et son incapacité à aimer, percevoir qu’il nous faut retirer ses sandales(1), pour découvrir que le feu intérieur qui brûle déjà en nous par le sacrement du baptême n’est pas encore lumière dans nos vies et qu’il nous faut le souffle de l’Esprit pour que nos sarments intérieurs trop souvent desséchés (4) prennent feu en Dieu. Alors pourrons nous percevons que Dieu ne cesse de nous appeler à choisir la lumière face à la nuit…


« Esprit de Dieu, tu es le feu,

Patiente braise dans la cendre,

A tout moment prête à surprendre

Le moindre souffle et à sauter

Comme un éclair vif et joyeux

Pour consumer en nous la paille,

Eprouver l'or aux grandes flammes

Du brasier de ta charité.


Esprit de Dieu, tu es le vent,

Où prends-tu souffle, à quel rivage?

Élie se cache le visage

A ton silence frémissant

Aux temps nouveaux tu es donné,

Soupir du monde en espérance,

Partout présent comme une danse,

Eclosion de ta liberté.


Esprit de Dieu, tu es rosée

De joie, de force et de tendresse,

Tu es la pluie de la promesse

Sur une terre abandonnée.

Jaillie du Fils ressuscité,

Tu nous animes, source claire,

Et nous ramènes vers le Père,

Au rocher de la vérité. »(5)




(1) cf. mon « Retire tes sandales » - une contemplation de la trilogie des 21 volumes d’Hans Urs von Balthasar et « Pédagogie divine »

(2) voir plus d’explication dans « A genoux devant l’homme »

(3) on peut reprocher à Zumstein de faire l’impasse là dessus dans son commentaire pourtant très exhaustif.

(4) cf. Ez 37 que nous contemplons la veille au soir

(5) hymne de l’office des lectures du dimanche de Pentecôte 

09 avril 2021

La kénose de Pierre - danse 49.2

L’évangile d’aujourd’hui, bien que triste saucisson du chapitre 21 de Jean nous conduit bien loin.

Simon-Pierre veut pêcher tout seul ou entre amis, mais les poissons ne sont pas là. N'est-ce pas la leçon de Dieu face à nos ambitions humaines. « Cette nuit-là, ils ne prirent rien » (Jn 21, 3). 

Dans une lettre à Louise Brunot, Madeleine Delbrêl insiste sur l’importance de mourir à nous-mêmes afin que nous puissions renaître dans le sens développé par Jean 3, 5-7. Pour elle notre naissance se fait « à proportion » de notre mort. C'est-à-dire que tout abandon, de l'obéissance à notre père spirituel  jusqu'au renoncement à « obéir au métro qu'on rate », est à la fois obéissance au monde, renoncement à « sa volonté propre » et de ce fait abandon de notre autonomie pour se couler dans le vouloir de Dieu sur nous. Plus qu'un regard mystique sur le monde, c'est aussi une hygiène de vie, un retour au centre. « Non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux » (Luc 22,42 // Matt 26,42). Leçon d’humilité qui nous rend réceptifs à la miséricorde.

Pourquoi évoquer tout cela à propos de la pêche miraculeuse ? À la question de Jésus sur le rivage : « Enfants, n'avez-vous rien à manger ? », ils doivent reconnaître l'échec de leurs volontés humaines. Ce n'est finalement qu'en obéissant à l'ordre du Christ que se révèle les dons de Dieu. Une leçon intérieure qui se poursuivra pour Pierre, comme on le verra, jusqu'à sa fin : « tu étendras la main et c'est un autre qui nouera ta ceinture et te conduira jusqu'ou tu ne voudras pas ». (v. 18)

Il nous faut passer au-delà de l’illusion de se croire capable seul de réussir, ébaucher une démarche de pardon, de mise à nu. Comme il est dur, souvent de consentir, alors que l'illusion de notre valoir nous semble justifier nos actes. Et pourtant nous ne sommes que des serviteurs, instruments fragiles d'un plan de Dieu qui nous dépassera toujours.

9. Quand ils furent descendus à terre, ils virent là des charbons allumés, du poisson mis dessus, et du pain. 10. Jésus leur dit : « Apportez de ces poissons que vous venez de prendre. » 11. Simon-Pierre monta dans la barque, et tira à terre le filet qui était plein de cent cinquante-trois grands poissons; et quoiqu'il y en eût un si grand nombre, le filet ne se rompit point. 12. Jésus leur dit : « Venez et mangez. » Et aucun des disciples n'osait lui demander : « Qui êtes-vous ? » parce qu'ils savaient qu'il était le Seigneur.

13. Jésus s'approcha, et prenant le pain, il leur en donna; il fit de même du poisson.

14. C'était déjà la troisième fois que Jésus apparaissait à ses disciples, depuis qu'il avait ressuscité des morts.

Notons, en passant, que John P. Meier considère que la version de Jean de la pêche miraculeuse est probablement plus plausible que celle placée par Luc avant la mort de Jésus, même si Jean a instillé dans le texte, comme en Jn 11, un important ajout théologique et symbolique que nous commentons plus loin.


La contemplation du Dialogue avec Pierre Jean 21, 15-25 nous conduit plus loin. 

Il est dangereux de couper le chapitre alors que l’ensemble du récit à sa structure propre. Rappelons le contexte. Il y a d’abord l’opposition nuit/jour que nous avions déjà notée entre Nicodème et la Samaritaine. Ici, comme nous l’avons vu, la nuit du pêcheur a été stérile et c’est à l’appel du Christ que la pêche devient féconde.

Il y a ensuite la symbolique du vêtement. Pierre est à nu (v. 8). Il ne se cache plus derrière son assurance. Depuis son reniement, il est probablement couvert de honte. C’est à ce moment-là que Jésus choisit l’ultime appel. Le dernier « où es-tu ? » vient le relever. Il passe un vêtement, mais est-ce suffisant ? Il lui faut plonger dans la mer pour accéder au repas. Est-ce une allusion au baptême de l'Église ?

Le questionnement montre qu’il a encore du chemin à parcourir jusqu’au décentrement final où l’amour pourra être un amour d’agapè et d’une certaine manière, un « lavement des pieds » au sens où il devient imitation de « l’amour-serviteur » de Jésus :

« Quand tu deviendras vieux, un autre te ceindra et t’entraînera, là où tu ne veux pas aller ». Jn 21, 18.

Ramenée à l'Église, cette dernière arche fait résonner ce que nous avons découvert, dans cette longue traversée de la Passion. Au pas de Dieu qui s’agenouille devant l’homme doit répondre ceux de l’homme vers Dieu. Il ne peut en tirer gloire, puisque Dieu seul emplit les filets. Mais au bout du chemin sera la pêche abondante, le repas partagé et la gloire de voir Dieu…

Pierre, lors du lavement des pieds, n’avait pas saisi l’enjeu du geste. Il restait crispé sur l’apparence. Ce que nous fait découvrir l’ensemble du récit, c’est que l’invitation du Christ n’est pas rituelle, mais totale. Ce qui est demandé à l’homme, par l’agenouillement de Dieu, est d’entrer dans une réciprocité totale, une participation à la danse trinitaire qui va jusqu’à l’amour total, sans limites, et peut conduire à la croix, non comme un autosacrifice, mais comme la conséquence d’un dépouillement, d’un décentrement de l’homme, jusqu’à l’extrême, en Dieu.

Au bout de cette traversée, nous retrouvons un schéma qui traverse l’ensemble de nos recherches, celle de la « descente de tours », ce lieu où l’homme, en quittant toutes ses certitudes, y compris pour Pierre, l’illusion de tenir dans l’adversité, parvient à la nudité d’une rencontre, « sous la tente légère ». En rencontrant Jésus lui-même dépouillé de sa toute-puissance, il parvient à l’entre-vue véritable, celle d’un Dieu aimant.

C’est ainsi que ce dernier pont peut nous apparaître, comme une révélation finale :

Décentrement                            Réception

Ils étaient nus Gn 2                Don du Jardin

Où es-tu ? Gn 3                Don de la vie

Retire tes sandales Ex 3                     Je suis

 Retire tes vêtements Ex 33     Tente de la rencontre

Il retira son vêtement Jn 13 Il lave les pieds

Ils lui enlevèrent sa tunique Jn 19

J’ai soif

        Tout est accompli

     Jaillissement du cœur

     Tombeau vide Jn 20

       Don de l’Esprit Jn 20


Le Seigneur ne demande pas plus que ce que nous pouvons porter. Il considère chacun comme s'il était la perle unique en qui il avait mis tout son amour.  Contemplons le dialogue sublime qui réunit Pierre avec Jésus au bord du lac de Tibériade. Le dialogue commence par une subtilité des deux verbes grecs utilisés par Jésus dans son questionnement.  Il demande d'abord si Pierre l'aime d'amour (agapas me) avant d'utiliser le verbe qu'utilise Pierre à chaque fois pour lui répondre. Philo te ! Je t'aime d'amitié.  

On sait que Pierre sort de son reniement,  qu'il doit avoir la honte du fils prodigue, qu’il a plongé nu dans la mer – un geste à la forte symbolique baptismale – pour se présenter devant le Seigneur et pourtant Jésus se remet à genoux devant lui, en le rejoignant dans ses mots mêmes. Et lui dit "paix mes brebis".

Écoutons ce commentaire de saint Augustin : « Le Seigneur demande à Pierre s'il l'aime, ce qu'il savait très bien ; et il le lui demande non pas une fois, mais deux et même trois fois. Et chaque fois Pierre répond qu'il l'aime, et chaque fois Jésus lui confie le soin de faire paître ses brebis. À son triple reniement répond une triple affirmation d'amour. Il faut que sa langue serve son amour, comme elle a servi sa peur ; il faut que le témoignage de sa parole soit aussi explicite en présence de la vie qu'elle l'a été devant la menace de la mort. Il faut qu'il donne une preuve de son amour en s'occupant du troupeau du Seigneur, comme il a donné une preuve de sa timidité en reniant le Pasteur. »

N'est-ce pas nos tentations pastorales,  qui ne sont autres que celles que Mat 4 décrit au désert.  L'avoir, le pouvoir, le valoir.

Saint Augustin poursuit : « Ceux qui s'occupent des brebis du Christ avec l'intention d'en faire leurs brebis plutôt que celles du Christ se montrent coupables de s'aimer eux-mêmes au lieu d'aimer le Christ. Ils sont conduits par le désir de la gloire, de la domination ou du profit, et non le désir aimant d'obéir, de secourir et de plaire à Dieu. Cette parole trois fois répétée par le Christ condamne ceux que l'apôtre Paul gémit de voir chercher leurs intérêts plutôt que ceux de Jésus Christ (Ph 2,21). »

Prenons le temps de relire  ce texte de Philippiens 2, dans son contexte, c'est-à-dire depuis l'évocation de la kénose du Christ (qui n’est autre qu’une illustration théologique du lavement des pieds évoqué en Jn 13).

« Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu'il fût dans la condition de Dieu, il n'a pas retenu avidement son égalité avec Dieu; mais il s'est anéanti lui-même, en prenant la condition d'esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui; il s'est abaissé (en grec : ekenosen) lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. (...) Agissez en tout sans murmures ni hésitations, afin que vous soyez sans reproche, simples, enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu de ce peuple pervers et corrompu, dans le sein duquel vous brillez comme des flambeaux dans le monde, étant en possession de la parole de vie; et ainsi je pourrai me glorifier, au jour du Christ, de n'avoir pas couru en vain, ni travaillé en vain. (...) Car je n'ai personne [hormis Timothée] qui me soit tant uni de sentiments, pour prendre sincèrement à cœur ce qui vous concerne; tous, en effet, ont en vue leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ (Ph2, 5-8, 14-16, 20-21) ».

C'est dans l'esprit kénotique de Paul et sous l'éclairage de la triple tentation (Mt 4 / Lc 4) que l'on peut entendre l'évêque d'Hiponne. « Que signifient, en effet, ces paroles : « M'aimes-tu ? Pais mes brebis » ? C'est comme s'il disait : « Si tu m'aimes, ne t'occupe pas de ta propre pâture, mais de celle de mes brebis ; regarde-les non comme les tiennes, mais comme les miennes. En elles, cherche ma gloire, et non la tienne ; mon pouvoir, et non le tien ; mes intérêts, et non les tiens »... Ne nous préoccupons donc pas de nous-mêmes : aimons le Seigneur et, en conduisant ses brebis vers leur pâturage, recherchons l'intérêt du Seigneur sans nous inquiéter du nôtre. »

À nous les pécheurs pardonnés, Jésus nous met l'anneau,  nous revêt du manteau du pardon (Luc 15) et nous comble de sa grâce. Louange et gloire à notre Dieu.

28 août 2020

Homélie Mariage du 29/8

Projet 1 de notes pour le mariage de samedi 

Chers X et Y 
Je reste admiratif devant votre désir d'affronter les éléments et de poursuivre ce projet de mariage jusqu'au bout.

Il traduit quelque chose de profond en vous, cet amour qui vous a rapproché, conduit déjà bien loin, jusqu'à cette belle maison, la naissance de votre fille et aujourd'hui à vous unir devant Dieu.

Dans votre lettre d’intention vous parliez de cette harmonie particulière qui vous unit. J’ai pu le vérifier dans nos entretiens. L'amour qui vous habite n'est pas un feu follet et les choix des textes que nous venons de lire le disent bien.

Je voudrais à ce sujet insister sur deux points.

L'amour dont parle Paul n'est pas non plus ordinaire. Le mot grec utilisé est agape. Dans une autre histoire Pierre va faire à ses dépends la douloureuse expérience de ce terme. Il vient de renier Jésus, il se sent mal et pourtant le voici devant le ressuscité et Jésus lui demande par deux fois : m'aimes-tu d'agape ? [la troisième fois Jésus parle de Philie] Pierre sais bien qu'il n'a pas aimé jusqu'au bout, il lui répond sur le bout des lèvres : je t'aime d'amitié (philo te). 

X et Y  vous allez vous promettre de vous aimer de cet amour immense qui prend patience, ne cherche pas son intérêt, va jusqu'au bout de la vie, ne renie pas, même dans les épreuves. En choisissant ce texte, en échangeant vos consentements, vous manifestez à tous que l'amour est grand, immense et que vous voulez en vivre, en être le signe. Ce sera votre mission impossible et dans 3 minutes se message ne s'autodétruira pas comme dans la série télévisée...
Comment allez jusqu'au bout ? L'évangile donne une réponse ; en restant attaché à la vigne. En mettant Dieu dans votre vie, en contemplant le plus possible l'amour qui s'est donné jusqu'à la Croix. Vous habitez tout près de l'Église de Z, tous les matins en poussant les volets, méditez sur ce qu'elle contient : le signe d'un amour infini qui va jusqu'au bout, jusqu'à en mourir. 

L'amour prend patience ; l'amour rend service ; l'amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d'orgueil ;  il ne fait rien d'inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s'emporte pas ; il n'entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout.

On le sent, cet amour auquel vous êtes appelés est immense. Vous aurez besoin de force pour y parvenir, vos amis, votre fille sera là dans les moments plus difficiles pour tenir le cap. Cet amour particulier qui vous unit se nourrira de cela.
Je vous souhaite quelque chose de grand, à l’image de ce qui, en vous, vous a conduit jusque-là.


19 juillet 2020

Dépouillement 22 - le bon grain, l’ivraie et La Croix


Il y a une lecture pascale et johannique du texte de Matthieu 13 en Jean 13. Elle illustre et complète la parabole du bon grain et de l'ivraie, dans l'agenouillement du Christ devant Pierre et Judas.
C'est « l'où es-tu ? » final de Dieu devant l'homme, lancé depuis Gn 3....Le Christ a vécu dans sa chair, ce dépouillement. Il s'est mis à genoux devant les deux « graines » qu'était Judas et Pierre, il a lavé les pieds des deux apôtres.
Judas a refusé l'amour et s'est pendu dans la géhenne, la vallée maudite qui jouxte Jérusalem
Pierre a renié le Christ jusqu'au bout, par trois fois, mais le Verbe semé en lui a étouffé l'ivraie de la discorde, le germe de violence qui cohabitait en lui. Pierre n'a pas pris pas l'épée, il accepte de se laisser laver tout entier par les larmes... Au lieu de choisir la mort, il a choisi douloureusement le repentir puis la vie.


Dans la mort du Christ Pierre a entamé son dépouillement ultime. Aux triple questions du Christ qui répondent à son triple reniement, s'amorce la naissance de la plante fragile et immense qui sera l'Eglise (Jn 21).
« Pierre m'aimes-tu ? »
De Jean 13 à  Jean 21 s'étend la clé qui ouvre et met à jour l'amour de Dieu pour l'homme.
Je l'ai compris dans la chair le jour où j'ai senti le Christ à genoux devant moi. Cette révélation, à Penboc'h un jour de retraite ignatienne il y a une dizaine d'années est le germe ultime de ma vocation de diacre.
Ne soyons pas source de discorde, laissons l'Église entamer le dépouillement final...poussé par l'Esprit qui travaille sans cesse en l'homme pour faire jaillir les semences du Verbe.

Nos cathédrales peuvent être réduites en cendres... le germe divin ne sera pas atteint. La moisson vient, le grain semé germe au fond de l'homme. l'Église est le creuset, le Corps de l'espérance de Dieu, le fruit ultime de son agenouillement et de son dépouillement 
Le dépouillement et l'agenouillement de Dieu est la clé cachée de la parabole. Écoutons le Christ à genoux nous demander « m'aimes-tu ? ». « Supportez-vous les uns les autres avec amour. Ayez à cœur de garder l'unité dans l'Esprit par le lien de la paix » (Ep 4,2-3). N'y a-t-il rien en toi qu'un autre n'ait à supporter ? (1)

(1) Saint Augustin Commentaire sur le psaume Ps 99, 8-9, PL 37, 1275-1276 (Saint Augustin, maître de vie spirituelle; trad. A. Tissot, S.J.; Éd. X. Mappus 1960, p. 115-116 rev.), source  : l'Évangile au Quotidien 




17 juin 2020

La revanche de Dieu ? - homélie du 12ème dimanche ordinaire…

5eme et dernière version de mon homélie ?

Les textes de ce 12eme dimanche ne sont pas simples et pourtant il nous faut trouver un chemin de compréhension sans tomber dans les fausses pistes d'une lecture humaine. Il s'agit ici d'un labyrinthe, [un escape game dirait les jeunes] à résoudre en 7 minutes bien sûr !
Pour cela nous avons 3 clés, trois mots qui fâchent : revanche, faute et reniement.
Commençons peut-être par cette phrase qui conclut l'Evangile car c'est la plus complexe.
« celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux ».
Comment traduire cela ? Si vous faites le jeu du mal, je ne pourrais vous conduire au Père puisque vous refusez vous mêmes l'amour.
Si vous faites ce choix, vous ne serez plus « présentables » ? C'est votre choix...
Par contre.... 
Par contre si vous choisissez l'amour, combien plus je serais dans la joie de vous conduire au Père ...puisque pas un moineau ou un cheveu n'échappe à l'amour de mon Père nous dit Matthieu(cf. Mat 10, 26-33).
Il faut insister sur cette tension créée par Matthieu...

Ce renversement est la clé. 
Revenons à Jérémie et cette « Revanche »
C'est ce que Jérémie, persécuté pour sa verve pastorale attend de Dieu... (cf. Jer 20). Il faut peut-être l'éclairer d'abord par d'autres textes de l'Ancien Testament. [en escape game, il faudrait chercher les chapitres précédents le chapitre 20, mais plutôt 1Rois 18 et 19]
[au cours des lectures qui ont débuté le 10 juin, la liturgie nous a [en effet] rappelé l'histoire d'Elie, qui dans la lancée de sa conversion du peuple, avait massacré les prêtres de Baal (1Rois 18) Avait il eu raison ou outrepassé le plan de Dieu ? Il lui faudra 40 jours au désert pour comprendre que Dieu n'est pas dans la violence mais dans le murmure d'une brise légère (1 Rois 19)]. Que dire de sa revanche, comme de celle de Jérémie ?
La réponse de Dieu au mal n'est pas dans la violence, qui reste la réponse humaine, mais par ce qui est le cœur de notre foi... : à la violence du mal, Dieu répond par l'amourPlus le mal se déchaîne plus Dieu est amour. C'est ce qui se manifeste sur la Croix est c'est la condition de la résurrection...
La revanche de Dieu n'est pas la violence mais la victoire glorieuse de l'amour, c'est le Christ élevé sur la Croix (au sens de Jn 3 et Nb 21, le Christ qui refuse la violence, la revanche et le reniement de son Père - le Christ à genoux devant le mal et que Dieu révèle comme la porte étroite... il a fallu plusieurs centaines d'années et toute la pédagogie de Dieu (1) au peuple juif pour comprendre cela.



Dans sa lettre aux Romains, Paul ne dit pas autre chose... Si l'homme est pécheur - ce que nous constatons en nous-mêmes, sans avoir à passer par de grandes théories - une seule victoire vaincra ce mal, c'est la Croix. Vous allez trouver que je radote, mais c'est le message de Paul... si la faute vient par l'homme au sens le plus générique du mot (2), combien plus la victoire du Christ est le chemin, la porte étroite...
Notre seule porte de sortie à l'enchaînement au mal qui nous ronge, c'est de choisir l'amour...

Revenons au reniement 
C'est l'histoire de Pierre qu'il reste à contempler car il est la pierre de l'Église toute entière. Si nous choisissons la revanche, le mal ou le reniement des hommes nous ratons la sortie...
Pierre a pris d'abord ce chemin. Il sort l'épée, il renie, il tombe dans le piège mais la Croix le sauve. Alors Jésus l'appelle presque à genoux : m'aimes-tu ?
Mes frères, écoutons le cri de Dieu en croix. M'aimes-tu ? Jésus pose la question à Pierre autant de fois qu'il l'a renié. (Cf, Jn 21). Nous savons qu'il nous l'a posé également, peut-être même 77 fois 7 fois. Alors courons vers le salut, l'amour, répondons au cri de Dieu vers l'homme. Répondons par la seule réponse possible : je veux t'aimer...

Et tout à l'heure, alors que Jésus nous invite à sa danse(*), répondons du plus profond de nous-mêmes, à la suite de Pierre et du centurion : « Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et je serais guéri... ».

« La grâce de Dieu » nous dit Paul « se répandra en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ. » (Rom 5)

La clé de ce jeu de piste est là. En dépit de nos balbutiements, de nos fautes et de nos reniements l'amour de Dieu est grâce. Combien plus nous nous éloignons de Dieu combien plus il court vers nous...

(1) Cf. Pédagogie divine in Dieu dépouillé 
(2) cf. sur ce point la belle analyse de Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 183sq.
(*) cf. billets précédents

23 mai 2020

Action et contemplation - les deux voies

Action et contemplation - les deux voies
Cela pourrait être une homélie sur Marthe et Marie, où la réponse à l'éternelle question de la préférence entre action et contemplation, régulier ou séculier, laïc ou clerc, mariage ou consécration.
Comme souvent le petit chercheur que je suis, bafouillant dans l'expression de l'invisible, s'efface devant la sagesse d'un Augustin que nous fait découvrir l'office des lectures du samedi qui suit l'ascension (1) : « L'Église connaît deux genres de vie qui lui ont été révélés et recommandés par Dieu. L'une de ces vies est dans la foi, l'autre dans la vision ; l'une pour le temps du voyage, l'autre pour la demeure d'éternité ; l'une dans le labeur, l'autre dans le repos ; l'une sur la route, l'autre dans la patrie ; l'une dans le travail de l'action, l'autre dans la récompense de la contemplation. ~

La première est symbolisée par l'Apôtre Pierre, la seconde par Jean. La première est en action jusqu'à la fin du monde, avec laquelle elle trouvera sa propre fin ; la seconde doit attendre son accomplissement après la fin de ce monde, mais dans le monde futur elle n'a pas de fin. C'est pourquoi il est dit à Pierre : Suis-moi, et au sujet de saint Jean : Si je veux qu'il reste jusqu'à ce que je vienne, est-ce ton affaire ? Mais toi, suis-moi. ~

Suis-moi en supportant les maux temporels, à mon imitation ; lui, qu'il reste jusqu'à ce que je vienne lui donner les biens éternels. Ce qui peut se dire plus clairement ainsi : Que l'action parfaite vienne à ma suite, modelée à l'exemple de ma passion ; que la contemplation, qui ne fait que commencer, reste jusqu'à ce que je vienne, pour obtenir son accomplissement lorsque je viendrai.

Suivre le Christ en allant jusqu'à la mort, c'est la plénitude de la patience ; rester jusqu'à ce que le Christ vienne, c'est la plénitude de science qui doit le faire connaître. Ici, on supporte les maux de ce monde sur la terre des mourants ; là on verra les biens du Seigneur sur la terre des vivants.

Lorsque le Seigneur dit : Je veux qu'il reste jusqu'à ce que je vienne, il ne faut pas l'entendre comme s'il avait dit « rester », au sens de rester en arrière ou de s'installer, mais au sens d'attendre. Car ce que saint Jean symbolise ne doit pas s'accomplir maintenant, mais quand le Christ reviendra. Au contraire ce que symbolise saint Pierre, à qui il est dit : Toi, suis-moi, ne parviendra à l'objet de son attente que s'il agit de maintenant. ~

Mais que personne ne sépare ces glorieux Apôtres. Tous deux se rejoignaient dans ce que Pierre symbolisait ; et en ce que Jean symbolisait, tous deux se rejoindraient plus tard. C'est symboliquement que l'un suivait et que l'autre restait. Par la foi, tous deux supportaient les maux présents de cette vie malheureuse, et tous deux attendaient les biens futurs de la béatitude.

Ce n'est pas eux seulement, c'est toute la sainte Église, l'épouse du Christ, qui agit ainsi : elle doit être délivrée de ces épreuves d'ici-bas, elle doit demeurer dans la félicité d'en haut. Pierre et Jean ont figuré ces deux vies, chacun pour l'une des deux. Mais en réalité, tous deux ont suivi la première, passagèrement, par la foi ; et tous deux jouiront de la seconde, éternellement, par la vision.

Puisque tous les saints appartiennent inséparablement au corps du Christ, afin de gouverner le vaisseau de la vie présente au milieu de tant d'orages, les clés du Royaume des cieux pour lier et délier les péchés ont été confiées à Pierre, le premier des Apôtres : et c'est encore à l'intention de tous les saints, pour qu'ils connaissent l'abri très paisible de la Vie la plus intime, que Jean l'Évangéliste a reposé sur la poitrine du Christ,

Ce n'est donc pas Pierre seul mais toute l'Église qui lie et délie les péchés ; et ce n'est pas Jean seul qui boit à la source qu'est la poitrine du Seigneur. Il a révélé par ses paroles que le Verbe, au commencement, était auprès de Dieu et était Dieu, et bien d'autres vérités sublimes sur la divinité du Christ, la Trinité et l'unité de toute la divinité. Ces vérités, qu'il doit contempler face à face dans le Royaume céleste, maintenant il doit les percevoir dans l'image confuse donnée par un miroir. Aussi est-ce le Seigneur lui-même qui répand sur toute la surface de la terre son Évangile pour que, chacun à la mesure de ses capacités, tous les croyants puissent y boire. »

Relisons bien ce que j'ai mis en italique. On trouve un thème repris par Congar dans sa théologie du laïcat. Il n'y pas de primauté au delà de ce que Jésus disait sur Marie de Béthanie (à contempler dans le contexte précis et daté d'une visite du Sauveur) : chacun à son chemin et sa voie, est part du polyèdre (2) de l'Église et pierres vivantes d'une cathédrale à construire. Le diacre n'est pas plus grand que le laïc ou l'évêque que la personne atteinte d'un handicap, chacun compte dans le mystère d'une église à construire.




(1) Augustin d'Hippone, commentaire sur l'Évangile de Jean, samedi de la sixième semaine de Pâques. Source AELF
(2) expression fréquente chez le pape François, cf. notamment QA §29

08 avril 2020

Au fil de Matthieu 26 - Celui qui l’a livré - homélie et méditation…


Projet 2 à commenter...

Jusqu'où allons-nous dans le jugement ?
N'avons nous pas entendu l'évocation de la paille et la poutre ?
La phrase citée par Matthieu 26 tombe comme un couperet apparent : « Malheureux celui par qui le Fils de l'homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne soit pas né, cet homme-là ! »

Malheureux pour lui... pour lui..

Le psaume 68 nous donne une piste : « L'insulte m'a broyé le cœur, le mal est incurable »

Il y a une pointe de tristesse et de désespoir dans la phrase de Jésus... il a été jusqu'au bout de l'amour et pourtant rien n'a pu changer son cœur.

Jean renchérît à sa manière discrète en insistant sur deux points : le Christ a lavé les pieds de Judas, il lui a réservé la première bouchée... A la différence de Matthieu qui évoque le fait que Judas se sert en même temps que Jésus, Jean note un acte volontaire du Christ : «Je vais tremper un morceau de pain dans le plat: celui à qui je le donnerai, c'est lui.» Jésus prit alors un morceau de pain, le trempa et le donna à Judas, fils de Simon Iscariote
‭‭Jean‬ ‭13:26‬ ‭

Le Christ va jusqu'au bout de l'amour et pourtant nous détournons souvent le regard.

Le Christ s'est mis à genoux devant nous et nous avons détourné la tête...



Quand nous passons à côté d'une main tendue, entendons-nous la tristesse de Jésus à Gethsemani qui pleure sur toute les fois où son amour ne fait pas jaillir en nous l'amour...

Cessons de chercher Judas hors de nous...
Nous sommes Judas.
Je suis Judas à chaque fois que mes pas prennent un autre chemin que le don...
Et je pleure de larmes amères sur ma faute qui reviens sans cesse et que je n'ose présenter à nouveau à Dieu une nouvelle fois.
Orgueil, vanité, etc. Avoir, pouvoir valoir. Les tentations de Judas, mes tentations...

Laissons nous relever par le Dieu qui est toute miséricorde. Ne choisissons pas la voie de la culpabilité morbide. Entre Judas et Pierre, prenons le chemin de Pierre. Pleurons sur nos reniements et écoutons le Christ par trois fois nous dire m'aimes-tu ? (Jean 21)

Écoutons à nouveau le psaume 68 :
« Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »
Car le Seigneur écoute les humbles,
il n'oublie pas les siens emprisonnés. »

Notre prison, c'est cette culpabilité maladive qui nous empêche de demander le pardon de Dieu. C'est le tentateur qui nous rend aveugle sur nous-mêmes et sur la miséricorde de Dieu, c'est cette poutre enfin qui nous conduit à juger autrui au lieu de nous concentrer sur ce qu'il y a changer et retourner en nous pour nous conduire à l'amour.

13 octobre 2019

Le chemin de Pierre - Au fil de Jean 13 à 21

Nous sommes un peuple d’êtres raisonnables qui bloquons de plus en plus souvent nos émotions au nom de l’intelligence des choses, de la maîtrise des événements. En fait, du fait de nos expériences de la souffrance, de la dureté du monde, nous construisons des tours de protection intérieure qui ne laisse plus de place à Dieu pour nous atteindre. 
La médiation du chemin de Pierre nous enseigne quelque chose de différent. Pierre refuse le lavement des pieds (Jn 13) parce qu’il est un combattant. Il veut dominer les choses et projette sur Jésus son propre désir de pouvoir (rappelons nous son épée en Jn 18). 

La phrase de Jésus en Jn 13, 8 le conduit à accepter le lavement des pieds, mais ne le change pas pour autant. « Pierre lui dit: Non, jamais tu ne me laveras les pieds. Jésus lui répondit: Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi. Simon Pierre lui dit: Alors, Seigneur, pas seulement mes pieds, mais aussi mes mains et ma tête!» Jean‬ ‭13:8-9‬ ‭

Il faut qu’il aille jusqu’au triple reniement « je ne suis pas » (1) qui fait écho en négatif à la triple affirmation des « je suis » du Christ (Jn 18) pour que son obstination soit chemin de conversion. Alors se révèle en lui son entêtement et Dieu lui fait le don des larmes... (cf. Lc 22,62 - Jean ne le dit pas...)

C’est là où sa tour intérieure s’effondre et où Dieu peut venir en lui véritablement. 
Les larmes sont rares dans l’Ecriture. On trouve en Isaïe 22 une belle tour qui s’effondre : 
« Pourquoi donc es-tu montée avec tout ton peuple sur les toits en terrasse, (...) Tes capitaines, tous ensemble, prennent la fuite; (...)  C’est pourquoi je dis: Détournez de moi les regards, laissez-moi pleurer amèrement; ne me pressez pas de me consoler du ravage de la belle, de mon peuple.»
‭‭Isaïe‬ ‭22:1-4‬ 

L’expérience de Pierre est à contempler. Elle est en soi la première expérience ignatienne. Ce qu’Ignace nous fait découvrir n’est rien d’autre. Cessons de nous opposer à l’amour de Dieu. 

Laissons le s’agenouiller devant nous et nous toucher au coeur. Laissons le nous laver les pieds...

Pierre n’a pas compris tout cela du premier coup. En Jean 21 il est redevenu le maître de pêche. Il tourne en rond. Il veut encore maîtriser son destin. Et voici qu’à nouveau il pêche toute une nuit en vain. Nuit des hommes...

Alors quand le Seigneur lui donne à nouveau une leçon d’humilité en lui montrant le bon côté où il faut pêcher, il se rend compte de sa nudité devant Dieu (2). 

Vient enfin la triple et douloureuse question de Dieu. Le texte est discret et là encore le grec beaucoup plus riche (1), mais l’on peut s’imaginer les larmes de Pierre quand par trois fois il va crier du fond de son cœur : « Seigneur tu sais bien que je t’aime... ». Pierre est alors prêt à porter l’Eglise jusqu’à accepter qu’on lui attache la ceinture du martyr.
Ce n’est pas sur une pierre solide que Jésus a bâti son Eglise, mais sur une pierre fissurée à travers laquelle passe le Dieu d’amour, fleuve immense jailli du coeur transpercé.
L’expérience ignatienne est au cœur de ces mouvements. il faut aller jusqu’à cette dépossession de nous mêmes pour que notre faiblesse devienne la fêlure où Dieu va entrera dans notre intimité la plus intime.



C’est cela l’expérience de la fragilité dont Jean Vanier c’est fait l’apôtre. 
(1) Le grec est très expressif sur ce thème. Je développe tout cela dans mon livre « À genoux devant l’homme »
(2) Sur la nudité de l’homme voir aussi Gn 3, 7, Ex 33, 4, Marc 14, 52

05 mai 2019

Au fil de Jean 21 - Ébauche d’Homélie du 3ème Dimanche de Pâques - la barque 3

Quel est votre espérance ?
Jusqu'ou croyez vous en la résurrection du Seigneur? 

C'est la question qui hante les disciples.
Ils sont encore dans la nuit de Pâques et le silence du tombeau les envahit de nouveau 

« Simon-Pierre leur dit :
« Je m'en vais à la pêche. »
Ils lui répondent :
« Nous aussi, nous allons avec toi. »
Ils partirent et montèrent dans la barque ;
or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.

Laissons résonner ce « rien » qui est celui de nos désespérances...
Une nuit entière à errer sur les eaux.
N'est-ce pas tout ce que nous tentons par nous mêmes, forts de nos orgueils de croire que nous sommes capables de nous passer de Dieu.

Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage,
mais les disciples ne savaient pas que c'était lui.
    Jésus leur dit :
« Les enfants,
auriez-vous quelque chose à manger ? »
Ils lui répondirent :
« Non. »
    Il leur dit :
« Jetez le filet à droite de la barque,
et vous trouverez. »
Ils jetèrent donc le filet,
et cette fois ils n'arrivaient pas à le tirer,
tellement il y avait de poissons.
    Alors, le disciple que Jésus aimait
dit à Pierre :
« C'est le Seigneur ! »

Simon-Pierre veut pêcher tout seul ou entre amis, mais les poissons ne sont pas là. N'est-ce pas la leçon de Dieu face à nos ambitions humaines. « Cette nuit-là, ils ne prirent rien » (Jn 21, 3).
Dans une lettre à Louise Brunot, Madeleine Delbrêl insiste sur l'importance de mourir à nous-mêmes afin que nous puissions renaître dans le sens développé par Jean 3, 5-7. Pour elle notre naissance se fait « à proportion » de notre mort. C'est- à-dire que tout abandon, de l'obéissance à notre père spirituel
jusqu'au renoncement à « obéir au métro qu'on rate », est à la fois obéissance au monde, renoncement à « sa volonté propre » et de ce fait abandon de notre autonomie pour se couler dans le vouloir de Dieu sur nous. Plus qu'un regard mystique sur le monde, c'est aussi une hygiène de vie, un retour au centre. « Non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux » (Luc 22,42 // Matt 26,42). Leçon d'humilité qui nous rend réceptifs à la miséricorde.
Pourquoi évoquer tout cela à propos de la pêche miraculeuse ? À la question de Jésus sur le rivage : « Enfants, n'avez-vous rien à manger ? », ils doivent reconnaître l'échec de leurs volontés humaines. Ce n'est finalement qu'en obéissant à l'ordre du Christ que se révèle les dons de Dieu. Une leçon intérieure qui se poursuivra pour Pierre, comme on le verra, jusqu'à sa fin : « tu étendras la main et c'est un autre qui nouera ta ceinture et te conduira jusqu'ou tu ne voudras pas ». (v. 18)
Il nous faut passer au-delà de l'illusion de se croire capable seul de réussir, ébaucher une démarche de pardon, de mise à nu. Comme il est dur, souvent de consentir, alors que l'illusion de notre valoir nous semble justifier nos actes. Et pourtant nous ne sommes que des serviteurs, instruments fragiles d'un plan de Dieu qui nous dépassera toujours.
9. Quand ils furent descendus à terre, ils virent là des charbons allumés, du poisson mis dessus, et du pain. 10. Jésus leur dit : « Apportez de ces poissons que vous venez de prendre. » 11. Simon-Pierre monta dans la barque, et tira à terre le filet qui était plein de cent cinquante-trois grands poissons; et quoiqu'il y en eût un si grand nombre, le filet ne se rompit point. 12. Jésus leur dit : « Venez et mangez. » Et aucun des disciples n'osait lui demander: «Qui êtes-vous?» parce qu'ils savaient qu'il était le Seigneur.
13. Jésus s'approcha, et prenant le pain, il leur en donna; il fit de même du poisson.
14. C'était déjà la troisième fois que Jésus apparaissait à ses disciples, depuis qu'il avait ressuscité des morts. Notons, en passant, que John P. Meier considère que la version de Jean de la pêche miraculeuse est probablement plus plausible que celle placée par Luc avant la mort de Jésus, même si Jean a instillé dans le texte, comme en Jn 11, un important ajout théologique et symbolique que nous commentons plus loin.
Jean 21, 15-25 – Dialogue avec Pierre
15. Lorsqu'ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. » (...) 
Il est dangereux de couper le chapitre alors que l'ensemble du récit à sa structure propre. Rappelons le contexte. Il y a d'abord l'opposition nuit/jour que nous avions déjà notée entre Nicodème et la Samaritaine. Ici, comme nous l'avons vu, la nuit du pêcheur a été stérile et c'est à l'appel du Christ que la pêche devient féconde.
Il y a ensuite la symbolique du vêtement. Pierre est à nu (v. 8). Il ne se cache plus derrière son assurance. Depuis son reniement, il est probablement couvert de honte. C'est à ce moment-là que Jésus choisit l'ultime appel. Le dernier « où es- tu ? » vient le relever. Il passe un vêtement, mais est-ce suffisant ? Il lui faut plonger dans la mer pour accéder au repas. Est-ce une allusion au baptême de l'Église ?
Le questionnement montre qu'il a encore du chemin à parcourir jusqu'au décentrement final où l'amour pourra être un amour d'agapè et d'une certaine manière, un « lavement des pieds » au sens où il devient imitation de « l'amour-serviteur » de Jésus :
« Quand tu deviendras vieux, un autre te ceindra et t'entraînera, là où tu ne veux pas aller ». Jn 21, 18.
Ramenée à l'Église, cette dernière arche fait résonner ce que nous avons découvert, dans cette longue traversée de la Passion. Au pas de Dieu qui s'agenouille devant l'homme doit répondre ceux de l'homme vers Dieu. Il ne peut en tirer gloire, puisque Dieu seul emplit les filets. Mais au bout du chemin sera la pêche abondante, le repas partagé et la gloire de voir Dieu...
Pierre, lors du lavement des pieds, n'avait pas saisi l'enjeu du geste. Il restait crispé sur l'apparence. Ce que nous fait découvrir l'ensemble du récit, c'est que l'invitation du Christ n'est pas rituelle, mais totale. Ce qui est demandé à l'homme, par l'agenouillement de Dieu, est d'entrer dans une réciprocité totale, une participation1 à la danse trinitaire qui va jusqu'à l'amour total, sans limites, et peut conduire à la croix, non comme un autosacrifice, mais comme la conséquence d'un dépouillement, d'un décentrement de l'homme, jusqu'à l'extrême, en Dieu.
Au bout de cette traversée, nous retrouvons un schéma qui traverse l'ensemble de nos recherches, celle de la « descente de tours», ce lieu où l'homme, en quittant toutes ses certitudes, y compris pour Pierre, l'illusion de tenir dans l'adversité, parvient à la nudité d'une rencontre, « sous la tente légère». En rencontrant Jésus lui-même dépouillé de sa toute-puissance, il parvient à l'entre-vue véritable, celle d'un Dieu aimant.
Le Seigneur ne demande pas plus que ce que nous pouvons porter. Il considère chacun comme s'il était la perle unique en qui il avait mis tout son amour. Contemplons le dialogue sublime qui réunit Pierre avec Jésus au bord du lac de Tibériade. Le dialogue commence par une subtilité des deux verbes grecs utilisés par Jésus dans son questionnement. Il demande d'abord si Pierre l'aime d'amour (agapas me) avant d'utiliser le verbe qu'utilise Pierre à chaque fois pour lui répondre. Philo te ! Je t'aime d'amitié.
On sait que Pierre sort de son reniement, qu'il doit avoir la honte du fils prodigue, qu'il a plongé nu dans la mer – un geste à la forte symbolique baptismale – pour se présenter devant le Seigneur et pourtant Jésus se remet à genoux devant lui, en le rejoignant dans ses mots mêmes. Et lui dit "paix mes brebis".
Écoutons ce commentaire de saint Augustin : « Le Seigneur demande à Pierre s'il l'aime, ce qu'il savait très bien ; et il le lui demande non pas une fois, mais deux et même trois fois. Et chaque fois Pierre répond qu'il l'aime, et chaque fois Jésus lui confie le soin de faire paître ses brebis. À son triple reniement répond une triple affirmation d'amour. Il faut que sa langue serve son amour, comme elle a servi sa peur ; il faut que le témoignage de sa parole soit aussi explicite en présence de la vie qu'elle l'a été devant la menace de la mort. Il faut qu'il donne une preuve de son amour en s'occupant du troupeau du Seigneur, comme il a donné une preuve de sa timidité en reniant le Pasteur(1). »
N'est-ce pas nos tentations pastorales, qui ne sont autres que celles que Mat 4 décrit au désert. L'avoir, le pouvoir, le valoir.
Saint Augustin poursuit : « Ceux qui s'occupent des brebis du Christ avec l'intention d'en faire leurs brebis plutôt que celles du Christ se montrent coupables de s'aimer eux-mêmes au lieu d'aimer le Christ. Ils sont conduits par le désir de la gloire, de la domination ou du profit, et non le désir aimant d'obéir, de secourir et de plaire à Dieu. Cette parole trois fois répétée par le Christ condamne ceux que l'apôtre Paul gémit de voir chercher leurs intérêts plutôt que ceux de Jésus Christ (Ph 2,21). »
C'est dans l'esprit kénotique de Paul et sous l'éclairage de la triple tentation (Mt 4 / Lc 4) que l'on peut entendre l'évêque d'Hiponne. « Que signifient, en effet, ces paroles : « M'aimes-tu ? Pais mes brebis » ? C'est comme s'il disait : « Si tu m'aimes, ne t'occupe pas de ta propre pâture, mais de celle de mes brebis ; regarde-les non comme les tiennes, mais comme les miennes. En elles, cherche ma gloire, et non la tienne ; mon pouvoir, et non le tien ; mes intérêts, et non les tiens »... Ne nous préoccupons donc pas de nous-mêmes : aimons le Seigneur et, en conduisant ses brebis vers leur pâturage, recherchons l'intérêt du Seigneur sans nous inquiéter du nôtre. »
À nous les pécheurs pardonnés, Jésus nous met l'anneau, nous revêt du manteau du pardon (Luc 15) et nous comble de sa grâce. Louange et gloire à notre Dieu.(2)
Que nous dit le psaume ...
Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie !
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie !
Que mon cœur ne se taise pas,
qu'il soit en fête pour toi ;
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !


(1) Saint Augustin, Sermons sur l'évangile de Jean, n°123.
(2) Extrait de mon livre, Chemins d'Evangile, p. 646sq

02 mars 2019

Au fil de Marc 10,13-16 - comme un enfant

Jésus (...)  leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
Amen, je vous le dis : celui qui n'accueille pas le royaume de Dieu à la manière d'un enfant n'y entrera pas. »
Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

Quel est l'enjeu ? N'est-ce pas aller à la contradiction de notre désir de pouvoir, de valoir et d'avoir que de se détourner de cette course pour s'abandonner à la grâce divine, comme un enfant dans les bras de sa mère. Lâchez-prise...
Kénose ?

Écoutons saint Clément d'Alexandrie :

« Le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent »
Le rôle du Christ, notre Pédagogue, est, comme son nom l'indique, de conduire des enfants. Il reste à examiner de quels enfants veut parler l'Écriture, puis à leur donner leur Pédagogue. Les enfants, c'est nous. L'Écriture nous célèbre de bien des façons ; elle se sert d'images diverses pour nous désigner, colorant de mille tons la simplicité de la foi. Il est dit dans l'Évangile : « Le Seigneur s'arrêta sur le rivage et s'adressa à ses disciples — ils pêchaient — : 'Mes petits enfants, n'avez-vous pas de poisson ?' » (Jn 21,4-5) C'étaient ses disciples qu'il appelait enfants. « On lui amena de petits enfants pour qu'il leur impose les mains et les bénisse. Comme ses disciples les repoussaient, Jésus dit : 'Laissez les petits enfants ; ne les empêchez pas de venir à moi, car le Royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent' ». Le Seigneur lui-même éclaire le sens de cette parole en disant : « Si vous ne changez pas pour devenir semblables à ces petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18,3). Cela ne désigne pas la régénération, mais propose à notre imitation la simplicité des enfants...
On peut vraiment les nommer des enfants, ceux qui ne connaissent que Dieu leur Père — des nouveau-nés, simples et purs... Ce sont des êtres qui ont progressé dans le Verbe, qu'il invite à se détacher des préoccupations d'ici-bas pour écouter seulement leur Père, en imitant des petits enfants. C'est pourquoi il leur dit : « Ne vous inquiétez pas du lendemain ; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6,34). Voilà comment il nous exhorte à nous dégager des soucis d'ici-bas pour nous attacher seulement à notre Père. Celui qui pratique ce commandement est réellement un nouveau-né, un enfant pour Dieu et pour le monde, car celui-ci le considère comme ignorant tout et celui-là un objet de tendresse. (1)

(1) Saint Clément d'Alexandrie, Le Pédagogue, I, 12, 17 ; SC 70 (trad. coll. Pères dans la foi, n°44, 1991, p. 37s rev.), source  : l'Évangile au Quotidien 


10 novembre 2018

Au fil de Luc 16,9-15. - l’amour de l’argent - Clément d’Alexandrie

« Faites-vous des amis avec l'argent malhonnête » Luc 16, 10
Il ne s'agit pas pour Luc de nous pousser à la malhonnêteté, mais bien à une générosité féconde, à nous servir pour autrui d'une mesure pleine et débordante.
Il ne s'agit pas d'acheter autrui et le royaume, mais de transformer notre cœur pour aimer au sens de l'agape. Un amour large, profond, élevé et durable. 

« Celui qui donnera à boire à l'un de mes disciples, même un simple verre d'eau fraîche, ne perdra pas sa récompense » (Mt 10,42)... 

 Écoutons saint Clément d'Alexandrie : « Les richesses dont nous disposons ne doivent pas ne servir qu'à nous ; avec des biens injustes on peut faire une œuvre juste et salutaire, et soulager l'un de ceux que le Père a destinés à ses demeures éternelles... Qu'elle est admirable, cette parole de l'apôtre Paul : « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Co 9,7), celui qui fait l'aumône de bon cœur, qui sème sans compter afin de moissonner aussi abondamment, et qui partage sans murmure, hésitation ou réticence... Et il est encore plus grand, ce mot que le Seigneur dit ailleurs : « Donne à quiconque te demande » (Lc 6,30)... (...). 
Réfléchis alors à la récompense magnifique promise à ta générosité : les demeures éternelles. Quel beau commerce ! Quelle affaire extraordinaire ! On achète l'immortalité pour de l'argent ; on échange les biens caducs de ce monde contre une demeure éternelle dans les cieux ! Si donc, vous les riches, vous avez de la sagesse, appliquez-vous à ce commerce... Pourquoi vous laissez fasciner par des diamants et des émeraudes, par des maisons que le feu dévore, que le temps écroule, qu'un tremblement de terre renverse ? N'aspirez qu'à vivre dans les cieux et à régner avec Dieu. Un homme, un pauvre, vous donnera ce royaume... D'ailleurs, le Seigneur n'a pas dit : « Donnez, soyez généreux et larges, secourez vos frères », mais « Faites-vous des amis ». L'amitié ne naît pas d'un seul don, mais d'une longue familiarité. Ni la foi, ni la charité, ni la patience ne sont l'œuvre d'un jour : « mais celui qui aura persévéré jusqu'au bout sera sauvé » (Mt 10,22). (1)

L'agape n'est pas la simple philia de l'amitié des hommes. Même si Luc évoque la philia au verset 9, il vise l’agape au verset 13. On découvre la distinction dans l'échange de Pierre et de Jésus dans Jean 21. M'aimes-tu d'Agape, demande deux fois Jésus à Pierre, avant de passer à la philia. Là est l'enjeu final. 

Prenons de la distance et contemplons le chemin tracé par Luc : « Lorsque tu donnes un déjeuner ou un dîner, ne convie pas tes amis, ni tes frères, ni les gens de ta parenté, ni des voisins riches, de peur qu'ils ne te rendent ton invitation et qu'ainsi tu sois payé de retour. Mais lorsque tu donnes un banquet, invite des pauvres, des estropiés, des infirmes, des aveugles. Heureux seras-tu, parce qu'ils n'ont pas de quoi te payer de retour! En effet, tu seras payé de retour à la résurrection des justes.» Luc 14:12-14 NBS 

L'agape est déjà entre les lignes au chapitre 14. Elle se transforme en miséricorde au chapitre 15, prends de l'ampleur dans l'histoire du gérant malhonnête... (Luc 16, 1-8) et nous voici grimper une nouvelle marche, course en avant qui nous conduit dans la dynamique de Philippiens 3 (cf. Post de jeudi). Il y a là un chemin hyperbolique à contempler...
Le point ultime n'est-il pas Jésus sur la Croix ?

(1) Saint Clément d'Alexandrie, Sermon « Quel riche peut être sauvé ? », § 31 (trad. coll. Icthus, t. 6, p. 45 rev.), source Evangelizo 


03 juin 2017

Pierre et Jean, commentaire du commentaire d' Augustin

On se souvient de la fin de Jean 21 et le site Évangile au quotidien nous redonne à méditer le commentaire d'Augustin : "L'Église connaît deux vies louées et recommandées par Dieu. L'une est dans la foi, l'autre dans la vision ; l'une dans le pèlerinage du temps, l'autre dans la demeure de l'éternité ; l'une dans le labeur, l'autre dans le repos ; l'une sur le chemin, l'autre dans la patrie ; l'une dans l'effort de l'action, l'autre dans la récompense de la contemplation... La première est symbolisée par l'apôtre Pierre, la seconde par Jean... Et ce n'est pas eux seuls, mais toute l'Église, l'Épouse du Christ, qui réalise cela, elle qui doit être délivrée des épreuves d'ici-bas et demeurer dans la béatitude éternelle. Pierre et Jean ont symbolisé chacun l'une de ces deux vies. Mais tous deux ont passé ensemble la première, dans le temps, par la foi ; et ensemble ils jouiront de la seconde, dans l'éternité, par la vision. C'est donc pour tous les saints unis inséparablement au corps du Christ, et afin de les piloter au milieu des tempêtes de cette vie, que Pierre, le premier des apôtres, a reçu les clefs du Royaume des cieux avec le pouvoir de retenir et d'absoudre les péchés (Mt 16,19). C'est aussi pour tous les saints, et afin de leur donner accès à la profondeur paisible de sa vie la plus intime, que le Christ a laissé Jean reposer sur sa poitrine (Jn 13,23.25). Car le pouvoir de retenir et d'absoudre les péchés n'appartient pas à Pierre seul, mais à toute l'Église ; et Jean n'est pas seul à boire à la source de la poitrine du Seigneur, le Verbe qui depuis le commencement est Dieu auprès de Dieu (Jn 7,38 ;1,1),... mais le Seigneur lui-même verse son Évangile à tous les hommes du monde entier pour que chacun le boive selon sa capacité.(1)

La tension ouverte entre Pierre et Jean est pratique et théorique. Elle entre en écho avec celle de Marthe et Marie, mais plus largement entre dans le cercle qui fait danser écoute, contemplation et action. Sans entrer dans la polémique entre Paul et Jacques ou celle soulevée par Luther, c'est surtout en nous que la tension doit demeurer pour que notre réflexion ne soit pas stérile, que notre contemplation porte des fruits de charité.
Là est notre chemin. Les grandes paroles ne suffisent pas. Si moi même prend plaisir dans les grands discours, ma tâche est ailleurs.

(1) Saint Augustin, Sermons sur l'évangile de Jean, n° 124 ; CCL 36, 685 (trad. Orval)

10 avril 2016

Sur le toit du monde -3 - M'aimes-tu ?

Quelques jours après la publication d'un post sur Jn 21, je découvre ce texte de Jean Paul II,  qui entre en résonance : " Il y a eu et il y a bien des hommes et des femmes qui ont su et qui savent encore aujourd'hui que toute leur vie a valeur et sens seulement et exclusivement dans la mesure où elle est une réponse à cette même question : « Aimes-tu ? M'aimes-tu ? » Ils ont donné et ils donnent leur réponse de manière totale et parfaite — une réponse héroïque — ou alors de manière commune, ordinaire. Mais en tout cas ils savent que leur vie, que la vie humaine en général, a valeur et sens dans la mesure où elle est la réponse à cette question : « Aimes-tu ? » C'est seulement grâce à cette question que la vie vaut la peine d'être vécue." (1)
(1) Homélie à Paris du 30 mai 1980, (trad. DC 1788, p. 556 copyright © Libreria Editrice Vaticana)

04 avril 2016

Sur le toit du monde - 1

Pourquoi sommes nous là réunis aujourd'hui dans ce monde défiguré par la haine, la violence et tous ces égoïsmes auxquels nous ajoutons notre part ?
Vous allez me dire, pas moi, je ne suis pas de ceux là. Je ne vous croirez pas.... Car en nous levant ce matin nous avons consommé, pollué, négligé la planète,  ignoré la main tendue, refusé un sourire...
Nous sommes donc tous participants à cette défiguration du monde. Nous ne sommes pas des parfaits... Nous ne méritons pas cette adresse de Paul, au début de ses lettres : peuple de saints. Et pourtant nous sommes....
Dieu nous a donné vie....
Pourquoi ?
Laissons résonner en nous cette question.
Pourquoi ?
Elle résonne comme une vieille phrase, écrite il y a 2500 ans au chapitre 3 d'un vieux livre : "Où es-tu ?"
Écoutons cette phrase résonner dans le jardin du monde.
Pourquoi ?
Où es-tu ?
On pourrait en ajouter une autre qui résonne comme en écho sur la face irisée d'un lac de Gallilée :
Aimes-tu ?
En version originale,  elle se prononce de manière plus directe : "m'aimes-tu ?"
Posée par trois fois à Pierre,  elle vient s'ajouter aux deux premières questions et déchire le silence de nos nuits.
Alors la réponse du pourquoi pointe son nez,  fragile.
Je suis là pour aimer...
Et vient alors une quatrième question,  posée sur la pointe des pieds.
Jusqu'où ?
Quatre questions donc, gravées sur le sable,  de la pointe d'un bâton,  tant celui qui la pose ignore encore s'il pourra lui même y répondre. 
Ces questions ne sont pas des lieux d'enfermement, elles n'ont pas de morale attachée.  Elles se contentent de résonner depuis un tombeau qui semble vide.
Et pourtant,  ce vide apparent nous laisse habité par ces questions et il nous faut  sans cesse prendre le temps de les écouter et tenter d'y répondre.
Pour aller plus loin :
1) textes évoqués :  Gn 3,  Jn 21, Jn 8
2) C. Hériard, Sur les pas de Jean....

04 février 2016

Obéissance 2

Il n'y pas de coïncidence fortuite. Si je tombe sur Jn 21 et la pêche miraculeuse après ma réflexion sur l'obéissance chez Madeleine Delbrêl, c'est probablement que cela doit encore travailler en moi. On veut pêcher tout seul ou entre amis (Thomas, Nathanaël, Jean et Jacques), mais les poissons ne sont pas là. N'est ce pas la leçon de Dieu face à nos ambitions humaines. "Cette nuit là ils ne prirent rien" (Jn 21, 3). 
A la question de Jésus sur le rivage, ils doivent reconnaître l'échec de leurs volontés humaines. Et ce n'est qu'en obéissant à l'ordre du Christ que se révèle les dons de Dieu. Une leçon intérieure qui se poursuivra pour Pierre jusqu'à sa fin : " tu étendras‎ la main et c'est un autre qui nouera ta ceinture et te conduira jusqu'ou tu ne voudras pas". (v. 18)
Comme il est dur, souvent de consentir, alors que l'illusion de notre valoir nous semble justifier nos actes. Et pourtant nous ne sommes que des serviteurs, instruments fragiles d'un plan de Dieu qui nous dépassera toujours.


18 octobre 2015

Chemin de prière


Il connaît d'avance notre désir,  alors pourquoi prier sans cesse. Saint Augustin,  dans sa lettre à Proba sur la prière apporte une réponse qui mérite d'être méditée "Le Seigneur ne veut pas être informé de notre désir, qu'il ne peut ignorer. Mais il veut que notre désir s'excite par la prière, afin que nous soyons capables d'accueillir ce qu'il s'apprête à nous donner." La prière est une école d'humilité.  Non pas notre désir,  mais Sa volonté (cf. Luc 22, 42).  Comme le suggère le livre des Proverbes (12:15) "La voie de l'insensé est droite à ses yeux, Mais celui qui écoute les conseils est sage." Nous pensons maîtriser notre destin, mais seul le Seigneur connaît la voie.  Après une nuit sans rien prendre,  c'est lui qui nous dit, "jette-là tes filets" (Jean 21, 6)