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03 septembre 2022

Discernement, folie ou don de Dieu ?


Il y a quelques fausses pistes à discerner dans les textes de ce dimanche. La première est de croire que nous pouvons tout résoudre seul. Que nous savons tout, que nous sommes mème capables de parler de Dieu, alors qu’il est à la fois l’inaccessible et le tout proche.

Et en même temps, quand nous reprenons le chemin d’humilité auquel nous conduisaient déjà les textes de dimanche dernier quelque chose se révèle.

Reprenons les textes un à un pour trouver ce que le Seigneur veut nous dire dans le silence.

Où courons nous sans cesse, nous dit le psaume ?

Nos journées passent….

Mais peut-être sont elles futiles… 

un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.

Ce n’est qu’un songe ;

dès le matin, c’est une herbe changeante :

elle fleurit le matin, elle change ;

le soir, elle est fanée, desséchée.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :

que nos cœurs pénètrent la sagesse.


La première lecture insiste dans la même direction. 

Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ?

Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ?

Les réflexions des mortels sont incertaines,

et nos pensées, instables ;


Dans cette même direction les deux paraboles de l’Evangile rappellent la folie de nos actes. Nous entreprenons des combats, construisons des tours, mais sans discerner l’essentiel.

Prendre le temps d’évaluer, de peser, de compter nos forces…

Nous reprenons, avec la rentrée, le chemin de l’école, du travail, de belles intentions. Prenons le temps du silence, de l’écoute, du discernement ?

Cherchons cette liberté de cet Onésime de la deuxième lecture, qui a trouvé chez Paul la véritable liberté.


C’est peut-être là que le basculement doit se faire.

Notre force, notre sagesse n’est rien si nous ne n’acceptons pas des renoncements pour discerner, renoncer et peut être de quitter pour mettre en premier ce à quoi Dieu nous appelle.

Quitter, mourir à cette course futile, à ces attaches qui nous entravent, pour prendre notre « croix » celle de l’amour du frère, de la véritable charité, de l’humilité ou autrui et premier et où l’Esprit vient alors bouleverser nos petits calculs humains dans une autre direction, celle où Dieu seul nous conduit…


Notre raison s’ouvre alors à cette folie dont parle Paul…

Si nos raisonnements sont toujours l’antichambre du pessimisme, la folie du christianisme c’est de soulever sa croix, sortir du raisonnable bien installé pour faire le saut de la foi.

Là il ne s’agit pas d’un petit pas, mais d’un changement radical. Presque impossible.

Impossible à l’homme mais folie en Dieu…si l’Esprit nous embrase véritablement dans cet amour auquel Dieu nous appelle.

Philémon, tes raisonnements humains, ta vision sur Onesime est faussée, dit Paul. Il n’est pas l’esclave que tu croyais, il est ton frère ! Là est la folie de Dieu.


Renonçons vraiment à nos petits raisonnements humains.

Arrêtons de nous juger nous mêmes et surtout autrui sur l’apparence 

La folie de Dieu c’est de quitter nos attachements stériles, renoncer au confort de notre propre vie pour vivre en véritable disciple du Christ.

Cela ne nous conduit pas à mépriser nos frères, nos sœurs, nos pères, mais à changer de perspectives. Être disciple du Christ c’est changer de calculs, oser la folie d’un amour large, la folie de l’espérance, la folie de la charité et la folie de la foi qui nous vient de Dieu.

Si nous calculons nos forces à la manière des hommes nous n’irons pas loin.

Si nous mettons notre force en Dieu, l’Esprit nous conduira là où Dieu nous attend.

31 juillet 2022

Les dons de Dieu 2.77

 

Ne passons nous pas à côté de l’essentiel ? 

Cet essentiel qu’évoque François dans son homélie du 28/7 : « L’enthousiasme des apôtres » qui découvre leur Galilée. C’est peut-être ce à quoi nous conduit la méditation des textes de dimanche passé. Contempler, comme le suggérait Bonaventure que nous sommes au milieu d’un torrent avec une petite amphore dans les mains, incapables de recueillir le fleuve immense des dons de Dieu.


C’est au delà de cette contemplation que quelque chose peut jaillir. Cet appel à l’essentiel qui résonne depuis l’où es tu originel de Gn 3.


Où es-tu ?

Que vas-tu faire de ces dons ? 


Comme souvent, c’est dans les commentaires de Marie-Noēlle Thabut que je trouve refuge. Sa lente manducation de l’Ecriture fait écho avec ma quête. Je vous joins quelques beaux extraits de peur de vous noyer dans le fleuve… : 


Quand nous lisons le livre de l’Ecclésiaste, nous courons toujours le risque de nous tromper de registre, dit-elle, car, quelles que soient les apparences, Qohéleth n’est pas un philosophe, mais un prédicateur : « Vanité des vanités, tout est vanité » : ces premiers mots du livre de l’Ecclésiaste en résume le mieux l’essentiel. 


« Le mot « vanité », n’a pas de connotation morale ; une traduction plus littérale serait « Buée de buées » : quelque chose d’évanescent ; qui peut se vanter de retenir une buée entre ses doigts ? Une autre expression, à peu près synonyme, que l’auteur affectionne est « poursuite de vent ». Traduisez : tout sur terre, tout ce à quoi nous dédions nos pensées, nos rêves, nos forces, nos activités, notre temps, tout n’est qu’éphémère, provisoire, passager. Tout ? Oui, tout… ou presque. Tout, sauf une seule chose au monde. Laquelle ? L’auteur laisse planer le suspense très longtemps. A la fin de son livre, seulement à la fin, il (...) dévoile enfin son secret, on comprend alors qu’il ne nous a pas délivré une méditation philosophique désabusée, mais en réalité une prédication musclée dite à mots couverts.

(...) A travers le pessimisme apparent de Qohéleth, apparaissent des rais de lumière : la foi en Dieu est sous-jacente, l’horizon n’est pas bouché. Et la seule vraie valeur au monde, celle qui ne décevra pas, c’est la foi, justement, ou la Sagesse, qui est abandon dans les mains de Dieu : « Les justes, les sages et leurs travaux sont dans les mains de Dieu. » (Qo 9,1). « Dieu donne à l’homme qui lui plaît sagesse, science et joie. » (Qo 2,26). Et, bien sûr, la morale de l’histoire, c’est qu’il faut pratiquer les commandements de Dieu, c’est le seul chemin du bonheur : « Celui qui observe le commandement ne connaîtra rien de mauvais. » (Qo 8,5).


« Pour finir, le fin mot de la sagesse, la vraie, celle que Dieu seul peut donner, c’est l’humilité : celle qui consiste à vivre tout simplement notre vie, telle qu’elle est, toute petite en définitive, comme un cadeau de Dieu : « Tout homme qui mange et boit et goûte au bonheur en tout son travail, c’est là un don de Dieu. » (Qo 3,13) (...) 


« La vraie sagesse, c’est d’être à notre place, toute petite devant Dieu ; face à lui, nous, nous ne sommes rien… rien qu’un peu de poussière dans sa main. Et c’est quand l’homme se reconnaît pour ce qu’il est, qu’il peut être heureux, qu’il peut être rassasié de l’amour de Dieu chaque matin, qu’il peut passer sa vie dans la joie et les chants. « Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. » Car, dans la Bible, la conscience de la petitesse de l’homme n’est jamais humiliante puisqu’on est dans la main de Dieu : c’est une petitesse confiante, filiale. Tellement filiale et sûre de l’amour du Père qu’on peut lui demander en toute confiance : « Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu » (v. 17). (...) 


« La dernière phrase du psaume est superbe « Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains » : elle dit bien l’oeuvre commune de Dieu et de l’homme : l’homme agit véritablement, il oeuvre dans la création, et c’est Dieu qui donne à l’oeuvre humaine sa solidité, son efficacité.


« [Dans l’Evangile], on retrouve ici un enseignement habituel de Jésus sur l’unique trésor que nous devons rechercher, celui qui est dans les cieux. Car « En vue de Dieu » pourrait aussi être traduit « vers Dieu » ou « selon les vues de Dieu » ou même « au bénéfice du Royaume de Dieu ». Cela suppose au moins deux choses : premièrement, ne jamais oublier que les richesses viennent de lui ; deuxièmement, se rappeler en toutes circonstances que les richesses continuent à appartenir à Dieu et qu’il nous en confie la gestion pour que nous les fassions fructifier au profit de tous ses enfants.


« Nous avons donc ici de la part de Jésus non pas une leçon de philosophie sur les richesses de ce monde, mais une prédication sur l’urgence de mettre toutes nos richesses de toute sorte au service du royaume de Dieu.


« Oui, la vie est courte, comme le pensaient les contemporains d’Isaïe, mais justement, dépêchons-nous de la mettre à profit ! Si la nouvelle de l’évangile est bonne, alors il y a urgence. Voilà qui explique pourquoi Jésus a répondu un peu vivement au quémandeur d’héritage avec lequel a commencé notre lecture de ce dimanche. Cet homme-là se trompait vraiment de priorité.


« Une question pour finir : Tout compte fait, l’héritage qui devrait nous paraître le plus précieux, ne serait-ce pas la foi reçue de nos pères ? » (1)


Notre course est fragile, si nous passons à côté de l’essentiel. C’est peut-être le fil qui nous relie à notre méditation de la semaine dernière, cet essentiel qu’avait trouvé Marie de Béthanie. (Cf. mes billets 2.71 et 2.75) et qui est chemin vers cette Galilée évoquée par notre pape à la suite de celle qu’on appellera Madeleine… (2)


Cette semaine nous avons fêté les trois amis de Jésus. Une amitié d’agapè précise Jean 11 qui la rend précieuse à nos yeux. 


Alors entrons dans ce silence propice à l’écoute de ce fleuve immense de la Parole, à genoux avec notre petite amphore… (3)


(1) Extrait du commentaire de Marie-Noēlle Thabut https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/528669-commentaires-du-dimanche-31-juillet-2/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=commentaires-du-dimanche-31-juillet-2

(2) cf. S. Landrivon, les leçons de Béthanie, cerf 2022

(3) voir mes développements dans « L’amphore et le fleuve »

29 avril 2021

Homélie du 5eme dimanche de Pâques - année b

Projet 9
Quand Jésus prononce-t-il ces phrases [du chapitre 15] que je viens de lire ? Pour Jean, ce passage est placé entre le lavement des pieds et la croix et représente une sorte de testament spirituel et d'exhortation.

Qui dit testament dit don et cela me fait toujours penser à la question que l’on peut se poser, qu’est-ce qu’a pensé le père du fils prodigue au moment où il a partagé ses biens ? Quels étaient ses dons ? 
Une réponse se trouve peut-être ici.
En effet, si l’on trouve dans la Bible nombreuses allusions à la vigne et notamment dans la parabole de la vigne et des vignerons, chez Jean, le « Je suis la vigne » (1) nous fait faire un bon (2) puisque Jésus s’identifie à elle et devient en somme la révélation de l’amour de Dieu en actes. Il est don de Dieu en vérité... la mort du Fils signant comme le don ultime du Père [avant le don de l’Esprit qui nous « relie » à celle du Fils par la magie de cette danse trinitaire que je ne cesse d’évoquer]. 
Aujourd'hui nous découvrons également ce beau lien entre la vigne et les sarments. Avec de nombreuses insistances sur le mot demeurer et donc sur le lien entre les sarments et la vigne, qu'est-ce que ça veut dire pour nous aujourd'hui ? 
Sommes-nous véritablement attachés à cette vigne ? 
Qu’est ce que la vigne pour nous ? La parole, le pain, ou plus profondément Dieu en nous ? 
Dieu vient-il demeurer en nous ? 
Nous laissons nous la place ?
Je suis d’ailleurs frappé par certaines manières de communier. Le beau sens de la main tendue pour recevoir le corps du Christ exprime notre réceptivité fragile de ce don. N’hésitons pas à nous faire temple rien que dans ce « mime » symbolique...
Mais le fond du mystère est dans ce demeurer... qui résonne avec le « où demeures tu ? » des disciples des les premiers chapitres, le «  je veux demeurer chez toi » dis à Zachée, mais aussi avec l’où es-tu originel. 
La vigne -elle la source de notre vie, est-elle le but ultime ?

Cette question, il faut l'avoir en tête quand nous lisons avec attention la deuxième lecture ou saint Jean nous propose d'aimer « en actes et en vérité ».

Car cette question de la vérité de nos actes est finalement la question des « beaux fruits » évoqués dans l’Evangile...

Il est a priori assez simple de savoir si nous aimons en actes mais c'est peut-être plus compliqué de savoir si nous aimons en vérité. Laissons cette question raisonner avec notre lien avec la vigne. Sommes-nous rattachés à cette vigne ? Est-elle la source, la sève, le point central qui vient nourrir nos actes ?
Est-elle aussi communion, danse entre nous et avec notre Dieu ?

Aimer en actes et en vérité.
Quand je parle à ceux qui préparent leurs mariages, j'aime souvent les interroger sur leur amour [avec le triple prisme de saint Augustin] : aimez-vous aimer pour la simple joie d'aimer ou d'être aimés où êtes-vous dans l'amour don, (dans l’agapè) ?

Est-ce que vous offrez des fleurs à l'autre pour avoir un retour ou par don... ? Il est peut-être plus vrai de déposer un bouquet devant la porte de la vieille voisine sans mettre un mot qui rattache ce bouquet à vous... que d'offrir des fleurs à son épouse - je ne suis pas très bon sur ce point....

Ce qui compte le plus, n'est-ce pas en effet de parvenir au don gratuit, un don où le donateur s'efface (3) Ce type d'amour est par essence celui de l'amour divin, un amour qui est par essence gratuité... c’est d’ailleurs ce que nous contemplons depuis Emmaüs, un Dieu qui se retire après la fraction du pain, c’est à dire qui donne sa vie et se retire dans le silence pour préparer la venue en nous de l’Esprit,

Ce Paul, dont nous parle la première lecture, est celui qui en parlera le mieux : "L'amour prend patience, il ne cherche pas son intérêt." (cf . 1 Co 13..)
Si nous sommes unis à la vigne, à cette vigne même que constitue le Christ qui a donné sa vie pour nous, alors notre don ne sera vrai, il prendra patience, ne cherchera pas son intérêt et sera comme le Christ un don total, alors nous aimerons en actes et en vérité, à la suite du Christ, rattachés à sa vigne.
Alors nous entrerons dans cette danse...


L’enjeu, comme le suggère une amie est bien dans ce « Demeurez en moi comme je demeure en vous », qui revient huit fois dans ce passage pour bien insister sur l’importance de ce trait d’union, cette danse, qui nous rend participant à la lumière et l’espérance qui pointe chez Jesus au delà de la trahison qui va suivre. Il est « la lumière (...) venue dans le monde pour que celui qui croit en [lui] ne demeure pas dans les ténèbres » Jn 12 (44-50).

Dieu connaît nos limites. Il nous invite à cette danse tout en sachant que nous ne savons pas danser, alors son message devient un cri à entendre dans la lignée de tous les cris et de tous les agenouillements de Dieu. C’est le cri de l’ amour du père du fils prodigue (Luc 15) : même si vous quittez la vigne, n’oubliez pas mon amour, le pain et le vin versés pour vous, ce fruit de mon amour/ de ma vigne qui vous redonnera le sens profond de l’amour...
Demeurez en moi comme je cherche à genoux, à demeurer en vous...
Le Christ parle à des disciples qui vont le quitter, le trahir...
Il vient de leur laver les pieds et il va mourir pour eux —- et pour nous —- ces paroles sont comme le cri non prononcé du père du fils prodigue.... va, vis ta vie, mais n’oublie que je t’aime en parole et en vérité...
Laissons demeurer en nous ce souvenir, faisons le habiter en nous...
Car nos vies ne porteront fruits, ne seront en vérité que si Dieu demeure en nous. Pas par un rite, un bref passage dominical à l’Église pour nous rassurer mais parce que Dieu aura SA place en nous, habitera chacun de nos actes....
Ouvrons nos mains, mes surtout nos cœurs à ce Dieu qui se donne...

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(1) cf. Zumstein tome 2 p. 98
(2) Zumstein évoque une hypertextualité et une métaphore qui danse pour moi avec les métaphores vives de Ricoeur.
PS :  Lire jean 15 ne peut se faire qu’à la lumière de cet agenouillement extraordinaire de Jean 13... son discours est loin d’être anodin, car il est encadré par un pont théologique entre l’agenouillement et la croix, le premier étant, comme je le rappelle à la suite de XLD. (4) qu’un mime de cette vigne à venir, coupée de ses sarments les plus chers et versant, au prix le plus fort, un vin nouveau qui devient fleuve au sens d’Ezechiel 47...
Il faut donc entendre derrière le cri...






(3) cf. sur ce thème les travaux de Mauss ou Jean Luc Marion, Étant -donné, op, cit.
(4) cf. Xavier Léon Dufour et son commentaire de Jean tome 2
PS : merci à l’amie fidèle, qui par ses suggestions donne du relief à ces essais d’homélies et en font un travail « collégial »

22 juillet 2020

Dépouillement 27 - Détachement et nudité (18eme Dimanche - Année C revisité)

Quel est notre attachement aux biens de ce monde ?

L'insistance de la Parole est presque abusive. Elle est comme un cri de Dieu lancé dans le désert et qui retentit depuis le premier cri de Dieu au jardin.

Où es-tu ? Que cherches -tu ? Où es-ta priorité ?

On peut passer à côté, refuser de l'entendre.

Mais c'est se détourner de l'essentiel. Se détourner de la croix qui crie encore ce « Que cherches -tu ? »

Le matin de Pâques les disciples entendront encore ce qui cherchez-vous qui nous ramène à notre quête.

L'essentiel n'est pas dans l'avoir, la vanité ou la puissance. Il est dans le dépouillement, la nudité, le don...

L'inversion à laquelle nous conduit ce texte c'est le don....

Chez Marc, au jeune homme riche, Jésus redit, comme il le fait à sa manière viens et suis moi.
Donne...
Donne sans compter
Donne sans attendre de retour
Donne jusqu'au bout

Donne jusqu'au bout de ta vie
Car donner c'est aimer.

Le mariage, dis-je souvent à ce que je marie est signe de ce don.
Je me donne à toi..... et je ne le reprendrai pas.
Il est signe seulement de l'indicible don qui jaillit du cœur du Christ et continue de se donner à chaque eucharistie...

L'amour est don
L'amour est dépouillement
L'amour ne cherche pas son intérêt
L'amour prend patience
L'amour c'est donner sans retour

Dieu est amour.

Paul nous fait aller, comme souvent, un pas de plus...
« vous vous êtes revêtus de l'homme nouveau
qui, pour se conformer à l'image de son Créateur,
se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance"
.
Tout est rien, pourrait il dire comme l'a fait la grande Thérèse tout est rien, tout est vanité
« mais il y a le Christ :  il est tout, et en tous. »

Quand nous communions avec lui, il ne s'agit pas de recevoir, mais d'entrer dans la dynamique de Dieu, dans le don...

Porter le Christ c'est être nu, à genoux devant l'homme et donner le meilleur de soi-même. Le dépouillement du Christ qui enlève ses vêtements en Jn 13 pour s'agenouiller devant l'homme et laver les pieds devient le signe du don ultime, du dépouillement d'un Dieu nu, exposé sur la Croix. C'est là où Dieu se révèle, c'est là où Dieu apparaît derrière le déchirement du voile...

13 juin 2020

Dépouillement et danse - Saint Sacrement - Marie Noēlle Tabut

Projet 2

Que cherchez vous quand vous vous présentez à la table du Christ ?

La contemplation de cette fête particulière du Saint Sacrement n'est pas dans la quête d'un remède magique à tous nos maux, ni dans la vénération d'une idole. Elle rejoint bien au contraire une dynamique (*) particulière, toute intérieure, proche de cette entrée dans la danse que j'évoquais dimanche dernier.

Il y a, pour cela plusieurs mouvements.

Notre quête passe, d’abord,  par « la reconnaissance de notre pauvreté fondamentale (...) préalable à toute rencontre de Dieu en vérité : quand nous nous abandonnons à son action, alors il peut nous combler. Si nous cessons de croire que nous avons des forces par nous-mêmes, alors nous découvrons des forces insoupçonnées, qui sont les siennes. L'Esprit Saint nous a été donné pour cela. Et la fête du Corps et du Sang du Christ nous rappelle que Jésus nous propose beaucoup mieux, c'est d'habiter en nous.(1) ».

Que veut dire manger le corps ?
C’est peut-être entrer dans le mystère qui nous unit à ce mouvement particulier qui vient de Dieu et y retourne, comme ce Verbe qui ne descend pas en nous sans le faire vibrer intérieurement. De même qu’un micro ondes fait entrer en résonance les atomes pour les réchauffer, Christ vient faire vibrer en nous ce qu’il a déposé en nous, l’Esprit de Charité.

Il faut donc entrer dans cette danse particulière où nos mouvements se laisse conduire par la musique de l'Esprit, chercher avant tout cette harmonie et cette unité qui fait de nous un Corps.
« La coupe d'action de grâce que nous bénissons est communion au sang du Christ ; le pain que nous rompons est communion au corps du Christ. 1 Co 10, 16 »

« Le mot que Paul emploie, « koinônia » en grec, évoque un lien d'intimité, d'appartenance, une solidarité profonde. »(2)

Entrer dans cette danse particulière où tout est don. Se dépouiller de nous-mêmes, de ce qui nous retient au monde (au sens paulinien) pour contempler et s’inscrire dans la dynamique trinitaire d'un Père qui s'efface derrière son Fils, d'un Fils qui se donne pour nous laisser parvenir à la musique de Dieu que l’on appelle Esprit.

Contempler « le mystère de Jésus à la fois homme et Dieu : en Lui, Dieu propose son amour, en lui, l'humanité répond par l'action de grâce. En Lui Dieu parle, se révèle (il est le Verbe, la Parole du Père) ; en Lui l'humanité répond à la Parole. En Lui, Dieu se donne ; en Lui l'humanité accueille le don de Dieu. » (,,,) C'est là que Pierre a répondu « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle ».

Voilà le paradoxe de la foi : ces paroles sont humainement incompréhensibles et pourtant elles nous font vivre. Il nous faut suivre le chemin de Pierre : vivre de ces paroles, les laisser nous nourrir et nous pénétrer, sans prétendre les expliquer. Il y a là déjà une grande leçon : ce n'est pas dans les livres qu'il faut chercher l'explication de l'Eucharistie ; mieux vaut y participer, laisser le Christ nous entraîner dans son mystère de vie.
Le mot qui revient le plus souvent dans ce texte, c'est la vie : « Le pain que je donnerai, c'est ma chair, (c'est-à-dire ma vie) donnée pour que le monde ait la vie. »

Comprendre cela c'est aussi percevoir le sens nouveau donné par le Christ au mot sacrifice. Entrer dans la « pédagogie des prophètes : pour eux, l'important, bien plus que l'offrande elle-même, c'est le coeur de celui qui offre, un coeur qui aime. Et ils n'ont pas de mots trop sévères pour ceux qui maltraitent leurs frères et se présentent devant Dieu, les mains chargées d'offrandes. « Vos mains sont pleines de sang » dit Isaïe (sous-entendu « le sang des animaux sacrifiés ne cache pas aux yeux de Dieu le sang de vos frères maltraités ») (Is 1,15). Et Osée a cette phrase superbe que Jésus lui-même a rappelée « C'est la miséricorde que je veux et non les sacrifices » (Os 6,6). Michée résume magnifiquement cette leçon : « On t'a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR réclame de toi. Rien d'autre que de respecter le droit et la justice et de marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6,8).j

L'étape finale de cette pédagogie(**), ce sont les fameux chants du Serviteur du deuxième Isaïe : à travers ces quatre textes, on découvre ce qu'est le véritable sacrifice que Dieu attend de nous ; sacrifier (faire du sacré), entrer en communion avec le Dieu de la vie, ce n'est pas tuer ; c'est faire vivre les autres, c'est-à-dire mettre nos vies au service de nos frères. Le Nouveau Testament présente souvent Jésus comme ce Serviteur annoncé par Isaïe ; sa vie est tout entière donnée pour les hommes. Elle est le sacrifice parfait tel que la Bible a essayé de l'inculquer à l'humanité. « Le pain que je donnerai ; c'est ma chair donnée pour que le monde ait la vie ». Et désormais, dans la vie donnée du Christ, nous accueillons la vie même de Dieu : « De même que le Père qui est vivant m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi ».(4)

Entrer dans la danse de Dieu, c'est se dépouiller de tout ce qui n'est pas don. Loin d'un sacrifice stérile ou d'une réponse forcée il y a là un pas différent à faire, une docilité à Dieu, un laisser faire, un décentrement qui laisse Dieu agir, jusqu’à devenir ce que saint Ignace d’Antioche appelle le « froment de Dieu »(5)

Nous sommes corps, lorsque notre être tout entier est don, que notre vie est don, que nous nous laissons saisir (Ph 3) par le Christ dans ce don pour autrui, loin de toute introspection stérile. 

Et pour cela il nous faut contempler ce dépouillement même de Dieu, dans dynamique même de Philippiens 2 et 3, comprendre que le don du corps est l’ultime humilité de Dieu à laquelle Dieu nous invite. Se laisser saisir par cette danse du don ( danse kénotique des personnes divines) pour ne plus faire qu’un avec cet amour donné et devenir amour. « Devenez ce que vous recevez », nous suggère saint Augustin. Chemin inaccessible et en même temps unique et essentiel auquel nous sommes invités, banquet ultime, danse des anges...



(1 à 4) Marie Noëlle Tabut, commentaires des textes de la fête du Saint Sacrement cité dans l'application liturgie sur iOS cf. https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/500513-commentaires-du-dimanche-14-juin-2/

(*) cf, aussi la dynamique sacramentelle, mon livre éponyme 

(**) voir aussi danse trinitaire et pédagogie divine, in Dieu dépouillé sur Fnac.com
(5) cf. le texte intégral dans mon billet de cette semaine 

Rappel : l'interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l'interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets 

14 mars 2020

Homélie du 3eme dimanche de carême - La Samaritaine - Jean 4

Homélie du 3eme dimanche de carême - La Samaritaine - Jean 4

Projet 2
Connaissons-nous le don de Dieu ?

C'est peut-être la contemplation centrale des textes de ce dimanche. Si nous avons accepté de quitter nos habitudes pour marcher dans le « désert » et rencontré la soif véritable, alors nous rejoignons le grand assoiffé d'amour : Jésus Christ, celui qui se présente au puits à l'heure la plus chaude et nous demande à boire.
Avant-dernier agenouillement du Fils devant « l'homme » - ici une femme qui ne cesse d'avoir soif malgré ses cinq maris.
Le contraste est saisissant et c'est pourtant là que tout se joue.

Le puits est le lieu de la rencontre typique de l'ancien testament. C'est donc de nos épousailles qu'il s'agit. Allons nous répondre à cette demande en mariage ?
« Donne moi à boire ? »

Pouvons nous apporter l'eau pour qu'il serve au vin des noces ?
Qui sont nos cinq maris et celui avec qui nous restons englués ? Orgueil, suffisance, avarice, luxure... (je parle pour moi...) ?

Pouvons-nous quitter ce qui nous empêche de comprendre que l'eau de la vie vient de Dieu ? Que l'eau n'est autre que cet amour déposé au fond de notre cœur et qui ne demande qu'à jaillir.
    
Méditons d'abord sur ce don de Dieu, même si l'actualité nous détourne le coeur des chemins d'espérance.

Dieu n'est pas dans le drame, mais dans l'amour qui jaillit, dans ces chants qui emplissent les maisons italiennes en ce moment et traduisent que l'amour est plus fort que la mort.

« Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l'eau que moi je lui donnerai n'aura plus jamais soif ; et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau jaillissant pour la vie éternelle. »

Le Christ est le Rocher d'où jaillit l'amour. C'est ce qu'affirme en tout cas de nombreux commentaires sur l'épisode du Rocher : « Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb.
Tu frapperas le rocher, il en sortira de l'eau, et le peuple boira ! » Exode 17

Ils ont transpercé le cœur de Dieu et de cette plaie offerte jaillit un fleuve immense : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : 'Donne-moi à boire', c'est toi qui lui aurais demandé, et il t'aurait donné de l'eau vive. » Jean 4

L'eau jaillissante...

« l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné. » Romains 5
Précise saint Paul...

Ce qui jaillit du cœur transpercé est l'Esprit d'amour. Laissons nous inonder de l'intérieur par cette eau vive. La vie est là. Même si nous sommes privés d'eucharistie, elle est au fond de nous, dès que nous quittons ce qui obscurcit notre regard...