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14 juillet 2021

 Prophète en son pays ? - vocation et danse 2

L’office des lectures nous conduit depuis hier dans la manducation du cycle d’Elie. Après la belle espérance de la veuve de Sarepta, nous méditons aujourd’hui le défi lancé par Élie aux prêtres de Baal. Souvent la lecture s’arrête avant la fin du chapitre nous épargnant le massacre des prêtres par un Elie vainqueur, qui n’est pas simple à commenter sauf à prendre du recul et contempler l’ensemble du cycle. 


La figure même du prophète est délicate. Les chapitres 17 et 18 du premier livre des Rois préparent sa lente conversion, même si la fin du chapitre 18 montre qu’il reste empreint d’un désir de puissance.

Déjà, des similitudes apparaissent néanmoins avec ce que nous avons vu à propos de Moïse (cf. notamment Ex. 2). Le chapitre 19 semble nous plonger plus encore dans la question de la légitimité du prophète.

Comme le souligne d’ailleurs A. Wénin, la toute-puissance du prophète s’est exprimée par ses seules forces et l’on peut se demander à juste titre dans cette

introduction si Dieu est bien présent : « Selon le narrateur, Élie n’a pas reçu mission du Seigneur pour lancer son défi et provoquer la sécheresse.

Pas plus d’ailleurs que le Seigneur ne lui dira de convoquer les 450 prophètes de Baal (1 R 18 17-46).

Au contraire, le Seigneur lui avait seulement dit, la 3ème année de la sécheresse, d’annoncer à Akhab que la pluie allait revenir. Élie continue de professer un « super Baal », logique de puissance et de concurrence qui n’engendre que la mort (1R19, 1-5) (1)

Mais s’arrêter là serait oublier la suite du récit qui raconte la fuite de « Superman » au désert. 

L’enjeu du récit est finalement le basculement, la transformation d’Élie, qui après son excès de zèle devient plus passif, jusqu’à la limite de l’agonie et du découragement, (début du chapitre 19) jusqu’à son interpellation double « que fais tu Élie ?  » qui rime avec l’où es-tu ? de Gn3 et va encadrer sous forme de chiasme (2) la révélation de la brise légère lieu délicat transformation du prêtre autonome en un « agissant » POUR Dieu,  capable d’accomplir des gestes pour Yhwh : appeler, oindre, justifier… Il y a-t-il là, comme dans nos autres récits un véritable chemin d’humilité,

un peu forcé, d’Élie, source d’une descente de tours, d’une conversion intérieure qui rend la rencontre possible ? 

Il faut prendre le temps de manduquer doucement ce texte pour comprendre que nos désirs de puissance, nos fantasmes de Dieu porteur du feu et du tonnerre doivent s’effacer devant cet « invu » qu’évoque Jean Luc Marion dans son dernier livre(3)

Le bruit d’un fin silence est le mystère qui prépare le déchirement ultime du voile et révèle que Dieu est amour.(4)


PS: Toute ressemblance avec une certaine forme de cléricalisme actuel est fortuite 😉 


(1) André Wénish, l’homme biblique, p.163

(2) un chiasme est une structure littéraire qui encadre par une répétition un point essentiel 

(3) D’ailleurs la révélation 

(4) cf. aussi François Varonne Ce Dieu censé aimer la souffrance et ma « Pédagogie divine »…

23 février 2019

Au fil de Marc 9,2-13 - Transfiguration

« En ce temps-là, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l'écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux.
Ses vêtements devinrent resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.
Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s'entretenaient avec Jésus.
Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »
De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande.
Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! »
Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. » Marc 9, 2-7, Traduction Liturgique de la Bible - © AELF

Commentaire 1 :
Contemplons ce Christ qui se révèle dans sa pureté, lumière de nos vies. N'est-ce pas celui que nous vénérons dans l'Eucharistie ? C'est peut-être ce qui nous est donné le plus beau à voir mais aussi à recevoir. La tentation est de le garder pour nous, de planter notre tente à ses côtés.... Ce n'est pas notre chemin. Notre chemin est d'être porte-Christ.


Commentaire de saint Ambroise :
« Dans l'Évangile aussi, c'est à Pierre, Jacques et Jean, seuls de tous les disciples, qu'il a révélé la gloire de sa résurrection. Ainsi voulait-il que son mystère demeure caché, et il les avertissait fréquemment de ne pas annoncer facilement ce qu'ils avaient vu à n'importe qui, pour qu'un auditeur trop faible ne trouve là un obstacle qui empêcherait son esprit inconstant de recevoir ces mystères dans toute leur force. Car Pierre lui-même « ne savait pas ce qu'il disait », puisqu'il croyait qu'il fallait dresser trois tentes pour le Seigneur et ses compagnons. Ensuite, il n'a pas pu supporter l'éclat de gloire du Seigneur qui se transfigurait, mais il est tombé sur le sol (Mt 17,6), comme sont tombés aussi « les fils du tonnerre » (Mc 3,17), Jacques et Jean, quand la nuée les a recouverts...
Ils sont entrés donc dans la nuée pour connaître ce qui est secret et caché, et c'est là qu'ils ont entendu la voix de Dieu disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour : écoutez-le ». Que signifie : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » ? Cela veut dire — Simon Pierre, ne t'y trompe pas ! — que tu ne dois pas placer le Fils de Dieu sur le même rang que les serviteurs. « Celui-ci est mon Fils : Moïse n'est pas mon Fils, Élie n'est pas mon Fils, bien que l'un ait ouvert le ciel, et que l'autre ait fermé le ciel ». En effet, l'un et l'autre, à la parole du Seigneur, ont vaincu un élément de la nature (Ex 14 ;1R 17,1), mais ils n'ont fait que prêter leur ministère à celui qui a affermi les eaux et fermé par la sécheresse le ciel, qu'il a fait fondre en pluie dès qu'il l'a voulu.
Là où il s'agit d'une simple annonce de la résurrection, on fait appel au ministère des serviteurs, mais là où se montre la gloire du Seigneur qui ressuscite, la gloire des serviteurs tombe dans l'obscurité. Car, en se levant, le soleil obscurcit les étoiles, et toutes leurs lumières disparaissent devant l'éclat de l'éternel Soleil de justice (Ml 3,20). » (1)

(1) Saint Ambroise, Sur le psaume 45, 2; CSEL 64, 6, 330-331 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 186 rev.), source Évangile au quotidien.

01 février 2019

Au fil de Luc 4, 21-30, le prophète ou les larmes de Dieu - Homélie du 4ème dimanche du Temps Ordinaire

Projet pour le 3/2/19 - version 4
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Avez-vous déjà perçu les larmes de Dieu ? prenons le risque d’une métaphore humaine et poétique : si nous écoutions la pluie, comme le signe d'un Dieu qui pleure ? Ou la neige, comme le silence de Dieu souffrant.
Est-ce que nous entendons la souffrance du Dieu trinitaire (1), depuis le cri qu'il lance à l'homme dans le jardin d'Eden, jusqu'au cri du Christ en croix ? 
« Où es-tu ? », dit-il à Adam (Gn 3) - J’ai soif [de toi] (2), lance-t-il en Croix (Jean 19, 28, (cf. mon livre éponyme)

Les textes que nous avons entendus ce 4ème dimanche du temps ordinaire, nous dévoile la fonction du prophète. Ils font à leur manière résonner la parabole des vignerons homicides qui tuent les envoyés du maître...
Qui est le prophète ? N’est-ce pas celui qui nous fait part de la désolation de Dieu. Dans la première lecture, Dieu lui demande de revêtir sa ceinture (Jérémie 1), une ceinture bien fragile (cf. Jer 13 sq). De la même façon, par une allusion à Élie, Jésus nous conduit dans l'évangile sur les pas du grand prophète jusqu'à Sarepta, (cf. 1 Rois 17, 9 sq) retrouver la veuve qui n'a plus rien et qui s'apprête à mourir avec son fils. 
Quel est l'enjeu, sinon que Dieu as entendu son cri, loin de l'indifférence de son peuple, qui dans son opulence, n'entend plus Ses appels.

Par ce récit (Luc 4) , Jésus nous fait entendre sa désolation et les larmes qu'il verse sur son village natal incapable de reconnaître sa fonction de prophète. 
C'est au sein de cette tension que deux clés se révèlent. Deux clés qui nous conduisent à une contemplation et une méditation.

1ère clé 
Nous avons entendu déjà, la semaine dernière, le début du texte. Il s'est arrêté, sur la notion d'accomplissement, aujourd'hui nous allons un peu plus loin. 

Je vous propose de contempler encore cette notion d'accomplissement, de la « manduquer » dans un premier temps, avant de méditer sur la deuxième lecture et sur ce qu'elle me dit de l'amour de Dieu.

Premier temps - contemplation.
L'accomplissement, ce que le Christ  me dit comme accompli, se tend dans les évangiles entre cette affirmation de Jésus à Nazareth et ce « tout est accompli » qu'il prononce sur sa croix.
Savez vous combien de fois le mot accompli est cité dans l'évangile ?
En fait on le trouve une petite vingtaine de fois dans l'évangile, mais ce qui est frappant, c'est que c'est l'un des premiers mots de Jésus dans Luc et le dernier dans Jean. Tout est accompli. C'est peut-être cela que nous avons à contempler aujourd'hui. Un Dieu qui fait tout pour l’homme, jusqu’à donner son Fils et qui pleure sur son Amour rejeté par l’homme.
C'est néanmoins dans cette tension entre le début et la fin de son ministère, que Jésus va tenter de d’aller plus loin, de révéler la hauteur de l'amour de Dieu et en meme temps sa souffrance de n’être  pas entendu. 

La deuxième clé est enchâssée dans la première : cet amour infini de Dieu qui cherche à se révéler.

C'est cet amour de Dieu que nous avons à méditer et que saint Paul nous révèle dans la deuxième lecture.

« L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil (...) ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; (..) il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. » (1 Cor 13). Ce que Paul nous dit, ce qu'il nous révèle entre les lignes, c'est d'abord l'amour de Dieu avant d'être une exhortation sur ce vers quoi nous devons tendre. Le chemin du prophète, le chemin de Jésus, n'est ce pas finalement de nous révéler l'amour avec un grand A
Ce n'est que lorsque que nous avons découvert cela que nous pouvons passer au deuxième temps et à une méditation sur ce que cela appelle chez nous.

Deuxième temps - Exhortation 
Quel est le but de Paul, quel est le message de Jésus ? N'est-ce pas finalement nous faire goûter la largeur, la profondeur, la grandeur et la hauteur de l'amour de Dieu. Il n'est pas anodin que les fiancés prennent ce texte pour leur mariage. C'est l'amour idéal, c'est l'amour de Dieu, c'est l'amour d'un Dieu qui pleure. Prenons le temps de méditer cela. 

Si Dieu pleure, c'est sur l'aveuglement des hommes. 
Mais après la pluie il y a toujours le signe de l'alliance, le signe d'un dieu qui est espérance, l'arc-en-ciel, ce clin d'œil de Dieu qui précède le soleil, la lumière la chaleur, la vie. Dieu nous fait signe, il me dit qu'au-delà des pleurs, au delà des larmes, vient l'amour. Alors écoute ton Dieu pleurer et cherche au fond de ton cœur comment répondre à son amour infini, comme entendre son cri, comment répondre par l'amour à un amour qui se donne sans chercher son intérêt, jusqu'au bout. 

(1) cf. aussi François Varillon, La souffrance de Dieu
(2) cf. mes travaux évoqués, mais aussi une réflexion de sœur Térésa