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01 janvier 2021

Épiphanie - pistes pour une homélie

Version 6

Que nous apportent la lecture de ces textes ? 

Peut-être une lueur... faible en ces temps de confinement... un frémissement (cf. Isaïe 55), un tressaillement (Luc 1)...

Une lumière au bout du tunnel... Sommes-nous encore en attente de la lumière ? Ou comme les lecteurs d’Isaïe en exil de nous mêmes ?

Nous cherchons, en ces temps difficiles, la lumière comme ces mages qui cherchaient dans le ciel un signe...

Cette lumière est là en nous,  c’est l’espérance qui nous habite, malgré ces temps difficiles.

C’est croire d’abord que Dieu vient nous visiter - qu’il peut faire naître une joie toute intérieure, celle qui nous vient de la contemplation de cet enfant qui nous sauve.

Paul parle ce mystère comme quelque chose d’immense. « Toutes les nations sont invitées au même héritage » nous dit Eph 3

Les mages accourt des 4 coins de l’univers

La bonne nouvelle de Matthieu c’est également l’ouverture aux nations

Ces semences de ce Verbe dont parle Jean dans son prologue, sont pour Matthieu le don de Dieu aux nations. 


L’autre clé est enfin le mystère même de cette crèche que nous contemplons depuis quelques jours...

Grand est notre Dieu quand il se fait petit ? 

Ce qui nous est révélé c’est l’humilité de Dieu.

Humilité - car il est bien petit et pauvre ce Sauveur loin de la puissance et de la violence. Sa royauté n’est pas celle d’Hérode. Il ne naît pas Jérusalem mais à Bethleem.

C’est là le mystère, la Révélation.

Dieu, par sa faiblesse guérit le cœur de celui qui accepte de se dépouiller...

Notre cœur doit se dépouiller et s’élargir.

La crèche est le résumé du mystère de la vie de Jésus - petit il va révéler l’amour qui fait échec aux puissants...


Il nous reste à contempler la grâce que Dieu nous fait et y répondre par nos dons. Dieu vient nous habiter. Quelle va être notre réponse intérieure ?

Peut-être contempler l’infini de Dieu au delà de nos finitudes ?

La contemplation des textes proposés ici ouvre et dilate notre coeur à l’infini de Dieu.  A voir en soi et en autrui ce qu’on appelle les semences du Verbe.

Tout homme de bonne volonté peut trouver le vrai Dieu. 

Comprendre que ce que nous révèle la crèche n’est pas un Dieu de pouvoir, le Dieu de nos projections humaines. Mais un Dieu amour,  un Dieu qui se fait tout petit... pour nous visiter...

Il y a là une tension...

Ouvrons nos cœurs à cette lumière qui vient jusque dans nos ténèbres et dans nos confinements pour nous conduire aux dons.

Les mages viennent les mains pleines. 

Et nous, qu’avons nous a offrir ? 

De l’or... ? nos richesses matérielles à partager ?

Ou la myrrhe, le parfum ultime, notre prière  et l’encens qui élève nos âmes au mystère ?

Contempler les dons des mages c’est aussi voir ce que l’on a reçu et qu’on est prêt à donner. Recevoir et donner...

N’est-ce pas le mystère de notre vie. S’inscrire dans ce don de Dieu nous dépasse.  Noël est-il pour nous le premier pas vers un don sans mesure... ? 

En nous présentant tout à l’heure à l’autel sommes-nous habités vraiment de cette espérance, de cette ouverture du cœur et de cette humilité qui nous fait dire, viens Seigneur révèle en nous et à travers nous ta lumière. Si c’est le cas ce que nous recevrons deviendra en nous lumière joyeuse, frémissante et radieuse. Dieu vient il est lumière...

 




29 décembre 2020

Danse tragique - billet n. 24

Que pouvons-nous dire aujourd’hui, jour de la fête des saints innocents - dans un contexte actuel qui n’est pas beaucoup plus joyeux...?

Le massacre rapporté par le seul Matthieu nous ramène à cette contemplation d’un « Dieu nu » (1) devant la violence et la souffrance des hommes, d’un « Dieu à genoux devant l’homme » (2) y compris Judas.. d’un « Dieu dépouillé » (3) et fragile.

On peut relire Jérémie 31 qui évoque à la fois dans un même paragraphe « la jeune fille se réjouira dans la danse, » et «  Rachel qui pleure ses fils; (...) refuse de se laisser consoler au sujet de ses fils, car ils ne sont plus. » avant de glisser « Ainsi parle le SEIGNEUR: Cesse de sangloter, sèche tes larmes; car il y aura une récompense pour tes actions – déclaration du SEIGNEUR: ils reviendront du pays de l’ennemi.» Jérémie‬ ‭31:13-16‬ ‭

La logique de rétribution de Jérémie a ses limites et il nous faut écouter probablement la fin du livre de Job... Qui est tu pour comprendre ? Mais cela ne sèche pas les larmes de ceux qui sont affligés par le malheur. 

La petite espérance de Péguy est bien petite...

Le cri est nécessaire et ce n’est pas pour rien qu’il résonne dans un grand nombre de psaumes... Où es-tu mon Dieu ? (4)

Dans mon mémoire de licence, « quelle pastorale pour les souffrants ? » (5) je cherche à tracer, non des voix de réponse, mais des chemins d’accompagnement...‬‬


pour ces personnes, nombreuses, en manque d’espérance.

Plusieurs auteurs ont tracé des pistes sur ce chemin. Dans l’essai précité je joins la traduction inédite et fort interessante d’un texte de Karl Rahner. 

On peut citer une fois encore François Varillon avec son « beauté du monde, souffrance des hommes ».

On peut évoquer Hans Jonas, Jurgen Moltmann et son Dieu crucifié...(6) Elie Wiesel et bien d’autres...

On peut aussi rester dans le silence. Mais ce dernier est-il une fuite ? 

Comme celle de la Sainte Famille au désert ? Une fuite pour un plus grand bien ? 

Est-ce que Matthieu introduit ce récit en contemplation des massacres de 70 ?

La seule réponse possible est probablement dans la Croix, dans ce Dieu dépouillé et déchiré. Mais qui peut l’entendre ?


Si j’ai choisi ce thème de mémoire, c’est en entendant un jeune en préparation de son mariage me dire : «  quand je regarde le ciel, je me demande ce qu’il va encore m’envoyer comme malheur ». 

Nous sommes bien démunis...

On peut probablement se glisser intérieurement la question : suis-je complice de ce mal... ? Sans tomber, dans la culpabilité, car c’est le risque bien soulevé par Lytta Basset (7) 

Saint Thomas distingue le mal de faute du mal de peine... mais ne donne pas de solution.

On peut surtout, comme le fait Etty Hillesum se relever et dire « Dieu a besoin de nos mains »(8)

L’année dernière j’étais au chevet d’un ami prêtre - 93 ans, d’une vie donnée et malgré cela une grande souffrance physique et d’une certaine manière forcément spirituelle. Que faire à part un verre d’eau, une main posée sur un cœur meurtri... ?

N’oublions pas que l’Église est là. Elle l’est à Calculta (cf. La Croix d’aujourd’hui) en Grèce comme à Calais. Visages rayonnants d’une Église au service des souffrants...

Sur ce sujet impossible du mal de peine, je me trouve bien petit et suis toujours preneur d’avis...


(1) cf. ma recension du livre d’Arnold

 (2 à 5) cf. mes travaux de recherches éponymes téléchargeables sur Kobo, cf Http://chemin.blogspot.com 

(6) voir aussi dans mon mémoire un bel extrait sur ce thème d’une conférence donnée à Paris

(7) cf. notamment Je ne juge personne 

(8) lettre à Westerbroch in Une vie bouleversée

06 janvier 2019

Après les mages - 2

Enfant digne d'amour, je te vois dans cette grotte, couché sur la paille, très pauvre et très méprisé ; mais la foi m'enseigne que tu es mon Dieu descendu du ciel pour mon salut. Je te reconnais pour mon souverain Seigneur et mon Sauveur ; je te proclame tel mais je n'ai rien à t'offrir. Je n'ai pas l'or de l'amour, puisque j'ai aimé les choses de ce monde ; je n'ai aimé que mes caprices, au lieu de t'aimer toi, infiniment digne d'amour. Je n'ai pas l'encens de la prière, puisque j'ai malheureusement vécu sans penser à toi. Je n'ai pas la myrrhe de la mortification, puisque, pour ne m'être pas abstenu de plaisirs misérables, j'ai tant de fois contristé ta bonté infinie. Que t'offrirai-je donc ? Mon Jésus, je t'offre mon cœur, tout souillé, tout dénué qu'il est : accepte-le et change-le, puisque tu es venu ici-bas laver dans ton sang nos cœurs coupables et nous transformer ainsi de pécheurs en saints. Donne-moi donc cet or, cet encens, cette myrrhe qui me manquent. Donne-moi l'or de ton saint amour ; donne-moi l'encens, l'esprit de prière ; donne-moi la myrrhe, le désir et la force de me mortifier en tout ce qui te déplaît...
Ô Vierge sainte, tu as accueilli les pieux rois mages avec une vive affection et tu les as comblés ; daigne aussi m'accueillir et me consoler, moi qui viens, à leur exemple, faire visite et m'offrir à ton Fils. (1)

(1)Saint Alphonse-Marie de Liguori, Méditations pour l'octave de l'Épiphanie, n°1 (trad. Noël, Éds. Saint-Paul 1993, p. 302 rev.), source Evangile au quotidien

Au fil de Matthieu 2, 1-12 – Adoration des mages

« 1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, voici que des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem, 2 disant : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile à l'orient et nous sommes venus l'adorer. » 3 Ce que le roi Hérode ayant appris, il fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4 Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et il s'enquit auprès d'eux où devait naître le Christ. Ils lui dirent :
5 « À Bethléem de Judée, car ainsi a-t-il été écrit par le prophète : 6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre parmi les principales villes de Juda, car de toi sortira un chef qui paîtra Israël, mon peuple. »
7 Alors Hérode, ayant fait venir secrètement les mages, s'enquit avec soin auprès d'eux du temps où l'étoile était apparue. 8 Et il les envoya à Bethléem en disant:«Allez, informez-vous exactement au sujet de l'enfant, et lorsque vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi j'aille l'adorer. » 9 Ayant entendu les paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue à l'orient allait devant eux, jusqu'à ce que, venant au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta. 10 À la vue de l'étoile, ils eurent une très grande joie. 11 Ils entrèrent dans la maison, trouvèrent l'enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils l'adorèrent; puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12 Et ayant été avertis en songe de ne point retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.»

La citation du verset 5 établit un  nouveau pont avec une prophétie de l'Ancien Testament, soulignant, à dessein, un lien, une filiation spirituelle là où la généalogie n'apportait qu'une descendance.
À cela s'ajoute l'étoile qui confère à la venue de Jésus une origine supra-terrestre. Les « luminaires » se courbent devant la venue du Sauveur. Contemplation théologique de l'incarnation, à laquelle nous pouvons, là encore, choisir d'adhérer. Même si aujourd'hui, nous savons bien plus que Matthieu sur le fonctionnement des astres, ce qui compte n'est-il pas ici de contempler que la venue de Dieu sur terre est en soi un miracle. « Qu'est-ce que l'homme pour que tu en aies souci ? » demande le psaume.
Notons qu'à la différence de l'introduction de Matthieu, qui met en scène la puissance des mages et leur vénération, Luc (2, 5-11) insiste de son côté sur la simplicité et la pauvreté. L'apparition aux bergers, souvent considérés comme des sous-hommes à l'époque juive parce qu'en contact avec des animaux, donc susceptibles d'être impurs, est chez lui dans le plan de Dieu. C'est aux petits qu'il se dévoile. Luc s'adresse-t-il aux humbles quand Matthieu s'adresse aux puissants ? S'agit-il de deux perspectives, de deux théologies ? Pas forcément ! Mais ces différences donnent deux accents à un même mystère, celui de la venue de Dieu chez l'homme.
De plus, l'allusion aux mages, chez Matthieu, ouvre des perspectives que Luc n'a pas développées. Ce ne sont pas les Juifs qui accueillent Jésus, mais bien une multitude de peuples, venus des quatre coins de l'horizon. Un trait particulier, là encore de la lecture de Matthieu.

La venue du Christ ne s'est pas faite en un jour, mais est le fruit d'un long processus qui vient de l'origine et se dévoile progressivement, selon le plan de Dieu, jusqu'à la « prise de chair » du Verbe.
Si, comme le dit saint Augustin, c'est par « le cœur seul qu'on voit le Verbe » il nous faut aussi passer par la chair. C'est pourquoi l'évêque d'Hippone ajoute « tandis que la chair est vue aussi par les yeux. C'est la chair qui nous permettait de voir le Verbe. Le Verbe s'est fait chair, une chair que nous puissions voir, afin que soit guéri en nous ce qui pourrait voir le Verbe (1) »
Que faut-il guérir en nous? Rien d'autre que nos aveuglements, ce qui obscurcit notre cœur de la contemplation du mystère. Dieu a tout donné, jusqu'à remettre dans le sein d'une Vierge, le fruit d'un long travail de révélation. Il nous faut contempler, au-delà de l'attitude de la Vierge, l'abandon du père, sa kénose, comme le soulignera Hans Urs von Balthasar dans sa trilogie.

Naissance, mort et résurrection :

«Ce qui était depuis le commencement..., ce que nous avons contemplé..., nous vous l'annonçons » (1 Jn 1,1-3)
La liturgie de l'octave de Noël en faisant contempler en parallèle les textes de 1 Jean 1, et le récit du tombeau vide, nous renvoie à la fois aux premiers temps de Noël et de Pâques. La mise en parallèle est saisissante. Nous sommes à l'aube, dans les deux cas, d'un nouveau jaillissement de la vie. Le premier est le prologue du second, il s'éclaire d'ailleurs du second. Car c'est bien à la lumière de la résurrection que les évangélistes nous le font percevoir.

Ce que les mages viennent adorer est déjà le Christ en Croix et la myrrhe et l'encens sont autant pour sa sépulture que pour sa venue, quand l'or souligne le royaume à venir.

Le massacre des innocents est le prélude de la mort de l'agneau.

Le tombeau vide sera de même ce temps où l'on erre sans savoir, entre souffrance et interrogation. Seuls ceux qui sont portés par la foi et l'intelligence de la foi peuvent passer au-delà de cette impression d'abandon du monde par Dieu. De même que pendant les temps de la Nativité, le monde semblait livré à lui- même, au matin de Pâques, les apôtres étaient dans le doute, jusqu'à ce que pointe une étoile, qu'une lumière apparaisse dans la nuit. Alors ils courent, n'osant espérer la lumière. Écoutons Jean Scot Erigène:«Pierre et Jean courent tous deux au tombeau. Le tombeau du Christ c'est l'Écriture sainte, dans laquelle les mystères les plus obscurs de sa divinité et de son humanité sont défendus, si j'ose dire, par une muraille de rocher. Mais Jean court plus vite que Pierre, car la puissance de la contemplation totalement purifiée pénètre les secrets des œuvres divines d'un regard plus perçant et plus vif que la puissance de l'action, qui a encore besoin d'être purifiée. Pierre entre cependant le premier dans le tombeau ; Jean le suit. Tous deux courent, et tous deux entrent. Ici Pierre est l'image de la foi, et Jean représente l'intelligence... La foi doit donc entrer la première dans le tombeau, image de l'Écriture sainte, et l'intelligence entrer à sa suite... Pierre, qui représente aussi la pratique des vertus, voit par la puissance de la foi et de l'action le Fils de Dieu enfermé d'une manière inexprimable et merveilleuse dans les limites de la chair. Jean, lui, qui représente la plus haute contemplation de la vérité, admire le Verbe de Dieu, parfait en lui-même et infini dans son origine, c'est-à-dire dans son Père. Pierre, conduit par la révélation divine, regarde en même temps les choses éternelles et les choses de ce monde, unies dans le Christ. Jean contemple et annonce l'éternité du Verbe pour le faire connaître aux âmes croyantes Je dis donc que Jean est un aigle spirituel au vol rapide, qui voit Dieu ; je l'appelle théologien. Il domine toute la création visible et invisible, il va au-delà de toutes les facultés de l'intellect, et il entre divinisé en Dieu qui lui donne en partage sa propre vie divine (2)»

Matthieu 2, 13-15 – La fuite en Égypte

13 Après leur départ, voici qu'un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, fuis en Égypte et restes-y jusqu'à ce que je t'avertisse; car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr. » 14 Et lui se leva, prit l'enfant et sa mère de nuit et se retira en Égypte. 15 Et il y resta jusqu'à la mort d'Hérode, afin que s'accomplît ce qu'avait dit le Seigneur par le prophète : J'ai rappelé mon fils d'Égypte.
Commentaire :
Encore un songe avec une petite structure concentrique (ou chiasme) que nous pouvons lire comme suit :

A Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, fuis en Égypte 

B et restes-y jusqu'à ce que je t'avertisse;
car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr. » 

A ´ Et lui se leva, prit l'enfant et sa mère de nuit et se retira en Égypte.

Pourquoi cette fuite, que nous dit-elle de l'enfance de Jésus ?
Finalement peu de chose si ce n'est le centre du chiasme :
Hérode va chercher à le faire périr, ce qui n'est pas sans lien avec le drame de la Croix. Dès le départ, la tension monte : le Fils de l'homme entre dans le monde avec contre lui une force qui le conduira à la mort. Peut-on y voir un dessein de Matthieu : nous faire entrer, dès le départ, dans une tension qui va jusqu'à la mort ?

Matthieu 2, 16-23 – Le massacre des innocents

16 Alors Hérode, voyant que les mages s'étaient joués de lui, entra dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, depuis l'âge de deux ans et au-dessous, d'après le temps qu'il connaissait exactement par les mages. 17 Alors fut accompli l'oracle du prophète Jérémie disant : « 18 Une voix a été entendue en Rama, des plaintes et des cris lamentables : Rachel pleure ses enfants; et elle n'a pas voulu être consolée, parce qu'ils ne sont plus. » 19 Hérode étant mort, voici qu'un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph en Égypte, 20 et lui dit : « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et va dans la terre d'Israël, car ceux qui envolaient à la vie de l'enfant sont morts. » 21 Et lui, s'étant levé, prit l'enfant et sa mère, et il vint dans la terre d'Israël. 22 Mais, apprenant qu'Archélaüs régnait en Judée à la place d'Hérode, son père, il eut peur d'y aller, et, ayant été averti en songe, il gagna la région de la Galilée 23 et vint habiter dans une ville nommée Nazareth, afin que s'accomplît ce qu'avaient dit les prophètes : Il sera appelé Nazaréen.
Commentaire :
On retrouve une structure concentrique presque identique qui clôture le chapitre et a pour centre :
A « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et va dans la terre d'Israël, car ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant sont morts. » 
A' 21 Et lui, s'étant levé, prit l'enfant et sa mère, et il vint dans la terre d'Israël.

Oublions le récit et faisons ce que l'on peut appeler une lecture allégorique de ces deux chiasmes. Matthieu nous met devant un drame et nous ouvre à l'espérance. À ceux qui, comme ses condisciples, craignaient la persécution et le martyr, Matthieu trace un chemin d'espérance : En Christ, la mort n'est que temporaire, car ceux qui nous persécutent mourront, alors que nous chrétiens vivrons de la résurrection. Selon ce prisme de lecture, souligné par les deux chiasmes, une autre vision du récit se révèle, celle d'une pédagogie qui nous fait apercevoir ce que saint Ignace appellera le combat des deux étendards. Il y a l'étendard d'« Hérode » qui cherche à mettre à mort et celui de Dieu qui conduit à la vie.


 (1 ) Saint Augustin, commentaire de la première lettre de saint Jean

(2) Jean Scot Érigène (?-v. 870), bénédictin irlandais, Homélie sur le prologue de l'évangile de Jean, §2 (trad. Jean expliqué, DDB 1985, p. 27 rev.), source Evangileauquotidien.org

Ce texte est un extrait de Chemins croisés, ma contemplation sur l'Évangile de Matthieu