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08 août 2020

Dépouillement et participation - Méditation sur les textes du 19ème…

Il y a dans ces textes une contemplation particulière de Dieu, comme une tension entre plusieurs facettes apparement contradictoires. Dans l'Evangile se révèle un Christ ayant apparemment toute puissance sur les éléments alors qu'1 Rois 19 fait apparaître la caresse discrète de Dieu, loin des éléments violents.

Et pourtant ces deux opposés se rejoignent. Dieu n'est pas dans la colère. Il nous apporte la paix.

Pour comprendre cela il faut probablement aller très loin en arrière dans ce qu'on appelle le cycle d'Élie, le voir égorger les prêtres de Baal en croyant faire la volonté de Dieu puis le suivre dans la fuite, le désespoir et la faim jusqu'à comprendre que la colère ne mène à rien, que Dieu n'est pas dans la violence mais dans le « bruit d'un fin silence (1) », que Dieu est amour. Le chemin d'Élie va être celui des disciples. Il peut être notre chemin.
Loin de nos tentations de puissance la contemplation de la croix conduit au déchirement du voile...
Dieu apparaît vraiment dans la nudité d'un corps défiguré qui nous guérit de toute violence.

Paul, comme souvent, apporte une touche finale. Il souffre de voir ses frères juifs « qui ont l'adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; (...) les patriarches,
» ne pas comprendre ce que Jésus révèle par la Croix.

Dans cette croix offerte, dans cette « maison » fragile d'un Dieu dépouillé qui n'a plus d'endroit où reposer sa tête, se dévoile, derrière le déchirement du voile, l'invitation finale d'un Dieu qui nous invite à participer à notre manière à la vie divine, à la « danse amoureuse » de Dieu. Il s'agit bien, comme le souligne saint Jean de la Croix de devenir participants de cette unité fragile et amoureuse qui s'offre à nous.
La danse des personnes divines, circumincession des amours divins et trines, nous invitent à une symphonie qui dépassent l'illusion des tempêtes extérieures.
Dieu nous invitent à la danse. « Les âmes possèdent donc par participation les mêmes biens que lui par nature : d'où elles sont véritablement dieux par participation, égales à Dieu et ses compagnes. C'est ce que dit saint Pierre par ces paroles : Que la grâce et la paix vous soient accordées en abondance par la véritable connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur. En effet, sa puissance divine nous a fait don de tout ce qu'il faut pour vivre en hommes religieux, grâce à la véritable connaissance de Celui qui nous a appelés par la gloire et la force qui lui appartiennent. Ainsi, Dieu nous a fait don des grandes richesses promises et vous deviendrez participants de la nature divine. Ces paroles montrent que l'âme participe à la nature de Dieu, en accomplissant en lui et avec lui l'œuvre de la Très Sainte Trinité, de la manière dont nous avons parlé, à cause de l'union substantielle qu'il y a entre l'âme et Dieu. »(2)

(1) 1 Rois 19, la traduction est d'Emmanuel Lévinas. Voir sur ce thème mon essai éponyme.
(2) saint Jean de la Croix, cantique spirituel, source office des lectures du 7/8.

23 juillet 2020

Dépouillement 25 - homélie du 17ème dimanche

Où courons nous ?

Que nous dit Jésus sur le marchand de perles dans l’Evangile de Matthieu ?  « il va vendre tout ce qu'il possède et achète cette perle.»»
‭‭Matthieu‬ ‭13:46‬ 
« Tu t'agites pour beaucoup de choses, une chose est essentielle » glisse Jésus en écho à Marthe (Lc 10, 41). Il faudrait maintenant se taire et méditer sur ce qui est essentiel. Entendre le discours de Jésus au jeune homme riche : « une seule chose te manque : va vends tous tes biens et suis moi ».(Mc 10, Mat 19, Luc 18). Selon certaines interprétations Marc est probablement celui des trois évangélistes Synoptiques qui a le mieux compris cela au point qu'on l'associe à ce jeune homme qui s'enfuit tout nu au jardin de Gethsémani. Pourquoi Marc nous raconte t il cette scène non reprise par Matthieu et Luc ? Peut-être a-t-il compris le message ultime. Tout vendre, renoncer, se dépouiller, se mettre à nu... Jusqu'au déchirement du voile qui révèle l'amour.

La nudité à laquelle nous sommes appelés est celle qui nous oblige à sentir qu'il n'y a qu'une voie, qu'une sagesse, qu'un chemin, qu'un trésor, qu'un médiateur, Jésus Christ, celui qui s'est dépouillé de tout parce qu'en faisant cela il va jusqu'au bout de l'amour.

La route est longue et ardue... Au bout du chemin, quand on a fait, en nous, le tri final, il ne reste qu'une voie de sagesse, insiste à sa manière saint Jean de La Croix : suivre le Christ. Cette voie, est celle que décrit Salomon (1Rois 3), c'est celle qui peut faire de nous des « justes » comme le dit saint Paul en Romains 8.

Combien de fois nous arrêtons nous pour voir la frénésie de notre agir, de nos agitations ?
La porte est étroite et la question lancée par Matthieu sur le tri des anges doit nous interpeller. Sommes nous prêts comme les jeunes filles et leurs lampes ?
Prendre la voie du Christ est « impossible à l'homme mais possible en Dieu » glisse Mat. 19... le Christ lui-même a eu besoin d'être poussé par l'Esprit au désert pour prendre de la distance sur cette agitation intérieure qui nous éloigne du Chemin.

« Seul l'Esprit, parle à notre esprit dans le silence ». Sommes nous des « écoutants » ? Laissons nous place à l'Esprit pour agir ? Entrouvrons-nous la porte à ce « courant d'air (1) » qui pénètre au fond de notre cœur et nous fait découvrir la perle, le trésor, le royaume.

Entrons dans le silence et écoutons Dieu interpeler notre cœur. Où est ta priorité ?





« Il s'agit [alors] de transporter notre cœur dans la vie du ciel, en sorte qu'on puisse dire : « Notre patrie est dans les cieux » (Ph 3,20). Surtout c'est commencer à devenir semblable au Christ, « qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour nous » (2Co 8,9).(2)

Le grand enjeu devient, dans la dynamique de la troisième parabole d’entrer dans un véritable discernement, trier ce qui nous empêche d’aller dans ses pas, ce qui est « balayure » et nous laisser « saisir » par lui (cf, Ph 3)

(1) François Cassingena-Trévédy, pour toi quand tu pries, op.cit. 
(2) Saint Basile Grandes Règles monastiques, § 8 (trad. L. Lèbe osb, Éd. Maredsous, 1969, p. 71 rev.)

28 janvier 2020

« Que ta volonté s’accomplisse en moi ! » - la prière

« Que ta volonté s'accomplisse en moi ! »
Il y a là tout l'enjeu d'une conversion intérieure et d'un abandon ou un décentrement que l'on se refuse souvent de faire.

Est-ce une soumission ou juste les derniers soubresauts de l'orgueil qui résistent en nous et nous empêchent de prendre « la voie » dont parle saint Jean de la Croix ?

Écoutons un moine égyptien du IV eme siècle, Evagre : « Ne prie pas pour l'accomplissement de tes volontés ; car elles ne correspondent pas nécessairement avec la volonté de Dieu. Mais plutôt, suivant l'enseignement reçu, prie en disant : Que ta volonté s'accomplisse en moi (cf. Mt 6,10) ; et ainsi en toutes choses, demande-lui que sa volonté se fasse, car lui, il veut le bien et l'utilité de ton âme, mais toi, tu ne cherches pas nécessairement cela.
Souvent dans mes prières, j'ai demandé l'accomplissement de ce que j'estimais bon pour moi, et je m'obstinais dans ma requête, violentant sottement la volonté de Dieu, sans m'en remettre à lui pour qu'il ordonnât lui-même ce qu'il savait m'être utile ; et pourtant, la chose reçue, grande fut ensuite ma déception de n'avoir pas demandé plutôt l'accomplissement de la volonté de Dieu, d'avoir demandé de préférence l'accomplissement de mon vouloir, car alors la chose ne fut pas trouvée telle que je me l'étais figurée.
Qu'il a-t-il de bon, si ce n'est Dieu ? Par conséquent, abandonnons lui tout ce qui nous concerne et nous nous en trouverons bien. Car celui qui est bon, est nécessairement aussi pourvoyeur de dons excellents. Ne t'afflige pas si tu ne reçois pas immédiatement de Dieu ce que tu demandes ; c'est qu'il veut te faire encore plus de bien par ta persévérance à demeurer avec lui dans la prière. Quoi, en effet, de plus élevé que de converser avec Dieu et d'être abstrait dans son intimité ? (…) Ne veuille pas que ce qui te concerne s'arrange selon tes idées, mais selon le bon plaisir de Dieu ; alors tu seras sans trouble et plein de reconnaissance dans ta prière (1)

(1) Évagre le Pontique, Chapitres sur la prière n° 31-34, 89 attribués à tort à Nil l'ascète (Philocalie des Pères neptiques ; trad. J. Touraille, Ed. DDB-Lattès), source : l'Évangile au Quotidien

Prière, décentrement, abandon, amour en toi, volonté, orgueil, Évagre

14 décembre 2019

L’amour est en Christ - 48 - Saint Jean de La Croix



Parfois Dieu nous fait la grâce de manifester sa tendresse et sa miséricorde d'une manière extra-ordinaire (extase ou don des larmes). L'âme peut se contenter de cela et poursuivre son chemin sans comprendre que cet amour est la première marche d'un chemin où Dieu a « besoin de nos mains (1) » pour participer à l'extension de son « Royaume ». Quel est la nature de son appel ? Où veut-il nous conduire ? Plusieurs écueils se présentent, en lien avec la Parabole du semeur :

  • La paresse qui nous fait oublier l'appel, quand nous sommes repris par le chant des sirènes du monde,
  • La fuite, quand nous courrons après l'extase mystique sans accepter l'appel parfois douloureux à la charité qui va suivre.
  • Le fait de tomber face aux agissements du malin qui cherche souvent une faille dans  nos vies
Quelle va être la terre qui accueillera cette semence de la grâce ? 
La voie est étroite. Est-on forcé ensuite à passer par le désert(2) ou par la Croix ? C'est un peu ce que suggère saint Jean de la Croix que nous fêtons aujourd'hui dans ce beau texte que je découvre ce matin dans l'office des lectures :

« Ce qui est dans le Christ est inépuisable ! C'est comme une mine abondante remplie d'une infinité de filons avec des richesses sans nombre ; on a beau y puiser, on n'en voit jamais le terme ; bien plus, chaque repli renferme ici et là de nouveaux filons à richesses nouvelles ; ce qui faisait dire à saint Paul du Christ : Dans le Christ se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance de Dieu. Mais l'âme ne peut y pénétrer ni les atteindre, si, comme nous l'avons dit, elle ne passe pas d'abord et n'entre pas dans la profondeur des souffrances extérieures et intérieures ; il faut, de plus, qu'elle ait reçu de Dieu une foule de faveurs intellectuelles et sensibles, et qu'elle ne soit exercée longtemps dans la spiritualité ; ces faveurs sont en effet d'un ordre inférieur : ce sont des dispositions pour arriver aux cavernes élevées de la connaissance des mystères du Christ, la plus haute sagesse à laquelle on puisse parvenir ici-bas.
Oh ! si l'on finissait enfin par comprendre qu'il est impossible de parvenir à la profondeur de la sagesse et des richesses de Dieu sans pénétrer dans la profondeur de la souffrance de mille manières, l'âme y mettant sa joie et ses désirs (afin de comprendre avec tous les saints quelle en est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur) ! L'âme qui désire vraiment la sagesse désire aussi vraiment entrer plus avant dans les profondeurs de la Croix qui est le chemin de la vie ; mais peu y entrent. Tous veulent entrer dans les profondeurs de la sagesse, des richesses et des délices de Dieu, mais peu désirent entrer dans la profondeur des souffrances et des douleurs endurées par le Fils de Dieu : on dirait que beaucoup voudraient être déjà parvenus au terme sans prendre le chemin et le moyen qui y conduit. »(3)

Il faut peut-être relire François Marxer dans son beau livre, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, (Paris, Cerf, 2017) pour voir où cela nous conduit.

(1) cf. Etty Hillesum, lettre à Westenbrock
(2) cf. mon essai Chemins du désert 
(3)Cantique spirituel, source : office des lectures, AELF


17 octobre 2018

Union et déréliction - Saint Jean de la Croix

La nuit de Jean de La Croix interpelle toujours nos vies. « L'Union ne consiste donc point dans les jouissances, dans les consolations, dans les sentiments spirituels, mais dans la mort réelle de la Croix au point de vue sensitif et spirituel, intérieur et extérieur » (1)
Le silence intérieur et l’abandon sont-ils les préludes d’une disponibilité véritable aux souffrants ?
Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Styles 2, De Jean de la Croix à Péguy, Paris, Aubier, 1972 p.60

23 août 2018

Dieu vient vers toi -15 - Thérèse de Lisieux

Une expression purement kénotique chez Thérèse mérite notre contemplation :
"Ce n'est pas pour rester dans le ciboire d'or qu'Il descend chaque jour du Ciel, c'est afin de trouver un autre Ciel qui lui est infiniment plus cher que le premier,  le Ciel de notre âme,  faite à son image,  le temple vivant de l'adorable Trinité" (1)
Elle la complète quelques lignes plus loin : "Il s' abaissait vers moi, il m'instruisait en secret des choses de son amour (...) secrets que toute (...) science ne peut découvrir,  puisque que pour les posséder il faut être pauvre d'esprit ! Comme le dit St Jean de la Croix en son cantique :" je n'avais ni guide ni lumière,  excepté celle qui brillait dans mon cœur" (2).
Ce chemin kénotique prend de l'ampleur après son entrée au carmel :"la vraie sagesse consiste à "vouloir être ignorée et comptée pour rien" (3) (...) Je voulais que mon visage soit vraiment caché,  que sur la terre personne ne me reconnaisse. (Ibid).

(1) Sainte Thérèse de Lisieux,  Manuscrit A,  48v○ , ibid p. 148
(2) 49 r, p. 149 citant Saint Jean de la Croix,  Nuit obscure,  str. 3 et 4.
(3) Ms A, 71r, ibid p. 189, citant l'imitation 1, 2, 3 et III, 49, 7.

19 juin 2018

L’amour est en toi - 9 - la solitude

L'Amour est en toi et cependant t'échappe. Par un petit croquis sur le Christ en croix, saint Jean de la croix nous indique « avec un poids presque écrasant, une troisième idée : celle de la solitude de celui qui marche à la suite du Christ et de l'impossibilité de placer cette œuvre d'imitation sur la même ligne que celle du Christ »(1)

(1) Urs von Balthasar,  GC2.2 ibid. p. 63

08 juin 2018

L’amour est en toi - 7 - Saint Jean de la Croix

« Cuán manso y amoroso
Recuerdas en mi seno ! »(1)
« Avec quelle douceur et quel amour
Vous vous réveillez dans mon sein »

« Le monde s'élève dans l'âme en même temps que Dieu ! » ajoute Hans Urs von Balthasar sur cette citation de Vive Flamme. On est au cœur de l'inhabitation de Dieu en l'homme et probablement du travail de la grâce...

En cette fête du Sacré Cœur, et la lecture de Jn 19, cette méditation nous conduit encore plus loin. Car notre cœur ne peut être indifférent au coeur transpercé du Christ.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Styles 2, De Jean de la Croix à Péguy, Paris, Aubier, 1972 p. 48

07 juin 2018

Jeux de kénose - St Jean de la Croix

Poursuivons notre lecture de Jean de la Croix, dans les yeux de Balthasar :
«La quête est tellement absolue (...) tend tellement à l'absolu qu'elle ne peut pas finir par [le] trouver (...) on [ne] peut pas dire (...) comme chez Rilke « nous projetons des Dieu » (...) car il sait qu'il est pris et porté plus loin ; plus que se vider lui-même, il est vidé ; il agit moins que Dieu n'agit en lui, c'est pourquoi la base de sa contemplation, c'est d'être contemplé ; de même que (...) les yeux de Dieu ne sont qu'esquissés dans l'âme, et que celle-ci persévère dans l'attente de voir apparaître l’œil divin dans le milieu de la foi » (1)

L'enjeu de la quête de St Jean de la Croix est ici cette double kénose, ce jeux des kénoses réciproques qui touche à ce que j'appelle la danse trinitaire (2), une circumincession où la kénose de Dieu appelle et creuse notre humilité et nous conduit à la révélation ultime.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Styles
2, De Jean de la Croix à Péguy, Paris, Aubier, 1972 p. 45

(2) La danse trinitaire et repris maintenant dans L'amphore et le Fleuve

06 juin 2018

L’amour est en toi - 6 - Saint Jean de la Croix

Dieu « possède une souveraine humilité (...) il se découvre lui-même à vous avec joie (...) il vous met à son niveau (...) et vous dit « je suis content d'être ce que je suis pour être à toi et me donner à toi »(1).

À méditer et entendre pour nous dans l'aujourd'hui de nos vies.

(1) Saint Jean de la Croix, L.III 6 (G. p. 978) cité par Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Styles 2, De Jean de la Croix à Péguy, Paris, Aubier, 1972 p. 43

05 juin 2018

L’amour est en toi - 5 - Jean de la Croix

« La mystique de Jean ne peut s'achever que dans l'ordre trinitaire ». Une danse (1) qu'Hans Urs von Balthasar souligne à sa manière dans la même page : Dieu comme « centre » du mystère, le mystère de l'Esprit-Saint et l'amour de la créature qui devient « par la grâce, une aspiration à la spiratio divine (...) appelée (...) à participer passivement et activement (...) miracle de la grâce (...) miracle du contact substantiel entre le je et le Toi, de l'éveil du Toi au cœur même du je et du je au coeur du Toi (...) Vous vous réveillez ô Verbe-Époux, dans le centre et le fond de mon âme, dans sa pure et intime substance » (2)

(1) cf. mon livre éponyme La danse trinitaire (in À genoux devant l’homme)
(2) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Styles 2, De Jean de la Croix à Péguy, Paris, Aubier, 1972 p. 41


04 juin 2018

La quête de Dieu - 2 - Saint Jean de la Croix

Au coeur de notre désir de Dieu, le monde perd sens... il nous faut abandonner tout désir de comprendre. En effet cela "prive l'aventure de la quête de Dieu" (...) qui n'est accessible que "dans la nuit".  Il nous faut parvenir à l'oubli volontaire de toutes les impressions extérieures afin que dans le silence cette faculté se taise et prête seulement l'oreille de l'esprit pour écouter Dieu" (1) La nuit obscure est un long processus qui conduit progressivement à "la perte du goût pour les choses sensibles et les biens finis [qui] prouve déjà qu'on commence à goûter Dieu tel qu'il est en lui-même". Il faut pour Jean de la Croix, comme le précise Hans Urs von Balthasar un "renoncement radical (...) un retrait passif de toute délectation (...) le minuit de la pure foi aveugle (2)" avant le commencement de la lumière.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Styles 2, De Jean de la Croix à Péguy, Paris, Aubier, 1972 p 35
 
(2) p. 38-39

01 juin 2018

Le mystère de Dieu - 3 - Saint Jean de la Croix

"La conquista essentielle qui, per caminos nuevos nunca sabidos, conduit, en tâtonnant dans l'obscurité, à une sabidura oscura. L'idée de secret est essentielle chez Jean de la Croix, [sans aucun] relent de science secrète (...) ne promet rien (...) mais seulement l'immensité infinie et sans image du Dieu incompréhensible. (...) Le rayon de ténèbres est obscur (...) sans doute parce que l'âme n'est pas adaptée à la lumière excessive" (1)

On prendra le temps de contempler cette immensité divine...
Ce mystère n'est pas là pour nous perdre mais pour aiguiser notre désir et notre soif jusqu'à l'affirmation du Centurion quand se déchire le voile.

(1) Hans Urs von Balthasar, Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Styles 2, De Jean de la Croix à Péguy, Paris, Aubier, 1972 p. 16

11 janvier 2018

Dieu fragile et caresse divine - Saint Jean de la Croix

Ce petit texte publié par Évangile au quotidien en commentaire de l'épisode de la guérison du lépreux s'inscrit dans la même mouvance spirituelle d'un Dieu fragile développée plus haut : « Ô Vie divine, tu ne touches pas pour tuer, mais pour donner la vie ; tu ne blesses pas, sinon afin de guérir. Quand tu châties, tu touches légèrement, et cela suffit pour consumer le monde. Quand tu caresses, tu poses ta main fort à propos, la douceur de ta caresse n'a point de mesure. Ô Main divine, tu m'as blessé pour me guérir ; tu fais mourir en moi ce qui me prive de la vie de Dieu, en qui maintenant je me vois vivant. Et tu fais cela par ta grâce généreuse, moyennant la touche de celui qui est « la splendeur de ta gloire, la figure de ta substance » (He 1,3), ton Fils unique, ta Sagesse en qui « tu atteins puissamment d'un bout du monde à l'autre » (Sg 8,1). Lui, ton Fils unique, Main miséricordieuse du Père, il est la touche délicate avec laquelle tu m'as touché, blessé et brûlé intérieurement.
« Ô touche délicate, Verbe Fils de Dieu, tu pénètres subtilement notre âme par la délicatesse de ton être divin ; tu la touches si délicatement que tu l'absorbes toute entière en toi, d'une manière si divine et si douce « qu'on n'en a jamais entendu parler en Canaan, qu'on ne l'a jamais vu au pays de Témân » (Ba 3,22). Ô touche délicate du Verbe, d'autant plus délicate à mon égard qu'ayant renversé les montagnes et brisé les rochers de la montagne de l'Horeb par l'ombre de ta puissance qui allait devant toi, tu t'es fait sentir si doucement, si fortement au prophète Élie « dans le délicat murmure de l'air » (1R 19,12). Comment es-tu brise légère et subtile ? Dis-moi comment tu touches si légèrement et si délicatement, ô Verbe, Fils de Dieu, toi qui es si puissant et si terrible ? Heureuse, mille fois heureuse l'âme que tu touches si délicatement ! ... « Tu les caches dans le secret de la face, c'est-à-dire ton Verbe, ton Fils, à l'abri du trouble des hommes. » (Ps 30,21) » (1)

(1) Saint Jean de la Croix (1542-1591), La Vive Flamme d'amour, strophe 2 (trad. Grégoire de Saint Joseph, Seuil 1947,1995, rev Tournay) source Évangile au quotidien

14 décembre 2016

Les profondeurs de la souffrance du Fils - Saint Jean de la Croix

"Il est impossible de parvenir à la profondeur de la sagesse et des richesses de Dieu sans pénétrer dans la profondeur de la souffrance de mille manières, l’âme y mettant sa joie et ses désirs (afin de comprendre avec tous les saints quelle en est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur) ! L’âme qui désire vraiment la sagesse désire aussi vraiment entrer plus avant dans les profondeurs de la Croix qui est le chemin de la vie ; mais peu y entrent. Tous veulent entrer dans les profondeurs de la sagesse, des richesses et des délices de Dieu, mais peu désirent entrer dans la profondeur des souffrances et des douleurs endurées par le Fils de Dieu : on dirait que beaucoup voudraient être déjà parvenus au terme sans prendre le chemin et le moyen qui y conduit." (1)
À méditer...

(1) Saint Jean de la Croix,  Cantique spirituel, source AELF

22 décembre 2015

Nuit - Saint Jean de la Croix

Pourquoi nous parle-t-il‎ de la nuit ? Qu'est-ce que cela dit de l'humilité de Dieu ? "Cette source éternelle bien cachée, pourtant je l'ai trouvée, mais c'est de nuit. (...) ne sais son origine, mais que de toute origine d'elle jaillit, je le sais, mais c'est de nuit." (1)

Prix de notre liberté que cette kénose divine, que cette lumière noire comme le disait Madeleine Delbrêl. 

(1) Saint Jean de la Croix, Poème écrit dans le cachot de Tolède, cité par Jacques Loew, Ce Dieu dont je suis sûr, op. Cit p. 152

01 septembre 2015

Souffrir avec le Christ

‎"Souffrir et être humilié pour le Christ et avec le Christ" (1)


Comme le note récemment le pape François, on compte plus de martyrs aujourd'hui qu'au premier siècle...

Combien faudra-t-il de martyrs pour parvenir au troisième jour évoqué par Origène (cf. plus haut) ? Seigneur que ton règne vienne !

‎(1) attribué à saint Jean de la Croix, cf. Bruno de Jésus Marie, saint Jean de la Croix, Paris,Plon, 1929, cité par Jean  XXIII, le journal de l'âme, op. Cit p. 85 et p. 467‎ en contemplation de la Pieta, Jésus mort et l'Addolorata


11 avril 2015

Oraison selon saint Jean de la Croix

Saint Jean de la croix distingue 3 temps :
1) la représentation imaginaire des mystères sur lesquels on doit méditer 
2) la considération intellectuelle des mystères représentés 
3) le repos amoureux et attentif à Dieu où se recueille le fruit, où s'ouvre à l'illumination divine la porte de l'entendement. On passe de la connaissance naturelle à la connaissance surnaturelle‎ lorsque l'âme se met dans le repos pacifique, amoureux et tranquille à la fois (1).

Source : La vie de sainte Thérèse d'Avila, op. Cit. p. 254

13 juin 2007

Déréliction - IV

Je n’ose croire que cette impression de vide, ce néant des sens est don de Dieu. Pour moi, il s’agit de l’enfoncement dans le monde, la perte de ce qui faisait l’essentiel de ma foi, de ma vie de prière et de « vérité ». L’acédie m’entoure. Nuit des sens mais aussi abandon de la lutte. Je suis loin en tout cas de cette expérience de la déréliction que partagent certains chrétiens « quand ils sont jugés dignes d’expérimenter « la nuit obscure de la crucifixion », tel le « dolores inferni circumderunt me » de saint Jean de la Croix (1). Pour lui, l’âme sent d’une manière très vive l’expérience de la mort, privé de Dieu.

« Sur l’ordre du Christ qui lui intime de sortir de lui-même, l’homme s’en va à l’extérieur de soi et se trouve pauvre, misérable et délaissé ». (2)

C’est le « Délaissement absolu (...) on ne trouve de secours de personne » (3)

Le fil est fragile, comme cette marche sur les cimes, où le précipice nous entoure mais l’appel du sommet nous attire.

(1) Saint Jean de la Croix in La nuit obscure de l’esprit II, ch. 8. cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 281
(2) Ruusbroec, Geistliche Hochzeit, II, 28, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 282
(3) Henri Caffarel, l’Emprise de Dieu. Paris 1982, 310

05 février 2006

Lectio Divina - Saint Jean de la Croix

La Sainte Écriture était, pour saint Jean de la Croix, la première des quatre « sources » de vie chrétienne et spirituelle :
1. la Sainte Écriture,
2. l'Église (avec ses ministres),
3. l'expérience et
4. la science.

C'est sur elle qu'il appuya l'enseignement dans ses écrits, tout en les soumettant humblement à la vigilance du Magistère. Au début du prologue de la Nuit obscure il écrit :
je me servirai pour tout ce que, avec la faveur divine, j?aurai à dire (au moins pour le plus
important et obscur à entendre) de la Divine Écriture, laquelle prenant pour guide nous ne
pouvons errer, puisque celui qui parle en elle est le Saint Esprit
.

Lire la suite de l'article de sr P. Nau dans Chemins (PDF de 738 Ko)