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16 août 2022

En route vers la Galilée - 9 - Marie à Cana


Sur le chemin fragile que nous avons entamé depuis quelques semaines, la contemplation de Jean 2, 1-12 – Les noces de Cana interpelle alors que le crépuscule du 15 août s’efface dans la nuit tragique qui s’annonce.


« 1. Et le troisième jour, il se fit des noces à Cana en Galilée; et la mère de Jésus y était. 2. Jésus fut aussi convié aux noces avec ses disciples. 3. Le vin étant venu à manquer, la mère de Jésus lui dit : « Ils n'ont plus de vin. » 4. Jésus lui répondit : « Femme, qu'est-ce que cela pour moi et pour vous ? Mon heure n'est pas encore venue. » 5. Sa mère dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu'il vous dira. » 6. Or, il y avait là six urnes de pierre destinées aux ablutions des Juifs et contenant chacune deux ou trois mesures. 7. Jésus leur dit : « Remplissez d'eau ces urnes. » Et ils les remplirent jusqu'au haut. 8. Et il leur dit : « Puisez maintenant, et portez-en au maître du festin; et ils en portèrent.

9. Dès que le maître du festin eut goûté l'eau changée en vin (il ne savait pas d'où venait ce vin, mais les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient), il interpella l'époux et lui dit: 10. "Tout homme sert d'abord le bon vin, et après qu'on a bu abondamment, le moins bon; mais toi, tu as gardé le bon jusqu'à ce moment. » 11. Tel fut, à Cana de Galilée, le premier des miracles que fit Jésus, et il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. 12. Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent que peu de jours. »


À Cana, le signe et la gloire qui en découle ne sont pas voulus par le Christ : « Femme, que me veux-tu ? ». Son heure n'est pas venue... Et pourtant, sur l'insistance de sa mère, sans révéler au maître du repas l'origine du vin, il change nos hésitations en boisson de joie... La lecture du récit nous donne un nouvel aperçu du couple « mort et résurrection », que l’allusion au « fruit de la vigne » vient souligner. 

À Nathanaël, il avait promis « le ciel ouvert » (1, 31), dès le chapitre 2, il « manifeste sa gloire » (2, 11). Comment cette gloire a-t-elle affleuré ? Il n’y a pas eu de trompettes. Ce que l’on a senti, entre les lignes, si l’on prend le temps d’entrer dans le récit, c’est un geste discret, humble que seuls quelques serviteurs peuvent décrypter alors que le maître du repas et les convives s'interrogent encore. Et c’est là où la gloire affleure. Non pas dans la trompette et les cors, mais dans cette invitation à porter nos eaux dans les jarres, un autre « où es-tu ? », un « que fais-tu des dons reçus ? » qui par l’action discrète de Dieu se transforme en vin capiteux.

Quel est l'enjeu ? N'y a-t-il pas ici toute la tendresse de Dieu qui se manifeste dans cette révélation, dans ce jeu entre le visible et l'invisible, en laissant croire ceux qui veulent croire et sans forcer ceux qui refusent de le faire... 

« Ils n’ont plus de vin » : Entre les lignes, cette tendresse maternelle de celle qui a porté notre Sauveur et qui déjà lui échappe devient par cette phrase, le porte-voix d’un Dieu qui entend la souffrance d’un peuple, qui écoute le cri des souffrants. On peut ici entrer en résonnance avec des textes plus anciens, jusqu’à ce verset d’Exode 3,7 croisé plus haut : « J’ai entendu le cri de mon peuple (...) je connais ses douleurs », qui feront dire à certains commentateurs que l’agonie du Christ commence à Cana…

Prenons un peu de recul sur ces deux récits. Certes, le prologue a clamé au lecteur que Dieu était là, que le Verbe se rendait présent. Pourtant, les gestes de Jésus sont plus humbles. Il ne surajoute pas à l’affirmation du rédacteur, mais trace, au-delà des mots, les conditions d’une rencontre. Nous ne pouvons rester seulement sur les affirmations et les exhortations d’un évangéliste qui affirme le tout de Dieu. Voyons aussi, entre les lignes, les attitudes, les gestes, l’humilité, car cette tension est plus féconde que la seule affirmation « d’en haut » d’un « Verbe de Dieu ». Au cœur de cette tension, se traduit un double discours qui affirme conjointement humilité et gloire. Ce discours chez Jean est plus visible que chez d’autres évangélistes. Marc par exemple n’affirme la divinité du Christ qu’au tout dernier chapitre. Jean ne porte donc pas uniquement une théologie « de haut en bas ». La symphonie de l’Écriture joue aussi, dans cet Évangile, un jeu à facettes multiples. Les couleurs correspondent, tracent une mosaïque plus complexe et plus intense. Sachons en distinguer tous les tons…


Méditation :

Plus qu’ailleurs la contemplation ignacienne de ce texte nous révèle notre propre chemin : remplir les jarres de « purification », les offrir à Dieu pour qu’il vienne faire de notre humanité un vin capiteux, « diviniser ce que nous essayons d’humaniser » dira F. Varillon. La scène de Cana est la convocation de nos efforts d’homme à rejoindre le plan de Dieu. En suivant les serviteurs qui peinent à remplir et présenter les jarres, nous progressons dans la dynamique sacramentelle propre qui s’est éveillée à Cana.


Revenons aussi sur le rôle de Marie. Elle n’est plus ici le seul réceptacle fragile du Verbe, mais l’on sent déjà que son humilité a laissé place à une danse à la fois tragique et humble entre l’humanité blessée et le Dieu de tendresse. Marie, par cette phrase discrète (« ils n’ont plus de vin ») entre déjà dans le déchirement fécond de cette kénose que nous évoquions plus haut. Elle danse déjà sur les pas de Dieu, avant le déchirement final qui fera d’elle vraiment une « figure » et un chemin pour nous.


Car cette remarque de Cana n’est pas anecdotique. Elle se fait écho d’une clameur plus profonde, celle du peuple au désert, de la soif de l’humanité altérée en quête d’un Dieu qui s’est retiré dans le silence. A sa suite nous contemplons ici déjà ce que Jean signale comme un troisième jour, la transformation de l’eau en vin, dans ce torrent promis par Ezechiel qui jaillira du cœur transpercé du Fils. Moïse a frappé le rocher et un fin filet d’eau abreuve le peuple. Par la voix d’une femme discrète s’ouvre déjà les prémices d’une eau vive et jaillissante ?


Photo 1 : Cana, vitrail de saint Lubin des Joncherets (28)

Photo 2 : fresque dans l’église prieurale de Lanville (16) XIIeme siècle

13 août 2022

En route vers la Galilée - 8 - Marie

 

En cette fête de l’Assomption, fête des superlatifs, peut-on revenir à l’essentiel ? 

Il y a, chez Luc, comme l’accomplissement d’une attente. Alors que dans les annonciations précédentes, le mystère restait opaque et la crainte régnait chez l’homme, l’évangéliste nous présente ici un cœur pur et déjà ouvert à recevoir la venue de Dieu. Sommes-nous parvenus avec Marie au terme de cette quête ? Est-elle la nouvelle Ève qui a entendu l’appel du jardin. 

La lecture de Luc, tardive, plus qu’historique est surtout spirituelle. Elle poursuit ce fil rouge que nous suivons depuis Osée.

Ici, l’ange reste médiateur du mystère. Il commence par un « Réjouis-toi ! » qui fait résonner les annonces de l’Ancien Testament (cf. So 3, 14-18, Is 60, 1-5 ou Za 9, 9-10) puis procède à une annonce progressive de cette maternité particulière. À la différence des mères stériles de l’Ancien Testament, elle sera mère du Messie, par l’action de l’Esprit Saint. Luc fait ici résonner dans un sens messianique les prophéties d’Isaïe :

 « Voici que la Vierge a conçu, et elle enfante un fils, et on lui donne le nom d'Emmanuel. » Is 7,14 


 «Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l'empire a été posé sur ses épaules, et on lui donne pour nom : Conseiller admirable, Dieu fort, Père éternel, Prince de la paix : Pour étendre l'empire et pour donner une paix sans fin au trône de David et à sa royauté, pour l'établir et l'affermir dans le droit et dans la justice, dès maintenant et à toujours » Is 9, 5-6 


Son accueil est ici plus serein, plus total. La Vierge se fait réceptrice de Dieu et de sa parole.

Cette réceptivité à la parole sera un thème récurrent chez Luc, comme le note L. Legrand (1). 


On pourrait déjà mettre cette insistance de Luc en parallèle avec la phrase de Marie en Jean 2, 5 à Cana « Faites ce qu’il vous dira »…


Pour saint Augustin, elle doit cela seulement à son humilité : « Toute mon ambition, c'est mon humilité ; voilà pourquoi «mon âme grandit le Seigneur, et mon esprit a tressailli en Dieu mon Sauveur (Lc 1,47) » ; car il a regardé, non pas ma tunique garnie de nœuds d'or, non pas ma chevelure pompeusement ornée et jetant l'éclat de l'or, non pas les pierres précieuses, les perles et les diamants suspendus à mes oreilles, non pas la beauté de mon visage trompeusement fardé ; mais « il a regardé l'humilité de sa servante ».


Rappelons, dans la même lignée, le mot du Cardinal de Bérulle sur la naissance de la Vierge : « Elle naît à petit bruit sans que le monde en parle… Mais si la terre n’y pense pas, le ciel la regarde et Dieu l’aime… Il la regarde, la chérit, la conduit, comme celle à qui il veut se donner comme fils. »


Il fallait à l’apogée de la révélation un écrin particulier, vierge de toutes contradictions et d’influences. C’est dans le cœur simple d’une femme qu’il a choisi de déposer son message, de même qu’il cherchera à inscrire son Esprit, au-delà de nos raisonnements et de nos mouvements sensibles, au plus profond de nos cœurs écoutants et disponibles. 

 « Et je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai au-dedans de vous un esprit nouveau ; j'ôterai de votre chair le cœur de pierre ; et je vous donnerai un cœur de chair » Ez, 36, 26. 


Luc 1, 28-29 – Je te salue, comblée de grâce

28 L’ange entra chez elle, et dit : Je te salue, toi à qui une grâce a été faite ; le Seigneur est avec toi. 29 Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation.


La tradition a fait de cette salutation le début de notre prière à Marie. Il y a en effet chez l'ange comme une vénération. Il sait que Dieu l'a choisi pour demeure, pour temple de Dieu. Cela fait résonner les paroles de l'apôtre. Vous êtes le temple de Dieu. Marie est la première sur ce chemin.


Contemplons maintenant la Vierge, son trouble face à cette annonce. Dans une petite cellule du musée San Marco à Florence, le peintre Fra Angelico a bien rendu le visage de la Vierge après la parole de l'ange. Elle est dépassée par ce qu'elle perçoit. 


On sent sur son visage l'ampleur de ce qui l'attend. Elle semble bien frêle et fragile cette vierge sur laquelle repose l'avenir de l'humanité. Quel contraste avec Zacharie, le prêtre vêtu de tous ses ornements et entouré de l'encens qu'il projette sur l'autel ! Ici, la tradition imagine une visite nocturne, dans le silence d'une petite ville de Galilée... Le pèlerin revoit cette bourgade perdue sur le flanc d'une colline. Que vient faire l'ange ici. Écoutons-le !


Luc 1, 30-33 – Ne crains point

30 L’ange lui dit : Ne crains point, Marie ; car tu as trouvé grâce devant Dieu. 31 Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. 32    Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. 33 Il régnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin.


Jésus, ce qui veut dire « Dieu sauve ». Ici, l'action humaine, le culte sont réduits à néant. Il s'agit d'une réception pure : le don de Dieu. Dans la liturgie nuptiale, on peut entendre la réponse sacramentelle qui est signe de l'alliance même de Dieu et de l'homme : « Je te reçois et je me donne à toi ». 


Ici aussi la réception dépasse de loin le don, même si celui-ci sera total. Car ce qui est donné de manière unique à la Vierge est ce don de Dieu fait homme. Prenons distance sur ce petit village de Nazareth, ce bout du monde, loin du Temple où l'on n'attendait rien. Certes, il y avait quelques prophéties passées que les phrases attribuées à l'ange semblent rappeler (cf. Za 9, 9 : « Exulte de joie, fille de Sion ») ou Is. 7, 14 : « une jeune femme est enceinte », mais on est bien dans un lieu qui semble abandonné de Dieu, dans un pays sous la coupe de l'envahisseur, dans un monde où la foi semble avoir quitté le peuple. 


Et c'est là que Dieu a choisi d'habiter, mettant ainsi l'espoir là où on ne l'attendait plus.

Il y a là pour tous, même aujourd'hui, un signe d'espérance...

Le lecteur d’aujourd’hui est en droit cependant d’affirmer son scepticisme. Comment est-ce possible qu’une vierge puisse enfanter ? Les réponses de la Tradition sont multiples. Elles interpellent la foi et le mystère. Le rationalisme moderne peut rejeter tout cela. 

Il y a néanmoins, quelque chose qu’il ne peut rejeter : la lecture spirituelle. Déjà, dès les premiers siècles, certains pères de l'Église pratiquaient cette prise de distance par rapport aux faits. Ainsi Grégoire de Nysse parlait des plaies d’Égypte comme les tentations intérieures de l’homme et non comme les punitions d’un Dieu vengeur. Et son interprétation permettait de dépasser la non-historicité d’un récit ancien.

Alors, si nous n’avions qu’une lecture croyante, que voudrait dire la virginité de Marie ? Peut-être la seule contemplation qu’au-delà des contingences matérielles, le don de Dieu, quel qu’en soit les formes est immenses et dépasse notre raison. La naissance virginale est-elle une légende ? Peut-être, même si ce n’est pas ce qu’affirme l'Église. Ce qui compte demeure : comment accueillons-nous dans nos vies l’infini de Dieu ?


Luc 1, 34-37 – Rien n’est impossible à Dieu

34 Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? 35     L’ange lui répondit : Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. 36 Voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois. 37, Car rien n’est impossible à Dieu.


« Couvrir de son ombre » Il faut contempler cette nuée du Seigneur qui accompagne la pérégrination du peuple de Dieu dans le désert. C'est dans cette nuée où réside Dieu quand il se manifeste à l'homme (cf. notamment Ex. 33, 9 et 34, 5) que le mystère de l'impossible prend naissance. Luc ici nous appelle à un acte de foi du même type que la résurrection. De même que Dieu ressuscitera Jésus, de même la Vierge enfantera un fils. Va-t-on faire ce saut de la foi sans quoi rien n'a de sens ? Marie n'a pas demandé de preuve comme a pu le faire Zacharie, pourtant l'ange lui donne un espoir : même la femme stérile peut donner naissance. Ici la puissance du Dieu caché se révèle dans la nuée. Rien n'est impossible à Dieu. (cf. aussi Gn 18, 14)


Luc 1, 38 – Je suis la servante du Seigneur

38 Marie dit : Je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole ! Et l’ange la quitta.


Fiat marial. 

Que dire ? 

On ne peut que contempler cette réception mariale, ce qui n'est que renoncement à toute prétention humaine, ce que l'on pourrait appeler la kénose de Marie qui entre en vibration avec la kénose trinitaire. Ce terme savant, qui n'est que la reprise du terme grec de ekenosen : se vider est surtout dit du Fils qui se vide de lui-même (cf. Phil 2, 7 : il s'est anéanti, prenant la condition de serviteur). Mais n'est-ce pas là aussi ce que fait Marie, qui entre ainsi, de plan pied dans cette danse trinitaire. Si Dieu a tout donné en son Fils, s'il s'est dépossédé de sa puissance pour prendre la condition d'un enfant d'homme, d'un embryon « à-venir », que dire alors de celle qui devient le réceptacle de ce don. La danse nuptiale est dans ce « je te reçois et je me donne à toi ». Certes, la Vierge ne sait pas encore jusqu'où ira ce don, mais l'on peut le pressentir, en concevoir, à l'aune de notre propre connaissance de sa vie, combien ce renoncement est de fait une kénose.

On pourrait s’arrêter sur la Vierge. Ce serait passer à côté de quelque chose de plus grand. On contemple souvent en effet Marie sous l'angle de l'humanité, mais comme le souligne Adrienne von Speyr, on devrait aussi contempler le Père, qui en confiant son Fils au sein d'une Vierge, amorce le mouvement même d’une kénose à laquelle le Fils pourra répondre.

Le renoncement de Dieu, sa paternité, c’est faire confiance à cette graine de moutarde, déposée au creux de l’humanité, dans le plus beau des Temples. Un abandon de toute volonté de puissance, de règne et de royaume. Là est aussi la kénose. 

Quel pari fou sur l'homme ! N'est-on pas déjà dans le mouvement même de l'abandon et de l'agenouillement de la Trinité qui, par amour, se fait faiblesse pour que l’homme entre dans sa danse ?


Le désir d’un « Dieu qui vient à l’homme »avait besoin d’une réponse et cette réponse est celle fragile, si bien illustrée par Fra angelico d’une jeune fille surprise par cette sollicitude et qui ose répondre oui, mais mieux encore « fiat » sur le bout des lèvres dans le creuset d’un village perdu de Nazareth.


Il faut mettre peut-être ici aussi en perspective cet « où es-tu ? » de Dieu lancé à Adam ET Ève dans le jardin (2) pour contempler que c’est une petite bergère de Nazareth qui a répondu la première et totalement à cet appel de Dieu.


Le chemin de Marie ne sera pas un long fleuve tranquille. Avant peut-être de vénérer celle qui a dit oui, il nous faut contempler dans le silence ce chemin.


Que célébrons nous aujourd’hui finalement ?

Plus que l’assomption de la vierge Marie, c’est l’ensemble du mystère de la venue du Christ sur terre qui est à contempler.


Marie est l’écrin fragile de notre salut.


Mais qui est-elle véritablement ? Entre la jeune fille fragile que nous idéalisons et la femme-disciple que nous présente Jean à Cana, il existe une tension à maintenir.

Marie n’a pas été dès le début nimbée de lumière et de grâce mais a suivi un sentier qui nous interpelle. 

Marie est en effet au cœur de notre humanité celle qui répond probablement le mieux à l’appel de Dieu, celle qui comprend EN sa chair toute humaine, l’enjeu de la venue du Christ, marche à sa suite et répond à cet appel originel de Dieu(Gn 3,5), évoquée plus tôt. Elle devient en cela chemin pour nous. 

Ce que nous font découvrir les textes de d’aujourd’hui n’est-il pas finalement que, dans le mystère de cette naissance, de cette femme habitée par la grâce divine, bouleversée par la venue du Christ EN son humanité (3) et dans le jusqu’au bout de son Amour, c’est la vocation de tout baptisé qui est surtout à contempler.

Dans la liturgie de la veille au soir du 15 août l’évangile interpelle notre propre manière de recevoir le Christ : L’Évangile de Luc ( 11, 28) insiste même dans le sens de tout ceux qui comme moi souvent rejette une idéalisation excessive. Relisons bien ce texte qui surprend la veille du 15/8 :

« En ce temps-là, comme Jésus était en train de parler, une femme éleva la voix au milieu de la foule pour lui dire : « Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri ! »

 Jésus déclare alors : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » Ces propos sont choquants a priori. 


Jésus « n’efface » pas sa mère mais insiste bien sur ce basculement entre la figure mariale et l’appel renouvelé à notre vocation. 


L’assomption n’est pas seulement en effet la fête de Marie. 

Elle ouvre une espérance particulière pour l’humanité que le magnificat vient amplifier, en faisant vibrer à nouveau l’espérance du peuple de Dieu, de tout ce que portait l’AT. 


« Mon âme exulte le Seigneur car ce dernier disperse les superbes et vient élever les humbles, combler de biens les affamés, renvoyer les riches les mains vides, relever Israël son serviteur ». 


Le cri de Marie est notre joie : « Dieu se souvient de son amour ».


Dans le tressaillement d’Elisabeth que nous donne à contempler Luc se retrouve à sa manière cette espérance du peuple en marche et donc notre propre espérance. 


Oui Dieu vient nous visiter…

À chaque fois que la Parole prend chair en nous, qu’elle fait en nous sa demeure, l’assomption prend sens, quand nous tressaillons, à la suite du Baptiste, de la joie du don de Dieu qui veut nous habiter.(5)

Le rêve de Dieu devient notre danse… 


« Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! »


Le mystère de l’assomption c’est que Dieu veut habiter TOUT homme. 


Le mystère c’est que Dieu souhaite prendre chair EN nous et que sa victoire sur la mort ne viendra que lorsque nous serons un, femmes et hommes, dans la contemplation du Verbe de Dieu, de cette Parole qui prend chair dans notre chair, nous transforme… 


Il y a peut-être ensuite un parallèle théologique à faire entre Philippiens 2 (et notamment le « c’est pourquoi » du verset 9 qui souligne que Jésus est relevé car il s’est vidé de lui même) et le dogme de l’assomption. Au delà du chemin intérieur de Marie, à rapprocher peut-être de la conversion même du Christ dont parle Sesboué dans sa « pédagogie du Christ (7), le chemin intérieur de Marie est aussi marqué par une forme de kénose. Or ce dessaisissement de soi qui s’exprime notamment dans son fiat, si bien traduit par Fra angelico, peut justifier que l’Église ai souhaité lui donner une place particulière que la tradition a cristallisé dans un dogme. Sans valider les excès d’une mariolatrie excessive si bien dénoncée par Congar(6), on peut néanmoins s’interroger sur la distance qui demeure entre le chemin vectoriel (c’est-à-dire qui nous pousse à grandir et kénotique de la vierge Marie et notre propre chemin et en tirer une forme d’interpellation, d’humilité à défaut d’une vénération…


Il y enfin un thème que l’on peut également contempler dans le « en Christo » paulinien(6), c’est finalement la danse mariale particulière de celle qui a été habitée par le Verbe et est donc devenue contenant de l’insaisissable, ce qui pour reprendre la théologie de Karl Rahner donne à la vierge, un autre chemin vectoriel pour nos eucharisties et fait résonner nos tressaillements intérieurs avec ceux de toutes les mères à commencer par Elisabeth.(7)

Être en Christ et recevoir en soi celui qui nous invite à faire Corps…


(1) Lucien Legrand, in L’annonce à Marie, p. 99ss, Lectio Divina n° 106, Cerf, 1981

(2) au sens de l’ « en christo » souligné par Hans Urs von Balthasar dans sa Dramatique 

(3) voir mes écrits divers sur le thème du tressaillement et notamment mon roman « le vieil homme et la brise »

(6) Sesboué y soutient que le Christ n’a qu’une conscience progressive de son rôle, une idée que j’ai toujours trouvée intéressante pour percevoir l’interaction entre humanité et divinité

(7) je pense notamment à son deuxième tome du journal du concile

(6) cf. note 5

(7) J’ai longuement développé ce point dans « danse trinitaire » puis dans « A genoux devant l’homme »

12 août 2021

Un dixième pas de danse ?

Alors que nous nous préparons à fêter le 15/8, il y a peut-être deux premiers fils rouges à trouver : 

1. Le premier est probablement à percevoir entre nos lectures récentes du livre d’Osée dans la liturgie et la place particulière que donne ce prophète aux « entrailles » de Dieu (cf. Osée 11) et à cette sollicitude maternelle de Dieu, reprise dans la première lecture du 15/8 dans l’apocalypse où l’on voit Dieu conduire au désert et prendre soin de la femme « en lui réservant une place particulière », qui n’est pas non plus sans faire écho à Osée 2 et cette fiancée conduite  « à nouveau » au désert (1). C’est toute la sollicitude de Dieu qui est ici évoquée par Jean… entre les lignes. 


2. Dans la même trame, un deuxième fil est à trouver dans les nombreuses allusions à l’arche d’alliance, que l’on retrouve en lisant en mode cursif les lectures de cette semaine et celle de samedi soir et l’apocalypse dimanche, on conçoit le lien particulier entre l’arche d’alliance et Marie présentée là aussi par Jean comme nouvelle arche d’alliance. 


Ces deux fils rouges sont peut-être ce que nous avons à contempler pour aborder l’histoire même de Marie. 

Au regard de la tente de la rencontre (cf. notamment Ex 33-34) et toute l’histoire de l’arche d’alliance et du saint des saints qui abritait Dieu… (2) Marie apparaît soudain à nos yeux comme ce réceptacle de chair particulier, choisi par Dieu pour être le signe de l’amour divin…


Mais le désir d’un « Dieu qui vient à l’homme »(3) avait besoin d’une réponse et cette réponse est celle fragile, si bien illustrée par Fra angelico d’une jeune fille surprise par cette sollicitude et qui ose répondre oui mais mieux encore « fiat » sur le bout des lèvres dans le creuset d’un village perdu de Nazareth.


Il faut mettre peut-être ici aussi en perspective cet « où es-tu ? » de Dieu lancé à Adam ET Ève dans le jardin (4) pour contempler que c’est une petite bergère de Nazareth qui a répondu la première et totalement à cet appel de Dieu.


Le chemin de Marie ne sera pas un long fleuve tranquille. Avant peut-être de vénérer celle qui a dit oui, il nous faut contempler dans le silence ce chemin.


Que célébrons nous aujourd’hui finalement ?

Plus que l’assomption de la vierge Marie, c’est l’ensemble du mystère de la venue du Christ sur terre qui est à contempler.

Marie est l’écrin fragile de notre salut.

Mais qui est-elle véritablement ? Entre la jeune fille fragile que nous idéalisons et la femme-disciple que nous présente Jean à Cana, il existe une tension à maintenir.

Marie n’a pas été dès le début nimbée de lumière et de grâce mais a suivi un sentier qui nous interpelle. 

Marie est en effet au cœur de notre humanité celle qui répond probablement le mieux à l’appel de Dieu, celle qui comprend EN sa chair toute humaine, l’enjeu de la venue du Christ, marche à sa suite et répond à cet appel originel de Dieu(Gn 3,5), évoquée plus tôt. Elle devient en cela chemin pour nous. 

Ce que nous font découvrir les textes de ce dimanche n’est-il pas finalement que, dans le mystère de cette naissance, de cette femme habitée par la grâce divine, bouleversée par la venue du Christ EN son humanité (5) et dans le jusqu’au bout de son Amour, c’est la vocation de tout baptisé qui est surtout à contempler.

Dans la liturgie de la veille au soir du 15 août l’évangile interpelle notre propre manière de recevoir le Christ : L’Évangile de Luc ( 11, 28) insiste même dans le sens de tout ceux qui comme moi souvent rejette une idéalisation excessive. Relisons bien ce texte qui surprend la veille du 15/8 :

« En ce temps-là, comme Jésus était en train de parler, une femme éleva la voix au milieu de la foule pour lui dire : « Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri ! »

 Jésus déclare alors : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » Ces propos sont choquants a priori. 


Jésus « n’efface » pas sa mère mais insiste bien sur ce basculement entre la figure mariale et l’appel renouvelé à notre vocation. 


L’assomption n’est pas seulement en effet la fête de Marie. 

Elle ouvre une espérance particulière pour l’humanité que le magnificat vient amplifier, en faisant vibrer à nouveau l’espérance du peuple de Dieu, de tout ce que portait l’AT. 


« Mon âme exulte le Seigneur car ce dernier disperse les superbes et vient élever les humbles, combler de biens les affamés, renvoyer les riches les mains vides, relever Israël son serviteur ». 


Le cri de Marie est notre joie : « Dieu se souvient de son amour ».


Dans le tressaillement d’Elisabeth que nous donne à contempler Luc se retrouve à sa manière cette espérance du peuple en marche et donc notre propre espérance. 


Oui Dieu vient nous visiter…

À chaque fois que la Parole prend chair en nous, qu’elle fait en nous sa demeure, l’assomption prend sens, quand nous tressaillons, à la suite du Baptiste, de la joie du don de Dieu qui veut nous habiter.(6)

Le rêve de Dieu devient notre danse… 


« Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! »


Le mystère de l’assomption c’est que Dieu veut habiter TOUT homme. 


Le mystère c’est que Dieu souhaite prendre chair EN nous et que sa victoire sur la mort ne viendra que lorsque nous serons un, femmes et hommes, dans la contemplation du Verbe de Dieu, de cette Parole qui prend chair dans notre chair, nous transforme… 


Il y a peut-être ensuite un parallèle théologique à faire entre Philippiens 2 (et notamment le « c’est pourquoi » du verset 9 qui souligne que Jésus est relevé car il s’est vidé de lui même) et le dogme de l’assomption. Au delà du chemin intérieur de Marie, à rapprocher peut-être de la conversion même du Christ dont parle Sesboué dans sa « pédagogie du Christ (7), le chemin intérieur de Marie est aussi marqué par une forme de kénose. Or ce dessaisissement de soi qui s’exprime notamment dans son fiat, si bien traduit par Fra angelico, peut justifier que l’Église ai souhaité lui donner une place particulière que la tradition a cristallisé dans un dogme. Sans valider les excès d’une mariolatrie excessive si bien dénoncée par Congar(8), on peut néanmoins s’interroger sur la distance qui demeure entre le chemin vectoriel (c’est-à-dire qui nous pousse à grandir (cf. 7) et kénotique de la vierge Marie et notre propre chemin et en tirer une forme d’interpellation, d’humilité à défaut d’une vénération…


Il y enfin un thème que l’on peut également contempler dans le « en Christo » paulinien(9), c’est finalement la danse mariale particulière de celle qui a été habitée par le Verbe et est donc devenue contenant de l’insaisissable, ce qui pour reprendre la théologie de Karl Rahner donne à la vierge, un autre chemin vectoriel pour nos eucharisties et fait résonner nos tressaillements intérieurs avec ceux de toutes les mères à commencer par Elisabeth.(10)

Être en Christ et recevoir en soi celui qui nous invite à faire Corps…


(1) voir mon essai « Pédagogie divine »

(2) voir mes billets précédents (danses 4 à 9)

(3) pour reprendre et évoquer la somme de Joseph Moingt

(5) au sens de l’ « en christo » souligné par Hans Urs von Balthasar dans sa Dramatique 

(6) voir mes écrits divers sur le thème du tressaillement et notamment mon roman « le vieil homme et la brise »

(7) Sesboué y soutient que le Christ n’a qu’une conscience progressive de son rôle, une idée que j’ai toujours trouvée intéressante pour percevoir l’interaction entre humanité et divinité

(8) je pense notamment à son deuxième tome du journal du concile

(9) cf. note 5

(10) J’ai longuement développé ce point dans « danse trinitaire » puis dans « A genoux devant l’homme »

18 décembre 2019

Au fil de Matthieu 1 - « Dieu-avec-nous »- suite 3

Au fil de Matthieu 1 - « Dieu-avec-nous »- suite 3

En complément du corrigé

« Nous voici conviés à entrer dans l'intimité d'un couple : Marie et Joseph. Alors qu'ils étaient promis l'un à l'autre, leurs projets prennent une autre tournure. Je prends le temps de contempler Marie, sa grossesse surprenante et sa manière d'accueillir tout cela avec confiance. Comment peut-elle m'inspirer dans les situations que je ne maîtrise pas dans ma vie ?
 
Après avoir contemplé Marie, je tourne les yeux vers Joseph. Quelle aventure intérieure pour lui aussi ! Sa décision n'a pas été facile à prendre. Il est même prêt à laisser sa place à un autre car il veut être juste avec Marie et ne pas prendre un rôle qui ne semble pas pour lui. J'imagine ce qui se passe en lui, ses questions, ses déceptions et ses espérances.
 
Comme pour Marie, Joseph a besoin d'une annonciation pour entrer dans le mystère de ce qui vient d'arriver. Ce sont presque les mêmes mots que ceux adressés Marie. Pour Joseph, ce sera durant son sommeil, un moment de "lâcher-prise" pour mieux entendre le message de l'ange. Et moi, comment puis-je me mettre à l'écoute des événements et des anges de ce jour ?  (1)

Donne nous Seigneur cette docilité et cette confiance.

Source : Prie en chemin, une application à découvrir et consommer sans modération
https://prieenchemin.org/p/o/2691



15 août 2019

Constitution apostolique sur l’Assomption de 1950

En guise de corrigé sur mes essais d'homélie sur l'assomption, le texte de la Constitution apostolique sur l'Assomption de 1950 montre comment cette méditation sur la place de la Vierge a évolué dans l'Église : « Les Pères de l'Église et les grands docteurs, dans les homélies et les discours qu'ils ont adressés au peuple pour la fête de l'Assomption, en ont parlé comme d'une vérité déjà connue et admise par les fidèles. Ils l'ont expliquée plus clairement, ils en ont approfondi la signification et la portée. Surtout, ils ont mieux mis en lumière ce que les textes liturgiques n'avaient que brièvement indiqué : cette fête ne rappelle pas seulement que le corps inanimé de la Vierge Marie n'a subi aucune corruption, mais aussi qu'elle a triomphé de la mort et qu'elle a été glorifiée dans le ciel, à l'exemple de son Fils unique Jésus Christ.

Ainsi saint Jean Damascène, qui est le plus remarquable prédicateur de cette vérité traditionnelle, compare l'Assomption corporelle de la Mère de Dieu à ses autres dons et privilèges ; il déclare éloquemment : « Elle qui avait gardé sa virginité intacte dans l'enfantement, il fallait qu'elle garde son corps, même après la mort, exempt de toute corruption. Elle qui avait porté le Créateur dans son sein comme son enfant, il fallait qu'elle aille faire son séjour dans la lumière divine. Cette épouse que le Père s'était unie, il fallait qu'elle habite la chambre nuptiale.

Elle qui avait contemplé son Fils cloué à la croix et qui avait reçu dans son cœur le glaive de douleur qui lui avait été épargné dans l'enfantement, il fallait qu'elle le contemple trônant avec le Père. Il fallait que la Mère de Dieu possède ce qui appartenait à son Fils, et qu'elle soit honorée par toutes les créatures comme la Mère de Dieu et sa servante. » (...)

Pour saint Germain de Constantinople, si le corps de la Vierge Mère de Dieu avait été préservé de la corruption et transféré au ciel, cela ne s'accordait pas seulement à sa maternité divine, mais encore à la sainteté particulière de son corps virginal. « Selon l'Écriture, dit-il, tu apparais dans la beauté ; ton corps virginal est tout entier chaste et saint ; il est tout entier la demeure de Dieu. Aussi doit-il, par la suite, être totalement affranchi du retour à la poussière. Mais, parce qu'il est humain, il doit être transformé pour accéder à la vie sublime de l'incorruptibilité. Toutefois, c'est le même corps qui est vivant, souverainement glorieux, intact et doté d'une vie parfaite. »

Un autre écrivain très ancien avait affirmé : « Puisqu'elle est la Mère très glorieuse du Christ, notre divin Sauveur, lui qui donne la vie et l'immortalité, elle est vivifiée par lui, elle partage pour l'éternité l'incorruptibilité de son corps. Il l'a fait sortir du tombeau et l'a élevée auprès de lui, d'une manière connue de lui seul. » (...)

Tous ces raisonnements et ces considérations des Pères s'appuient sur la Sainte Écriture comme sur leur ultime fondement. Celle-ci met en quelque sorte devant nos yeux la Mère de Dieu comme intimement unie à son Fils divin partageant toujours sa destinée. (...)

Il faut surtout se rappeler que, dès le deuxième siècle, les Pères nous présentent la Vierge Marie comme la nouvelle Ève, soumise au nouvel Adam, mais très étroitement unie à lui dans le combat contre l'ennemi infernal. Ce combat, tel qu'il est prédit dans le Protévangile (Gn 3, 15), devait aboutir à la victoire totale sur le péché et sur la mort, qui sont toujours rattachés l'un à l'autre dans les écrits de saint Paul. Par conséquent, puisque la résurrection glorieuse du Christ fut l'acte essentiel et le trophée ultime de cette victoire, le combat livré par la Vierge Marie et son Fils devait trouver sa conclusion dans la glorification de son corps virginal. Comme dit encore l'Apôtre : Lorsque ce qui est mortel en nous revêtira l'immortalité, alors se réalisera la parole de l'Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire.

Ainsi la Mère de Dieu, unie à Jésus Christ d'une manière mystérieuse, « dans un seul et même décret » de prédestination, immaculée dans sa conception, parfaitement vierge dans sa maternité divine, généreuse collaboratrice du Rédempteur, a remporté un triomphe total sur le péché et ses conséquences. Pour finir, elle a obtenu, comme couronnement suprême de ses privilèges, d'être préservée de la corruption du tombeau. À la suite de son Fils, après avoir vaincu la mort, elle a obtenu d'être élevée, corps et âme, à la gloire suprême du ciel, pour y resplendir, en qualité de Reine, à la droite de son Fils, le Roi immortel des siècles.(1)

(1) Pie XII, Constitution apostolique sur l'Assomption de 1950, source AELF.


25 mars 2019

Au fil de Luc 1,26-38. - Annonciation


« L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c'est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu (...) rien n'est impossible à Dieu. »
Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m'advienne selon ta parole. » Alors l'ange la quitta. (Luc 1, 36-38)

Nous sommes encore loin de cette confiance de Marie. Elle est chemin, miroir de la grâce qui vient l'habiter et la portera jusqu'à la Croix.



Je vous salue, comblée de grâce, le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus votre enfant est béni. 



29 décembre 2018

Au fil de Luc 2 - Homélie sur la sainte famille

Homélie sur la sainte famille
Où est votre trésor ?
La réponse pourrait être matérielle, elle peut-être de citer votre conjoint, vos enfants ou petits-enfants et vous n’auriez pas vraiment tort en le disant, mais l’Ecriture nous invite un pas plus loin. Un grand pas…. Car notre trésor à tous est ailleurs, il repose au fond de nos cœurs. Le trésor, c'est la présence de Dieu qui veut demeurer en nous (2e lecture). C’est le don le plus intime et le plus intérieur. C’est ce qu’a compris Marie. Pourtant, comme nous, elle a pris du temps…
Je vous propose de contempler cela avant de méditer sur ce que cela nous dit, pour nous...

  1. Contemplation
Prenons de la distance et contemplons Marie, la première en chemin. Le mystère de Marie Vierge et mère se contemple toujours dans la dynamique des textes de Luc.
Depuis la visite de l’ange, elle ne fait que se confronter à l’inattendu de Dieu. Très vite pourtant elle passe du ravissement au déchirement. Elle a porté en elle un trésor. Elle l’a maintenant mis au monde, et voilà déjà que Jésus lui échappe. La liturgie de l’octave de Noël (c’est à dire les ! Jours qui suivent le 25) nous permettent de contempler samedi 29/12 la présentation au Temple; À cette occasion, si vous vous souvenez du texte, c’est l’annonce par le vieux Siméon d’un glaive dans le cœur de Marie.
Nous savons par Jean, combien son chemin sera douleur. Triste réalité maternelle ?

Oui et non… car entre Marie dans les premières pages de l’Evangile de Luc et celle que nous découvrons à Cana chez l'Évangéliste Jean, où la Vierge demande à son Fils d’agir c’est fait un basculement. Elle s’est fait don.
Marie nous montre comment la parole prend chair en elle, l'émerveille et l'a fait aller là où elle ne veut pas aller.

Qu’est-ce à dire pour nous ? On croit que nos enfants nous appartiennent et ils nous échappent bien vite, car ils ne sont pas à nous, mais dons de Dieu. On croit pouvoir porter et retenir le don de Dieu et voilà qu’il s’éloigne, grandit, nous surprend et devient plus grand que nous.
Ce Verbe qui s’est fait chair en nous doit porter du fruit.
La mise en résonance de la première lecture peut accroître encore notre contemplation. Anne, la mère de Samuel a compris que ce qui lui est donné est pour le Seigneur. Marie, le sent, elle aussi au fond d’elle-même, dans cet épisode du Temple.

Ce que nous recevons nous fait grandir et appelle au don.

2. Méditation
Il y a, à ce sujet, dans la 2eme lecture et l’Évangile un mot en commun : garder.
  1. Garder les commandements de Dieu
  2. « Marie gardait tout cela dans son cœur »
Qu’est ce à dire ?
Même si les deux mots grecs d’origine sont différents, il me semble que cette notion peut-être source de méditation pour aller plus loin.
Garder la Parole de Dieu au fond de son cœur ne consiste pas à l’enfouir pour le cacher, comme on le ferait d’un magot. Bien au contraire, « il s’agit de Le saisir et de se laisser saisir » par Dieu (cf. Ph. 3), de le contempler ET se laisser déranger par lui.

La Parole n’est pas là pour être oubliée, mais bien pour nous creuser en nous de l'intérieur. Elle est tranchante et exigeante cette Parole.

Ce que Marie voulait garder pour elle lui échappe déjà. L’enfant Jésus n’est déjà plus sous la coupe maternelle. Il est déjà emplit du Verbe. En lui brûle Dieu en actes et il est prêt à discuter avec des docteurs de la loi.

Que faisons-nous de la Parole ? Le plus facile est de l’oublier, de la laisser à la porte de l’église en sortant, comme la feuille de messe qui la contient d’ailleurs. Si nous ne nous laissons pas travailler par l'Écriture disait un grand théologien (1) c’est parce qu’elle est trop exigeante. Notre erreur, notre tentation c’est de ne pas l’entendre, de la laisser de côté.

« La Parole exige l'amour de Dieu et du prochain » (1) et donc une cohérence.
Elle est le cri tout intérieur qui se fait écho du cri du prochain. Si Dieu pose sur nous son regard c’est pour que nous ne soyons pas indifférent à l’irruption du « visage d'autrui qui nous appelle » (2).

Le risque est de l'ignorer, de l’écouter sans l’entendre. Notre trésor ne doit pas rester enfoui.

A nous de percevoir, à notre tour, que ce qui nous est donné, notre trésor, vient de Dieu et loin d’être mis sous le boisseau, il doit être redonné à son tour.
Notre mission est de passer de la réception au don le plus total...

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 196-7
(2) Emmanuel Lévinas, cf. Autrement qu’être

Base pour une homélie à Vert en Drouais le 30/12/18





10 octobre 2018

A la suite de Marie - l’amour est en toi 19

« Marie est l'archétype de l'Église, parce qu'elle est originellement les deux choses en même temps : lieu de l'habitation réelle et corporelle du Verbe jusqu'à l'intimité de l'unique chair de la mère et de l'enfant, mais ceci [à] partir de la condition spirituelle de servante de toute sa personne corporelle et psychique (...) parce qu'elle est vierge, c'est à dire auditrice exclusive de la Parole, elle devient mère, lieu de l'incarnation du Verbe (...) toute contemplation doit prendre Marie comme modèle pour se prémunir d'un double danger : considérer la Parole comme quelque chose d'extérieur, au lieu de la considérer comme le plus profond mystère au centre de nous-mêmes, comme ce en quoi nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes. Et considérer la Parole comme une parole si intérieure que nous la confondons finalement avec notre propre être, avec une sagesse disponible à notre gré et nous ayant été donnée en partage une fois pour toutes » (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, Parole et Silence, 2002, 2018, p. 23

15 août 2017

De tressaillement en tressaillement - Assomption

Comment contempler le travail de Dieu en notre chair, sans contempler l'oeuvre de Dieu en Marie, depuis la visite de l'ange, la joie d'être avec sa cousine, jusqu'à la triple souffrance de l'enfantement,  de la Passion et de la mort du Fils. 
Ce que Marie a vécu dans sa chair préfigure des déplacements qui nous attendent jusqu'à l'espérance de la résurrection. 
En cela, Marie est mère de l'Église.
Si Dieu a habité et traversé sa chair dans la douleur,  c'est pour ouvrir en nous le sillon du Verbe.

06 septembre 2016

Un Fiat qui résume tout - Caussade

Ce fiat marial qui "résume tout". "Il n'y a qu'à recevoir et à laisser faire"(1). C'est la pure foi, nue, dépouillée, qui ne veut pas disposer d'elle même, qui ne veut rien savoir ; qui est (...) l'unité indissoluble de la foi, de l'espérance et de la charité". Une espérance qui se fonde, poursuit Caussade, "sur les trésors de la miséricorde infinie de Jésus-Christ".
On entend presque en écho le Magnificat de Luc : "Il s'est penché sur son humble servante (...) il a fait pour moi des merveilles"‎.

Caussade insiste sur la contemplation de "l'instant", de l'aujourd'hui ‎qui "contient l'unique nécessaire", comme cette manne du désert qui éduque l'homme à la confiance en son Dieu. Il nous invite à suivre Jésus "sans savoir où conduit le chemin"(2), à s'aventurer dans "la mer immense de la volonté de Dieu" (3).


Ce chemin n'est pas sans angoisse, ennuis et désespoirs sans le sentiment d'avoir perdu Dieu, qu'il n'est plus là qu'il ne répond plus. L'expérience des ténèbres qui est aussi celui de la Vierge, reste habitée, autant possible par le sentiment d'une présence, tout en passant aussi parfois par cette déréliction qui ‎marque tout chemin du désert. Au lieu de céder aux murmures et à la tentation, il nous appartient de tenir car il est toujours là... Un jour viendra "le festin, la fête perpétuelle (...) un Dieu toujours donné toujours reçu (...) une communion de tous les instants, une sorte de sacrement (...) où tout devient pain pour me nourrir.

(1) Gc7 p. 183
(2) Ibid.
(3) p. 184.




31 août 2016

Vivre en Christ - Bérulle et Charles de Condren

Les deux oratoriens Bérulle et Charles de Condren vont plus loin que Ruysbroeck et Eckhart sur le chemin de l'in Christo nous précise Balthasar. Leur démarche éloigne ainsi tout risque de dérive vers le platonisme. Leur contemplation est plus centrée sur la médiation du Christ(1) . Il en découle une vie "plus incorporée en Christ" (2) mais aussi un retour à la contemplation de Marie, qui avait introduit notre recherche. C'est dans la contemplation de son chemin intérieur face à Jésus enfant jusqu'à la Croix que nous pouvons saisir le rôle de la Vierge. 
 Elle est chemin parce qu'elle a traversé tout cela jusqu'à l'instant final. C'est le stabat mater qui est voie pour nous dans l'épreuve et fait d'elle une intermédiaire de poids sur nos chemins d'homme.



(1) GC7 p. 175‎.
(2) p. 176


13 mars 2016

Maternité mariale

A la suite de Grégoire de Nysse et Diadoque de Photicé, Balthasar contemple la grossesse mariale, cette "sensation corporelle d'une présence", comme "une imitation du mystère  trinitaire au sein de l'économie" divine, mais aussi comme la première et plus étroite imitation du "mystère des deux natures dans l'unique Personne". Marie doit s'ouvrir par la foi en une expérience qui est elle-même et l'autre, ce "germe" du Verbe qui paraît "d'abord croître dans le je maternel, jusqu'à ce qu'il apparaisse, par la croissance elle-même, que c'est l'inverse et que ce je est contenu dans le Verbe de Dieu" (1)

On peut à sa suite contempler dans le récit de la visitation l'enjeu de ce tressaillement de Jean à la rencontre du Verbe jusqu'à percevoir en quoi le don de Dieu dans l'incarnation nous introduit à notre tour dans l'économie divine et nous fait jaillir hors d'un je qui s'enroule sur lui-même pour entrer dans la danse de Dieu.(2)

Balthasar poursuit en contemplant la kénose virginale jusqu'à ce renoncement de plus en plus déchirant "en faveur de ‎l'Église, à tout ce qui intéresse sa vie personnelle [pour] demeurer finalement, tel un arbre depouillé, la foi nue" (3) et le coeur transpercé d'un glaive.

En contemplant cela, jailit en nous ce qui constitue l'essence de notre dévotion mariale, la prise de conscience qu'elle a ouvert pour nous le chemin d'une kénose à laquelle nous sommes à notre tour convié.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 286
(2) voir In Utero, le roman initial, à paraître chez Createspace / Amazon.
(3) Balthasar, ibid p. 287-288


12 janvier 2016

Miséricorde

Dans une trilogie à paraître sur "l'humilité et la miséricorde", je cherche à mettre en tension ces deux concepts et leurs qualités théologales‎. Chez Adrienne von Speyr qui, après Madeleine Delbrêl et Jacques Loew m'ont accompagné pendant un temps sur ce chemin, je trouve en conclusion cette contemplation d'A. von Speyr qui donne à penser : "La miséricorde de Dieu et son amour sont plus grands que sa volonté de châtiment. (...) Dieu a accordé à la mort le caractère de la confession, en faisant de la mort, conjointement avec le purgatoire une purification. Mais ce n'est pas encore assez ; il permit que sa Mère fut reçue dans le ciel avec son corps, (...) afin que le mourant acquiert la certitude que l'amour est plus fort que la mort (...) la mort est anéantie dans la vie éternelle. (1)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, op. Cit p. 124


22 août 2015

Marie, chemin d'humilité


Je continue ma méditation matinale en lisant ce texte proposé d'Isaïe 37 :
"Voici la parole que Yahweh a prononcée contre lui : Elle te méprise, elle se moque de toi, la vierge, fille de Sion ; elle branle la tête derrière toi, la fille de Jérusalem ! (...) Parce que tu es furieux contre moi, et que ton arrogance est montée à mes oreilles, je mettrai mon anneau dans ta narine et mon mors à tes lèvres, et je te ferai retourner par le chemin par lequel tu es venu. (...) Et ceci sera un signe pour toi : On mangera cette année le produit du grain tombé; la seconde année, on mangera ce qui croit de soi-même; mais la troisième année, vous sèmerez et moissonnerez, vous planterez des vignes et vous en mangerez le fruit.  Car de Jérusalem il sortira un reste, et de la montagne de Sion des réchappés. Voilà ce que fera le zèle de Yahweh."
Le reste, un thème qui traverse la Bible, depuis 1 Rois 19 où Élie découvre qu'il n'est pas seul (2), jusqu'à ce rameau de Jessé évoqué plus haut.
Elle se moque de ton arrogance,  la vierge de Sion. Son "fiat" est foi inconditionnelle, "Me voici !" en réponse à l'éternel "où es-tu ?" de Dieu dans le jardin du monde (cf. Gn 3).
Elle est chemin d'humilité et n'ouvre la voix qu'à Cana pour dénoncer la soif du monde.
Figure à contempler donc, pour l'arrogant que je suis, sensible d'ailleurs à cette réflexion de saint Jean Chrysostome : " Pour que tu apprennes combien il est bon de ne pas avoir une haute idée de soi-même, représente-toi deux chars. Attelle à l'un la vertu et l'orgueil, à l'autre le péché et l'humilité. Tu verras l'attelage du péché devancer celui de la vertu, non certes par sa propre puissance, mais par la force de l'humilité qui l'accompagne, et tu verras l'autre dépassé non à cause de la faiblesse de la vertu, mais à cause du poids et de l'énormité de l'orgueil." (3)
(1) Isaïe 37:22, 29-30, 32 BCC1923
(2) cf. la thèse de François Varone, Ce Dieu sensé aimer la souffrance. "Il en reste 7000" que je reprends in Chemins d'Evangile, p. 641
(3) Sur l'incompréhensibilité de Dieu, 5, 6-7 ; PG 48, 745 (trad. Orval rev.), source AELF

Marie, temple du Christ

On ne peut pas dire que je suis atteint d'une grande piété mariale au sens de la tradition populaire. Un manque d'humilité probablement... Et pourtant, la figure de Marie me travaille, non comme médiation (il n'y a qu'un seul médiateur, le Christ !), mais comme chemin. C'est probablement l'humilité de la femme qui me touche, dans la contemplation de cette vierge que l'on trouve peinte par Fra Angelico au fond d'une cellule d'un couvent de Florence. Elle se penche en avant, comme depassée par l'ampleur de ce qu'on lui demande : être temple du Christ.

N'est ce pas, à sa suite, que l'on peut tressaillir à l'idée que bien qu'indigne, nous pouvons être appelé petit temple du Christ dans l'eucharistie ?

Je découvre ce matin dans l'office de mâtines, ce bel hymne qui rend hommage au premier temple de la nouvelle alliance :

Femme voulue par Dieu 
Comme une œuvre parfaite 
En qui reposerait
Le don de son Amour,
Tu exultes de joie
Aux promesses de vie : 
Les pauvres en ton enfant 
Seront peuple de prêtres, 
Fils du Très-Haut.

Femme comblée par Dieu 
De sagesse et de grâce 
Pour être parmi nous Reflet de sa bonté, 
Tu révèles Celui Qui étanche la soif : 
Le Christ a fait pour toi 
Couler en abondance 
Un vin nouveau.

Femme guidée par Dieu 
Au désert de l'épreuve 
Où manque à notre espoir 
La force d'un appui, 
Tu nous vois chancelants 
Sous le poids de la croix : 
Ta foi inébranlée 
Soutient notre faiblesse 
Et nous conduit.

Femme donnée par Dieu 
À l'Église naissante 
Qui brûle d'accueillir 
Le souffle de l'Esprit, 
Ton silence nous offre 
Un espace de paix : 
En toi nous écoutons 
La source qui murmure 
Au fond des cœurs.

Femme vêtue par Dieu 
D'un manteau de lumière, 
Quand l'ombre de la mort 
S'étend sur l'univers, 
Tu éclaires la voie 
Du Royaume des cieux : 
Servante du Seigneur, 
Tu règnes dans la gloire 
Avec ton Fils. (1)

À cette lumière les propos de Jean-Paul II nous donne à penser : Celui qui se nourrit du Christ dans l'eucharistie n'a pas besoin d'attendre l'au-delà pour recevoir la vie éternelle : il la possède déjà sur terre, comme prémices de la plénitude à venir" (2). Que dire de celle qui portait le Christ en son sein,  habitée de Dieu,  mère de Dieu,  disait même les pères de l'Église. 
À sa suite, contemplons ce qu'il ajoute : "L'eucharistie est vraiment un coin du ciel qui s'ouvre sur la terre. C'est un rayon de la gloire de la Jérusalem céleste, qui traverse les nuages de notre histoire et qui illumine notre chemin." (3)

(1) Source : Bréviaire,  AELF,  office des lectures du 22/8/15
(2) Saint Jean-Paul II (1920-2005), Encyclique « Ecclesia de Eucharistia », 18-19 (trad. © copyright Libreria Editrice Vaticana)
(3) ibid.

16 décembre 2014

La face du Père, Adrienne von Speyr - 2 - Marie et la kénose du Père.

On contemple souvent Marie sous l'angle de l'humanité et nous émerveillons non sans fondement sur son "Fiat" ("qu'il me soit fait selon sa parole")
Je trouve dans "La face du Père" d'Adrienne von Speyr un autre point de vue complémentaire,  celui du Père, qui en confiant son Fils au sein d'une Vierge, amorce le mouvement même de la kénose (1).
Quel pari fou sur l'homme. N'est-on pas déjà dans le mouvement même de l'abandon et de l'agenouillement de Dieu.
Cette contemplation n'est pas sans rejoindre ce que j'ai écrit,  à la suite d'Emmanuel Durand (2) sur la Danse Trinitaire (3). Elle entre en résonance avec ce qu'écrivait Hans Urs von Balthasar sur la kénose du Père  : "Il a tout donné"

(1) La face du Père, Editions Lethielleux, 1984, p. 56
(2) La circumincession des personnes divines, Cerf.
(3) repris in A genoux devant l'homme

26 septembre 2007

Mon âme magnifie le Seigneur

Pourquoi Marie dit-elle: Mon âme magnifie le Seigneur? Considérant que mon Seigneur et Sauveur est l’image du Dieu invisible (Col 1, 15), je peux voir que mon âme a été faite à l'image du Créateur, afin d'être une image de l'Image, car mon âme n'est pas l'image de Dieu, à proprement parler, mais elle a été créée à la ressemblance de la première Image.

Alors je verrai qu'à la manière de ces peintres d'effigies qui ne disposent que d'un unique portrait royal et dont tout l'art réside dans la reproduction de ce modèle, chacun de nous, façonnant son âme à la ressemblance du Christ en propose une image plus grande ou plus petite, terne et laide ou au contraire nette, lumineuse, fidèle au portrait original.

Et si j'agrandis l'image de l'Image - c'est-à-dire mon âme - et si je la magnifie par mes actes, mes pensées, mes paroles, alors l'image de Dieu s'agrandit à son tour et notre âme magnifie le Seigneur lui-même, dont elle est l'image. (1)

(1) Origène, Homélie sur Luc, PG 13, 1820

06 février 2007

Marie

Pour Balthasar, la mort commune de Jésus et de Marie (mort physique pour l'un et mort spirituelle pour l'autre) s'est faite "séparés l'un de l'autre mais c'est justement par là aussi que s'accomplit le mystère de la fécondité suprême de l'amour entre l'homme et la Femme, la prend naissance l'eucharistie et se développe le sein ecclésial qui la reçoit". En un sens, à la suite de Marie, nous ne pourrons vivre et souffrir ce qu'a vécu le Christ, mais notre communion est eucharistie...

Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action, Culture et Vérité, trad. Robert Givord et Camille Dumont, Namur 1990, p. 466

09 janvier 2007

Même notre oui est inutile

Est-ce que nous n'avons pas souvent la tentation de "chasser Dieu de la finitude", de refuser de "recevoir quoique ce soit de lui, afin de produire" par nous mêmes nos propres fruits" (1) Pour Balthasar cet orgueil est comme renversé depuis sa racine par la "sagesse immanente" qui était "le premier fruit de Dieu et qui dans la création a toujours accepté d'être fécondé par Dieu et la Parole" (1)

Nous voulons tout maîtriser, tout décider et marquer par nos oui notre participation à la vie... Mais, comme le souligne le théologien, au calvaire même, "le oui de Marie est inutile". C'est Dieu qui de toute démarche humaine devenue inutile. Du grain mort peut faire jaillir la vie. "Quand la Parole définitivement muette a pu faire de tout son corps la semence de vie de Dieu, l'incarnation s'est achevée

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.335

Balises : Kénose, Marie

08 janvier 2007

Kénose...

Balthasar nous parle alors de ce "Le silence où le Père lui-même se retire dans l'invisible." Ce silence rappelle celui de la création, où, de la même manière, "après avoir doué ses créatures de forces fécondantes, il s'était éloigné silencieusement, ne lui parlant plus qu'à travers leur langage propre...". Pour lui, le retrait du Père s'achève et s'accomplit avec la déréliction de la croix. Mais ce silence mortel est le moment imperceptible de la génération et de la naissance de l'homme nouveau en celle qui est le sein de l'Eglise et dans la pauvreté la plus absolue de la compassion. Ce mystère est aussi pour moi, celui de Marie, cette mère qui "souffre avec" est devient en cela l'image même de l'Eglise, impuissante et aimante, image véritable de l'amour même de Dieu.
Ne peut on dire aussi que c'est la mort que Jésus donne sacramentellement aux hommes et qu'il fait fructifier en vie dans le sein de l'Eglise. Une mort qui devient signe. Si le gain de blé ne meurt, il ne portera pas de fruits...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.333-5