27 août 2014

Les deux églises - 2

Le sujet reste complexe. Notre pape François s'est inquiété de la même façon sur ce thème :
"Dans quel sens l'Église est-elle sainte, quand on voit que l'Église historique, dans son chemin tout au long des siècles, a connu tant de difficultés, de problèmes, de périodes sombres ? Comment une Église constituée d'êtres humains, de pécheurs, peut-elle être sainte ? Une Église faite d'hommes pécheurs, de femmes pécheresses, de prêtres pécheurs, de religieuses pécheresses, d'évêques pécheurs, de cardinaux pécheurs, d'un pape pécheur ? Tous. Comment une telle Église peut-elle être sainte ?
      Pour répondre à cette question, je voudrais me laisser guider par un passage de la lettre de saint Paul aux chrétiens d'Éphèse. L'apôtre, en prenant comme exemple les relations familiales, affirme que « le Christ a aimé l'Église : il s'est livré pour elle, afin de la sanctifier » (5,25s). Le Christ a aimé l'Église, en se donnant tout entier sur la croix. Cela signifie que l'Église est sainte parce qu'elle procède de Dieu qui est saint. Il lui est fidèle ; il ne l'abandonne pas au pouvoir de la mort et du mal (Mt 16,18). Elle est sainte parce que Jésus Christ, le Saint de Dieu (Mc 1,24), est uni à elle de façon indissoluble (Mt 28,20). Elle est sainte parce qu'elle est guidée par l'Esprit Saint qui purifie, transforme, renouvelle. Elle n'est pas sainte du fait de nos mérites, mais parce que Dieu la rend sainte.*".

Je ne pense pas être loin, dans mon post précédent de cette conclusion.

* Audience générale du 02/10/2013 (trad.  © copyright Libreria Editrice Vaticana) ‎

23 août 2014

Les deux églises

Dans un compte rendu paroissial, j'ai osé un jour parler de l'Église pécheresse, un  concept que je tiens de J. Moltman et de H. Kung. Un ami diacre a eu la gentillesse de corriger mon texte et de parler d'hommes pécheurs.
Depuis cette idée me travaille. Je conçois que le terme peut choquer une brebis sans berger. Et pourtant le péché de l'institution en tant que corps constitué est possible, probablement par qu'il est le fruit de dérives et d'aveuglements personnels. Et je ne parle pas seulement de l'inquisition. De tristes histoires nous le rappelle encore dans l'actualité. En cela la demande de pardon de Jean-Paul II avait du sens.
En fait, je crois qu'on peut dire qu'il y a deux églises en parallèle, de même que se côtoient en nous le bien et le mal. J'ai visité à Zagreb en Croatie une église dans lequel une barque est traversée d'une marque blanche en son milieu en souvenir des guerres fratricides qui ont marqué ce peuple.
Ce qui compte n'est pas l'Église visible, mais cette Église invisible que Dieu seul connaît, nourrit, habite et fait grandir. Cette Église sainte est celle que constituent tout ce bien qui, en nous, vient de Dieu, corps du Christ en marche.
L'autre Eglise, la visible, est parfois aussi très belle. Et dans nos efforts pour la rendre plus catholique (universelle) et
"diaconale" c'est à dire au service de tous les hommes‎, nous parvenons doucement à faire converger les deux. Quand je dis nous, c'est un peu prétentieux. Disons plutôt que l'Esprit en nous y veille.
Parler de deux églises est néanmoins osé. Il serait peut être plus sage de reprendre le mot souvent utilisé dans ce blogue de tension.
Sur un thème voisin, p. 217 de ESE*, J. Moingt décrit à sa manière cette tension entre des communautés ecclésiales qui cherche à vivre une diaconie horizontale et une structure verticale nécessaire qui ordonne et rassemble. Mais dire cela, à ce stade serait aller trop loin. La réalité, c'est que les deux pôles sont nécessaires, un peu comme Marthe et Marie se complètent.

* J. Moingt op. Cit.
Photo : C.HD (DR) , Eglise de Saint Lubin de Cravant. Pas très droite, mais si fragile...


Sur le même thème : "Cette Église que je cherche à aimer."

21 août 2014

Présence réelle

Un thème nouveau apporté par J. Moingt dans son livre est l'invitation à faire "des célébrations domestiques" dans le cadre de communauté en absence de prêtre. Cette vision presque futuriste mais pas dénouée de bon sens conduit un de ses auditeurs à poser la question de la réalité d'une présence réelle dans un pain partagé dans ce cadre.
La réponse qui rejoint une discussion familiale récente un peu houleuse, m'inspire ce commentaire.
J. Moingt note, et je le rejoins là dessus que "C'est par la foi que nous recevons le corps du Christ dans le partage du pain.*"
Cela ne nie pas la présence réelle dans le pain eucharistique, mais évite pour moi d'y attacher une importance démesurée. Non que l'adoration eucharistique soit un mauvais moyen de faire oraison (je la pratique aussi), mais parce que nous oublions souvent qu'en partageant le pain, nous devenons "temple du Seigneur". Alors, la place de l'eucharistie est à la fois le sommet et le départ d'une responsabilité qui nous incombe, devenir le signe visible d'une réalité aimante et pourtant cachée, celle du Christ qui "par nos mains**" rayonne de son amour.
Si nous comprenons cela, la présence réelle ne peut suffire. L'enjeu est ailleurs, dans nos vies, dans nos manières d'exercer la diaconie.
Cela dit, Teilhard, dans un beau texte nommé "la Custode" nous invite à contempler cette indicible présence qui nous échappe. On croit la tenir, dit-il en substance, et pourtant, "elle nous échappe toujours". C'est une leçon d'humilité. Nous ne sommes qu'une pâle image de cette présence. En cela, l'eucharistie devient pour nous une nourriture à renouveler.  Elle pourrait être unique, mais reste pour nous une manne, tant nous sommes incapables souvent de conserver en "notre temple" ce don. En attendant cette eau qui comblera toute soif (cf. Jn 4)

* op. cit. p. 161
** Le "par nos mains" est discutable théologiquement. A-t-il besoin de nous ? Je pense que nous sommes invités à participer à sa révélation. Deux auteurs très différents que je cite de mémoire me font penser à cela :
1. Ignace d'Antioche dans sa lettre aux Romains : " Je suis le froment de Dieu"
2. Etty Hillesum : "Je vais t'aider à ne pas t'éteindre en moi. Une chose m'apparaît plus claire, ce n'est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t'aider, et ce faisant, nous nous aidons nous même." in, Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerbrock, Seuil 1995", p. 175

20 août 2014

Le processus d'émancipation de l'homme

Commentant ce qu'on appelle la sécularisation, c'est à dire cette désaffection de nos églises, J. Moingt cite Bonhoeffer en écrivant : "C'est peut être le plan de Dieu de vouloir que l'homme s'émancipe même à son égard.*"

Cette phrase et le passage qui suit souligne le lent processus qui depuis les Lumières conduit notre société à s'affranchir de la religion comme rite et autorité sur les coeurs. Ce qui m'intéresse dans l'approche de Moingt, c'est qu'il regarde tout cela d'un oeil positif, distinguant une religion qui nous met sous la coupe d'une autorité morale coercitive du mouvement intérieur qui cherche à faire de l'homme un être responsable de ses actes, libre devant Dieu.

Bien sûr, beaucoup trouverons qu'il y a là recul. Ce qui m'intéresse, c'est pourtant que cette liberté est un choix qui fait grandir. Déjà, dans le texte de lundi (Mat 19, 21), on lisait ce "Si tu veux" chez Matthieu, commenté ainsi par Clément d'Alexandrie : " Ce mot « si tu veux » montre admirablement la liberté du jeune homme ; il ne tient qu’à lui de choisir, il est maître de sa décision. Mais c’est Dieu qui donne, parce qu’il est le Seigneur. Il donne à tous ceux qui désirent et y emploient toute leur ardeur et prient, afin que le salut soit leur propre choix. Ennemi de la violence, Dieu ne contraint personne, mais il tend la grâce à ceux qui la cherchent, l’offre à ceux qui la demandent, ouvre à ceux qui frappent (Mt 7,7).**"

L'homme peut dépasser la morale imposée pour faire le choix de Jésus. Un choix que Lévinas décrit comme an-arche : avant tout commandement. Un choix qui est la réponse à l'appel de Dieu à tout homme, à cet "Où es tu ?" de Gn 3, posé au jardin après la chute.

Je suis là. Je réponds à ton amour par l'amour.

La vraie liberté est celle de l'homme qui devient écoutant et réponds ce "Me voici" ! non parce qu'on lui dit de répondre, mais parce qu'il a en lui un désir, qu'il est à l'écoute de ce que Blondel appelle la "crypte intérieure" ou de ce que Rahner appelle l'attention à l'autocommunication de Dieu.

Bien sûr, ce choix personnel a ses limites. Mais c'est le début d'un acte de foi qui permettra ensuite de prendre conscience que la Parole de Dieu mérite d'être partagée, vécu en communion et nourrie par l'eucharistie. En respectant la liberté de l'homme, on l'ouvre à la découverte d'une foi partagée.

* Joseph Moingt, L'évangile sauvera l'Eglise, op. cit. p. 131
** Source : http://levangileauquotidien.org/M/FR/

19 août 2014

Diaconie VII - Philanthropie de Dieu et diaconie de l'Église


Le message à porter au monde nous dit Moingt* est la "révélation de la philanthropie de Dieu ". Un message, précise-t-il qu'il faut plutôt mettre en "oeuvre et en image, en paraboles comme le faisait Jésus". N'est ce pas la encore un appel à la diaconie et au service.

Je citais dans mon post précédent un extrait des notes de Congar au Concile. On trouve plus loin, dans le même livre une phrase qui m'a aussi marqué : "Dieu m’a amené à la servir et à servir les hommes à partir de lui et pour lui, surtout par la voie des idées. J’ai été amené à une vie solitaire, très vouée à la parole et au papier. C’est ma part dans le plan d’amour. Mais je veux m’y engager aussi de cœur et de vie et que ce service d’idées lui même soit un service des hommes."

Servir l'humain... Quel que soit soit sa forme, sa visibilité, l'essentiel est peut être l'essentiel en ce qu'il rayonne à sa manière de la philanthropie de Dieu.

N'est-ce pas d'ailleurs ce que le monde retient de plus beau à travers les gestes désintéressés des Soeurs Téresa, Emmanuelle ou d'un abbé Pierre ou Ceyras comme d'un Jean Vannier. Si ce service de l'humain est le seul message qui passe, n'est-ce pas en sa manière d'être "à genoux devant l'homme".

Poursuivons avec Congar : "Quand on regarde vivre l'Église, (...) ce qu'elle est et porte en elle (...) Il y a là, de sa part, dans les formes mineures au moins de son sacerdoce, de son prophétisme, l'exercice d'une forme de royauté, non d'autorité et de puissance — elle ne l'a pas — mais d'influence et de service, qui répond à sa véritable situation par rapport au monde. Car on peut dire qu'elle en a la responsabilité (...)". Le dominicain cite à ce sujet précise que "l'Eglise a [notamment] dans ce cadre véritablement le nom de semence ou cellule germinale du Royaume qu'aiment à lui donner en particulier les théologiens de langue allemande (Keimzelle)****".

Ce que saint Justin appellait les spermatikos logos ne sont-ils pas ces germes d'amour qui en scintillant de l'amour humain véritable deviennent signes de la philanthropie de Dieu.

* J. Moingt, L'Évangile sauvera l'Église, op. cit p. 121
** Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, op. cit. p. 384
*** Yves Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, Cerf 1953, p. 133
**** ibid. p. 134 et sa note où il cite le livre de H. André, Die Kirche als Keimzelle der Weltgöttlichung (Leipzig, 1920)

18 août 2014

Diaconie VI - Congar - Un nouvel enjeu du laïcat


A la suite des réflexions issues de la CTI, que peut-on ajouter ? Il faut probablement chercher chez Congar les grandes intuitions du dominicain. On notera ainsi, dans ses notes prises pendant le concile, son rêve de "l'existence d’un plein laïcat" qu'il définit comme une "présence de l'Église, non par mode d’autorité cléricale mais par mode prophétique de l’humain*."

En quoi l'humain peut-il être prophétique, ci ce n'est justement dans sa manière d'être serviteur et comme le titre de mon livre le suggère : "A genoux devant l'homme" ? Le lavement des pieds pratiqué par exemple par l'Arche où chacun lave les pieds de son voisin est alors symbole efficace de cette attitude prophétique d'une diaconie qui envahit l'église. La présence de l'Arche à Dakionia était à ce titre tout à fait justifiée et je dirais "sacramentelle". 


* Source : Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, p. 157

17 août 2014

Moingt VII - Rite et prière

Mes propos sur le primat de la charité sur le rite doivent être d'autant plus tempérés par une réflexion approfondie sur le sens même de la liturgie et au fond de l'acte commun sur notre propre lien avec la prière.  J. Moingt nous aide sur ce plan en insistant sur la prière non pas vue comme un rite mais comme, plus fondamentalement, comme une "interrogation de l'homme sur lui-même,  (...) une recherche du sens, (...) une respiration de l'âme*". 
Vue sous cet angle essentiel, la notion sous-jacente de tension entre liturgie et charité s'entend comme une danse entre amour et prière,  entre action et contemplation,  entre les pas de Marthe et ceux de Marie...

J. Moingt,  op. Cit, p. 99

16 août 2014

Triple dimension (Diaconie - V)


Revenons néanmoins un instant sur cette triple dimension du diacre au IVème siècle : "le service liturgique, le service de prêcher l'Évangile et d'enseigner la catéchèse, ainsi qu'une vaste activité sociale concernant les oeuvres de charité*". Ma tentation serait d'inverser aujourd'hui l'importance de ces trois facettes (je parle bien sûr de charité,  évangélisation et liturgie), probablement parce qu'à mes yeux l'image de l'Église ne pourra être rétablie que dans cette inversion. En disant cela, j'ai bien conscience de mes propres difficultés à ordonner ma vie dans ce sens.  Et pourtant je suis persuadé que la cohérence de l'Église est là. Elle ne pourra prêcher et célébrer valablement que si elle rayonne d'abord de charité. 
Bien sûr,  cette charité se nourrit des deux autres points,  mais souvent, elle oublie cette primauté,  retombant dans un ritualisme ou une morale déconnectée. 

La suite du texte de la Commission Théologique Internationale est d'ailleurs édifiante puisqu'elle note l'existence de diaconnesse dès le IIIème siècle,  depuis "Phébée, servante (he diakonos) de l'Église de Cenchrées" (cf. Rm 16,1-4)", la mention controversée de femme-diacres en Tim 1, 3,  jusqu'à ces diaconnesses instituèes dans certaines églises à partir du IIIe siècle, en certaines régions et non pas toutes où est "attesté un ministère ecclésial spécifique attribué aux femmes appelées diaconesses.[61] Il s'agit de la Syrie orientale et de Constantinople**.

Que cela ait pu être concevable redonnerait sens à l'élargissement de la notion de la diaconie et permettrait peut-être de résoudre un autre problème dans lÉglise qui touche aussi a sa cohérence

Source : CTI Il, III
** CTI, Il, IV

Note [61] de la CTI, La collection la plus étendue de tous les témoignages sur ce ministère ecclésiastique accompagnée d'une interprétation théologique est celle de Jean Pinius, De diaconissarum ordinatione, in: Acta Sanctorum, Sept. I, Anvers 1746, I-XXVII. La plupart des documents grecs et latins mentionnés par Pinius sont reproduits par J. Mayer, Monumenta de viduis diaconissis virginibusque tractantia, Bonn 1938. Cf. R. Gryson, Le ministère des femmes dans l'Église ancienne (Recherches et synthèses), Gembloux 1972.



15 août 2014

Primauté de la diaconie sur la liturgie ? (IV)

L'analyse historique du CTI montre qu'en dépit de certains efforts des Conciles, la hiérarchie entre diacres et presbytres reste difficile à établir : "Les sources nous font voir que même Chrysostome n'a pas réussi à placer, de manière évidente, les trois degrés de l'ordre ecclésial dans une continuité historique. Il y a eu des modèles chez les juifs pour le presbytérat; par contre, l'épiscopat et le diaconat ont été constitués par les apôtres. Il n'est pas clair ce que l'on doit entendre ici par ces notions.[55] Chrysostome a fait remonter le diaconat à une institution par l'Esprit Saint.[56]*"
 N'est ce cas d'une certaine manière le conflit qui oppose Paul et Jacques sur les oeuvres et la grâce. 
Y a-il aujourd'hui une question sur ce point ? Pas vraiment,  depuis que le 4ème siècle a tranché et défini le diaconat comme un degré de la hiérarchie ecclésiale,  "situé après l'évêque et les presbytres, avec un rôle bien défini. Lié à la mission et à la personne de l'évêque, ce rôle englobait trois tâches: le service liturgique, le service de prêcher l'Évangile et d'enseigner la catéchèse, ainsi qu'une vaste activité sociale concernant les oeuvres de charité et une activité administrative selon les directives de l'évêque."
Pour autant, la diaconie elle même a perdu peut être aussi son rang "sacramentel" dans l'église. J'avais noté dans "à genoux devant l'homme" que l'on n'a pas considéré bon de mettre le lavement des pieds dans la liste des 7 sacrements,  parce que toute la vie de l'Église était "lavement des pieds". On peut se poser maintenant la question. Non pas pour modifier à nouveau une hiérarchie établie qui a structuré l'Église,  mais pour réintroduire une tension. 
S'il y a pour moi une solution,  c'est en effet dans l'expression théologique: "tension". En effet toute opposition est stérile.  La tension traduit bien l'intérêt des deux sans mettre une hiérarchie là où il devrait y avoir communion. 


Source principale : CTI, II, III 


Les numéros entre crochets renvoient aux notes suivantes du document de la CTI.

[55] Hom. 14,3 in Act.; PG 60, 116: "Quam ergo dignitatem habuerunt illi (sc. les diacres et les évêques)…Atqui haec in Ecclesiis non erat; sed presbyterorum erat oeconomia. Atqui nullus adhuc episcopus erat, praeterquam apostoli tantum. Unde puto nec diaconorum nec presbyterorum tunc fuisse nomen admissum nec manifestum..."

[56] "Et c'est à juste titre; car ce n'est pas un homme, ni un ange, ni un archange, ni aucune autre puissance creée, mais le Paraclet lui-même qui a institué cet ordre en persuadant à des hommes qui sont encore dans la chair d'imiter le service des anges." De sacerdotio III 4,1-8; SCh 272, 142.

14 août 2014

La tentation du jugement

À ceux qui ne cessent de critiquer le monde,  tombant dans la tentation du pharisien,  il convient souvent d être attentif à ce que nous dit le Seigneur sur la paille et la poutre.

A cet égard,  Saint Jean Chrysostome,  nous rappelle combien "Le Christ nous demande deux choses : condamner nos péchés et pardonner ceux des autres ; faire la première à cause de la seconde, qui sera alors plus facile, car celui qui pense à ses péchés sera moins sévère pour son compagnon de misère. Et pardonner non seulement de bouche, mais du fond du cœur, pour ne pas tourner contre nous-mêmes le fer dont nous croyons percer les autres. (...)  Considère donc combien d'avantages tu retires d'une offense accueillie humblement et avec douceur. Tu mérites ainsi premièrement — et c'est le plus important — le pardon de tes péchés. Tu t'exerces ensuite à la patience et au courage. En troisième lieu, tu acquiers la douceur et la charité, car celui qui est incapable de se fâcher contre ceux qui lui ont causé du tort sera beaucoup plus charitable envers ceux qui l'aiment. En quatrième lieu, tu déracines entièrement la colère de ton cœur, ce qui est un bien incomparable.*"

Une voie adaptée qui semble d'actualité. Car ce qui changera le monde ne sera pas notre jugement mais notre charité et la puissance de sa transpiration : "Aimons donc, aimons suprêmement le Père céleste très aimant, et que notre obéissance soit la preuve de cette charité parfaite qui trouvera surtout à s’exercer lorsque nous sera demandé le sacrifice de notre volonté propre. Ne connaissons pas de livre plus sublime que Jésus Christ crucifié, pour progresser dans l’amour de Dieu.**"

*Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église , in Homélies sur l’évangile de Matthieu, n°61 (trad. Véricel, L’Évangile commenté, p. 214 rev.), source Evangelio

** Lettre de saint Maximilien Kolbe

12 août 2014

Diaconie et pouvoir (III)

Revenons à l'histoire: "Dans la Didascalie, l'accroissement du prestige du diaconat dans l'Église est remarquable, ce qui aura pour conséquence la crise naissante dans les relations réciproques entre les diacres et les presbytres. À la fonction sociale et charitable des diacres s'ajoute leur fonction d'assurer divers services pendant les rassemblements liturgiques: indication des lieux pendant l'accueil des étrangers et des pèlerins, soin des offrandes, surveillance de l'ordre et du silence, soin de la bienséance de l'habillement*." On peut d'ailleurs comprendre les remarques d'Origène sur la cupidité des diacres en charge de la bourse de l'évêque,  qui n'est pas sans rappeler les critiques sur Judas dans le NT.
Mais plus encore cela interroge sur la possible tension entre pouvoir et Diaconie dont seule l'"impossible" [pour l'homme] prise en compte du fait que tout vient de Dieu pourrait nous libérer. 

Quel est l'enjeu pour aujourd'hui ?
Si charité est la première mission de l'Église, si une pastorale axée sur la charité devient, à la suite du Pape François,  la priorité des priorités,  alors la diaconie est au centre, ce qui ne réduit pas la place du prêtre,  mais bien au contraire confirme sa place sacramentelle tout en redonnant à tous les baptisés (et pas seulement au diacre) un nouvel élan. 
Je rejoins d'ailleurs là ce qu'écrivait J. Moingt** :" il y aura moins de confusion si l'Église cherchait à exploiter les ressources du sacerdoce commun des fidèles (...) et mettait son énergie à annoncer l'évangile au monde plutôt qu'à défendre ses traditions. (...) La communauté évangélique (....) n'existe pas sans esprit de communion ni sans communication. 

À noter aussi : "les diacres [vont] abandonner encore plus leurs fonctions originelles à d'autres clercs. Ils vont se définir de plus en plus explicitement par leurs attributions liturgiques et entrer en conflit avec les presbytres."

Nicée ira plus loin en affirmant : "qu'ils ne doivent pas siéger parmi les prêtres. "Que les diacres restent dans les limites de leurs attributions, sachant qu'ils sont les serviteurs de l´évêque et se trouvent en un rang inférieur aux presbytres" (can. 19).***"

Citons enfin Jean Paul II : "« La mission du Christ, prêtre, prophète, roi, se poursuit dans l'Église. Tous, le Peuple de Dieu tout entier, participent à cette triple mission. » Les fidèles laïcs participent à la fonction sacerdotale par laquelle Jésus s'est offert lui-même sur la croix et continue encore à s'offrir dans la célébration de l'eucharistie… : « Toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d'esprit et de corps, s'ils sont vécus dans l'Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie…, tout cela devient ‘ offrandes spirituelles agréables à Dieu par Jésus Christ ’ (1P 2,5) ; et dans la célébration eucharistique ces offrandes rejoignent l'oblation du corps du Seigneur pour être offertes en toute dévotion au Père » (LG 34)…       La participation à la fonction prophétique du Christ…habilite et engage les fidèles laïcs à recevoir l'Évangile dans la foi, et à l'annoncer par la parole et par les actes… Ils vivent la royauté chrétienne tout d'abord par le combat spirituel qu'ils mènent pour détruire en eux le règne du péché (Rm 6,12), ensuite par le don de soi pour servir…Jésus lui-même, présent en tous ses frères, surtout dans les plus petits (Mt 25,40). Mais les fidèles laïcs sont appelés en particulier à redonner à la création toute sa valeur originelle. En liant la création au bien véritable de l'homme par une activité soutenue par la grâce, ils participent à l'exercice du pouvoir par lequel Jésus ressuscité attire à lui toutes choses et les soumet…au Père, « afin que Dieu soit tout en tous » (Jn 12,32; 1Co 15,28). ****"

* source : CTI, Il, III, op. Cit.
** L'Évangile sauvera l'Église, op. Cit. p. 88ss
***  CTI, ibid. III, I
**** Christi fideles Laici § 13 et 14




11 août 2014

Diaconie - II

Saint Justin décrit fort bien le rôle des diacres dans la liturgie : "Quand le président de l'assemblée a achevé la prière de l'action de grâces (eucharistie) et que tout le peuple a donné sa réponse ceux que chez nous nous appelons les diacres (oi kaloumenoi par'emin diakonoi) donnent à chacun des assistants d'avoir part au pain et au vin mélangé d'eau sur lesquels a été dite la prière de l'action de grâces (eucharistie), et ils en portent aux absents."*
Plus qu'une action "figurative" dans le temps de la messe,  c'est peut être cette deuxième partie de la phrase qu'il faut souligner,  d'autant qu'elle rejoint la mention d'Actes 6, 2 oú "le service des tables" était la première raison.  
Personnellement je suis sensible à cette phrase prononcée, dans le temps, dans mon église du dimanche : "portez l'eucharistie à vos frères,  assurez les de notre prière et demandez leur de prier pour nous". En effet, elle nous fait prendre conscience de la dimension collective de l'eucharistie et de ce que c'est que de vivre "en Christo" dans le sens donné par Paul dans ses lettres,  si bien commenté par Hans Urs von Balthasar, d'un peuple de Dieu en marche.

Plus loin, cependant,  notre texte de référence souligne à nouveau la double fonction liturgique du diacre : "apporter les offrandes et de les distribuer."

Apporter les offrandes n'est pas neutre non plus. Cela touche en effet, pour moi à cette phrase si souvent soulignée par Varillon   "Dieu sanctifie ce que nous humanisons"
 Or, la mission des diacres, comme de tous baptisés,  n'est elle pas cette humanisation à parfaire ?Comment ? En commençant par l'habiter, par la transformer de l'intérieur, tendre à faire de chacun de nos actes un chemin sacramentel. Là aussi la route est longue. 


* Apol. 1,65,3-5. Saint Justin, Apologies. Introduction, texte critique, traduction, commentaire et index par A. Wartelle, Paris 1987, 188-191.

Source principale : CTI, Il, II, op. Cit. 

09 août 2014

Transfiguration - tension théologique 2

Au delà de mes propos sur l'autorité, la contemplation des textes de Daniel et des récits de la Transfiguration nous ouvre une nouvelle tension théologique entre le silence du Christ sur sa nature,  son désir de cacher cette dernière et cette réalité qui n'apparaît que subrepticement avant Pâques,  celle du Fils de Dieu rayonnant de la gloire pascale.  Cette vision réservée à 3 disciples sera à peine esquissée dans les textes évangéliques après Pâques.  Le Christ qui apparaît au bord du lac n'est pas le Fils d'homme décrit par Daniel 7.  C'est celui que Pierre tarde à reconnaître dans Jean 21. C'est celui qui n'apparaîtra que pleinement dans sa gloire le jour du grand retour. Pourquoi alors cette tension ? Probablement parce qu'elle est le prix à payer de notre liberté,  elle est le chemin offert du croire,  donné à tout homme dans le doute,  dans les balbutiements de saint Thomas.  Heureux ceux qui croient sans avoir vu l'étincelle de la gloire du Christ.  
Aujourd'hui néanmoins,  nous devons reconnaître qu'au delà de cette tension pastorale,  la liturgie nous conduit plus loin.  À nous,  en effet qui avons été baptisés dans la mort et la résurrection du Christ,  nous n'avons plus à douter de cette gloire.  Et c'est ce vers quoi nous conduit la liturgie de chaque eucharistie.  Car en ce pain et ce vin consacré, au delà de l'apparente insignifiance du symbole,  c'est bien le Christ de gloire qui se rend présent,  et c'est sur ce chemin du croire que nous sommes invités à avancer. 

Comme le souligne Anastase du Sinaï, "C'est donc vers la montagne qu'il faut nous hâter, j'ose le dire, comme l'a fait Jésus qui, là comme dans le ciel, est notre guide et notre avant-coureur. Avec lui nous brillerons pour les regards spirituels, nous serons renouvelés et divinisés dans les structures de notre âme et, avec lui, comme lui, nous serons transfigurés, divinisés pour toujours et transférés dans les hauteurs. ~

Accourons donc, dans la confiance et l'allégresse, et pénétrons dans la nuée, ainsi que Moïse et Élie, ainsi que Jacques et Jean. Comme Pierre, sois emporté dans cette contemplation et cette manifestation divines, sois magnifiquement transformé, sois emporté hors du monde, enlevé de cette terre ; abandonne la chair, quitte la création et tourne-toi vers le Créateur à qui Pierre disait, ravi hors de lui-même : Seigneur, il nous est bon d'être ici !

Certainement, Pierre, il est vraimentbon d'être ici avec Jésus, et d'y être pour toujours. Qu'y a-t-il de plus heureux, qu'y a-t-il de plus sublime, qu'y a-t-il de plus noble que d'être avec Dieu, que d'être transfiguré en Dieu dans la lumière ? Certes, chacun de nous, possédant Dieu dans son cœur, et transfiguré à l'image de Dieu doit dire avec joie : Il nous est bon d'être ici, où tout est lumineux, où il y a joie, plaisir et allégresse, où tout, dans notre cœur, est paisible, calme et imperturbable, où l'on voit Dieu : là il fait sa demeure avec le Père et il dit, en y arrivant : Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison. Là tous les trésors des biens éternels sont présents et accumulés. Là sont présentées comme dans un miroir les prémices et les images de toute l'éternité à venir.*"


 * Source : homélie d'Anastase du Sinaï pour la Transfiguration

04 août 2014

Le chant du large

Je viens de mettre en ligne le tome 6 de ma saga "Le chant du large", qui compte maintenant :
1) La barque de Solwenn
2) Maria la Rousse
3) La souffrance d_Elena
4) La Marie-Jeanne
5) Magda-la-douce
6) Renaissance
Un roman en 6 parties qui nous emmène dans un petit village breton, à l'aube du XXème siècle et se poursuit à l'âge où les grands voiliers se laissent distancer par la vapeur.
Grand amateur de "La rivière espérance" de Signol, je signe une saga plus centrée sur la mer, ses appels et ses dangers.
C'est aussi une suite logique à mes travaux de recherche sur la souffrance (mémoire de licence : Quelle espérance pour l'homme souffrant).

Les 6 tomes numériques sont aussi disponibles en deux tomes papier :
I - La barque de Solwenn, texte intégral
II - Le sourire de Nolwenn, le chant du large, tome 2

Diaconie - I

Nous nous proposons de commencer ici la lecture cursive et annotée d'un texte de la Commission théologique internationale* (ci après CTI), en parallèle et en complément  d'autres lectures dont
1) L'Évangile sauvera l'Église,  de Joseph Moingt (ESE),
2) Théologie du Laïcat (TDL), de Yves-Marie Congar,
3) les articles d'Étienne Grieu sur la diaconie (EG)
4) certains textes de Vatican II,  dont GS et LG.

Commençons par le texte de la CTI :
"On peut saisir, dans une perspective christologique, ce qu'est l'essence du chrétien. L'existence chrétienne est participation à la diakonia, que Dieu lui-même a accomplie pour les hommes (...) Être chrétien signifie, à l'exemple du Christ, se mettre au service des autres jusqu'au renoncement et don de soi, par l'amour. Le baptême confère le diakonein à tout chrétien, qui, en vertu de sa participation à la diakonia, leiturgia et martyria de l'Église, coopère au service du Christ pour le salut des hommes. En effet, étant membres du Corps du Christ, tous doivent devenir serviteurs les uns des autres avec les charismes qu'ils ont reçus pour l'édification de l'Église, et celle des frères dans la foi et l'amour: "Si quelqu'un assure le service, que ce soit comme par un mandat reçu de Dieu"  (1P 4,11-12; cf. Rm 12,8; 1 Co 12,5)."
Après avoir insisté sur Christ serviteur,  le texte poursuit ainsi : "De manière radicalement opposée aux seigneurs et puissants de ce monde qui abusent de leur pouvoir, oppriment et exploitent les hommes, le disciple doit être prêt à devenir diakonos et doulos de tous (Mc 10,42-43)*."

Le terme même de diakonos, poursuit le texte est peu utilisé dans l'AT et à une acception large dans le NT. 

Selon P. Audet, c'est simplement "un serviteur susceptible de remplir diverses fonctions suivant les circonstances particulières de son service*".

NB : ce texte étant  cité à partir de la version numérique nous ne pourrons donner de numéros de page,  nous nous contenterons, dans notre lecture cursive d'indiquer les nouveaux chapitres.

Abbréviations utilisées dans les posts suivants :
CTI : Commission théologique internationale

ESE : Évangile sauvera l'Église
TDL : Théologie du Laïcat (TDL), de Yves-Marie Congar,
EG : Étienne Grieu
GS : Gaudium et Spes
LG : Lumen Gentium