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17 juillet 2020

Aride liturgie - dépouillement 20

Aride liturgie - dépouillement 20

Combien de fois la liturgie nous rebute, les symboles nous échappent, les gestes passent à côté de nos réalités humaines.

Je suis un des premiers à la décrier et la conspuer, à avoir en horreur ses fastes et ses excès. Et en même temps je dois avouer que parfois l'aridité de ces répétitions, la profondeur de sens de ce qui est prononcé, la face cachée des gestes et des symboles révèlent autre chose que l'apparence et le rideau se déchire (1). Arrière Satan...!

Dans l'aridité d'un chemin du désert (2), dans le dépouillement attendu d'un carême, dans la symbolique d'une misérable hostie offerte, Dieu se fait signe.

Paradoxe et oxymore que cette liturgie que nous détestons souvent sans en chercher le sens caché. Benoît XVI, avant d'être pape avait cette phrase assassine qui interpelle dans l'esprit du christianisme : « le prêtre peut-être un imbécile, le sacrement reste valide » (3) ce qui tempère nos ardeurs jalouses et notre aptitude fréquente à jeter le cœur du symbole avec l'eau du bain.

« Si ce que tu admires est une ombre, une préfiguration, combien grande est la réalité dont l'ombre excite déjà ton admiration. Écoute bien : ce qui s'est réalisé pour nos ancêtres n'était que l'ombre de la réalité à venir. Ils buvaient à un rocher qui les accompagnait, et ce rocher, c'était le Christ. Cependant la plupart n'ont fait que déplaire à Dieu, et ils sont tombés au désert. Ces événements se sont réalisés en figure à notre intention. Tu sais maintenant ce qui a le plus de valeur: la lumière l'emporte sur les ténèbres, la vérité sur la figure, le corps du Créateur sur la manne venue du ciel.(4)

Je dois reconnaître qu'il m'a fallu près de 50 ans de pratique brouillonne et revêche avant de découvrir à travers l'enseignement lumineux d'un moine de Lérins à l'ICP (5) le sens caché de cette échange entre les fidèles et le prêtre qui ouvre la consécration et donne à ce dernier le droit temporaire et fragile de monter à l'autel pour célébrer le mystère eucharistique. (6)

Nous passons bien souvent à côté de l'essentiel. Et pourtant, combien de fois, au cœur d'une assemblée brouillonne, malgré mes réticences et mes distractions Dieu soudain m'a fait signe et s'est révélé soudain dans sa fragilité me faisant tomber à genoux devant lui, en dépit de mon orgueil et de ma suffisance.

« Tu étais là et je ne le savais pas » (7) résonne alors en nous les phrases d'Augustin, alors qu'un « Seigneur je ne suis pas digne » traverse notre esprit et nous découvre l'amour et notre faiblesse mêlée.

Le cléricalisme est-il le prix à payer, la pilule amère de ce mystère qui se cache derrière des années de tradition accumulées...?

L’eucharistie est le sommet d’une dynamique qui commence et rejoint l’agir. Elle cristallise en un temps et un lieu un double mouvement de Dieu vers l’homme, agenouillement sans fin et de l’homme vers Dieu, agenouillement rare et fragile, comme celui auquel Etty Hillesum s’est retrouvée conduite à adopter (8) suite au long travail intérieur de Dieu.


L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse,
car nous ne savons pas prier comme il faut. » (Rom 8, 26)

(1) cf. Le rideau déchiré ou mon livre fleuve « pédagogie divine » in « Dieu dépouillé » gratuit sur Fnac.com
(2) cf. Le chemin du désert ibid.
(3) je cite de mémoire
(4) Ambroise de Milan, traité sur les mystères, source office des lectures du 16/7, 15ème semaine du temps ordinaire
(7) confessions, chap. VIII
(8) cf. Une vie bouleversée

Le titre de cet article m’a été partiellement inspiré par la méditation de François Cassingena-Trévédy sur l’aridité in « La voix contagieuse »

11 février 2020

Allaitement - pédagogie phase 1 - Osée 2

« Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » (Mc 6,31)

« Si tu veux venir vers moi et me trouver, suis-moi, cherche-moi à part. Marc dit en effet : « Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l'on n'avait même pas le temps de manger. » (Mc 6,31)

« Hélas ! Les passions de la chair, le tumulte des pensées qui vont et qui viennent dans notre cœur sont tels, que nous n'avons pas le temps de manger la nourriture de la douceur éternelle ; de percevoir la saveur de la contemplation intérieure. C'est pourquoi notre Maître dit : « Venez à l'écart » de la foule bruyante ; « dans un lieu désert », dans la solitude de l'esprit et du cœur, « et reposez-vous un peu. » Vraiment un tout petit peu, car, dit-il dans l'Apocalypse : « Il se fit un silence dans le ciel, environ une demi-heure » (Ap 8,1) ; et dans le psaume : « Qui me donnera des ailes comme à la colombe, que je m'envole et me pose ? » (Ps 54,7 LXX)
Mais écoutons ce que dit le prophète Osée : « Je l'allaiterai*, dit-il, et la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur » (cf. Os 2,14 Vg.). Les trois expressions allaiter, conduire au désert, parler à son cœur désignent les trois étapes de la vie spirituelle : le début, le progrès, la perfection. Le Seigneur allaite le débutant lorsqu'il l'éclaire de sa grâce, pour qu'il grandisse et progresse de vertu en vertu. Il le conduit ensuite à l'écart du vacarme des vices et du désordre des pensées, dans le repos de l'esprit ; enfin, une fois amené à la perfection, il parle à son cœur. L'âme éprouve alors la douceur de l'inspiration divine et peut se livrer totalement à la joie de l'esprit.
Quelle profondeur de dévotion, d'émerveillement et de bonheur dans son cœur ! Par la dévotion, il s'élève au-dessus de lui-même ; par l'émerveillement, il est conduit au-dessus de lui-même ; par le bonheur, il est transporté hors de lui-même.(1)

(1) Saint Antoine de Padoue, Sermon pour la fête de saint Jean évangéliste (Une Parole évangélique, trad. V. Trappazzon, éd. Franciscaines, 1995, p. 143-145 ; rev.), source : l'Évangile au Quotidien

(*) "Je l'allaiterai" : "lactabo" le verbe latin peut signifier allaiter ou séduire.


19 août 2019

Au fil de Matthieu 19,21 22 - Humilité et effacement - Amour en toi…


« Jésus lui répondit : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » À ces mots, le jeune homme s'en alla tout triste, car il avait de grands biens » (Mat 19, 21-22)

Écoutons sur ce chemin les propos de sainte Thérèse d'Avila : « Ô Jésus ! s'en trouvera-t-il une seule parmi nous pour dire qu'elle ne veut pas aller jusqu'au bout ? (...) Nulle ne le dira, certainement. Toutes nous assurons le vouloir. Mais il faut quelque chose de plus pour que Dieu soit maître absolu d'une âme, et le dire ne suffit pas. Le jeune homme à qui Notre Seigneur demanda s'il voulait être parfait en est la preuve. (...)
Entrez, entrez à l'intérieur de vous, mes filles, dépassez vos petits actes de vertu. Comme chrétiennes, vous êtes tenues à tout cela, et à bien davantage. Contentez-vous d'être les servantes de Dieu, et ne portez pas vos prétentions si haut, que vous risquiez de tout perdre. Considérez les saints qui sont entrés dans la chambre de ce Roi (Ct 1,4), et vous verrez quelle distance nous sépare d'eux. Ne demandez pas ce que vous n'avez pas mérité. Après avoir offensé Dieu comme nous l'avons fait, il ne devrait même pas nous venir à l'esprit que nous pourrons jamais, quels que soient nos services, mériter la faveur accordée aux saints. Ô humilité ! humilité ! (...) Je suis un peu tentée de croire que si certaines personnes s'affligent tant de leurs sécheresses, c'est qu'elles manquent un peu de cette vertu. (...) Éprouvons-nous nous-mêmes, mes sœurs, ou laissons Dieu nous éprouver : il sait bien le faire, quoique souvent nous nous refusions à le comprendre. (...)
Si, au moment où il nous dit ce que nous avons à faire pour être parfaits, nous lui tournons le dos et nous en allons tout tristes, comme le jeune homme de l'Évangile, que voulez-vous qu'il fasse, lui qui doit mesurer la récompense sur l'amour que nous lui portons ? Cet amour, mes filles, ne doit pas être un vain fruit de l'imagination, mais se prouver par les œuvres. Ne vous figurez pas cependant que Dieu ait besoin de nos œuvres ; ce qu'il lui faut, c'est la détermination de notre volonté. (...) C'est même indubitable : si l'on persévère dans ce dépouillement et cet abandon de tout, on obtiendra ce qu'on désire. À une condition cependant, comprenez-le bien, c'est qu'on se considérera comme un serviteur inutile (Lc 12,48) (1)



(1) Sainte Thérèse d'Avila, Le Château intérieur, 3es demeures, ch. 1 (trad. Mère Marie du Saint-Sacrement, OC ; Éds du Cerf 1995, p. 1000-1001 ; rev.)



02 janvier 2019

Au fil de Jean 1 - Jean Baptiste au désert

« Je suis la voix de celui qui crie dans le désert »
« Je ne suis pas digne de délier ses sandales » (Jn 1)
Nos paroles humaines restent creuses si elles ne sont pas portées et habitées par le Verbe qui les précèdent et les prolongent.
Sommes-nous des cymbales qui résonnent ?

Peut être faut il retrouver le chemin du désert pour comprendre que nous ne sommes que les « mains de Dieu »(1), petits (2) instruments fragiles de la grâce.

La figure de Jean Baptiste est une figure diaconale.



(1) relire Etty Hillesum
(2) cf. Thérèse de Lisieux

23 mars 2016

Désert 2

Plus loin Balthasar précise sa pensée :"l'orant a le droit d'avoir confiance, même quand il souffre de la sécheresse et n'éprouve rien, et il doit apprendre à dégager sa foi toujours plus purement de la subjectivité provisoire de ses dispositions. Et cependant cette purification des dispositions subjectives est en même temps la voie sur laquelle le sujet humain doit rencontrer le plus sûrement, avec tout don être d'homme, le vrai Seigneur et Dieu" (1)

 Là où toute liberté est laissée à Dieu, Dieu peut s'introduire 
 
(1) Balthasar, op . Cit,   GC1, p.354

Désert et démesure

Quand on est dans le désert, que Dieu nous semble bien loin, silencieux alors que nos cris montent vers lui, il est rassurant d'entendre que ce n'est pas sa nature. Sommes nous, comme le fils aîné de Luc 15, incapables de sentir que "tout ce qui est à Lui est à nous". Ne voyons nous pas les dons de Dieu ? Que nous faut-il encore ? Le voir face à face ?

"S'il est vrai que l'Église, pas plus que le chrétien, ne doit jamais désirer de grâces mystiques comme si la figure de la révélation placée devant le monde ne suffisait pas, il est pourtant tout aussi vrai que Dieu ne s'en tient jamais, d'une manière minimiste, à ce qui est strictement suffisant. Car la beauté éternelle se dépense et rayonne toujours merveilleusement au-delà de toute attente." (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, tome 1, GC1 p. 353

02 novembre 2015

Chemin de désert - Suite


‎Dans son poème sur le désert qui marque sa conversion en 1924, on notera ces strophes qui entrent en résonance avec ce que j'écrivais dans chemin de désert. Le style de Madeleine lui donne une dimension plus métaphorique :
"Mais le désert a dit : "‎Je suis un océan
Qui possède la vie en ses vagues de flammes,
Une enclume embrasée où se forgent les âmes,
Je suis le livre ouvert sur le bord du néant" (1)

On a envie d'ajouter que ‎les flammes de la lumière divine qui viennent lécher nos coeurs, comme des vagues inlassables, forgent en nous ce désir si souvent ignoré et pourtant essentiel, celui du Verbe, dont le livre ouvert(2) ne cesse de creuser en nous ‎l'éternel appel.

Dans leurs lectures, Pitaud et François s'attardent quand à eux sur la proximité entre le livre et le néant et considèrent, probablement avec raison, que cette phrase résume la vocation de Madeleine : "le livre sera toujours lu sur le bord du néant (...) plongée en milieu marxiste" (3)

(1) Madeleine Delbrêl, La route, Paris, édition Alphonse Lemerre, 1927, p. 125-126
(2) est-ce celui dont parle Apocalypse 5 ?
‎(3) op. Cit p. 59

28 septembre 2015

Chemins de désert - 2



A la suite de mes recherches sur ce thème, je note les commentaires toujours pertinents de Madeleine Delbrel : " Pour quitter l'Égypte il faut s'en dégager. A toutes les époques de son histoire l'Église a porté en elle des gens, qui perpétuels nomades, partent sans cesse du monde où ils sont mais dont ils ne sont pas, vers cette Terre où, par le Christ, ils sont déjà." (1)‎ 

Etern‎elle tension, ajouterai-je, à maintenir entre l'être au monde, qui ne peut être échappée par une fuite mystique, et l'être "en Christ", qui nourrit notre route.

Soumission aussi au bon vouloir de Dieu.  En effet,  "c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir". ( 2)

(1) Madeleine Delbrel,  Nous autres gens des rues,  p. 118
(2) Philippiens 2,  13

20 septembre 2015

Solitude 2

Pour Madeleine, dans la solitude, "Dieu nous fait comprendre que, soustraction faite de ses dons, de ses impulsions, (...)  il ne reste plus qu'une pâte commune faite d'un même néant (...) sur cette boue uniforme les seules distinctions discernables sont les volontés rédemptrices et créatrices‎ de Dieu qui appellent nos enthousiasmes et nos amours."(1)

Plus loin, paraphrasant Osée 2, elle ajoute "Je te conduirai dans la solitude et je parlerai à ton cœur" (2)

On retrouve un peu ce "tout est rien" de sainte Thérèse d'Avila (cf. mes développements in "Chemin de désert", mais son originalité est de développer sur cette solitude intérieure un sentier au coeur de nos vies urbaines. 

En cette veille de saint Matthieu,  contemplons l'appel du Christ qui balaye l'intérêt d'une vie en disant "viens,  suis-moi".


(1 et 2) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, p. 76 et  p.77

16 septembre 2015

Poussés au désert par l'Esprit

Nous avons longuement commenté cette phrase de Luc 4. Dans "missionnaires sans bateaux", Madeleine nous ouvre à une autre vision du désert, ce monde en manque de Dieu, vers lequel elle nous appelle à sentir, "en haut d'un grand escalier de métro", l'appel de l'Esprit. Désert où on est "la proie de l'amour"‎, où chaque geste peut devenir amour

Cf. Madeleine Delbrel, NAGDR, op. Cit p. 69 et 71

24 août 2015

Paternité spirituelle - 2 (la figure d'Abraham)

‎L'auteur (1) poursuit son analyse sur la pa‎ternité spirituelle en évoquant la figure d'Abraham comme évocatrice des renoncements du prêtre. Il ne s'agit pas seulement pour lui de renoncer à la vie conjugale, mais d'accepter tous ces sacrifices qui littéralement 'make holy' (rendent sacré) les dons que le prêtre fait de sa vie. 
Pour moi, ce sacrifice n'est pas vu alors dans l'ordre du renoncement que dans le registre du décentrement. La figure d'Abraham prend sens : quitter un monde auto-centré, prendre le chemin du désert (2) et avancer à nu (3) devant son Dieu, percevoir alors que la paternité spirituelle du ministre prend un autre sens, celui de l'engendrement à la vie en Dieu. Cela évoque pour moi, outre les travaux de Bacq/Theobald(4), un vieux texte de Michel Rondet qui parle de ceux qui quittent la certitude des ports, pour avancer sur un chemin dont on ne connaît pas les pierres. 
‎(1) Melville C. Blanchette, ‎PSS, Just call me father, generativity in the spiritual life of diocesan priest in Bulletin SS n• 37-38, op. Cit p. 216ss
(2) cf. mon étude éponyme.‎
(3) cf. posts précédents.
(4) cf. Bibliographie et mes longs commentaires dans 'Pastorale du seuil'
(5) publié dans un numéro d'Etudes

15 août 2015

Mettre à nu

Dans Bonheur dans le couple, tome 2, je développe le thème de cette nudité dont "ils n'avaient pas honte" de Gn 2, 25, comme le lieu de la vérité et de la difficile transparence.  Je reviens sur ce thème dans "l'amphore et le fleuve" à propos d'Exode 33 où Yahwhé invite à quitter ses vêtements de fête un peuple qui vient de se corrompre avec le veau d'or.
Après mon travail sur le "chemin du désert", je tombe sur ce verset d'Osée 2, 5 qui entre en correspondance : "de peur que je ne la déshabille à nu, et que je ne la mette telle qu'au jour de sa naissance, que je ne la rende pareille au désert, faisant d'elle une terre desséchée, et que je ne la fasse mourir de soif."
Quel est ce chemin où Dieu nous conduit.  Est-ce celui de l'effacement, du décentrement,  de la soif, qui seul conduit au désir de Dieu ?

La suite du texte trace un chemin à contempler : "C'est pourquoi voici que je vais fermer ton chemin avec des ronces ; j'élèverai un mur, et elle ne trouvera plus ses sentiers.  Elle poursuivra ses amants et ne les atteindra pas ; elle les cherchera et ne les trouvera pas. Puis elle dira : " J'irai et je retournerai vers mon premier mari, car j'étais plus heureuse alors que maintenant. "  Elle n'a pas reconnu que c'est moi qui lui ai donné le froment, le vin nouveau et l'huile, qui lui ai multiplié l'argent et l'or, qu'ils ont employés pour Baal.  C'est pourquoi je reprendrai mon froment en son temps, et mon vin nouveau dans sa saison, et je retirerai ma laine et mon lin, qui servent à couvrir sa nudité.  Et maintenant je découvrirai sa honte, aux yeux de ses amants, et personne ne la dégagera de ma main.  Je ferai cesser toutes ses réjouissances, ses fêtes, ses nouvelles lunes, ses sabbats et toutes ses solennités." (1)

On notera l'allusion à la fête qui entre en correspondance avec Ex 33. La suite trace néanmoins un chemin d'espérance : 

 "C'est pourquoi, voici que moi je l'attirerai, et la conduirai au désert, et je lui parlerai au coeur ;  et de là je lui donnerai ses vignes, et la vallée d'Achor comme une porte d'espérance ; et elle répondra là comme aux jours de sa jeunesse, et comme au jour où elle monta hors du pays d'Egypte.  En ce jour-là,-oracle de Yahweh, tu m'appelleras : " Mon mari ", et tu ne m'appelleras plus : " Mon Baal ".  J'ôterai de sa bouche les noms des Baals, et ils ne seront plus mentionnés par leur nom.  Je te fiancerai à moi pour toujours ; je te fiancerai à moi! dans la justice et le jugement, dans la grâce et la tendresse ;  je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras Yahweh.  Et il arrivera en ce jour je répondrai, - oracle de Yahweh, je répondrai aux cieux, et eux répondront ,"  la terre ; la terre répondra au froment, au vin nouveau et à l'huile, et eux répondront à Jezrahel.  J'ensemencerai pour moi Israël dans le pays, et je ferai miséricorde à Lô-Ruchama ; je dirai à Lô-Ammi : " Tu es mon peuple ! " et il dira : " Mon Dieu ! " (2)

(1) Osée 2:8-13, 16-19
(2) Osée 2:21-25 Traduction Crampon 1923

30 juillet 2015

Les 6 questions

Quand on a réussi à passer le stade des trois tentations de l'homme : "combien j'ai ?",  "qu'est ce que je vaux ?", "quel est mon pouvoir ?" (1), reste trois autres questions qui peuvent aider à orienter sa vie : "à quoi je sers ?", "pourquoi je souffre ?", "qu'est ce que je donne ?"
Les trois premières sont des impasses parce qu'elles sont auto-centrées.  Les trois secondes tournent vers autrui et conduisent à l'amour...

Or "Dieu est amour : qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui." (1 Jean 4,  16)

(1) cf. mes développements dans "le chemin du désert"

29 juillet 2015

Donner sans mesure

Combien de fois agissons nous par calculs? Nos actes sont conduits par les bénéfices que nous attendons. Saint Augustin a raison de distinguer 3 strates d'amour :

  • l'aimer être aimé qui nous pousse à acheter l'amour d'autrui par nos dons, 
  • l'aimer aimer où nous prenons plaisir à donner en ce que cela nous valorise, satisfait notre ego (1) 
  • et l' amour véritable qui consiste à aimer "sans intérêt" (1 Cor 13). 
L'amour de Dieu est d'un autre ordre :
 "Avec largesse, il a donné aux pauvres; sa justice subsiste à jamais. " Celui qui fournit la semence au semeur et du pain pour sa nourriture, vous fournira la semence à vous aussi, et la multipliera, et il fera croître les fruits de votre justice." (2)
Entrer dans le don de Dieu,  c'est aller au delà. 

(1) cf. notre analyse de Mat 4, in Le chemin du désert.
(2) 2 Corinthiens 9:9-10 

14 juin 2015

Le chemin du désert - Un itinéraire spirituel

"Que nous dit la Parole sur le désert ? Comment, plusieurs milliers d’années plus tard, pouvons-nous en percevoir l’enjeu ? Que nous apprend la tradition des Pères du désert, quel est le secret de la vie érémitique ? En quoi peut-elle être signe pour aujourd’hui ? Comment nous aide-t-elle à nous préparer à la révélation de Dieu dans nos vies, à y être réceptifs ? Toutes ces questions, nous les portons en nous et pourtant, parfois, nous passons à côté, parce qu’il reste difficile de prendre le temps de s’arrêter. Le silence, le recueillement n’est plus qu’un rêve. Et pourtant, la voie du silence nous conduit au-delà de nous-mêmes. Elle interpelle notre cœur et nous pousse à nous interroger sur ce qui vit en nous, caché au fond de notre conscience et que parfois nous refusons d’entendre. Dieu est pourtant au cœur de cette quête, même si nous passons si souvent à côté. "

Cet essai, maintenant disponible sur Amazon/Kindle* reprend des pistes de recherche de l'Amphore et le Fleuve. A partir d'une manducation de Luc 4 et Mat 4 (les tentations du Christ) il cherche à établir une lecture narrative des grands épisodes de désert (Osée, Genèse, Exode, Nombres, 1 Rois 19...) et de tracer un itinéraire spirituel pour l'homme de notre temps.

A titre de résumé, on retrouve ce texte de Josué : "Les enfants d'Israël
marchèrent pendant quarante ans dans le désert jusqu'à ce (...) que Yahweh dit à Josué: «Ôte ta chaussure de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est saint.» (Josué, 5.6,15)

* Ce livre est vendu à prix coûtant et reste en téléchargement gratuit sur KDP, comme tous les publications récentes de l'auteur en théologie.

28 mai 2015

L'essaim qui nous attaque

Une pépite aujourd'hui sous la forme d'un commentaire par saint Grégoire le grand de l'Evangile du jour.
Elle justifie à sa manière la publication aujourd'hui de mon nouvel essai,  "Le chemin du désert" (1), cette invitation longuement commentée dans ses pages à prendre de la distance sur l'essaim des distractions qui nous attaquent alors même que nous aspirons à trouver le chemin de Dieu : "Que tout homme qui connaît les ténèbres qui font de lui un aveugle...crie de tout son esprit : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ». Mais écoutons aussi ce qui fait suite aux cris de l'aveugle : « Ceux qui marchaient en tête le rabrouaient pour lui imposer silence » (Lc 18,39). Qui sont-ils ? Ils sont là pour représenter les désirs de notre condition en ce monde, fauteurs de trouble, les vices de l'homme et leur tumulte, qui, voulant empêcher la venue de Jésus en nous, perturbent notre pensée en y semant la tentation et veulent couvrir la voix de notre cœur en prière. Il arrive souvent, en effet, que notre volonté de nous tourner vers Dieu à nouveau..., notre effort pour éloigner nos péchés par la prière, soit contrarié par leur image : la vigilance de notre esprit se relâche à leur contact, ils jettent la confusion dans notre cœur, ils étouffent le cri de notre prière...       Qu'a donc fait cet aveugle pour recevoir la lumière malgré ces obstacles ? « Il criait de plus belle : ' Fils de David, aie pitié de moi ! ' »... Oui, plus le tumulte de nos désirs nous accable, plus nous devons rendre notre prière insistante... Plus la voix de notre cœur est couverte, plus elle doit insister vigoureusement, jusqu'à couvrir le tumulte des pensées envahissantes et toucher l'oreille fidèle du Seigneur. Chacun se reconnaîtra, je pense, dans cette image : au moment où nous nous efforçons de détourner notre cœur de ce monde pour le ramener à Dieu..., ce sont autant d'importuns qui pèsent sur nous et que nous devons combattre. C'est un essaim que le désir de Dieu a du mal à écarter des yeux de notre cœur... Mais en persistant vigoureusement dans la prière, nous arrêtons en notre esprit Jésus qui passait. D'où le récit de l'Évangile : « Jésus s'arrêta et ordonna qu'on le lui amène » (v. 40). (2)
Au bout du chemin nos yeux se descillerons et nous le verrons de dos ( Ex. 33)

(1) en ligne sur Amazon dans deux ou trois jours, cf. lien (version Kindle déjà disponible)
(2) Saint Grégoire le Grand, Homélies sur l'Évangile, n°2 ; PL 76, 1081 (trad. Luc commenté, DDB 1987, p. 141 rev.) Source : evangileauquotiden.org

21 mai 2015

Du désert à l'agir

‎Je l'esquissais déjà plus haut, la fuite au désert, ne peut être une fuite de nos responsabilités. Élie comme Jonas l'on appris à leur dépens. Le chemin du désert abouti à une impasse s'il passe à côté de l'essence même du christianisme, de cette miséricorde active qui n'est autre que l'imitation de notre Seigneur. En cristallisent notre analyse des tentations au désert chez Mat 4 sur l'avoir, le valoir et le pouvoir, on peut passer à côté de l'appel à aimer, de tout son corps, de toute son âme jusqu'à cet apparemment impossible "amour de l'ennemi". En récitant machinalement le notre père, s'arrête-ton assez sur le "comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé. Impossible demande, disait les Pères de l'église qui préférait introduire une gradation dans le pardon plûtot que d'exiger ce qui relève pour eux de la perfection de l'amour(1). Et pourtant le chemin qui nous conduit à imiter le Christ (2)  ne peut passer à côté de son 77 x 7 fois (Mat 18, 21) qui culmine jusqu'au "père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font" (Lc 23, 38). 


(1) Kasper, La miséricorde, op. Cit. p. 140‎, qui cite notamment  Tertullien, de la patience, 6 ; Chrysostome, commentaire de Matthieu, Homélie 18, n.3 ; et Thomas d'Aquin, S. Th. II/II. Q. 25 a. 8...
(2) cf. Kasper ibid. p. 133

16 mai 2015

La prière stérile ?

Le silence de Dieu,  son retrait apparent, le tombeau vide sont autant d'épreuves qui font germer en nous le doute,  des murmures et des cris. Nous sommes là au coeur même de l'expérience du désert,  dans ce lieu où la qualité même de notre foi fera la différence.  Le risque est d'oublier qu'il s'agit là d'une situation bien commune traversée sans cesse par tous ceux qui ose quitter le confort apparent de l'insouciance du monde et parte en quête de Dieu. L'expérience de nos pères,  qui nous accompagnent sur cette voie sont autant de puits pour poursuivre la route, Écoutons saint Bernard sur ce point : "Comment se fait-il que si rarement nous paraissions expérimenter le fruit de la prière ? Nous avons l'impression de ressortir de la prière comme nous y sommes entrés ; personne ne nous répond un mot, ne nous donne quoi que ce soit, nous avons l'impression d'avoir peiné en vain. Mais que dit le Seigneur dans l'évangile ? « Ne jugez pas sur l'apparence, mais portez un jugement juste » (Jn 7,24). Qu'est-ce qu'un jugement juste sinon un jugement de foi ? Car « le juste vit de la foi » (Ga 3,11). Suis donc le jugement de la foi plutôt que ton expérience, car la foi ne trompe pas alors que l'expérience peut nous induire en erreur.            Et quelle est la vérité de la foi, sinon ce que le Fils de Dieu lui-même promet : « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous le recevrez, et cela vous sera accordé » (Mc 11,24). Que donc aucun d'entre vous, frères, ne tienne pour peu de chose sa prière ! Car, je vous l'affirme, celui à qui elle s'adresse ne la tient pas pour peu de chose ; avant même qu'elle ne soit sortie de notre bouche, il la fait écrire dans son livre. Sans le moindre doute nous pouvons être sûrs que soit Dieu nous accorde ce que nous lui demandons, soit il nous donnera quelque chose qu'il sait être plus avantageux. Car « nous ne savons que demander pour prier comme il faut » (Rm 8,26) mais Dieu a compassion de notre ignorance et il reçoit notre prière avec bonté... Alors « mets ta joie dans le Seigneur, et il accordera les désirs de ton cœur » (Ps 36,4)"

(1) saint Bernard,  Sermons de Carême n°5, 5 

14 mai 2015

Coïncidence des opposés

‎Il faut rendre hommage à Johann Georg Hamann, nous dit Balthasar, pour voir dans la coïncidence de l'opposition entre la kénose extrême d'un Christ en croix et la divine majesté de la création la trace unique de Dieu : "un miracle de tranquillité infinie, qui fait de Dieu l'égal de son néant et tel qu'on doit ou nier sans scrupule son existence ou être un âne ; mais en même temps d'une force infinie, qui remplit tout en tout, tellement que l'on ne peut échapper à son activité au plus intime de soi même" (1)
Cette coïncidence justifie pour moi à la fois mes développements sur l'opposition entre souffrance et création et cette recherche en cours sur le désert.

(1) J.G. Hamann, Aesthetica, édit. Nadler, II, p. 204, cité par Hans Urs von Balthasar, GC tome 1, p. 68


11 mai 2015

Du désert à l'ascension

À l'issue de son périple au désert,  le voyageur peut enfin saisir ce à quoi il est appelé dans une lecture spirituelle des premiers chapitres de Jean.
Il a puisé avec effort l'eau de la grâce dans sa jarre, il a perçu sa soif et son manque de vin, il a saisi combien le Christ est celui qui change l'eau en vin, alors il est prêt à mourir pour renaître.  
Le baptême de Jean est une étape,  mais ne devient le baptême véritable que lorsque assoiffé,  il s'approche du puits de la rencontre, pour boire à la source vive, à celui dont le sang et l'eau déverse son esprit dans l'inimitable don. Vers ce signe élevé sur le bois de la Croix,  l'homme régénéré peut se tourner pour recueillir l'éternel don de la Parole qui seule est source vive.

« Aujourd'hui notre Seigneur Jésus Christ monte au ciel ; que notre cœur y monte avec lui. Écoutons ce que nous dit l'Apôtre : Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d'en haut : c'est là qu'est le Christ, assis à la droite de Dieu. Le but de votre vie est en haut, et non pas sur la terre. De même que lui est monté, mais sans s'éloigner de nous, de même sommes-nous déjà là-haut avec lui, et pourtant ce qu'il nous a promis ne s'est pas encore réalisé dans notre corps.

Il a déjà été élevé au-dessus des cieux ; cependant il souffre sur la terre toutes les peines que nous ressentons, nous ses membres. Il a rendu témoignage à cette vérité lorsqu'il a crié du haut du ciel : Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? Et il avait dit aussi : J'avais faim, et vous avez donné à manger.

Pourquoi ne travaillons-nous pas, nous aussi, sur la terre, de telle sorte que par la foi, l'espérance, la charité, grâce auxquelles nous nous relions à lui, nous reposerions déjà maintenant avec lui, dans le ciel ? Lui, alors qu'il est là-bas, est aussi avec nous ; et nous, alors que nous sommes ici, sommes aussi avec lui. Lui fait cela par sa divinité, sa puissance, son amour ; et nous, si nous ne pouvons pas le faire comme lui par la divinité, nous le pouvons cependant par l'amour, mais en lui." (1)


Alors peut retentir l'hymne que l'Église chante à l'aube de l'ascension : 
"Entré dans la gloire,
Jésus nous trace le chemin
Et nous conduit vers le matin
De sa victoire.
(...) l'amour seul est puissance,
Mystère découvert
Aux yeux de l'espérance.
Vêtu de lumière,
(...)
Dans son offrande, vers la joie,
Ses mains nous portent.
(...)
Il fait mûrir tout l'univers,
Et son Esprit, dans nos déserts,
Est source vive."

( 1) saint Augustin,  sermon pour l'ascension