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19 septembre 2020

L’infini de Dieu - Homélie du 25eme dimanche année A

L'infini de Dieu - Homélie du 25eme dimanche année A
Qui sommes-nous pour juger les choix de Dieu ?
La méditation des textes de ce dimanche nous conduit vers quatre grandes réflexions : immensité, miséricorde, humilité et vigne
Immensité ou infini, c'est d'abord ce à quoi nous conduit Isaïe 55 : « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins ». Je le disais en introduction les voies de Dieu sont insondables et son amour dépasse nos limites humaines.
Par la parobole d'aujaudhui, Jésus nous dévoile une partie du mystère et nous ne pouvons que contempler cet amour infini. C'est aussi la contemplation du salaire donné : une pièce d'argent... c'est le salaire officiel au temps de Jésus pourtant, vous l'avez compris dans la Parabole ce salaire n'est qu'une figure de l'infini de Dieu, c'est l'accès au Royaume. Cet accès il est offert à tous... c'est peut-être cela l'infini de Dieu, l'infini de l'amour de Dieu

Le deuxième mot clé c'est la miséricorde : celle de Dieu est aussi infinie. Elle s'exerce pour les premiers comme pour les derniers. Elle vise les fidèles mais court également vers les brebis perdues. Dieu ne veux pas la mort du pècheur mais qu'il vive....nous disait déjà Ezéchiel.
Dans un beau texte, un des plus anciens de la Bible le livre d'Osée le prophète nous parle d'un retournement intérieur de Dieu. «Comment te délaisserais-je, Mon coeur se retourne en moi, et toutes ensemble, mes compassions s'émeuvent.»Osée‬ ‭11:8‬‭ [à développer...] C'est cette miséricorde là qui se révèle dans la parabole d'aujourd'hui. Prenons le temps de la contempler à la lumière de nos failles les plus intérieures...
Cela nous conduit au troisième mot clé : l'humilité... où sommes-nous dans l'ordre de départ... pas forcément dans les premiers ou alors en apparence... l'évangile nous interpelle à la fois dans nos jugements sur autrui (// à faire avec le frère ainé du fils prodigue en Luc 15) comme dans une contemplation plus intérieure sur notre participation réelle au travail de la vigne....
mercredi soir j'arrivais épuisé du travail de la journée et je n'ai pas su sauter de joie quand l'un d'entre-vous m'a appelé pour ajouter une nouvelle réunion à mon week-end déjà blindé. Pardon Seigneur...
La vigne a besoin de nous. Le salaire est le même pour tous... il n'y a pas d'ascenseur pour le Royaume si ce n'est les bras du Seigneur miséricordieux nous dit la petite Thérese Retroussons les manches dès aujourd'hui... pas à la dernière heure...
« Si, en vivant en ce monde, j'arrive à faire un travail utile, je ne sais plus comment choisir. Je me sens pris entre les deux : je désire partir pour être avec le Christ, car c'est bien préférable ; mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire. »Ph. 1....
Ce texte est à lire jusqu'au ch.3... une course sans fin...

Vient alors la contemplation du quatrième mot de ces textes la vigne... quelle belle image que nous allons méditer encore pendant deux autres dimanche. La vigne est par excellence l'invitation de Dieu à danser avec lui. Cela demande de nous nourrir aux deux tables de la parole et du pain, mais également de comprendre que rien ne porte du fruit si elle ne nous vient de la sève divine. Nous sommes des sarments inutiles si nous oublions cela...
Donne nous Seigneur la force de travailler à ta vigne...

11 août 2020

Le premier lavement des pieds - Gen 18, 4

Tradition culturelle d'hospitalité, le lavement des pieds proposé par Abraham, n'est pas à la hauteur du lavement des pieds proposé par Jésus en Jean 13.
Pourtant...
Pourtant il s'inscrit dans cette dynamique même de dépouillement en dépouillement, d'agenouillement en et agenouillement qui conduira Jésus à prendre la place, à la suite des femmes de Galilée à celle qui revient à l'esclave, pour nous montrer la voie de l'amour humble de Dieu.
C'est ce que nous avons peut-être à méditer dans le silence et dans l'attente d'Abram au chêne de Mambré.
Sur le sable fragile d'un homme et d'une femme stérile malgré leur union, Dieu veux construire un peuple, une descendance.
Leçon d'humilité s'il en est que cette stérilité de Sarah qui va jusqu'à rire du projet de Dieu et découvrir pourtant en sa chair que Dieu peut faire germer une graine sur un terrain aride.
Dieu a besoin de nous.
Si nous prêtons nos corps stériles et voués à la ruine à la construction d'un Corps, nous devenons participants, malgré notre indignité à l'édification du Temple.
Il ne s'agit pas d'une Babel éphémère si notre dépouillement reste entier. Il faut accepter de mourir à nos rêves humains pour que le grain prenne corps. C'est dans l'argile de nos échecs que le Seigneur dessine un chemin amoureux...
C'est dans le terreau de nos échecs que Dieu fait jaillir le grain du Verbe.
C'est sur le reniement d'Abram que jaillira la descendance.
C'est sur le reniement de Pierre que se construit l'Église.
Nous ne sommes que des pêcheurs pardonnés.
De nos échecs Dieu fera des victoires.
Sur l'argile du potier, Dieu modèle des amphores.
De la quête attentive de l'homme, de l'accueil humble d'autrui jaillit le signe ultime, l'agenouillement de Dieu devant l'homme qui crie que l'amour est possible.
Si tu veux...
Laisse Dieu agir.
Laisse le te dépouiller de tes désirs humains, de ta quête de pouvoir, pour qu'au fond d'un vase brisé, d'un rideau déchiré, d'un corps mutilé, d'un rêve cassé, d'un cœur transpercé, jaillisse une source nouvelle...

01 juillet 2020

Dépouillement 14 - Homélie du 14ème Semaine du Temps Ordinaire, Année…

Projet 2

Quelles sont les trois grandes tentations ? Elles se résument, nous dit Jean, dans l'Avoir, le valoir et le pouvoir...
Nous avons là les trois tentations principales de l'homme... y compris celles de Jésus au désert...

Les textes d'aujourd'hui nous invitent à méditer leurs contraires, comme autant de facettes de Dieu.

A la tentation de l'avoir s'oppose la pauvreté du Christ
Au valoir s'oppose l'humilité de Dieu
A l'excès de pouvoir et la violence s'oppose la douceur...

Ces trois mots clés résonnent dans les textes d'aujourd'hui. Pauvreté, humilité et douceur...

Ces attributs de Dieu j'aimerais prendre le temps d'y faire écho...

Car notre chemin humain se résume dans l'écart creusé entre ces six tensions...

Choisir le dépouillement contre la tentation de l'avoir
Choisir la douceur contre nos tentations de pouvoir
Choisir l'humilité contre l'orgueil.

Écoutons maintenant à nouveau les textes de ce dimanche avec ces clés :
Pauvreté :
 « Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d'une ânesse. » Za 9, 9-10
Zacharie nous fait contempler cette pauvreté de Dieu face à laquelle nos richesses deviennent bien pâles. Heureux les pauvres de cœur, le dépouillement les rendra libres...
Cherchons cette pauvreté du cœur qui transforme notre regard sur autrui pour devenir contemplation du visage de l'autre. La pauvreté est la première clé...
Ce qu'annonce Zacharie c'est la pauvreté et l'humilité de Dieu, c'est le Christ entrant à Jérusalem assis sur un ânon au lieu d'être debout sur un char de feu....
Il en est de même de cette douceur qu'évoque à nouveau Zacharie....
Le roi qui nous est promis n'est pas un violent il « fera disparaître d'Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l'arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. » Za 9, 10
Ce que Zacharie proclame à sa manière n'est t'il pas ce Christ doux et humble de cœur que nous décrit Matthieu 11.

Il y a une libération qui est ici en jeu... sortir de l'emprise de la chair, comme le suggère Paul (Rom 8) c'est retrouver la liberté de ceux qui se dépouillent de ces tentations qui nous empêchent d'atteindre douceur et humilité.

Choisir la vie, c'est se libérer de ce qui conduit à la mort intérieure : pouvoir avoir valoir.

Il y a finalement un pas à faire dans notre dépouillement, c'est celui de prendre le chemin du Christ, ce qu'il appelle son joug, ce fardeau léger qui est le chemin de la vérité et de la vie.
N'est-ce pas d'entrer dans la danse de Dieu. Suivre Jésus devient léger quand on renonce au pouvoir à l'avoir ou au valoir.

La Pauvreté du cœur, l'humilité et la douceur. Là sont les moyens de rendre le fardeau léger.

Quand vous avancerez devant l'autel, tout à l'heure prenez le temps de ce dépouillement intérieur, de ce renoncement à l'avoir au pouvoir et au valoir. Choisissez l'humilité et la douceur....

PS : il y a une phrase dans l’Évangile qui peut nous faire trébucher, c’est cette condition posée.
« personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils choisit de le révéler »
Au delà de la lecture littérale : deux pistes. La piste historique ou Mathieu se demande pourquoi les juifs n’ont pas suivi Jésus, pourquoi le Fils ne s’est pas révélé ?
La deuxième piste, consiste à  contempler la révélation comme un chemin dans lequel Dieu nous invite. Choisir de découvrir le Christ est un chemin complexe qui prend du temps. Certains refusent d’entrer dans cette voie. Ils ferment eux-mêmes la porte. Mais à ce qui choisissent d’avancer, Mathieu en parlant deux fois de révélation nous montre qu’il y a un chemin de révélation commencé dès le début de l’Évangile et qui se complète dans ce texte de Mathieu. 

21 mai 2020

Dieu dépouillé - 8 - Méditation sur l’ascension

Version 2
La clé de lecture de mes lectures pastorales se trouve dans l'humilité de Dieu (la kénose des théologiens). D'où le titre un peu provocateur de Dieu dépouillé de mon dernier opus (1)  - inspiré par un texte de François Cassingena-Trévédy publié récemment dans Etudes (cf. billet récent) sur le dépouillement. Cette humilité est le cœur du kérygme, inaccessible pour l'homme que je suis, et pourtant but à saisir (au sens de Ph. 3) et ligne de conduite bien difficile.

Elle est aussi une clé de l'ascension que nous fêtons aujourd'hui, comme le montre ce petit extrait du docteur angélique découvert ce matin sur l'Évangile au Quotidien alors que je me trouvais bien sec sur l'ascension : « le Christ méritait d'être au ciel à cause de son humilité. En effet, aucune humilité n'est aussi grande que celle du Christ, car alors qu'il était Dieu, il voulut devenir homme ; alors qu'il était Seigneur, il voulut prendre la condition de l'esclave, se rendant obéissant jusqu'à la mort (cf. Ph 2,7) et il descendit jusqu'en enfer : aussi mérita-t-il d'être exalté jusqu'au ciel, au trône de Dieu. L'humilité en effet est la voie qui conduit à l'exaltation. « Celui qui s'abaisse, dit le Seigneur, (Lc 14, 11) sera élevé, et saint Paul écrit aux Éphésiens (4, 10) : « Celui qui est descendu, c'est le même qui est aussi monté par-delà tous les cieux. »(2).
Pour comprendre cette affirmation il faut remonter un peu plus haut dans le texte cité «  Les saints aussi montent au ciel, cependant ils n'y montent pas de la même manière que le Christ ; le Christ en effet s'est élevé aux cieux de sa propre puissance, mais les saints s'y élèvent comme entraînés par le Christ. Aussi lui disons-nous avec l'épouse du Cantique (1, 3) : « Seigneur, entraîne-nous à ta suite. » On peut dire également que personne ne monte au ciel si ce n'est le Christ. Le Christ en effet est la Tête de l'Église, et les saints ne montent au ciel que parce qu'ils sont ses membres. »(3).
Le mystère de l'ascension s'inscrit dans la tradition hébraïque de l'ascension d'Élie (4) et dans la méditation des anges qui montent et descendent de l'échelle de Jacob (5) et notamment de l'interprétation donnée par le targum (6).
Cette dimension verticale est soulignée par Thomas d'Acquin dans le même texte « le Christ tire son origine de Dieu, qui est au-dessus de tout. Jésus dit en effet à ses Apôtres (Jn 16, 28) : « Je suis sorti du Père et je suis venu au monde : maintenant je quitte le monde et je vais au Père. » (7)
Cet axe vertical est surtout à contempler pour moi dans cet axe particulier de la kénose c'est pourquoi il faut relire Thomas dans le bon sens, pour percevoir in fine l'insistance sur le dépouillement comme clé d'interprétation de l'ensemble.
Paul le dit très bien dans Ph. 2, c'est parce qu'il c'est abaissé que Dieu lui a donné le nom (de Jésus c'est-à-dire de Dieu sauveur).
Il nous reste aujourd'hui à méditer la dernière phrase du Christ qui est notre espérance : « je serai avec vous » et contempler le triple don qu'il nous fait dans l'Écriture, l'eucharistie partagée et l'Esprit déposé en nous par les sacrements reçus du baptême et de la confirmation.

Alors, dans la dynamique même de son dépouillement, pourrons-nous le laisser « transformer notre corps humilié, en le configurant à son corps glorieux par l’opération qui le rend capable de tout s’assujettir.» Philippiens‬ ‭3:21‬

(1) cf. sur Fnac.com en téléchargement gratuit
(2) Saint Thomas d'Aquin, Commentaire du Credo (Le Credo; trad. par un moine de Fontgombault; collection Docteur Commun; Nouv. éd. latines, 1969; p. 137.139; rev.)
(3) ibid.
(4, 5, 6) Dieu dépouillé
(7) St Thomas, op. cit.

09 mai 2020

Dépouillement - 2 - méditation du 5eme dimanche de Pâques


Projet 2
Il y a une leçon à tirer de cette situation particulière qui voit l'effondrement de nos babylones anciennes : « Malheur ! Malheur ! la grande ville, Babylone, ville puissante : en une heure, ton jugement est arrivé ! » Et les marchands de la terre pleurent et prennent le deuil à cause d'elle, puisque personne n'achète plus leur cargaison : cargaison d'or, d'argent, (...) « Les fruits mûrs de tes convoitises sont partis loin de toi, tout ce qui était brillance et splendeur est perdu pour toi, et cela plus jamais ne se retrouvera. » (...) « Malheur ! Malheur ! La grande ville, vêtue de lin fin, (...) toute parée d'or, (...) , car, en une heure, tant de richesses furent dévastées ! » Ap 18, 10 sq
De quoi parle l'apôtre Jean si ce n'est toute nos constructions humaines, notre monde financier certes mais peut-être aussi nos églises de pierre maintenant vidées de son peuple. Face à ce désert et ce dépouillement il nous faut revisiter ce qui est essentiel, ce qui compte vraiment, au delà des « cymbales retentissantes »(1Co 13).
Ce qui demeure est ce qui dépouillé du faste. C'est ce qui est de l'ordre de l'amour. Le rideau est déchiré (1) et seule la croix nue et décharnée sur un ciel sombre luit de vérité. « je suis le chemin, la vérité et la vie ». (Jn 14).
La croix est loin de tout faste et de tout or, elle est cet amour désintéressé d'un donateur qui s'efface et meurt après avoir tout donné.
Christ est humilité et kénose...loin de nos splendeurs factices et peut-être même du faste ancien de nos liturgies. Abandonnons l'or et contemplons le bois transpercé, la chair meurtrie de ceux qui donnent et se taisent, de nos soignants épuisés et vidés. Ils brlllent d'un amour plus essentiel que nos ors et nos paroles humaines, voire de certains de nos discours ou de nos prières machinales qui oublient ce qui est voilé et silencieux au fond de nous-mêmes : l'appel à l'humilité et à l'agenouillement.

« Le Christ Jésus, +
ayant la condition de Dieu, *
ne retint pas jalousement
le rang qui l'égalait à Dieu.
7 Mais il s'est anéanti, *
prenant la condition de serviteur.
Devenu semblable aux hommes, +
reconnu homme à son aspect, *
8 il s'est abaissé,
devenant obéissant jusqu'à la mort, *
et la mort de la croix.
9 C'est pourquoi Dieu l'a exalté : *
il l'a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
10 afin qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse *
au ciel, sur terre et aux enfers,
11  et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur » *
à la gloire de Dieu le Père.(Ph 2, 5-11)

Le suis le chemin...
Et quel chemin. L’humilité de Dieu, la kénose du Père puis du Fils qui se répand ensuite silencieusement dans nos cœurs et loin de tout discours surfait.
Il est vérité et vie.
À quelle vie nous appelle le Christ sinon de tenter cette voie ardue, presqu’inacessible de l’amour donné et partager.
Je suis...
Il est chemin, il est présent.
Présent dans le cri du frère, dans l’appel ténu que nous ne savons pas entendre, dans cette main que nous refusons et ignorons sans cesse...

(1) cf. mon livre éponyme



01 avril 2020

Homélie du dimanche des Rameaux et de la passion année A - Isaïe 50…

Projet 2


Jusqu'où peut-on aimer ?

À l'heure où de nombreux soignants donnent tout ce qu'ils peuvent et parfois leur vie pour sauver les plus fragiles d'entre nous, il nous faut rentrer dans le silence et la contemplation de la Passion.

« Ceci est mon corps (...) et mon sang versé »

On cherche trop Dieu dans les miracles et les bonheurs apparents alors qu'il est là dans le don, la souffrance, les outrages (cf. Is. 50, 6) et se révèle sur la croix. Dieu est nu...

Jamais Dieu ne se révèle mieux que dans la croix.

Si le rideau du temple se déchire de haut en bas, (Mat 27, .Mc 16) c'est que Dieu lui-même dévoile ce qui était caché.

C'est ce que nous dit Paul dans cet hymne magnifique des Philippiens 2 qui révèle le cœur du mystère :


Le Christ Jésus,
 ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l'égalait à Dieu.
    Mais il s'est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect,
    il s'est abaissé,
devenant obéissant jusqu'à la mort,
et la mort de la croix.
    C'est pourquoi Dieu l'a exalté :
il l'a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
    afin qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse
au ciel, sur terre et aux enfers,
    et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur »
à la gloire de Dieu le Père.

Il n'y a rien à ajouter... Sauf peut-être à ne pas fermer notre porte. Dieu se fait proche, petit, faible pour que nous puissions le laisser germer en nous. Ne laissons-pas cette lumière sous le boisseau, laissons-là transparaître.

Il y a une interaction subtile entre la lente révélation de Dieu et la prise de conscience intérieure de sa présence et surtout l'ouverture du cœur qui en résulte.
Ceux qui on compris cela ne demeure pas dans une contemplation stérile, mais deviennent acteurs, co-créateurs, mains de Dieu.

C'est peut-être ce que nous contemplons aujourd'hui dans cette belle mobilisation des aidants.
Nos soignants sont, par leur sacrifice, les nouveaux prêtres du saint mystère de l'amour donné, livré et nu, car fragile et exposé...

Nous autres clercs n'arriverons pas forcément à égaler cela. Ce que nous symbolisons virtuellement ils le rendent visible par leur vie.
Prions pour eux

21 mars 2020

Méditation du troisième samedi de carême

Méditation du troisième samedi de carême

En ces temps de malheur la 1ère lecture nous interpelle ; « Je veux la fidélité, non le sacrifice » nous dit Os 6, 1-6. 
Écoutons d'abord l'ensemble du texte, tiré du livre du prophète Osée :
Venez, retournons vers le Seigneur !
il a blessé, mais il nous guérira ;
il a frappé, mais il nous soignera.
Après deux jours, il nous rendra la vie ;
il nous relèvera le troisième jour :
alors, nous vivrons devant sa face.
Efforçons-nous de connaître le Seigneur :
son lever est aussi sûr que l'aurore ;
il nous viendra comme la pluie,
l'ondée qui arrose la terre.
– Que ferai-je de toi, Éphraïm ?
Que ferai-je de toi, Juda ?
Votre fidélité, une brume du matin,
une rosée d'aurore qui s'en va.
Voilà pourquoi j'ai frappé par mes prophètes,
donné la mort par les paroles de ma bouche :
mon jugement jaillit comme la lumière.
Je veux la fidélité, non le sacrifice,
la connaissance de Dieu plus que les holocaustes.
– Parole du Seigneur.

Nous sommes encore dans une lecture d'un Dieu vengeur qui n'est pas forcément le Dieu chrétien, et pourtant, au delà de cette image d'un Dieu qui punit, transparaît une double tension. Celle qui nous fait grandir : «  Je veux la fidélité, non le sacrifice » et l'espérance d'une révélation : « Après deux jours, il nous rendra la vie ; il nous relèvera le troisième jour :
alors, nous vivrons devant sa face. »

Entre ces deux tensions se dresse une morale vectorielle, celle qui n'est pas dans le jugement d'autrui mais dans une interpellation intérieure où notre péché transparaît et nous conduit à l'humilité.

Tu veux la fidélité, Seigneur, non le sacrifice. (cf. Os 6, 6a)

Prions avec le Psaume : 50 (51), 3-4, 18-19, 20-21ab

« Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.
Si j'offre un sacrifice, tu n'en veux pas,
tu n'acceptes pas d'holocauste.
Le sacrifice qui plaît à Dieu, c'est un esprit brisé ;
tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé.
Accorde à Sion le bonheur, relève les murs de Jérusalem.
Alors tu accepteras de justes sacrifices,
oblations et holocaustes sur ton autel. »

Alors L'Evangile prend sens : Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie. Aujourd'hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur.
Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie.
(cf. Ps 94, 8a.7d)
Écoutons l'Évangile de Jésus Christ selon saint Luc : « En ce temps-là, à l'adresse de certains qui étaient convaincus d'être justes et qui méprisaient les autres, Jésus dit la parabole que voici »
L'introduction n'est pas neutre. J'avoue n'avoir jamais pris le temps de la méditer. Arrêtons-nous un instant dessus, dans l'axe du frère aîné du fils prodigue...(Luc 15).

« Deux hommes montèrent au Temple pour prier.
L'un était pharisien, et l'autre, publicain (c'est-à-dire un collecteur d'impôts).
Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même :
"Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain.
Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne."
Le publicain, lui, se tenait à distance et n'osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! »
Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c'est lui qui était devenu un homme juste,
plutôt que l'autre.
Qui s'élève sera abaissé ; qui s'abaisse sera élevé. »
– Acclamons la Parole de Dieu.
(Lc 18, 9-14) Textes liturgiques © AELF.

Tout est dit. Donne-nous Seigneur cette inaccessible humilité.

16 mars 2020

Leçon d’humilité - saint Basile


« Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le vaillant ne se glorifie pas de sa vaillance, que le riche ne se glorifie de sa richesse ! Alors, où est la vraie gloire et en quoi l'homme est-il vraiment grand ? Le prophète répond : Celui qui veut se glorifier trouvera sa gloire s'il reconnaît et comprend que je suis le Seigneur.

Voilà quelle est la noblesse de l'homme, voilà quelle est sa gloire et sa grandeur : connaître vraiment ce qui est grand et s'y unir, et rechercher sa gloire dans la gloire de Dieu. L'Apôtre dit en effet : Celui qui se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur, après avoir dit : Le Christ a été envoyé pour être notre sagesse, pour être notre justice, notre sanctification, notre rédemption. ~

Voilà quelle est en Dieu notre fierté parfaite et exacte : ne pas se flatter de sa propre justice, mais savoir qu'on est dépourvu de vraie justice et ne trouver sa justice que dans la foi au Christ. Et c'est en cela que Paul se glorifie, car il méprise sa propre justice : il recherche cette justice qui est donnée par le Christ, qui vient de Dieu et qui consiste en la foi, pour connaître le Christ, éprouver la puissance de sa résurrection, et communier aux souffrances de sa passion, en reproduisant sa mort dans l'espoir de parvenir à ressusciter d'entre les morts.

Alors, toute la prétention de l'orgueil s'écroule. Il ne te reste plus rien, pauvre homme, dont tu puisses te vanter, où tu puisses mettre ta fierté et ton espérance. Il ne te reste qu'à mortifier tout ce que tu possèdes, qu'à chercher dans le Christ ta vie future. Nous l'avons par avance, nous y sommes déjà, puisque nous vivons entièrement par la grâce que Dieu nous donne.

Et certes, c'est l'action de Dieu qui produit en nous la volonté et l'action, parce qu'il veut notre bien. En outre Dieu nous révèle par son Esprit sa sagesse qui a préparé notre gloire. Et c'est Dieu qui nous donne la force dont nous avons besoin dans nos labeurs. J'ai travaillé plus qu'eux tous, dit saint Paul ; non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi.

Dieu nous a délivrés de tout danger au-delà de toute espérance humaine. Nous avions reçu en nous-mêmes notre arrêt de mort, dit saint Paul. Ainsi notre confiance ne pouvait plus se fonder sur nous-mêmes, mais sur Dieu qui ressuscite les morts. C'est lui qui nous a arrachés à une telle mort et nous en arrachera ; en lui nous avons mis notre espérance : il nous en arrachera encore. » (1)

Si l'on croit bien faire, un seul remède : considérer notre faiblesse et accepter que ce qui est bien à travers nous vient de Dieu seul, cet amour déposé en nous, miette vivante non consumée de la Parole et de l'Eucharistie partagée qui subsiste à nos adhérences et devient grâce parce qu'elle est germe de Dieu.

C'est peut-être cela qui nous fait considérer que Dieu plante dans nos jardins mal cultivés des graines qui dépasse notre terre pour jaillir vers le ciel.


C'est au nom de cela que je continue d'écrire en dépit de l'orgueil qui m'étouffe.
C'est au nom de cela que je pense qu'un misérable comme celui tant blâmé dans le passé récent a pu faire naître une grande œuvre qui l'a dépassé et fait jaillir de la fragilité une lueur d'espoir et de charité.
La charité, l'espérance et la foi restent théologales, c'est-à-dire don de Dieu, prêchent avec raison notre Église.

(1) Basile de Césarée - Homelie sur l'humilité, source Office des lectures du 3eme lundi de carême

30 décembre 2019

Au fil de Luc 2, 36-38 - Contempler la faiblesse de Dieu

«Il y avait aussi une prophétesse, appelée Anne, qui était la fille de Penouel, de la tribu d'Asser. Elle était très âgée. Elle avait vécu sept ans avec le mari qu'elle avait épousé dans sa jeunesse, puis, demeurée veuve, elle était parvenue à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne quittait pas le temple, mais elle servait Dieu jour et nuit: elle jeûnait et elle priait. Elle arriva à ce même moment et se mit à remercier Dieu. Et elle parla de l'enfant à tous ceux qui attendaient que Dieu délivre Jérusalem.»
‭‭Luc‬ ‭2:36-38‬ ‭
Un thème récurrent dans mes essais, cette contemplation d’un Dieu qui se fait petit devant l’homme (1), qui se met à genoux pour lui faire comprendre que son amour infini n’est pas chemin de puissance mais kénose, c’est-à-dire humilité et miséricorde(2). Il est probable qu’Anne la prophétesse du Temple avait saisi cela...

L’enfant Jésus est le remède du cléricalisme. Il nous fait tomber à genoux.



(1) cf. mon livre éponyme
(2) cf. mon livre éponyme


19 novembre 2019

Homélie du 24/11 - Christ Roi - sur les pas de Luc 23 - kénose 147

Projet 3
Qu'est-ce que la royauté du Christ ?
Quel est le roi que nous présente ces deux textes ?
Où sont leurs signes de pouvoir ?
Quel est le fils qu'a choisi Samuel ?
Rappelons nous ce récit.
«Samuel ajouta: «Sont-ils tous là?» – «Non, répondit Jessé; il y a encore le plus jeune, David, qui garde les moutons.» – «Envoie-le chercher, ordonna Samuel. Nous ne commencerons pas le repas sacrificiel avant qu'il soit là.» Jessé le fit donc venir. Le jeune homme avait le teint clair, un regard franc et une mine agréable. Le Seigneur dit alors à Samuel: «C'est lui, consacre-le comme roi.»»
‭‭1 Samuel‬ ‭16:11-12‬
Samuel ne prend pas le plus fort. L’élection se fait par le regard du prophète qui, grâce à Dieu , lit le cœur de l’homme.
Christ est roi. D’où vient sa royauté ?
Où sont les pouvoirs de Jésus ?
Il semble important de contempler cela avant de méditer où cela nous conduit
La liturgie nous invite à un déplacement.
Le Christ est rayonnant de gloire alors même qu’il est « élevé » sur un instrument de malédiction.
Jean 3,14 rappelle d’ailleurs le lien entre cette élévation et celle du serpent au désert. Moise le mettait au bon d’un bâton pour guérir le peuple.
Qu’est-ce qui est élevé ? Le bon larron voit ce que l’autre ne voit pas.
La violence n’est pas le chemin.
Et nous ?
« Tu n'aurais pas de pouvoir/autorité si elle ne t'avais été donnée... » (Jn 19,11) dit Jésus à Pilate
Où est notre vocation ?
Que veut dire être prêtre prophète et roi ?
N'est ce pas marcher sur les pas du Christ
Entrer dans l'humilité (la kénose)
« Le Christ n'a pas retint jalousement le rang qui l'égalait à Dieu.. mais il s'est anéanti ». (Ph 2)
Le royaume est à venir
Il est don de Dieu.
Tout à l’heure il va se faire tout petit pour entrer en nous. Laissons lui une place...
L’humilité de Dieu nous conduit à un autre royaume, celui de l’amour. Il nécessite de mourir à tout désir de puissance pour ce laisser porter par une seule puissance : « l'amour est ta force. Écoutez le Cantique des Cantiques : « L'amour est fort comme la mort » (8,6). (...) En effet, l'amour détruit ce que nous avons été, pour nous permettre, par une sorte de mort, de devenir ce que nous n'étions pas. (...) C'est cette mort qui était à l'œuvre en celui qui disait : « Le monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde » (Ga 6,14). C'est de cette mort que parle ce même apôtre quand il dit : « Vous êtes morts et votre vie est désormais caché avec le Christ en Dieu » (Col 3,3). Oui, « l'amour est fort comme la mort ». Si l'amour est fort, il est puissant, il est de grande force, il est la force même. (...) Que ta paix soit donc dans ta force, Jérusalem ; que ta paix soit dans ton amour »(1)

(1) Saint Augustin Les Discours sur les Psaumes, Ps 121, §3,12

17 octobre 2019

Au fil de Luc 11 - Humilité et miséricorde - 4

« Toi, l'homme qui juge, tu n'as aucune excuse, qui que tu sois : quand tu juges les autres, tu te condamnes toi-même car tu fais comme eux, toi qui juges.
    Or, nous savons que Dieu juge selon la vérité ceux qui font de telles choses.
    Et toi, l'homme qui juge ceux qui font de telles choses et les fais toi-même, penses-tu échapper au jugement de Dieu ?
    Ou bien méprises-tu ses trésors de bonté, de longanimité et de patience, en refusant de reconnaître que cette bonté de Dieu te pousse à la conversion ?
    Avec ton cœur endurci, qui ne veut pas se convertir, tu accumules la colère contre toi pour ce jour de colère, où sera révélé le juste jugement de Dieu, lui qui rendra à chacun selon ses œuvres.
    Ceux qui font le bien avec persévérance et recherchent ainsi la gloire, l'honneur et une existence impérissable,recevront la vie éternelle ; mais les intrigants, qui se refusent à la vérité pour se donner à l'injustice, subiront la colère et la fureur.
    Oui, détresse et angoisse pour tout homme qui commet le mal, le Juif d'abord, et le païen. Mais gloire, honneur et paix pour quiconque fait le bien, le Juif d'abord, et le païen. Car Dieu est impartial. (1)

Les textes d'aujourd'hui vont plus loin :
« En ce temps-là, Jésus disait : « Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue et vous passez à côté du jugement et de l'amour de Dieu. Ceci, il fallait l'observer, sans abandonner cela. Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous aimez le premier siège dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques.
    Quel malheur pour vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu'on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. »
    Alors un docteur de la Loi prit la parole et lui dit : « Maître, en parlant ainsi,
c'est nous aussi que tu insultes. » Jésus reprit : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d'un seul » Lc 11, 42-46 Textes liturgiques © AELF.

Depuis que le chapitre 8 de Jean a été écrit, il nous faut être plus prudent sur notre capacité à juger autrui. « Que celui qui n'a pas péché jette la première pierre ».

Humilité et miséricorde (2) constitue l'une des clés de l'avenir de notre Église. Brandir la morale sur les places publiques ne dessert pas la véritable mission confiée à l'homme. L'annonce du kérigme n'est pas à confondre avec le moralisme pharisien.

Jésus est amour.

Les pères du désert avait compris cela : « Malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter »
Un frère qui avait péché fut chassé de l'église par le prêtre ; abba Bessarion se leva et sortit avec lui en disant : « Moi aussi, je suis un pécheur. » (...)
Un frère fauta une fois à Scété. On tint un conseil, auquel on convoqua abba Moïse. Mais celui-ci refusa de venir. Alors le prêtre lui envoya dire : « Viens, car tout le monde t'attend. » Il se leva, et vint avec une corbeille percée qu'il remplit de sable qu'il mit sur son dos et qu'il porta ainsi. Les autres, sortis à sa rencontre, lui dirent : « Qu'est-ce que cela, père ? » Le vieillard dit : « Mes fautes sont en train de s'écouler derrière moi et je ne les vois pas ; et moi, je suis venu aujourd'hui pour juger les fautes d'autrui ? » Entendant cela, ils ne dirent rien au frère, mais lui pardonnèrent.
Abba Joseph interrogea abba Poemen en disant : « Dis-moi comment devenir moine. » Le vieillard dit : « Si tu veux trouver du repos ici-bas et dans le monde à venir, dis en toute occasion : Moi, qui suis-je ? Et ne juge personne. »
Un frère interrogea le même abba Poemen en disant : « Si je vois une faute de mon frère, est-il bien de la cacher ? » Le vieillard dit : « À l'heure où nous cachons les fautes de notre frère, Dieu lui aussi cache les nôtres, et à l'heure où nous manifestons les fautes de notre frère, Dieu lui aussi manifeste les nôtres. »(3)



(1) Rm 2, 1-11
(2) cf. ma trilogie éponyme
(3) Les Sentences des Pères du désert (4e-5e siècles)
Collection systématique, ch. 9, ; SC 387 (Les Apophtegmes des Pères; trad. J.-C. Guy, s.j.; Éds Cerf 1993, p. 427s), source : l'Évangile au Quotidien

19 août 2019

Au fil de Matthieu 19,21 22 - Humilité et effacement - Amour en toi…


« Jésus lui répondit : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » À ces mots, le jeune homme s'en alla tout triste, car il avait de grands biens » (Mat 19, 21-22)

Écoutons sur ce chemin les propos de sainte Thérèse d'Avila : « Ô Jésus ! s'en trouvera-t-il une seule parmi nous pour dire qu'elle ne veut pas aller jusqu'au bout ? (...) Nulle ne le dira, certainement. Toutes nous assurons le vouloir. Mais il faut quelque chose de plus pour que Dieu soit maître absolu d'une âme, et le dire ne suffit pas. Le jeune homme à qui Notre Seigneur demanda s'il voulait être parfait en est la preuve. (...)
Entrez, entrez à l'intérieur de vous, mes filles, dépassez vos petits actes de vertu. Comme chrétiennes, vous êtes tenues à tout cela, et à bien davantage. Contentez-vous d'être les servantes de Dieu, et ne portez pas vos prétentions si haut, que vous risquiez de tout perdre. Considérez les saints qui sont entrés dans la chambre de ce Roi (Ct 1,4), et vous verrez quelle distance nous sépare d'eux. Ne demandez pas ce que vous n'avez pas mérité. Après avoir offensé Dieu comme nous l'avons fait, il ne devrait même pas nous venir à l'esprit que nous pourrons jamais, quels que soient nos services, mériter la faveur accordée aux saints. Ô humilité ! humilité ! (...) Je suis un peu tentée de croire que si certaines personnes s'affligent tant de leurs sécheresses, c'est qu'elles manquent un peu de cette vertu. (...) Éprouvons-nous nous-mêmes, mes sœurs, ou laissons Dieu nous éprouver : il sait bien le faire, quoique souvent nous nous refusions à le comprendre. (...)
Si, au moment où il nous dit ce que nous avons à faire pour être parfaits, nous lui tournons le dos et nous en allons tout tristes, comme le jeune homme de l'Évangile, que voulez-vous qu'il fasse, lui qui doit mesurer la récompense sur l'amour que nous lui portons ? Cet amour, mes filles, ne doit pas être un vain fruit de l'imagination, mais se prouver par les œuvres. Ne vous figurez pas cependant que Dieu ait besoin de nos œuvres ; ce qu'il lui faut, c'est la détermination de notre volonté. (...) C'est même indubitable : si l'on persévère dans ce dépouillement et cet abandon de tout, on obtiendra ce qu'on désire. À une condition cependant, comprenez-le bien, c'est qu'on se considérera comme un serviteur inutile (Lc 12,48) (1)



(1) Sainte Thérèse d'Avila, Le Château intérieur, 3es demeures, ch. 1 (trad. Mère Marie du Saint-Sacrement, OC ; Éds du Cerf 1995, p. 1000-1001 ; rev.)



23 juillet 2019

Amour en toi - 37 - Mère Teresa

Au milieu de sa nuit, Mère Teresa rejoint à sa façon le chemin d'Etty Hillesum dans les camps de la mort : « Aucune joie, aucun attrait, aucun zèle dans mon travail (...) Je fais de mon mieux. Je me dépense, mais je suis plus que persuadée que cet ouvrage n'est pas le mien. Je n'ai aucun doute : c'est Vous qui m'avez appelée, et avec tant d'amour et de force ! C'était Vous, je le sais. C'est pourquoi cet ouvrage est le Vôtre et c'est encore Vous maintenant... » (1)

«Non pas que de nous-mêmes nous soyons capables de considérer quoi que ce soit comme venant de nous-mêmes: notre capacité vient de Dieu. C’est lui aussi qui nous a rendus capables d’être ministres d’une alliance nouvelle » (2 Corinthiens‬ ‭3:5-6‬ ‭NBS‬‬)

« Ne vous gonflez pas d’orgueil, car vous avez Jésus Christ en vous » (2)

Une leçon d’humilité...

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 434
(2) Saint Ignace d’Antioche, Lettre aux Magnésiens.

19 juillet 2019

Le souffle et le vent - Urs von Balthasar

Pour Urs von Balthazar, il faut distinguer le grand vent hèbèl de ruah, le souffle de Dieu qui souffle où il veut. 

Hèbèl est "sans poids et emporté à cause de sa pure légèreté. (...) 

Le souffle de l'irréalité court au-devant de la mort et la description de la mort, qui s'approche avec l'arrêt des mouvements et des bruits de la vie, est bien le sommet du livre de Qohélet et l'un des sommets de toute la Bible (Qo 12, 3-8). 

Mais (quand est comprise) la grande fin de la vanité (...), le souffle de l'Esprit de Dieu saisit le vent errant de la créature et lui fait apparaître cette vérité : de même que le "dieu des philosophes" était une abstraction pour un sage d'Israël, ainsi le sage en tant que philosophe est devenu une abstraction pour lui-même. (...)

Le Dieu vivant a "soumis à la vanité" sa propre image (Romains 8, 20), afin que celle-ci apprenne par expérience que la seule chose réelle et sans équivoque est la grâce par laquelle Dieu ouvre à sa créature un espace de vie.(1)

Une leçon mystique et théologique qui nous pousse à l'humilité.

(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la croix, GC 3. Theologie Ancien Testament p. 124sq

17 juillet 2019

Le sang, l'eau et l'Esprit - Saint Ambroise

"L'eau ne purifie pas sans l'Esprit.
On te l'a déjà dit : ne crois pas seulement ce que tu vois, car tu pourrais dire, toi aussi, comme Naaman : C'est cela, ce grand mystère que l'œil n'a pas vu, que l'oreille n'a pas entendu, et qui n 'est pas parvenu à la pensée de l'homme ? Je vois de l'eau comme j'en voyais tous les jours ! Peut-elle me purifier, alors que j'y suis descendu souvent sans être jamais purifié ? Apprends par là que l'eau ne purifie pas sans l'Esprit.Et c'est pour cela que tu as lu qu'il y a dans le baptême trois témoins qui se rejoignent en un seul témoignage : l'eau, le sang et l'Esprit. Car, si tu en retires un seul, le sacrement de baptême disparaît. Qu'est-ce que l'eau, en effet, sans la croix du Christ ? Un élément ordinaire, sans aucune portée sacramentelle. Et de même, sans eau il n'y pas de mystère de la nouvelle naissance, car personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Le catéchumène croit, lui aussi, en la croix du Seigneur Jésus, dont il a reçu le signe, mais s'il n'a pas été baptisé au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, il ne peut recevoir le pardon de ses péchés ni accueillir le don de la grâce spirituelle.Le Syrien Naaman s'est plongé sept fois selon la Loi ; mais toi, tu as été baptisé au nom de la Trinité. Tu as confessé ta foi au Père – rappelle-toi ce que tu as fait –, tu as confessé ta foi au Fils, ta foi en l'Esprit Saint. Retiens la succession de ces faits. Dans cette foi, tu es mort au monde, tu es ressuscité pour Dieu ; tu as été comme enseveli dans cet élément du monde ; mort au péché, tu es ressuscité pour la vie éternelle. Crois donc que cette eau n'est pas inutile. ~

Le paralytique de la piscine de Béthesda attendait un homme. Lequel, sinon le Seigneur Jésus, né de la Vierge ? Avec sa venue, il n'y avait plus seulement une préfiguration qui guérissait quelques individus, mais la vérité qui guérissait tous les hommes. C'est donc lui dont on attendait qu'il descende, lui de qui Dieu le Père a dit à Jean Baptiste : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre du ciel et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint. C'est de lui que Jean Baptiste a témoigné en disant : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Pourquoi l'Esprit est-il descendu alors comme une colombe, sinon pour que tu voies, pour que tu reconnaisses que la colombe envoyée hors de l'arche par Noé le juste était l'image de cette colombe-là, et pour que tu y reconnaisses la préfiguration de ce sacrement ? (...)

Est-ce que tu dois douter encore, alors que le Père le proclame pour toi de façon indubitable dans l'Évangile, lorsqu'il dit : Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j'ai mis tout mon amour ; alors que le Fils le proclame, lui sur qui l'Esprit Saint s'est manifesté sous la forme d'une colombe ; alors que l'Esprit Saint le proclame aussi, lui qui est descendu sous la forme d'une colombe ; alors que David le proclame : La voix du Seigneur sur les eaux, le Dieu de gloire a tonné, le Seigneur sur les eaux innombrables ; alors que l'Écriture l'atteste : aux prières de Gédéon, le feu est descendu du ciel et, de nouveau, à la prière d'Élie, le feu fut envoyé pour consacrer le sacrifice.

Ne considère pas le mérite personnel des prêtres, mais leurs fonctions. Et si tu tiens compte du mérite, de même que tu estimes Élie, tiens compte des mérites de Pierre ou de Paul : c'est eux qui nous ont transmis ce mystère qu'ils ont reçu du Seigneur Jésus. Un feu visible leur était envoyé pour qu'ils croient ; pour nous qui croyons, c'est un feu invisible qui agit. Pour ceux-là, c'était une préfiguration ; pour nous, c'est un avertissement. Crois donc que le Seigneur Jésus est là, invoqué par la prière des prêtres, lui qui a dit : Quand deux ou trois sont réunis, je suis là, moi aussi. À plus forte raison, là où est l'Église, là où sont les mystères, c'est là qu'il daigne nous accorder sa présence.Tu es donc descendu dans le baptistère. Rappelle-toi ce que tu as répondu : que tu crois au Père, que tu crois au Fils, que tu crois en l'Esprit Saint. Tu n'as pas à dire : Je crois en un plus grand et en un moins grand et en un dernier. Mais, par un même engagement de ta parole, tu es tenu de croire au Fils de la même manière que tu crois au Père, de croire en l'Esprit Saint de la même manière que tu crois au Fils, avec cette seule différence que tu confesses devoir croire en la croix du seul Seigneur Jésus." (1)

Le texte esr admirable.
En particulier sur les trois éléments du baptême. 

On notera cette distinction très actuelle qui est leçon d'humilité pour le diacre que je suis : "ne tiens pas compte du mérite personnel des prêtres/[diacres] mais leurs fonctions"

A méditer

(1) Saint Ambroise,  traité sur les mystères, source AELF,  office des lectures

27 février 2019

Nuit obscure - 2 - François Marxer

Nouvelle méditation à la suite de l'excellent ouvrage de François Marxer, Au péril de la Nuit.

L'auteur nous conduit à une traversée profonde de nos nuits spirituelles à la suite des grandes mystiques du XXeme siècle à commencer par la petite Thérèse qui veut rejoindre le Christ dans sa joie simple et se trouve plongée dans les profondeurs de l'obscurité. Un chemin intérieur qui traverse l'orant au delà des réflexions et des sagesses du monde jusque dans la kénose du Fils.

"L'effacement de Jésus complete sa propre image : il se fait, devant les tout-petits, plus infime, s'il est possible, qu'eux tous, en disparaissant dans la louange dont ils sont le contenu. Il occupe ainsi sa véritable place. Cette extase est complète à la croix(1)"

L'humilité n'est pas dans la négation de soi même ou une fausse modestie, mais dans l'agenouillement devant celui qui s'est anéanti pour nous redonner vie.

«Amen, amen, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit.»
‭(Jean‬ ‭12:24‬ ‭NBS‬‬)

Il nous faut "naître à nouveau" (cf. Jean 3).

Notre agenouillement devant Dieu nous porte, à sa suite, "à genoux devant l'homme" (2) pour voir en lui la trace de ce que Dieu a semé de bon et de grand.
L’effacement (..) ce n’est pas ambitionner la nudité de l’être (...) mais aimer à perte de vue” (3)
Je suis parti pour évangéliser la périphérie et c'est la périphérie qui me convertit, comme ce jeune pompier volontaire, rencontré samedi qui me donne une leçon de dévouement et d'abnégation. Même s'il ne confesse pas le Christ il est semence du Verbe.

Quel est l’enjeu du voyage ? Peut-être cette “vertu d’humilité (...) qui creuse en elle la profondeur de Dieu fait homme” qui cache l’éclat de sa divinité - ténèbre - dans cette pauvreté de l’humain que par amour il aura voulu devenir: laquelle profondeur est si grande que (...) la raison defaille, obscurité. (4)

(1) Paul Beauchamp, Le récit, La lettre et le Corps, Essais bibliques, Paris, Cerf, 1982, p. 99, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017
(2) cf. mon livre éponyme.
(3) F. Marxer, ibid. p. 68.
(4) p. 69

16 novembre 2018

Le moi et la Parole - Hans Urs von Balthasar

« Il arrivera (...) que dans la méditation de ce que Dieu dit, l'homme aussi, son je et son moi, surgisse et prenne de la réalité en réfléchissant sur lui-même, il l'obtient en écoutant la parole de Dieu, dans le miroir de laquelle il verra ce qu'il est lui-même en vérité (...). Celui qui fait de son moi le plus profond un moi attentif à la parole de Dieu et adorateur est sûr d'être compris dans la transcendance décisive » (1)

Un peu d'autocritique ne fait pas de mal. La Parole est un miroir qui nous renvoie notre réalité d'homme, fragile, englué dans nos insuffisances et dans les adhérences qui nous rattachent au monde. 

Et néanmoins cette autocritique rejoint ce que disait Paul en Ph 3. Tout n'est que « balayure ». Laissons nous porter par ce désir tout intérieur qui nous conduit au Seigneur.


(1) Hans Urs von Balthasar op. cit. p. 102

06 juin 2018

L’amour est en toi - 6 - Saint Jean de la Croix

Dieu « possède une souveraine humilité (...) il se découvre lui-même à vous avec joie (...) il vous met à son niveau (...) et vous dit « je suis content d'être ce que je suis pour être à toi et me donner à toi »(1).

À méditer et entendre pour nous dans l'aujourd'hui de nos vies.

(1) Saint Jean de la Croix, L.III 6 (G. p. 978) cité par Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Styles 2, De Jean de la Croix à Péguy, Paris, Aubier, 1972 p. 43

05 février 2018

Une théologie à genoux - Veritatis Gaudium

Le monde est devenu complexe. Il nous faut « comprendre la vie, le monde et les hommes ; non pas une synthèse, mais une atmosphère spirituelle de recherche et de certitude basée sur les vérités de la raison et de la foi. La philosophie et la théologie permettent d'acquérir les convictions qui structurent et fortifient l'intelligence et éclairent la volonté... mais tout ceci n'est fécond que si on le fait dans un esprit ouvert et à genoux. Le théologien qui se satisfait de sa pensée complète et achevée est un médiocre. Le bon théologien et philosophe a une pensée ouverte, c'est-à- dire incomplète, toujours ouverte au maius de Dieu et de la vérité, toujours en développement(1)

L'expression « théologien à genoux » a été utilisée à ma connaissance par Ratzinger (Benoît XVI) lors de son Homélie à l'occasion des obsèques de Hans Urs von Balthasar. Elle ne me surprend pas dans la bouche du pape. Elle résonne avec ce que j'ai cherché à exprimer dans « à genoux devant l'homme ». Une théologie qui suit la théologie de Jn 13...

On la retouve chez Bonaventure « pour que nous parvenions à ce fruit et à ce terme directement en progressant par la route étroite des Écritures, il faut commencer par le commencement, c’est à dire accéder à une foi pure au Père des lumières en fléchissant les genoux de notre coeur afin que par son Fils, dans son Esprit-Saint, il nous donne la vraie la vraie connaissance de Jésus-Christ et, avec sa connnaissance son amour » (2).

(1) Pape François, Veritatis Gaudium n.3
(2) Bonaventure, Breviloqium, source Aelf, LDH, tome 4 p. 532

01 février 2018

L’humilité chez Augustin

« Écoute Dieu qui t'enseigne l'humilité : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé » (Jn 6,38). Je suis venu, humble, enseigner l'humilité, comme un maître d'humilité. Celui qui vient à moi s'incorpore à moi ; il devient humble. Celui qui adhère à moi sera humble ; il ne fait pas ma volonté, mais celle de Dieu. Aussi ne sera-t-il pas jeté dehors (Jn 6,37), comme lorsqu'il était orgueilleux. »
À méditer. Un chemin long et difficile...

(1) Saint Augustin, Traité sur l'Évangile de saint Jean 25, fin 15.16 (tr. alt. Tournay)