Affichage des articles dont le libellé est autorité. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est autorité. Afficher tous les articles

24 janvier 2021

Autorité et danse - 32

 

Le mûrissement intérieur du Christ qui se prépare dans le silence d’une vie cachée est une belle méditation qui interpelle nos propres chemins de parole. Je m’interroge toujours sur cette notion d’autorité dont parle l’Evangile d’aujourd’hui.

1) L’autorité du Christ vient-elle de son originalité, de sa personnalité ou de Dieu ? Première question qu’il faut peut-être se poser en reprenant la question de Marc 11,28 puis Jn 14, 10  : « Ne crois-tu pas que, moi, je suis dans le Père, et que le Père est en moi? Les paroles que, moi, je vous dis, je ne les dis pas de ma propre initiative; c’est le Père qui, demeurant en moi, fait ses œuvres.» avant de faire, de notre côté, abus d’autorité ? 

C’est un sujet bien délicat qui rejoint le risque clérical. 

2) L’autorité s’explique t-elle dans l’Evangile d’aujourd’hui par la présence particulière et dérangeante du Mal ? Probablement aussi.

La liturgie de ce dimanche nous donne ici à manduquer de beaux textes, difficiles à commenter en tout cas. Nous avons besoin des autres pour temporiser et canaliser nos interprétations « abusives ». C’est au milieu de nos quêtes que se dresse, fragile, la Vérité.(1)

Hier, dans le diocèse de Chartres les diacres se réunissaient (cf. Photo) pour fêter la saint Gilduin, leur saint patron (2) qui a été jusqu’à Rome pour plaider son refus d’être nommé évêque et son souhait de rester diacre. Il est mort à son retour de Rome dans notre diocèse autour de l’an 1000. Un chemin intéressant pour nous diacres.

Notre vicaire général en commentant hier la place du diacre en liturgie a repris cette belle image du Père Faure sj sur le diaconat(3). Le diacre en proclamant la Parole, et parfois en la commentant (4) sur la pointe des pieds, atteint un sommet liturgique puis s’efface progressivement jusque dans le silence laissant au prêtre la présidence de la deuxième table.

Kénose, lavement des pieds, à l’image de Jésus en Jn 13... un mouvement où l’on renonce à toute autorité.

Tout au plus nous reste-t-il le droit de verser une goutte d’eau dans ce qui deviendra le précieux sang en prononçant comme dans un murmure fragile cette belle phrase « Comme cette eau se mêle au vin, puissions être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité ». Puissions nous en effet avoir part au mystère immense qui se noue au creuset de la danse trinitaire...(5)

Le diacre, disait probablement avec humour un commentateur (6) peu être comparable à ces anges qui montent et descendent l’échelle de Jacob... Fonction d’intermédiation. Je le prends avec un sourire.

Intermédiaire, serviteur d’un mystère qui nous dépasse, le diacre est appelé à s’enfoncer dans le silence, s’agenouiller devant le mystère de la Présence comme il s’agenouille devant l’homme. 

Que dire de plus si ce n’est que c’est probablement le cœur du mouvement diaconal ?

Quelle est finalement sa fonction liturgique. Proclamer la Parole puis s’effacer devant le travail qui se joue dans les cœurs, contempler le mystère puis  soulever le calice en silence, en portant la souffrance des hommes et demander à Dieu de nous envoyer son amour et sa paix... 

Lui vient alors d’autres fonctions : porter aux autres ce trésor jusqu’aux périphéries les plus lointaines...


(1) Maison d’Evangile, un lieu de manducation à plusieurs cf. :

https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/?ref=share

(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilduin_de_Dol

(3) pierre Faure, le rôle liturgique du diacre, cf. https://diaconat.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/5/2017/06/LMD-249-role-liturgique-du-diacre-P.-FAURE.pdf

(4) voir aussi http://chemin.blogspot.com 

(5) cf. mon livre éponyme repris également dans « A genoux devant l’homme »

(6) Aimé-Georges Martimort, l’Église en prière, tome 1

01 mai 2020

Le bon berger... Méditation pour le 4eme dimanche de Pâques


Projet version 5 à discuter (merci à Georges pour sa contribution)

Qui est le bon pasteur ?
Le droit de l'Église qu'on appelle le droit canon distingue fort bien (canon 516sq) celui à qui est donné la tâche de diriger, des autres ministres de l'Église. Cela appelle au moins une double réflexion :
  1. D'où vient ce pouvoir ?
  2. Qu'est-ce que l'autorité ?
Peux-t-on distinguer les deux ?
La réponse à la première question est a priori simple. Elle se trouve directement dans l'évangile de la Passion dans le dialogue avec Pilate : «Tu n'as aucun pouvoir (...) à part celui que Dieu t'a accordé.» Jean‬ ‭19:11‬ ‭
De cette réponse peut dériver celle que l'on peut faire à la deuxième question. L'autorité viendrait de Dieu,. Mais le risque est d’abuser de cette affirmation. En réalité l’enjeu n’est pas  d’imposer une autorité, mais que cette autorité rejoigne l’agapè qui « prend patience, est longanime et ne cherche pas son intérêt » (1 Co 13), c'est-à-dire qu'elle dérive de l'amour, est amour, n'est qu'amour(1)

Toute autorité qui n'est pas pétrie de cela sort de la « porte sainte », ne vient pas de Dieu. Depuis Luc et Matthieu 4, nous savons que le pouvoir est l'une des tentations centrales de l'homme. Elle n'échappe pas à Jésus lui même tenté au désert. Le Christ a dépassé cette tentation en prenant le chemin de l'humilité (kénose) et de l'amour jusqu'à la Croix, c'est pourquoi l'autorité lui est donnée par Dieu, non pour ses mérites et sa connaissance mais parce que l'amour est la véritable autorité, le chemin, la vérité et la vie.

Les épîtres pastorales complètent cette direction : « si quelqu'un souhaite la fonction de dirigeant dans l'Église, il désire une belle tâche. Il faut qu'un dirigeant d'Église soit irréprochable, mari d'une seule femme, sobre, raisonnable et convenable, hospitalier, capable d'enseigner; qu'il ne soit ni buveur ni violent, mais doux et pacifique; qu'il ne soit pas attaché à l'argent; qu'il soit capable de bien diriger sa propre famille et d'obtenir que ses enfants lui obéissent avec un entier respect. En effet, si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre famille, comment pourrait-il prendre soin de l'Église de Dieu? Il ne doit pas être récemment converti; sinon, il risquerait de s'enfler d'orgueil et de finir par être condamné comme le diable. Il faut aussi qu'il mérite le respect des non-chrétiens, afin qu'il ne soit pas méprisé et qu'il ne tombe pas dans les pièges du diable.»
‭‭1 Timothée‬ ‭3:1-7‬ ‭BFC‬‬

Nous avons besoin d’une autorité qui reste collégiale et qui surtout demeure un agenouillement (2) devant l’inviolable nature d’autrui.
C’est tout le la difficulté. L’autorité n’a de sens que si elle est au service de l’unité. C’est le projet de l’Église, toujours visé, souvent manqué. Chacun doit travailler à y contribuer.

L’éternel risque est de désirer le pouvoir que nous apporte une éventuelle autorité en oubliant que la kénose (cf. Ph 2) est la porte étroite : le Christ en renonçant à l’autorité nous montre la « porte étroite », celle du bon berger, qui met ses brebis avant lui-même..., s’agenouille pour les soigner, cours après les perdus et les aime plus que lui-même, jusqu’à en mourir. La croix est la porte étroite, comme nous le rappelle la lettre de Pierre de la liturgie d’aujourd’hui (1P2, 20-25). Le Christ est l’unique pasteur, parce qu’il a été jusqu’au bout de l’amour.
Dans l’échange qui précède la consécration, le peuple s’efface devant le prêtre et lui confie le dialogue liturgique, mais cet effacement ne lui enlève rien, car ni le peuple, ni le prêtre n’a autorité pour reproduire le sacrifice unique, célébré par le Christ : « Ceci est mon corps, donné pour la multitude ».

(1) François Varillon, joie de vivre, joie de croire
(2) cf mon livre https://www.amazon.com/genoux-devant-lhomme-French-ebook/dp/B00HKTU838

Annexe :

Ajout tardif : pour Alain Madelin, cf. Heurs et malheurs de l’autorité (Éd. Lessius, 2018), l’autorité se mesure « à la capacité de faire grandir autrui pour lui permettre de donner sa pleine mesure ».

Pour mémoire : Can. 516 - § 1. Sauf autre disposition du droit, la quasi-paroisse est équiparée à la paroisse: elle est une communauté précise de fidèles dans l'Église particulière qui est confiée à un prêtre comme à son pasteur propre, mais n'est pas encore érigée en paroisse à cause de circonstances particulières2. Là où il n'est pas possible d'ériger des communautés en paroisse ou en quasi-paroisse, l'Évêque diocésain pourvoira d'une  autre manière à leur charge pastorale.
Can. 517 - § 1. Là où les circonstances l'exigent, la charge pastorale d'une paroisse ou de plusieurs paroisses ensemble peut être confiée solidairement à plusieurs prêtres, à la condition cependant que l'un d'eux soit le modérateur de l'exercice de la charge pastorale, c'est-à-dire qu'il dirigera l'activité commune et en répondra devant l'Evêque.
§ 2. Si, à cause de la pénurie de prêtres, l'Évêque diocésain croit qu'une participation à l'exercice de la charge pastorale d'une paroisse doit être confiée à un diacre ou à une autre personne non revêtue du caractère sacerdotal, ou encore à une communauté de personnes, il constituera un prêtre pour être muni des pouvoirs et facultés du curé, le modérateur de la charge pastorale.

19 novembre 2019

Homélie du 24/11 - Christ Roi - sur les pas de Luc 23 - kénose 147

Projet 3
Qu'est-ce que la royauté du Christ ?
Quel est le roi que nous présente ces deux textes ?
Où sont leurs signes de pouvoir ?
Quel est le fils qu'a choisi Samuel ?
Rappelons nous ce récit.
«Samuel ajouta: «Sont-ils tous là?» – «Non, répondit Jessé; il y a encore le plus jeune, David, qui garde les moutons.» – «Envoie-le chercher, ordonna Samuel. Nous ne commencerons pas le repas sacrificiel avant qu'il soit là.» Jessé le fit donc venir. Le jeune homme avait le teint clair, un regard franc et une mine agréable. Le Seigneur dit alors à Samuel: «C'est lui, consacre-le comme roi.»»
‭‭1 Samuel‬ ‭16:11-12‬
Samuel ne prend pas le plus fort. L’élection se fait par le regard du prophète qui, grâce à Dieu , lit le cœur de l’homme.
Christ est roi. D’où vient sa royauté ?
Où sont les pouvoirs de Jésus ?
Il semble important de contempler cela avant de méditer où cela nous conduit
La liturgie nous invite à un déplacement.
Le Christ est rayonnant de gloire alors même qu’il est « élevé » sur un instrument de malédiction.
Jean 3,14 rappelle d’ailleurs le lien entre cette élévation et celle du serpent au désert. Moise le mettait au bon d’un bâton pour guérir le peuple.
Qu’est-ce qui est élevé ? Le bon larron voit ce que l’autre ne voit pas.
La violence n’est pas le chemin.
Et nous ?
« Tu n'aurais pas de pouvoir/autorité si elle ne t'avais été donnée... » (Jn 19,11) dit Jésus à Pilate
Où est notre vocation ?
Que veut dire être prêtre prophète et roi ?
N'est ce pas marcher sur les pas du Christ
Entrer dans l'humilité (la kénose)
« Le Christ n'a pas retint jalousement le rang qui l'égalait à Dieu.. mais il s'est anéanti ». (Ph 2)
Le royaume est à venir
Il est don de Dieu.
Tout à l’heure il va se faire tout petit pour entrer en nous. Laissons lui une place...
L’humilité de Dieu nous conduit à un autre royaume, celui de l’amour. Il nécessite de mourir à tout désir de puissance pour ce laisser porter par une seule puissance : « l'amour est ta force. Écoutez le Cantique des Cantiques : « L'amour est fort comme la mort » (8,6). (...) En effet, l'amour détruit ce que nous avons été, pour nous permettre, par une sorte de mort, de devenir ce que nous n'étions pas. (...) C'est cette mort qui était à l'œuvre en celui qui disait : « Le monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde » (Ga 6,14). C'est de cette mort que parle ce même apôtre quand il dit : « Vous êtes morts et votre vie est désormais caché avec le Christ en Dieu » (Col 3,3). Oui, « l'amour est fort comme la mort ». Si l'amour est fort, il est puissant, il est de grande force, il est la force même. (...) Que ta paix soit donc dans ta force, Jérusalem ; que ta paix soit dans ton amour »(1)

(1) Saint Augustin Les Discours sur les Psaumes, Ps 121, §3,12

07 juin 2017

La véritable autorité

" Le véritable enseignement fuit d'autant plus vivement ce vice de l'orgueil, même en pensée, qu'il attaque plus ardemment par les flèches de ses paroles celui qui est en personne le maître de l'orgueil. Il veille à ne pas mettre en valeur par ses manières hautaines celui qu'il combat avec de saintes paroles dans le coeur de ses auditeurs. Il s'efforce de recommander par ses paroles et de manifester par sa vie l'humilité qui est la maîtresse et la mère de toutes les vertus, afin de l'inculquer aux disciples de la vérité par la conduite plus encore que par la parole.

C'est pourquoi Paul a dit aux Thessaloniciens, comme s'il oubliait la grandeur de sa propre fonction d'Apôtre : Nous nous sommes faits tout petits au milieu de vous. L'Apôtre Pierre disait d'abord : Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l'espérance qui est en vous. Et il ajoutait, pour montrer la manière dont on doit enseigner, tout en faisant connaître la doctrine : Mais faites-le avec douceur et respect, en gardant une conscience droite.

Lorsque saint Paul dit à son disciple Timothée : Voilà ce que tu dois prescrire et enseigner avec autorité, il ne lui recommande pas une domination tyrannique, mais cette autorité qui vient de la façon de vivre. En effet, on enseigne avec autorité ce que l'on pratique avant de le professer. Car on manque de confiance pour enseigner, lorsque la mauvaise conscience fait obstacle à la parole. Aussi est-il écrit, au sujet du Seigneur : Il parlait comme un homme qui a autorité, et non pas comme les scribes et les pharisiens. Car il fut le seul, d'une façon unique et primordiale, à parler en vertu d'une parfaite autorité, parce qu'il n'a jamais commis aucun mal par faiblesse. La puissance de sa divinité lui permettait de nous servir ainsi par l'innocence de son humanité." (1)

A méditer

(1) Saint Léon le grand,  commentaire du livre de Job, source AELF

16 mai 2017

Corpus permixtum 3

Borras continue la citation précédente en évoquant une "asymétrie constitutive". "La communauté ecclésiale tire son unité, nous dira Vatican II à la suite de saint Cyprien, de l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit-Saint" (LG 4b). Il en conclut un risque que la "raréfaction des prêtres dans la vie ecclésiale risque d'atténuer voire d'estomper le sens de la sacramentalité de l'Eglise et du ministère chez les fidèles trop marqués par une culture techniciste de l'efficacité et de la performance". (1)

C'est là en effet le danger principal auquel s'ajoute certainement la difficulté de ne pouvoir départager des prises de pouvoir qui s'instaurent entre laïcs, en dépit de leur désir de faire communauté.

On rejoint l'oxymore de l'autorité et du service qui incombe aux ministres.

On est au coeur du sujet.
Pourquoi le prêtre aurait-il plus de pouvoir que les laïcs est en droit de se demander un observateur extérieur ?
On répondra probablement (2), en se basant sur le droit canon, par deux ou trois arguments  : parce qu'il est image du Christ (ce qui doit être probablement modulé et restreint au sacrifice eucharistique), parce qu'il a reçu le sacrement de l'ordre et la grâce associée et qu'il est berger/pasteur de son troupeau...

Cela n'empêche pas, dit en substance, Ratzinger dans les principes de la foi catholique(3) qu'il puisse être  incompétent. Pour autant, on doit lui reconnaître une autorité qui ne vient pas de lui...

L'enjeu est de maintenir cette tension, qui relève in fine de la surveillance de l'épiscope et probablement du pape. Cette dimension verticale n'empêche pas la conscience des laïcs et l'importance d'une horizontalité. Elle apporte néanmoins un contre pouvoir à ces derniers et aide à structurer l'ensemble. On voit bien aussi le danger : l'excès de pouvoir où l'excès de contestation. L'art est d'introduire tout ça dans une dynamique trinitaire qui conduit le pasteur lui-même à considérer sa double fonction : berger et serviteur.

La question de l'autorité est toujours à relire à l'aune de celle du Christ, qui lui-même s'en réfère au Père. "Tu n'aurais pas d'autorité si elle ne t'avait été donnée"... dit-il à Pilate.

El l'enjeu, comme le souligne Borras page 68ss est de garder en tension unité et catholicité.

(1) p.67
(2) J'anticipe probablement sur les développements à venir de Borras. Mais c'est le jeu de ces "chemins de lecture : se laisser interpeller, quitte à trouver ensuite des éléments de réponse et de contradiction.
(3) Je commente et développe ce point dans "Humilité et miséricorde, tome 3".

31 août 2016

Autorité de Jésus

En quoi est-elle différente de celle des Pharisiens et des scribes ? (1)
A la différence de ceux qui revendiquent un pouvoir qu'ils n'ont pas, celle du Christ repose sur le don du Père. Elle ne vient pas de lui, mais de sa contemplation et de sa prière, de son humilité (kénose) et de son obéissance. La est la différence. Elle se contemple jusque dans sa manière d'être et de mourir.


Résonances

"Un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel". (Jn 3, 27)

On en perçoit le sens dans sa phrase à Pilate
‎"Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en haut." (Jn 19, 11)

(1) cf Luc 4.

18 mai 2016

Parler avec autorité

Qu' st-ce qui permet au Christ de parler avec puissance et autorité demande non sans raisons Balthasar ? La question mérite d'être posée tant elle semble contradictoire avec l'humilité du Christ qui est au coeur de sa nature et de sa révélation. "Religieusement, cela rend un son intolérable (...) ce n'est pas le Dieu‎ dévoilé qui parle ainsi, c'est un homme (...) il ne peut y avoir pour cela qu'une seule justification : c'est que cet homme agit dans l'obéissance (...) cela n'est possible que parce que cet homme qui obéit en se "faisant" Dieu, est un Dieu qui obéit en se faisant homme. La première démarche serait hubrys [démesure](...) s'il n'obéissait jusqu'à la mort" (1)

Il reste à contempler une autre question subsidiaire qui a aussi son importance : qu'est ce qui justifie nos propres prises de parole? La limite entre orgueil, vanité et vérité se situe probablement dans une tension identique : celle de trouver avant tout, en dépit de tout discours la vérité en actes, l'humilité et l'obéissance, un chemin qui reste fragile, un chemin de désert.(2)
 
(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 404-405
(2) cf. mon essai éponyme

20 août 2015

Autoritarisme

J'apprécie cette "pépite" kénotique de Condren : "Je n'ai accepté ‎l'autorité que pour y faire encore moins ma volonté que celle des autres" (1)

(1) Lettres de Charles de Condren, Cerf, 1943, cité par François Marxer, Intelligence de l'histoire et patience du discernement : l'héritage de Charles de Condren, in Bulletin de Saint Sulpice, n. 37-38, 2011-2012, p. 149


15 février 2015

Autorité de Jésus


Discussion intéressante la semaine dernière dans mon groupe d'éthique sur la nature de l'autorité, un sujet déjà traité dans ces pages.
Si l'on prend l'autorité dans le sens positif de son éthymologie il décrit celui qui nous fait grandir, à la différence de celui qui par son excès de pouvoir nous rabaisse. 
Sous cet angle de vue, ce "Jésus qui parlait avec autorité" n'est pas un tyran ou un violent, mais bien celui qui parle vrai et ce faisant nous fait grandir.
Il est aussi celui qui parfois renonce "au rang qui l'égalait à Dieu" (Ph 2,7) et qui par son humilité nous fait plus grandir encore en nous dévoilant cet amour qui dépasse tout.
‎A contempler.

18 août 2014

Diaconie VI - Congar - Un nouvel enjeu du laïcat


A la suite des réflexions issues de la CTI, que peut-on ajouter ? Il faut probablement chercher chez Congar les grandes intuitions du dominicain. On notera ainsi, dans ses notes prises pendant le concile, son rêve de "l'existence d’un plein laïcat" qu'il définit comme une "présence de l'Église, non par mode d’autorité cléricale mais par mode prophétique de l’humain*."

En quoi l'humain peut-il être prophétique, ci ce n'est justement dans sa manière d'être serviteur et comme le titre de mon livre le suggère : "A genoux devant l'homme" ? Le lavement des pieds pratiqué par exemple par l'Arche où chacun lave les pieds de son voisin est alors symbole efficace de cette attitude prophétique d'une diaconie qui envahit l'église. La présence de l'Arche à Dakionia était à ce titre tout à fait justifiée et je dirais "sacramentelle". 


* Source : Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, p. 157

09 août 2014

Transfiguration - tension théologique 2

Au delà de mes propos sur l'autorité, la contemplation des textes de Daniel et des récits de la Transfiguration nous ouvre une nouvelle tension théologique entre le silence du Christ sur sa nature,  son désir de cacher cette dernière et cette réalité qui n'apparaît que subrepticement avant Pâques,  celle du Fils de Dieu rayonnant de la gloire pascale.  Cette vision réservée à 3 disciples sera à peine esquissée dans les textes évangéliques après Pâques.  Le Christ qui apparaît au bord du lac n'est pas le Fils d'homme décrit par Daniel 7.  C'est celui que Pierre tarde à reconnaître dans Jean 21. C'est celui qui n'apparaîtra que pleinement dans sa gloire le jour du grand retour. Pourquoi alors cette tension ? Probablement parce qu'elle est le prix à payer de notre liberté,  elle est le chemin offert du croire,  donné à tout homme dans le doute,  dans les balbutiements de saint Thomas.  Heureux ceux qui croient sans avoir vu l'étincelle de la gloire du Christ.  
Aujourd'hui néanmoins,  nous devons reconnaître qu'au delà de cette tension pastorale,  la liturgie nous conduit plus loin.  À nous,  en effet qui avons été baptisés dans la mort et la résurrection du Christ,  nous n'avons plus à douter de cette gloire.  Et c'est ce vers quoi nous conduit la liturgie de chaque eucharistie.  Car en ce pain et ce vin consacré, au delà de l'apparente insignifiance du symbole,  c'est bien le Christ de gloire qui se rend présent,  et c'est sur ce chemin du croire que nous sommes invités à avancer. 

Comme le souligne Anastase du Sinaï, "C'est donc vers la montagne qu'il faut nous hâter, j'ose le dire, comme l'a fait Jésus qui, là comme dans le ciel, est notre guide et notre avant-coureur. Avec lui nous brillerons pour les regards spirituels, nous serons renouvelés et divinisés dans les structures de notre âme et, avec lui, comme lui, nous serons transfigurés, divinisés pour toujours et transférés dans les hauteurs. ~

Accourons donc, dans la confiance et l'allégresse, et pénétrons dans la nuée, ainsi que Moïse et Élie, ainsi que Jacques et Jean. Comme Pierre, sois emporté dans cette contemplation et cette manifestation divines, sois magnifiquement transformé, sois emporté hors du monde, enlevé de cette terre ; abandonne la chair, quitte la création et tourne-toi vers le Créateur à qui Pierre disait, ravi hors de lui-même : Seigneur, il nous est bon d'être ici !

Certainement, Pierre, il est vraimentbon d'être ici avec Jésus, et d'y être pour toujours. Qu'y a-t-il de plus heureux, qu'y a-t-il de plus sublime, qu'y a-t-il de plus noble que d'être avec Dieu, que d'être transfiguré en Dieu dans la lumière ? Certes, chacun de nous, possédant Dieu dans son cœur, et transfiguré à l'image de Dieu doit dire avec joie : Il nous est bon d'être ici, où tout est lumineux, où il y a joie, plaisir et allégresse, où tout, dans notre cœur, est paisible, calme et imperturbable, où l'on voit Dieu : là il fait sa demeure avec le Père et il dit, en y arrivant : Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison. Là tous les trésors des biens éternels sont présents et accumulés. Là sont présentées comme dans un miroir les prémices et les images de toute l'éternité à venir.*"


 * Source : homélie d'Anastase du Sinaï pour la Transfiguration

31 juillet 2014

J. Moingt - VI - dérapage autoritaire

J'ai eu beaucoup de "chaudes" discussions avec des chrétiens soucieux de me rappeller que Jésus parlait avec autorité,  alors que je tentais de mettre en avant mon concept de Dieu de faiblesse. Et pourtant, je persiste et signe d'autant plus en lisant ce qu'écrit Moingt : "il y a là un dérapage car Jésus n'a jamais tant parlé d'autorité.  Bien sûr on disait "il parlait avec autorité" parce qu'il parlait de source,  mais il n'a jamais insisté sur l'autorité de gouvernement,  d'administration,  jamais si ce n'est pour mettre les disciples en garde." Op. Cit.  
p. 92.

07 juillet 2014

Joseph Moingt - Initiation de lecture


Le hasard des rencontres me mène à nouveau sur les pas de Joseph Moingt avec son livre, plus grand public, intitulé L’Évangile sauvera le monde, paru chez Salvator en 2013.
Une première phrase pour vous donner envie de me suivre sur ce chemin.
"Le grand problème de l'église actuelle me semble être... la prise de responsabilité des laïcs... qu'ils prennent la responsabilité de leur vocation‎ missionnaire."*

On retourne ici au coeur de ce qui est pour moi l'un des élans de Vatican II dans la foulée de cette "Théologie du laïcat" que l'on trouve si bien décrite chez Congar.

L'enjeu qui est développé dans les pages suivantes est probablement celle d'une vision de la collégialité de l'Eglise qui ne s'arrête pas aux cardinaux mais descend jusque dans l'articulation entre pouvoir et autorité, entre enseignement et dialogue, passivité et engagement où chacun a sa part sans renier l'apport de la triple dimension de l'Église (écriture, tradition et sensus fidei). Comprendre et articuler cela est l'enjeu des années à venir pour notre Église.


* Op. cit p.14

05 juillet 2014

Bonhoeffer - VII - L'image de Jésus

‎Le commentaire qui prolonge le texte de Bonhoeffer nous permet de comprendre son apport dans un contexte de crise sur l'historicité et les thèses du "Jésus historique" qui ont marqué le début du XXème siècle. Si la foi en Christ ne "naît pas de l'image historique de Jésus" elle ne peut naître "sans l'image de Jésus"*. Il faut donc aller vers une théologie de l'histoire de Jésus, c'est à dire dépasser la polémique de la pure historicité pour entrer dans la foi en ce que l'église nous révèle sans cesse sur  Lui.

Comment vivre cela, près d'un siècle plus tard. Nous avons longtemps développé dans ce blog l'idée d'un Dieu qui en s'incarnant se fait "faiblesse" pour mieux rejoindre l'homme dans son humanité. L'image d'un Jésus faible, pauvre parmi les pauvres n'est probablement pas la seule voie. Elle doit être pondérée avec celle que l'Eglise relève souvent : son "autorité", la force de sa Parole. Ignorer cette tension serait mettre trop l'accent sur l'un et oublier l'importance de l'autre. L'incognito souligné par Bonhoeffer à la suite de Luther est peut-être une manière de nous rappeler qu'une pastorale du seuil ne peut se faire par la force. Elle demande un travail intérieur, le réveil au plus profond de l'homme d'une prise de conscience du fait Jésus, non plus le "Jésus historique" inaccessible, mais ce "Jésus pour moi" venu en notre chair pour nous conduire vers le Père. Ce qu'il réveille en nous dans la foi n'est pas communicable autrement que par ce que l'Amour transpire de notre être, plus que tout discours. C'est peut-être cela qu'il faut retenir de cette lecture.

Bonhoeffer, en s'opposant au nazisme a payé ce message de son sang. 

* ibid. p. 146