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13 août 2020

Le vent du Verbe...

Quand vient le souffle,
n'oublie pas de contempler ce Verbe qui vient en toi.
Il fait frissonner les drisses de ton navire intérieur.
Il fait gonfler tes voiles .
Il t'emmène glisser sur l'océan de la vie.

Entre amers et rochers il te fait tracer sa route
Il te remet sur le bon cap...
Vers les horizons lointains il t'attire.
Te voilà agile face aux lames, brisant l'écume de la vie, porté au delà des tempêtes.

Mais ne perd pas ton cap.
Car déjà la force première se perd et t'échappe et le grand calme peut briser ton élan, les sargasses du monde arrêter ta course.

Il faut alors serrer tes voiles, virer de bord, parfois, chercher la brise fugace. Il faut surtout couper ces lianes qui ont repris le dessus, enserré la barre et détourné ta course.

Comment avancer quand la force du Verbe s'est perdu en toi ?
Prendre à nouveau les rames...
Ramer à contre courant.
Se dépouiller de ce qui alourdit la barque.
Écoper les eaux saumâtres qui encombrent ton esquif.
Guetter le vent.

Avance au large.
Lève les yeux.
Écoute.
Cherche au milieu des frémissements du monde, ce qui est bon, ce qui est vrai.

Ne te laisse pas détourner par les sirènes.
N'écoute pas leurs chants trompeurs.
Ne perds pas espoir.

Il te faut prendre les rames, malgré la chaleur, la solitude, le silence.
Ramer en dépit des mains calleuses, du dos meurtri.
Avancer...

Il est là.
Il t'attend.
Il suffit de tourner ton oreille vers le Verbe, guetter l'appel, surprendre sur l'onde son frémissement, pour qu'à nouveau ta barque s'agite et que le vent divin regagne ce qui était perdu.

Murmure.
Murmure léger.
Courant d'air.
Souffle fragile qui naît en toi.
Flamme de la lampe qui s'agite.
Feu qui s'éveille.

Il est là.
Bientôt le vent te fera bondir à nouveau.
Et sur les lames tourmentées tu avanceras.
Jusqu'à ce port ultime où le vent et les vagues, dansent à l'unisson.
Jusqu'au lieu où la brise devient souffle de Dieu.


23 juillet 2020

Amour en toi - 79 - Dieu intérieur

Quel est l'enjeu du demeurer en moi ? Demeurer, c'est entrer dans les profondeurs, dans l'océan intérieur où Dieu se cache.

Au delà des vagues, des tempêtes, il y a un calme inattendu, un lieu de paix qui nous attend. Comme ce rayon inattendu qui illumine la mer démontée et fait apparaître l'essence du divin.


« Tu étais là et je ne le savais pas » (1).

Il faut le silence, un silence profond, pour que le Verbe résonne au fond de soi, au plus profond de soi. C'est là que Dieu se révèle.

« Deus interior intimo meo », Dieu plus intérieur que le plus intime de moi-même (1). C'est dans le silence qu'il me parle, me bouscule, jusqu'au jointures de l'âme. Écoutons-le !

(1) Saint Augustin, Les Confessions.
(2) ibid. III, VI, 11

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07 juillet 2020

Le cri du cœur...

Concevoir les homélies comme autant de « rencontre[s], de relation[s], d'entretien[s] familier[s]», nous rappelle François Cassingena-Trévédy (1), j'ajouterai d'interactions entre la Parole inaccessible et l'intériorité inatteignable de l'homme, tel est l'enjeu du ministre, à qui revient la charge, combien délicate de commenter le « dit » de Dieu...

Dans Autrement qu'être, Emmanuel Lévinas distingue fort bien le dire et le dit. Au dire inaccessible le dit reste réduction, déformation, oxymore.

Qui sommes-nous pour oser ajouter un iota à la Révélation ?

La Parole agit en nous par bien des manières et il serait prétentieux de la réduire à un commentaire. 

C'est toujours difficile d'écrire alors qu'il faudrait entrer dans le silence ou prononcer à peine quelques phrases pour réveiller chez l'autre quelque chose de plus grand. 

N'approche pas d'ici, « retire ses sandales »...(Ex 3) La Parole te dépasse, la Parole est plus grande que toi. Il faudrait rester à la « lisière du silence (1)», rester silencieux et pourtant on s'essaye, on ose, parce que la Parole manduquée appelle à être partagée. Elle bouillonne en toi et te dépasse. L'exercice partagé sur mon blog (2) en temps réel avec ses versions successives est osé. Il est un éternel appel à réaction, non pas parole assénée mais quête, recherche, dynamique et dépouillement...

Agenouillement aussi.
Agenouillement devant ce texte qui nous parle.
Agenouillement devant l'homme (3), cet auditeur anonyme que l'on ne saurait juger, tant il peut être lui-même traversé au plus intime de lui-même par le courant d'air, le bruit d'un fin silence (1 Rois 19)qui vient révéler en lui une présence secrète et aimante, douce et miséricordieuse, fragile et pourtant interpellante.

Retire tes sandales ô lecteur.
Derrière l'orgueil toujours trop présent du prêcheur se cache, ténu, le frisson intérieur qui l'a conduit à murmurer un chant, à esquisser un pas de danse avec ce Dieu qui vient nous visiter...

Si, depuis des années, je danse discrètement avec d’autres ou seul sur ce vecteur fragile, une valse légère nos contacts quotidien avec la Parole génère en nous des mouvements intérieurs qu'il est impossible de laisser sous le boisseau.

Pardon si l’on dérange, mais le dit ne cesse de frapper à la porte et nous appelle à crier : « Écoute ! Dieu te parle. Arrête de courir, entre au fond de toi (...)  déchire « ton vêtement de fête » (Ex 33). Dieu veut te parler dans le silence bruyant d'un livre inachevé, en dépit du rideau déchiré (4) qui a pourtant révélé sur la Croix le cri d'un où es-tu ? (Gn 3)

Dieu est là en toi, plus présent que tu ne l’espères, présence fugace, insaisissable. Il affleure le discours, se révèle en dépit de l’orateur n’est qu’un indigne passeur d’une Parole qui t’appelles à aimer.

Fais que tressaille son silence
Sous ton Esprit ;
Dieu, fais en nous ce que tu dis,
Et les aveugles de naissance
Verront enfin le jour promis
Depuis la mort de ta semence.(5)

(1) François Cassingena-Trévédy, La voix contagieuse, Editions Tallandier, 2017, p. 9sq.
(2) cf. http://chemin.blogspot.com
(3) voir mon livre éponyme téléchargeable sur Fnac.com
(4) idem.
(5) hymne de l’office des lectures


28 mai 2020

Abandon et dépouillement - 9 - Cyrille d’Alexandrie

L'abandon temporaire du Christ exprimé en Luc 24 à Emmaüs et repris et « transformé » dans l'Ascension s'inscrit dans l'axe même du dépouillement que je continue d'explorer depuis quelques jours.

Il fait écho aujourd'hui avec la méditation de Cyrille d'Alexandrie trouvée ce matin dans l'office des lectures : « Tout ce que le Christ avait à faire sur la terre était maintenant accompli ; mais il fallait absolument que nous devenions participants de la nature divine du Verbe, c'est-à-dire que nous abandonnions notre vie propre pour qu'elle se transforme en une autre, qu'elle se transfigure pour atteindre la nouveauté d'une vie aimée de Dieu. Et cela ne pouvait se faire autrement que par union et participation à l'Esprit Saint. »(1)

Cet abandon, ce dépouillement est au cœur de notre chemin de vie. Inaccessible à l'homme sans la force de l'Esprit.

Écoutons encore Cyrille : « Le moment le plus indiqué et le plus opportun pour l'envoi de l'Esprit et sa venue en nous était celui où le Christ notre Sauveur nous quitterait.
En effet, aussi longtemps qu'il demeurait dans la chair auprès des croyants, il leur apparaissait, je crois, comme le donateur de tout bien. »

On rejoint la thèse du grand donateur qui s'efface repris par Jean Luc Marion, qui n'est autre qu'une variation sur la kénose.

Poursuivons notre lecture : « Mais lorsque viendrait le moment où il devrait monter vers son Père des cieux, il faudrait bien qu'il soit présent par son Esprit auprès de ses fidèles, qu'il habite par la foi dans nos cœurs. Ainsi, le possédant en nous-mêmes, nous pourrions crier avec confiance : Abba, Père ; nous porter facilement vers toutes les vertus et, en outre, montrer notre force invincible contre tous les pièges du démon et toutes les attaques des hommes, puisque nous posséderions l'Esprit tout-puissant.

Les hommes en qui l'Esprit est venu et a fait sa demeure sont transformés ; ils reçoivent de lui une vie nouvelle comme on peut facilement le voir par des exemples pris dans l'Ancien et le Nouveau Testament. Samuel, après avoir adressé tout un discours à Saül, lui dit : L'Esprit du Seigneur fondra sur toi et tu seras changé en un autre homme. Quant à saint Paul : Nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, de gloire en gloire, comme il convient au Seigneur qui est Esprit. Car le Seigneur, c'est l'Esprit.

Vous voyez comment l'Esprit transforme pour ainsi dire en une autre image ceux en qui on le voit demeurer. Il fait passer facilement de la considération des choses terrestres à un regard exclusivement dirigé vers les réalités célestes ; d'une lâcheté honteuse à des projets héroïques. Nous constatons que ce changement s'est produit chez les disciples : fortifiés ainsi par l'Esprit, les assauts des persécuteurs ne les ont pas paralysés ; au contraire, ils se sont attachés au Christ par un amour invincible. C'est absolument indubitable. » (1)

(1) Saint Cyrille d'Alexandrie, commentaire de l'évangile de Jean, source AELF, office des lectures du jeudi du 7eme dimanche de Pâques


25 mai 2020

Esprit et eau - Cyrille de Jérusalem - Amour en toi 57

« L'eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. C'est une eau toute nouvelle, vivante, et jaillissante, jaillissant pour ceux qui en sont dignes.



Pour quelle raison le don de l'Esprit est-il appelé une « eau » ?

C'est parce que l'eau est à la base de tout ; parce que l'eau produit la végétation et la vie ; parce que l'eau descend du ciel sous forme de pluie ; parce qu'en tombant sous une seule forme, elle opère de façon multiforme. ~ Elle est différente dans le palmier, différente dans la vigne, elle se fait toute à tous. Elle n'a qu'une seule manière d'être, et elle n'est pas différente d'elle-même. La pluie ne se transforme pas quand elle descend ici ou là ,mais, en s'adaptant à la constitution des êtres qui la reçoivent, elle produit en chacun ce qui lui convient.

L'Esprit Saint agit ainsi. Il a beau être un, simple et indivisible, il distribue ses dons à chacun, selon sa volonté. De même que le bois sec, associé à l'eau, produit des bourgeons, de même l'âme qui vivait dans le péché, mais que la pénitence rend capable de recevoir le Saint-Esprit, apporte des fruits de justice. Bien que l'Esprit soit simple, c'est lui, sur l'ordre de Dieu et au nom du Christ, qui anime de nombreuses vertus.

Il emploie la langue de celui-ci au service de la sagesse ; il éclaire par la prophétie l'âme de celui-là ; il donne à un prêtre le pouvoir de chasser les démons ; à un autre encore celui d'interpréter les divines Écritures. Il fortifie la chasteté de l'un, il enseigne à un autre l'art de l'aumône, il enseigne à celui-ci le jeûne et l'ascèse, à un autre il enseigne à mépriser les intérêts du corps, il prépare un autre encore au martyre. Différent chez les différents hommes, il n'est pas différent de lui-même, ainsi qu'il est écrit: Chacun reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous. ~

Son entrée en nous se fait avec douceur, on l'accueille avec joie, son joug est facile à porter. Son arrivée est annoncée par des rayons de lumière et de science. Il vient avec la tendresse d'un défenseur véritable, car il vient pour sauver, guérir, enseigner, conseiller, fortifier, réconforter, éclairer l'esprit : chez celui qui le reçoit, tout d'abord ; et ensuite, par celui-ci, chez les autres.

Un homme qui se trouvait d'abord dans l'obscurité, en voyant soudain le soleil, a le regard éclairé et voit clairement ce qu'il ne voyait pas auparavant: ainsi celui qui a l'avantage de recevoir le Saint-Esprit a l'âme illuminée, et il voit de façon surhumaine ce qu'il ne connaissait pas. »

Sans autre commentaire que de noter une correspondance spirituelle entre mon homélie de dimanche et ce beau texte de Cyrille découvert ce matin dans l'office des lectures du 7eme lundi de Pâques.

Plus encore, il y a cette même trame que je vous invite à découvrir dans la balise « amour en toi ». Cette 57eme balise donne en effet un surcroît de sens au 56 premiers billets (2). L'Esprit qui habite en nous depuis le baptême fait renaître en nos cœurs une flamme secrète, une source profonde. Capax dei.Dieu n'attends qu'un cœur ouvert pour libérer de nos cœurs de pierre, la lumière et la gloire qui jaillit de sa charité en actes.

Au fonds de chacun d'entre nous repose la capacité d'aimer en actes et en vérité et l'Esprit de Pentecôte est le révélateur de cette aptitude secrète que nous ne cessons de mettre sous le boisseau.

(1) Saint Cyrille de Jérusalem, catéchèse sur l'Esprit Saint, source AELF
(2) je rêve depuis longtemps d'avoir le temps de mettre en livre cette trame discrète... née un jour de la lecture de « Pour toi quand tu pries » de François Cassingena-Trévédy - un livre qui, bien que dense et un peu ardu à la lecture reste pour moi le plus beau livre spirituel du XXIeme siècle naissant. Suis-je objectif ? Peut-être pas. Le fait qu'il soit écrit par un moine de Ligugé, cette abbaye où a pris corps, il y a 45 ans m'a vocation de baptisé puis de diacre trouble peut-être mon objectivité...toujours est-il que je manduque depuis cette idée de développer un livre qui fasse jaillir au sein du lecteur cette prise en compte que le but ultime de la danse trinitaire est de faire jaillir en l'homme cette source secrète déposée en lui par le baptême ou même cette semence du Verbe qu'il a reçu malgré lui. Capax dei...

14 mai 2020

Méditation du 6eme dimanche de Pâques année A - Au fil de Jean 14…

 Au fil de Jean 14 - En guise d'homélie

Projet n.4

Qui est cet Esprit Saint dont nous parle le Christ en Jean 14 ?

Est-ce la puissance de Dieu qui a placé Marie sous son ombre et nous a valu un sauveur ?
Est-ce le consolateur qui vient nous guérir de toute peine et de toute maladie ?
Est-ce l'esprit de prophétie qui nous conduit à parler en langues comme les apôtres à la Pentecôte ou à Samarie comme le raconte Actes 8 ?

La question doit rester ouverte. Car non seulement l'esprit est multiforme, mais Il ne peut se réduire à une manifestation visible. Il reste parfois dans le silence. Tout ce que l'on sait c’est qu'il repose en nous, dans le secret de notre cœur.

L'épître de Pierre au chapitre 3 nous trace un chemin :

« Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l'espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect.
Ayez une conscience droite, afin que vos adversaires soient pris de honte sur le point même où ils disent du mal de vous pour la bonne conduite que vous avez dans le Christ.
    Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si c'était la volonté de Dieu, plutôt qu'en faisant le mal.
    Car le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes,
afin de vous introduire devant Dieu ; il a été mis à mort dans la chair » (1 P 3).

Le Christ nous introduit à Dieu.
Il y a là une clé d'interprétation qu'il ne faut pas négliger.
Attention à ne pas séparer l’Esprit du Christ.
Attention à ne pas utiliser l'Esprit comme instrument de puissance, de prosélytisme ou comme bouclier protecteur.

Il souffle où il veut l'Esprit. Mais il n'est ni dans le Pouvoir, l'excès d'autorité, ni dans le valoir, l'excès de science apparente, ni dans l'avoir, comme quelque chose que l'on détiendrait plus que les autres. L'esprit reste don fragile, remis miraculeusement aux païens dans le récit de Luc, donné silencieusement à notre baptême. Diadoque de Photicé le décrit comme un cadeau caché. Il est en nous. Nous devons le découvrir au creux de nous mêmes comme cette perle précieuse ou ce trésor au fond du champ (Mat 13).

L’Esprit nous vient de Dieu. Il nous conduit à Dieu. Il participe à cette dynamique particulière que les Pères de l’Église appellent la circumincession (cf. Danse trinitaire).  Notre accès à lui vient surtout par l'unique porte du berger (cf. Jn 10) celle qui a résisté à la tentation du pouvoir, du valoir et de l'avoir (cf. Luc 4, Mat 4) et nous conduit à l'humilité, le détachement, le dépouillement, la kénose et la charité :
    « Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements.
    Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous :
    l'Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous.
    Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous.  D'ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi.
    En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi,
et moi en vous. Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c'est celui-là qui m'aime ;
et celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l'aimerai, et je me manifesterai à lui. »(Jn 14, 15-21)

Si vous m'aimez il sera en vous...
A l'aube de sa Passion, alors que le m'aimes-tu jusqu'au bout sera posé à Pierre, par trois fois (cf. J’en 21), ne brandissons pas trop vite notre aptitude à dire oui.

La présence de l'Esprit ne se juge qu'à ses fruits. Soyons honnêtes sur ce point. « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez et portiez du fruit » (Jn 15). 

L'Esprit ne nous appartient pas. Il est en nous, mais nous ne pouvons le saisir. Oubliant le chemin parcouru, tâchons de le saisir comme il nous a saisi : « Je ne prétends pas avoir déjà atteint le but ou être déjà devenu parfait. Mais je poursuis ma course pour m'efforcer d'en saisir le prix, car j'ai été moi-même saisi par Jésus-Christ
‭‭Philippiens‬ ‭3:12‬ ‭»
 Il faudrait dire chaque matin : « Mon Dieu, envoyez-moi votre Esprit Saint qui me fera connaître ce que je suis et ce que Vous êtes... » Une âme qui possède le Saint-Esprit goûte une exquise saveur dans la prière : elle ne perd jamais la sainte Présence de Dieu.(1)

(1) St Jean Marie Vianney, Morceaux choisis, Téqui 1999, p. 67

Rappel : l’interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l’interactivité des balises (tags) de la version web qui comptent maintenant près de 2.500 billets 

06 mai 2020

Jeûne eucharistique et dynamique sacramentelle - 80 - Saint Hilaire


En ces temps de jeûne eucharistique il est bon de contempler ce que Dieu a déposé en nous par la grâce reçue du sacrement de notre première communion qui fait de nous des porte-Christ (1) dans le mystère particulier de notre vocation de baptisés.

Ce jeûne est l'occasion de revisiter la "puissance structurante" qui jaillit de la faiblesse d'un Dieu qui s'offre à nous dans la double manducation de son Verbe fait chair et de l'Esprit Saint (qui comme le souligne Jean, jaillit de son cœur transpercé).

Cet amour qui brûle en nous est potentiellement un nouveau "buisson-ardent", don ineffable de Dieu qui nous fait grandir et nous rend participant à une communion qui nous dépasse et nous embras(s)e.

Pourquoi, dans ce cadre, faire l’apologie du jeûne ? Peut-être pour percevoir derrière le sacrement la profondeur réelle sur toute notre vie de la dynamique qui est en jeu. On trouve cette insistance dans certains écrits de C. Théobald (cf. tags) qui appellent à élargir la notion de sacrement à la vie dans son sens le plus large. Pour moi il s'agit là du cœur de cette dynamique sacramentelle longtemps évoquée dans ce blog (2) que la lecture de saint Hilaire vient réveiller à nouveau comme une danse (3) très intime de l'homme invité à la circumincession divine : « Parce que véritablement le Verbe s'est fait chair, c'est véritablement aussi que nous mangeons le Verbe incarné en communiant au banquet du Seigneur. Comment ne doit-on pas penser qu'il demeure en nous par nature ? En effet, par sa naissance comme homme, il a assumé notre nature charnelle d'une façon désormais définitive et, dans le sacrement de sa chair donnée en communion, il a uni sa nature charnelle à sa nature éternelle. C'est ainsi que tous nous formons un seul être, parce que le Père est dans le Christ et que le Christ est en nous. ~

Que nous sommes en lui par le sacrement de la communion à sa chair et à son sang, lui-même l'affirme lorsqu'il dit : Et ce monde désormais ne me voit plus ; mais vous, vous me verrez vivant parce que je vis, et vous vivrez aussi ; parce que je suis dans le Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. S'il voulait parler seulement d'une unité de volonté, pourquoi a-t-il exposé une progression et un ordre dans la consommation de cette unité ? N'est-ce pas parce lui-même étant dans le Père par sa nature divine, nous au contraire étant en lui en vertu de sa naissance corporelle, on doit croire que, réciproquement, il est en nous par le mystère sacramentel ? Ceci enseigne la parfaite unité réalisée par le médiateur : tandis que nous demeurons en lui, lui-même demeure en nous. Et ainsi nous progressons dans notre unité avec le Père, puisque le Fils demeure en lui par nature selon sa naissance éternelle et que nous-mêmes aussi sommes dans le Fils par nature, tandis que lui par nature demeure en nous.

Que cette unité soit en nous produite par sa nature, lui-même l'affirme ainsi : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. Car ce n'est pas tout homme qui sera en lui, mais celui en qui il sera lui-même : c'est seulement celui qui mangera sa chair qui aura en lui la chair assumée par le Fils.

Plus haut, il avait déjà enseigné le sacrement de cette parfaite unité, en disant : De même que le Père, qui est la vie, m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui mangera ma chair vivra par moi. Donc, il vit par le Père ; et de la manière dont il vit par le Père, nous-mêmes vivons par sa chair.

Tout ce parallèle est à la base de notre intelligence du mystère ; il nous fait comprendre, par le modèle proposé, ce qui se passe. Donc, ce qui nous donne la vie, c'est que, dans les êtres charnels que nous sommes, le Christ demeure en nous par sa chair ; et il nous fera vivre en vertu du principe qui le fait vivre par le Père. »(4)

(1) expression d'une catéchèse des premiers siècles
(2) cf. mon livre éponyme
(3) voir danse trinitaire
(4) saint Hilaire, traité sur la Trinité, source office des lectures du 6/5/20 (4ème semaine de Pâques), AELF



Rappel : l’interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l’interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets)

25 avril 2020

Méditation pour Pâques et le 3eme dimanche de Pâques - Emmaüs

Projet 2 - reprise d’une méditation précédente 

Qu'est-ce qu'a bien pu dire Jésus aux disciples d'Emmaus sur la route pour expliquer les Écritures ? 
On note qu’il les rejoint, comme il nous rejoint parfois, discrètement dans notre quête. Luc ne le dit pas et pourtant nous avons dans son évangile quelques pistes à commencer par cette belle parabole de la vigne et des vignerons.

Je vous invite à la relire chez vous. On la trouve quelques pages plus haut dans son évangile, au chapitre 20 : «Jésus se mit à dire au peuple la parabole suivante: «Un homme planta une vigne, la loua à des ouvriers vignerons et partit en voyage pour longtemps. Au moment voulu, il envoya un serviteur aux ouvriers vignerons pour qu'ils lui remettent sa part de la récolte. Mais les vignerons battirent le serviteur et le renvoyèrent les mains vides. Le propriétaire envoya encore un autre serviteur, mais les vignerons le battirent aussi, l'insultèrent et le renvoyèrent sans rien lui donner. Il envoya encore un troisième serviteur; celui-là, ils le blessèrent aussi et le jetèrent dehors. Le propriétaire de la vigne dit alors: "Que faire? Je vais envoyer mon fils bien-aimé; ils auront probablement du respect pour lui." Mais quand les vignerons le virent, ils se dirent les uns aux autres: "Voici le futur héritier. Tuons-le, pour que la vigne soit à nous." Et ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. «Eh bien, que leur fera le propriétaire de la vigne? demanda Jésus.»
‭‭Luc‬ ‭20:9-15‬ ‭BFC‬‬

En général les paraboles de Jésus entrent dans une pédagogie particulière et il n'est pas impossible que Jésus ait raconté cette histoire avec une certaine tristesse.

A Emmaus cependant il est peu probable que Jésus ait ajouté la fin mis par Luc au chapitre 20 : «Il viendra, il mettra à mort ces vignerons et confiera la vigne à d'autres.» Quand les gens entendirent ces mots, ils affirmèrent: «Cela n'arrivera certainement pas!» Mais Jésus les regarda et dit: «Que signifie cette parole de l'Écriture: "La pierre que les bâtisseurs avaient rejetée est devenue la pierre principale "?» Luc‬ ‭20:16-17‬

Qu'est-ce qui me permet d'affirmer cela ? Pas grand chose, mais cependant deux pistes m'y autorisent :
  1. Luc écrit cela après la chute de Jérusalem et le massacre violent de bien des juifs et la tentation de « rétribution » est probable. Accuser les Juifs de la mort du Christ ? Elle a néanmoins engendré suffisamment de mal dans l'histoire pour qu'on l'écarte définitivement
  2. Le Christ a d'autres enjeux en tête sur le chemin d'Emmaus : rendre crédible ce qui est difficile à croire ; l'amour a vaincu la mort.
C'est pourquoi ce qui compte est peut-être plus loin, dans cette phrase que le grégorien chante sublimement « cognoverunt fractionem panis », ils le reconnurent à la fraction du pain...

C'est peut-être plus que la miche de pain qui révèle Jésus, c’est ce rideau qui se déchire et révèle un corps brisé et offert que Dieu vient de ressusciter et qui réveille soudain dans deux cœurs brûlants une présence discrète et toute nouvelle. L'amour veille silencieusement dans nos cœurs, ne laissons pas cette flamme s'éteindre, elle est le signe fragile de la petite espérance.

«Il prit le pain et remercia Dieu; puis il rompit le pain et le leur donna. Alors, leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent; mais il disparut de devant eux. Ils se dirent l'un à l'autre: «N'y avait-il pas comme un feu qui brûlait au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures?» Ils se levèrent aussitôt et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent les onze disciples réunis avec leurs compagnons, qui disaient: «Le Seigneur est vraiment ressuscité! Simon l'a vu!» Et eux-mêmes leur racontèrent ce qui s'était passé en chemin et comment ils avaient reconnu Jésus au moment où il rompait le pain.» Luc‬ ‭24:30-35‬ ‭BFC‬‬


22 avril 2020

Au fil de Jean 3, Nicodème - Transformés par le Christ - saint Léon…

Quel est l’enjeu du dialogue avec Nicodème ?

« Tout l'effet de la participation au corps et au sang du Christ est de nous transformer en ce que nous consommons; morts avec lui, ensevelis avec lui, ressuscités avec lui, portons-le toujours dans notre esprit et dans notre chair »(1).
Cette phrase de saint Léon nous interpelle au sein même de notre expérience de jeûne eucharistique forcé. Puisque nous sommes privés du corporel, nous laissons nous habiter par le spirituel, cette communion véritable où notre être perd son ego pour être amour. De même que le côté du Christ s'ouvre pour faire jaillir un fleuve d'eau vive, de même que la fraction du pain révèle l'amour, de même que rideau du temple se déchire devant l'homme élevé sur le bois, de même devons-nous, comme le suggère saint Ignace d'Antioche(2), devenir « le froment de Dieu » par ces petits sacrifices qui font de nous des aimants.

« Personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit,
ne peut entrer dans le royaume de Dieu.
Ce qui est né de la chair est chair ;
ce qui est né de l'Esprit est esprit.
Ne sois pas étonné si je t'ai dit :
il vous faut naître d'en haut.
Le vent souffle où il veut :
tu entends sa voix,
mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va.
Il en est ainsi
pour qui est né du souffle de l'Esprit. » Jean 3

Cette transformation - metanoia - nécessite une fission du cœur... Le Christ « donne la vie de Dieu aux hommes par son enseignement divin, en « mettant ses lois dans leur pensée et en les inscrivant dans leur cœur » nous rappelle saint Clément d'Alexandrie(3)

La route est longue. Une seule espérance dans ce dépouillement : ce qui est bon ne vient pas de nous mais de ce que nous avons libéré de l'amour de Dieu inscrit dans nos cœurs...
Quel chemin !
« Sans fin, je veux te rendre grâce, car tu as agi. J'espère en ton nom devant ceux qui t'aiment : oui, il est bon ! » Ps 51

(1) Léon le Grand, sermon sur la Passion, office des lectures du mercredi de la 2ème semaine de Pâques
(3) Saint Clément d'Alexandrie, Exhortation aux Grecs, 11, 113 ; GCS 1, 79 (Les Pères commentent l'évangile; Coll. liturgique sous la direction de H. Delhougne, o.s.b.; trad. A.-M. Roguet, o.p.; Ed. Brepols 1991, p. 300 rev.), source : l'Évangile au Quotidien

16 avril 2020

Au fil de Luc 24 - visite aux confinés - Pédagogie 25

En guise d’introduction aux textes de dimanche prochain, la liturgie d’aujourd’hui nous interpelle.

Alors que les disciples sont, comme nous, confinés dans la crainte entre quatre murs, nous avons aujourd'hui à contempler la venue du Ressuscité : « Il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n'osaient pas encore y croire, et restaient saisis d'étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu'il prit et mangea devant eux. » (Luc 24)

Ce n'est pas une simple visite que celle du Seigneur mais un rappel douloureux. C'est en contemplant les mains et les pieds transpercés de Jésus que peut se déchirer en nous le voile. La paix que Jésus nous promet n'est pas celle du repos, mais, comme le suggère si bien J.B. Metz le souvenir douloureux d'un homme qui va jusqu'au bout de l'amour.

C'est en contemplant cela que la pédagogie divine fait son œuvre en nos cœurs.

« Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous : "Il faut que s'accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes." »
Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu'il ressusciterait d'entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d'en être les témoins. » ( Luc 24)

Nous avons là une reprise plus explicite, par Luc, de la pédagogie du Christ développé sur le chemin d'Emmaüs et il faut lire l'ensemble du chapitre 24 pour comprendre que la double mention des Écritures constitue une forme concentrique (chiasme formé plus ou moins par les versets en doublon A : 32, B : 35 - kérygme - B’ :  41, A ´ : 45) qui entourent l'évocation double de la fraction du pain, et met au centre le kérygme : Christ est mort pour nous.. il est ressuscité...

« Le Sauveur les a donc amenés à croire non seulement par la vue, mais aussi par le toucher, pour que par le moyen des sens la foi descende dans le cœur et puisse être prêchée dans le monde entier à ceux qui n'avaient pas vu ni touché, mais qui pourtant croiraient sans hésitation (cf Jn 20,29). » (1) 


« Si le Christ est en vous, votre corps a beau être voué à la mort à cause du péché, l’Esprit est votre vie, parce que vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.(Rom 8, 10-11) ».

(1) Saint Augustin, Sermon 116 ; PL 38, 657 (trad. Solesmes, Lectionnaire, vol. 3, p. 85 rev.)


NB : Nous avons là le résumé brillant de mes deux derniers essais : pédagogie divine et le rideau déchiré. Je n'ai donc pas inventé grand chose mais participe à l'appel qui résonne depuis bientôt 2000 ans : « À vous d'en être témoins »

23 mars 2020

L’amour en toi - 56 - Sesboué

Je retrouve chez Sesboué un des concepts sur lequel je travaille déjà depuis plusieurs mois, ce que j'ai « flagé » comme « Amour en toi » et qui n'est autre que ce lien intérieur qui se tisse par le biais de la pédagogie divine entre l'homme et Dieu.

Il s'agit là d'un chemin de liberté.

Comme souvent Sesboué l'exprime fort bien : « Il est un autre pôle, plus secret et subjectif, le pôle originaire de la conscience, le pôle du jaillissement inventif de nos pensées, le pôle où nous sommes habités par le désir de l'Absolu. Ce pôle se dérobe à notre investigation directe, car il ne peut jamais devenir objectif. Nous pouvons pas plus le regarder que nous ne pouvons voir notre propre rétine, qui est pourtant l'agent premier de notre vue. C'est là que passe de l'inconscient au conscient toute réflexion, tout événement de conscience. (...) C'est à ce pôle que l'Esprit saint est secrètement présent et agissant, qu'il nous invite et nous suggère d'agir pour le bien. (...) Il est toujours présent sous la forme de la proposition ou d'une invitation . Si nous vivons sous son influence nous sommes des hommes debout (...) sa présence n'est jamais coercitive : elle respecte toujours la liberté des personnes.(1)

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 352-3

18 mars 2020

Homélie du quatrième dimanche de carême - guérison de l’aveugle né…

Projet 2

Nous qui entrons dans le confinement et la peur, nous pourrions avoir deux tentations. 
  1. Celle de nous replier sur nous-mêmes en oubliant ceux qui vont souffrir plus encore de l'isolement. 
  2.  Celle d'oublier que Dieu est là, à nos côtés, malgré son silence apparent.

Le mal semble frapper le monde et la tentation de certains serait de dire que Dieu se venge de nos aveuglements.
Non l'aveugle né n'avait pas subi la faute de ses pères comme le pensait les juifs de l'époque.
Non Dieu ne regarde pas comme les hommes, nous dit le livre de Samuel.
Non, le temps de la justice divine n'est pas venu.
Malgré l'ombre qui s'étend comme le virus, n'oublions pas que la lumière est ailleurs.

« Conduisons nous comme des enfants de lumière » nous dit Paul (Eph 5)

« Crois-tu au Fils de l'homme ? » nous demande Jésus dans ce texte de Jean 9. Laissons résonner en nous cette question avant de répondre comme le fit un jour la juive Etty Hillesum au camp de Westerbock. : « Dieu a besoin de nos mains. »

Dieu est là.
Dieu est là dans la solidarité qui se met en place.
Dieu est là dans ce dévouement extraordinaire des soignants.
Dieu est là dans ces petits appels que nous faisons, faute de mieux.
Dieu est là qui pleure à côté des proches que nous sommes en train de voir partir et qui doivent souffrir de notre absence.

Dieu est là comme il s'est révélé - déchiré, déchiqueté sur le bois de la croix.
Ne cédons pas à la peur.



Contemplons au contraire les signes d'espérance.
L'espérance c'est de croire que l'amour va vaincre face à nos tentations d'enfermement.
L'espérance c'est de percevoir que Dieu ouvre nos mains.
L'espérance c'est de sentir au fond de nous que l'amour vaincra...

Méditons ce magnifique psaume 22/23 :

Le Seigneur est mon berger : (...) Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure.
Tu prépares la table pour moi (...) tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante.
Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie ; j'habiterai la maison du Seigneur. »

Dieu tout-puissant, Bienfaiteur, Créateur de l'univers,
écoute mes gémissements, moi qui suis en danger.
Délivre-moi de la crainte et de l'angoisse ;
libère-moi par ta force puissante, toi qui peux tout (...).
Seigneur Christ, (...) coupe les mailles de mon filet par l'épée de ta croix victorieuse, l'arme de vie.
De tous côtés ce filet m'enveloppe, moi captif, pour me faire périr ;
conduis vers le repos mes pas chancelants et biaisants.
Guéris la fièvre de mon cœur qui étouffe.
Je suis coupable envers toi, ôte de moi le trouble, fruit de l'invention diabolique,
fais disparaître l'obscurité de mon âme angoissée (...) !
Renouvelle en mon âme l'image de lumière de la gloire de ton nom, grand et puissant.
Intensifie l'éclat de ta grâce sur la beauté de mon visage
et sur l'effigie des yeux de mon esprit, moi qui suis né de terre (Gn 2,7).
Corrige en moi, rétablis plus fidèlement, l'image qui reflète la tienne (Gn 1,26).
Par une pureté lumineuse, fais disparaître mes ténèbres, pécheur que je suis.
Inonde mon âme de ta lumière divine, vivante, éternelle, céleste,
pour qu'en moi grandisse la ressemblance au Dieu Trinité.
Toi seul, ô Christ, es béni avec le Père
pour la louange de ton Esprit Saint
dans les siècles des siècles. Amen (1)

(1) Saint Grégoire de Narek Le Livre de prières, n° 40 (SC 78 ; trad. Isaac Kéchichian, s .j. ; Éds du Cerf 2000 – réimpression de la 1e édition de 1961 revue et corrigée, p. 237-239, – rev.), source  : l’Évangile au Quotidien 

21 février 2020

Fais de la place pour l’amour - Augustin - Amour en toi 55


Je suis d'autant plus sensible à cette exhortation qu'elle est centrée sur une mention de Philippiens 3, choisi pour mon mariage il y a 33 ans...
un clin Dieu... ;-)

« Quelle est la promesse qui nous a été faite ? Nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est. La parole s'est exprimée comme elle a pu ; le reste, c'est au cœur de le comprendre. Alors que saint Jean lui-même s'exprime, comme il peut par rapport à Celui qui est, que pourrions-nous dire, nous qui sommes si loin d'égaler ses mérites ?

Revenons donc à cette onction du Christ, revenons à cette onction qui nous enseigne intérieurement ce que nous ne pouvons pas exprimer ; et puisque vous ne pouvez pas voir maintenant, que votre activité se contente de désirer. Toute la vie du vrai chrétien est un saint désir. Sans doute, ce que tu désires, tu ne le vois pas encore : mais en le désirant tu deviens capable d'être comblé lorsque viendra ce que tu dois voir.

Supposons que tu veuilles remplir une sorte de poche et que tu saches les grandes dimensions de ce qu'on va te donner, tu élargis cette poche, que ce soit un sac, une outre, ou n'importe quoi de ce genre. Tu sais l'importance de ce que tu vas y mettre, et tu vois que la poche est trop resserrée : en l'élargissant, tu augmentes sa capacité. C'est ainsi que Dieu, en faisant attendre, élargit le désir ; en faisant désirer, il élargit l'âme ; en l'élargissant, il augmente sa capacité de recevoir.

Nous devons donc désirer, mes frères, parce que nous allons être comblés. Voyez saint Paul, élargissant son désir pour être capable de recevoir ce qui doit venir. Il dit en effet : « Certes, je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore parfait. ~ Frères, je ne pense pas avoir déjà saisi le Christ. »

Que fais-tu alors en cette vie, si tu ne l'as pas encore saisi ? — « Une seule chose compte : Oubliant ce qui est en arrière et tendu vers l'avant, je suis mon élan vers le triomphe auquel je suis appelé de là-haut »[Ph 3]. Il dit qu'il est tendu et qu'il suit son élan. Il se sentait incapable de saisir ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce que le cœur de l'homme n'a pu concevoir.

Voilà notre vie : nous exercer en désirant. Le saint désir nous exerce d'autant plus que nous avons détaché nos désirs de l'amour du monde. Nous l'avons déjà dit à l'occasion : vide ce qui doit être rempli. Ce qui doit être rempli par le bien, il faut en vider le mal.

Suppose que Dieu veut te remplir de miel : si tu es rempli de vinaigre, où mettras-tu ce miel ? Il faut répandre le contenu du vase il faut nettoyer le vase lui-même il faut le nettoyer à force de travailler, à force de frotter, pour qu'il soit capable de recevoir autre chose.

Parlons de miel, d'or ou de vin : nous pouvons désigner de n'importe quel nom ce qui est indicible, mais son vrai nom est Dieu. Et quand nous disons « Dieu », que disons nous ? Ce mot désigne tout ce que nous attendons. Tout ce que nous pouvons dire est en dessous de la réalité ; élargissons-nous, en nous portant vers lui, afin qu'il nous comble, quand il viendra. Nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. » (1)

Sur même sujet on trouvera les mêmes accents dans la vie de Moise de Grégoire de Nysse (2)

(1) Saint Augustin, sermon sur la première lettre de Jean
(2) cf. La course infinie

18 février 2020

Sagesse et pédagogie divine


En ce temps d'hiver, prenons de la distance et laissons nous émerveiller par les dons de Dieu.
Contemplation inouïe que ce chapitre 8 des Proverbes que nous propose l'office des lectures du 18/2 :
« Le Seigneur m'a faite pour lui, principe de son action, première de ses œuvres, depuis toujours.
Avant les siècles j'ai été formée, dès le commencement, avant l'apparition de la terre.
Quand les abîmes n'existaient pas encore, je fus enfantée, quand n'étaient pas les sources jaillissantes.
Avant que les montagnes ne soient fixées, avant les collines, je fus enfantée, avant que le Seigneur n'ait fait la terre et l'espace, les éléments primitifs du monde.
Quand il établissait les cieux, j'étais là, quand il traçait l'horizon à la surface de l'abîme, qu'il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l'abîme, quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre.
Et moi, je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, jouant dans l'univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. » (Pr 8, 25-31)



Écoutons saint Athanase sur ce point :

La Sagesse personnelle de Dieu, son Fils unique, est créatrice et réalisatrice de toutes choses. En effet, dit le Psaume :Tu as tout fait avec sagesse, la terre est pleine de tes créatures. Afin que les créatures non seulement existent, mais existent bien, Dieu a décidé que sa propre Sagesse descendrait vers les créatures afin d'imprimer en toutes et en chacune une certaine empreinte et représentation de son image ; ainsi serait-il évident qu'elles ont été créées avec sagesse et qu'elles sont des œuvres dignes de Dieu.

De même, que notre verbe humain est l'image de ce Verbe qui est le Fils de Dieu, ainsi notre sagesse est, elle aussi, l'image de ce Verbe qui est la Sagesse en personne. Parce que nous possédons en elle la capacité de connaître et de penser, nous devenons capables d'accueillir la Sagesse créatrice, et par elle nous pouvons connaître son Père. Car celui qui a le Fils a aussi le Père, et encore : Celui qui m'accueille accueille celui qui m'a envoyé. Parce que l'empreinte de cette Sagesse existe en nous et en toutes ses œuvres, il est tout à fait juste que la Sagesse véritable et créatrice, appliquant à elle-même ce qui concerne son empreinte, dise : Le Seigneur m'a créée comme une de ses œuvres. ~

Puisque le monde, par le moyen de la sagesse, n'a pas reconnu Dieu dans la Sagesse de Dieu, c'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Désormais Dieu ne veut plus, comme dans les temps primitifs, être connu par l'image et l'ombre de la Sagesse : il a voulu que la véritable Sagesse en personne prenne chair, devienne homme, subisse la mort de la croix, afin qu'à l'avenir tous les croyants puissent être sauvés par la foi en cette Sagesse incarnée.

C'est donc elle qui est la Sagesse de Dieu. C'est elle qui, auparavant, par son image introduite dans les choses créées (et c'est en ce sens qu'on la disait créée), se faisait connaître et, par elle, faisait connaître le Père. Par la suite, elle-même, qui est le Verbe, est devenue chair, comme dit saint Jean ; après avoir détruit la mort et sauvé notre race, elle s'est manifestée plus clairement elle-même et, par elle-même, elle a manifesté son Père. Ce qui lui a fait dire : Donne-leur de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.

Toute la terre a donc été remplie de sa connaissance. Car il y a une seule connaissance : du Père par le Fils, et du Fils à partir du Père. Le Père met sa joie en lui, et le Fils se réjouit de la même joie dans le Père, ainsi qu'il le dit : J'y trouvais ma joie, je me réjouissais jour après jour en sa présence. (1)

℟ Sur le visage du Christ
rayonne la gloire de Dieu.

La loi fut donnée par Moïse,
la grâce et la vérité
sont venues par Jésus Christ !

On notera en particulier cette phrase d'Athanase qui traduit ce que Karl Rahner appelle l'auto-communication de Dieu en nous et qui révèle ce que je contemple comme « l'Amour en toi » : «  l'empreinte de cette Sagesse existe en nous » dit-il.

Qu'est-ce que l'empreinte chez Athanase ? Est-ce ce que Bonaventure appelle la trace ? Est-ce ce qui fait de nous des pales images de Dieu, sur le chemin de la ressemblance, dont seule le Christ est la plénitude ?

Ce qui est bon en nous vient de Dieu. Cette lueur fragile mise en nous et qui nous conduit à aimer... C'est cela la lumière souvent mise sous le boisseau et qu'il nous faut relever et laisser transparaître.
Dieu a « voulu nous engendrer par sa parole de vérité pour faire de nous comme les prémices de toute créatures »  (Jacques 1, 8,

 (1) Saint Athanase d'Alexandrie, discours contre les Ariens, Le Christ, Sagesse du Père et office des lectures du 18/2/20 source AELF

11 février 2020

Temple de Salomon et temple intérieur - Amour en toi 54

Ce beau texte du livre des Rois appelle à une lecture spirituelle quand on le met en résonance de la théologie paulinienne du temple : « En ces jours-là, lors de la consécration du Temple, Salomon se plaça devant l'autel du Seigneur, en face de toute l'assemblée d'Israël ; il étendit les mains vers le ciel et fit cette prière :

« Seigneur, Dieu d'Israël,
il n'y a pas de Dieu comme toi,
ni là-haut dans les cieux,
ni sur la terre ici-bas ;
car tu gardes ton Alliance et ta fidélité envers tes serviteurs, (...)
    Est-ce que, vraiment, Dieu habiterait sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir : encore moins cette Maison que j'ai bâtie ! Sois attentif à la prière et à la supplication de ton serviteur.
Écoute, Seigneur mon Dieu, la prière et le cri qu'il lance aujourd'hui vers toi.
    Que tes yeux soient ouverts nuit et jour sur cette Maison, sur ce lieu (...)
    Écoute la supplication de ton serviteur (...) lorsqu'ils prieront en ce lieu.
Toi, dans les cieux où tu habites, écoute et pardonne. ». (1 Rois 8, 22-23.27-30, AELF)

On devrait avoir la même prière en sortant de l'eucharistie. Car comment Dieu peut avoir place en nous ?

Cela donnerait quelque chose comme cela : Est-ce que, vraiment, Dieu peux habiter [en nous, lui que rien ne peut] contenir : encore moins cette Maison que j'ai bâtie ! (...) Écoute, Seigneur mon Dieu, la prière et le cri qu'il lance [que je lance] aujourd'hui vers toi. (...) Écoute la supplication de ton serviteur (...) Toi, dans les cieux où tu habites, écoute et [pardonne-moi]...

 « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? » (1 Co 6,15)

07 février 2020

Créé pour aimer - Claudel et Lubac - 53

« C'est la fin qui est première et qui convoque et recrute les moyens » (1) disait Paul Claudel, renforçant cette thèse que je travaille de pédagogie divine. Dieu nous introduit progressivement à sa gloire, tissant en nous le désir de le suivre.

Pour paraphraser Henri de Lubac, c'est Dieu « qui suscite la nature avant de la mettre en demeure de l'accueillir »(2), de le désirer et de l'aimer en allant jusqu'à cette ressemblance qu’il vise en façonnant à l’image de ce qu’il espère de nous : le sacrement de l’amour qui le résume..

Pour traduire ce que Rahner appelle l'auto-communication, Dieu se fait proche , petit, faible pour que « connaissance et liberté » (...) soit aussi lieu « de proximité et d'immédiateté » (3).

Peut-être touche t-on à ce que j'appelle la danse trinitaire(4), par essence humble (kénotique) ? Au sommet de sa lente pédagogie, Dieu s’est fait homme pour nous conduire à l’amour.

« Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ » (2Th 3. 5)


(1) Paul Claudel, Introduction au livre de Ruth, DDB, Paris 1940 p. 35
(2) Henri de Lubac, Le mystère du surnaturel, Aubier, Paris, 1965, p.128
(3) Karl Rahner. Traité fondamental de la foi p. 154, cité par Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 124
(4) cf, Sur les pas de Jean (reprise de À genoux devant l’homme).

05 février 2020

Conversion intérieure - l’amour en toi 52

Il y a une interaction subtile entre la lente révélation de Dieu et la prise de conscience intérieure de sa présence et surtout l'ouverture du cœur qui en résulte : « ce mouvement de grâce par lequel Dieu tourne la création vers lui est un mouvement de conversion vers Dieu (...) En tournant la créature vers lui, Dieu lui permet de prendre conscience d'elle-même : la conscience de soi est intérieure à la conscience de Dieu. Telle est la doctrine de l'intériorité de la conscience chez Augustin : il faut que je demeure en toi pour que je demeure en moi : noverim te, noverim me. Cet acte d'être tourné vers Dieu évite à la conscience de se fermer sur elle-même et inaugure un mouvement qui la constitue comme désir, mouvement lui-même constitutif de la création »(1)

Mais le désir d’aimer (et donc le désir de Dieu) n’est que le premier pas. Notre joie vient de cette liberté qui résulte de l’amour en actes et en vérité. Nous sommes libres dès que nous quittons toutes ces adhérences au mal, c’est aliénations qui sont illusions de liberté et qui conduisent à moins aimer.

L’irruption du visage d’autrui est le chemin de notre liberté dirait Lévinas...

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 96

31 janvier 2020

Au fil de Marc 4,26-34 - semence et pédagogie divine - amour en toi - 52

« Il en est du règne de Dieu comme d'un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D'elle-même, la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi.
Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »
Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences.
Mais quand on l'a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. » (Marc 4, 27-32)

On peut lire cette parabole sur deux niveaux ; en mode contemplatif pour voir le chemin de Dieu dans l'humanité depuis l'origine, comme une graine fragile qui suscite un vent de fécondité dans une terre libre et réceptive. On entre alors en résonance avec ma recherche déjà commentée plus haut sur la pédagogie divine.

On peut lire aussi cela sous le mode méditatif à la suite de Maxime le Confesseur : « La parole de Dieu (...) paraît bien petite (...) Mais quand elle a été cultivée comme il faut, elle se montre si grande que les raisons nobles des créatures sensibles et intelligibles se reposent sur elle. Car elle embrasse les raisons de tous les êtres. Mais elle-même, aucun être ne peut la contenir. C'est pourquoi celui qui a la foi comme un grain de sénevé peut, par la parole, déplacer la montagne, comme l'a dit le Seigneur (cf. Mt 17,20), c'est-à-dire chasser le pouvoir que le diable a sur nous et changer le fondement.
Le Seigneur est un grain de sénevé, semé en esprit par la foi dans les cœurs de ceux qui le reçoivent. Celui qui l'a soigneusement cultivé grâce aux vertus, déplace la montagne du souci terrestre. Puis, lorsqu'il a chassé de lui-même l'habitude du mal, si difficile à infléchir, il fait se reposer en lui les paroles des commandements et les modes d'existence ou les puissances divines, comme les oiseaux du ciel. (...) Ce n'est pas en dehors de ceux qui cherchent qu'il faut chercher le Seigneur, mais ceux qui cherchent doivent le chercher en eux-mêmes, par la foi qu'ils mettent en œuvre.
Car il est dit : « La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur » (Rm 10,8), c'est-à-dire la parole de la foi, comme le Christ lui-même : la parole de Celui qu'on cherche. »

L'amour est en toi comme un germe, une musique qui t'invite à « danser » sur les places. Ne refusons pas la valse de Dieu.

(1) Saint Maxime le Confesseur, Centurie sur la théologie II, n ° 10-11, 35 (Philocalie des Pères neptiques ; trad. J. Touraille, éd. DDB-Lattès), source : l'Évangile au Quotidien

30 janvier 2020

Marchez vers la lumière - Jean de Naples - Amour est en toi - 51

Il y a une déchirure nécessaire, ce que Paul appelle une circoncision du cœur à la suite de Deutéronome 30, 6ss que je vous propose de contempler : « Le Seigneur ton Dieu te circoncira le cœur, à toi et à ta descendance, pour que tu aimes le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, afin de vivre ; le Seigneur ton Dieu fera tomber toutes les malédictions sur tes ennemis et sur ceux qui te haïssent et te persécutent.
Quant à toi, tu reviendras et tu écouteras la voix du Seigneur, tu mettras en pratique tous ses commandements que je te donne aujourd'hui.
Le Seigneur te comblera de bonheur en toutes tes œuvres : il fera fructifier ta famille, ton bétail et ton sol ; oui, de nouveau le Seigneur prendra plaisir à ton bonheur, comme il prenait plaisir au bonheur de tes pères, pourvu que tu écoutes la voix du Seigneur ton Dieu, en observant ses commandements et ses décrets inscrits dans ce livre de la Loi, et que tu reviennes au Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme.
Car cette loi que je te prescris aujourd'hui n'est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte.
Elle n'est pas dans les cieux, pour que tu dises : « Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? »
Elle n'est pas au-delà des mers, pour que tu dises : « Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? »
Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique.
Vois ! Je mets aujourd'hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur.
Ce que je te commande aujourd'hui, c'est d'aimer le Seigneur ton Dieu, de marcher dans ses chemins, de garder ses commandements, ses décrets et ses ordonnances. Alors, tu vivras et te multiplieras ; le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession.
Mais si tu détournes ton cœur, si tu n'obéis pas, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d'autres dieux et à les servir, je vous le déclare aujourd'hui : certainement vous périrez, vous ne vivrez pas de longs jours sur la terre dont vous allez prendre possession quand vous aurez passé le Jourdain. Je prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c'est là que se trouve ta vie, une longue vie sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. »

L'oraison de l'office des lectures continue ainsi : « Jésus, le Seigneur, est venu pour que nous ayons la vie. Si tu reviens au Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, il te rassemblera à nouveau du milieu des peuples. Serais-tu égaré à l'extrémité des cieux, même là le Seigneur ton Dieu viendra te prendre. Je te propose aujourd'hui la vie ou la mort : choisis la vie, en aimant le Seigneur ton Dieu.

Ce choix est celui de la lumière, comme le suggère Jean de Naples : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je peur ? C'était un grand serviteur, celui qui savait comment on était éclairé. Il voyait la lumière, non pas celle qui baisse sur le soir; mais cette lumière que l'œil ne voit pas. Les âmes éclairées par cette lumière ne courent pas vers le péché, ne trébuchent pas dans le vice.
Le Seigneur disait en effet : Marchez tant que vous avez la lumière. De quelle lumière parlait-il, sinon de lui-même ? Il a dit en effet : Moi, la lumière, je suis venu dans le monde, afin que ceux qui voient ne voient plus, et que les aveugles reçoivent la lumière. C'est donc lui, le Seigneur, qui est notre lumière, notre soleil de justice, lui qui a fait rayonner son Église catholique répandue partout, et c'est pour l'annoncer que le Prophète s'écriait : Le Seigneur est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je peur ?
L'homme éclairé intérieurement ne boite pas, il ne s'écarte pas du chemin, il supporte tout. Celui qui voit de loin la patrie endure les difficultés, ne s'attriste pas des épreuves temporelles mais trouve sa force en Dieu : il abaisse son cœur, et il endure : son humilité entraîne la patience. Cette lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde se donne à ceux qui craignent Dieu, se répand en celui que le Fils veut, partout où il veut, elle se révèle à qui le Fils de Dieu veut.
Celui qui était assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort — dans les ténèbres du mal et dans l'ombre du péché — lorsque la lumière se lève, a horreur de lui-même, s'humilie, se repent, rougit de honte et dit : Le Seigneur est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je peur ? Ce salut est une grande chose, mes frères. Ce salut ne craint pas la faiblesse, ne redoute pas la fatigue, ne voit pas la douleur. ~ Nous devons donc crier de toutes nos forces, non seulement vocales mais spirituelles : Le Seigneur est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je peur ? Si c'est lui qui éclaire, si c'est lui qui sauve, de qui aurais-je peur ? Que viennent les brouillards des tentations, le Seigneur est ma lumière. Elles peuvent venir, elles ne peuvent pas gagner ; elles peuvent assaillir notre cœur, mais non le vaincre. Que vienne l'aveuglement des passions, le Seigneur est ma lumière. Il est notre force, lui qui se donne à nous ; aussi donnons-nous à lui. Accourez au médecin pendant que vous le pouvez, pour éviter de le vouloir quand vous ne le pourrez plus. » (1)

Vers toi j'ai les yeux levés,
Seigneur qui te tiens au ciel.
Le jour du Seigneur arrive
comme un voleur en pleine nuit.
Vous qui êtes enfants de la lumière,
enfants du jour, restez éveillés et sobres.
Toujours joyeux, priez sans cesse,
en toute condition, soyez dans l'action de grâce.

Ne mettons pas la lumière sous le boisseau.

(1) Jean de Naples, Homélie, source AELF, office des lectures du 30/1/20

28 janvier 2020

« Que ta volonté s’accomplisse en moi ! » - la prière

« Que ta volonté s'accomplisse en moi ! »
Il y a là tout l'enjeu d'une conversion intérieure et d'un abandon ou un décentrement que l'on se refuse souvent de faire.

Est-ce une soumission ou juste les derniers soubresauts de l'orgueil qui résistent en nous et nous empêchent de prendre « la voie » dont parle saint Jean de la Croix ?

Écoutons un moine égyptien du IV eme siècle, Evagre : « Ne prie pas pour l'accomplissement de tes volontés ; car elles ne correspondent pas nécessairement avec la volonté de Dieu. Mais plutôt, suivant l'enseignement reçu, prie en disant : Que ta volonté s'accomplisse en moi (cf. Mt 6,10) ; et ainsi en toutes choses, demande-lui que sa volonté se fasse, car lui, il veut le bien et l'utilité de ton âme, mais toi, tu ne cherches pas nécessairement cela.
Souvent dans mes prières, j'ai demandé l'accomplissement de ce que j'estimais bon pour moi, et je m'obstinais dans ma requête, violentant sottement la volonté de Dieu, sans m'en remettre à lui pour qu'il ordonnât lui-même ce qu'il savait m'être utile ; et pourtant, la chose reçue, grande fut ensuite ma déception de n'avoir pas demandé plutôt l'accomplissement de la volonté de Dieu, d'avoir demandé de préférence l'accomplissement de mon vouloir, car alors la chose ne fut pas trouvée telle que je me l'étais figurée.
Qu'il a-t-il de bon, si ce n'est Dieu ? Par conséquent, abandonnons lui tout ce qui nous concerne et nous nous en trouverons bien. Car celui qui est bon, est nécessairement aussi pourvoyeur de dons excellents. Ne t'afflige pas si tu ne reçois pas immédiatement de Dieu ce que tu demandes ; c'est qu'il veut te faire encore plus de bien par ta persévérance à demeurer avec lui dans la prière. Quoi, en effet, de plus élevé que de converser avec Dieu et d'être abstrait dans son intimité ? (…) Ne veuille pas que ce qui te concerne s'arrange selon tes idées, mais selon le bon plaisir de Dieu ; alors tu seras sans trouble et plein de reconnaissance dans ta prière (1)

(1) Évagre le Pontique, Chapitres sur la prière n° 31-34, 89 attribués à tort à Nil l'ascète (Philocalie des Pères neptiques ; trad. J. Touraille, Ed. DDB-Lattès), source : l'Évangile au Quotidien

Prière, décentrement, abandon, amour en toi, volonté, orgueil, Évagre