31 octobre 2014

Christ serviteur (suite)

Dans la recherche sur la révélation d'un Christ serviteur,  je tombe également sur cette méditation de saint Bernard : (1) "Jusque là, il ne se présente pas à nous comme il est en lui-même, mais tel qu'il s'est fait pour nous : notre Tête, non pas couronnée de gloire, mais ceinte par les épines de nos péchés.  Il serait honteux que, sous cette tête couronnée d'épines, un membre choisisse une vie facile, car toute la pourpre qui le couvre doit être encore non pas tant celle de l'honneur que celle de la dérision." Cette contemplation n'exclue pas celle de la contemplation de la gloire à venir. La dynamique de Ph 2, 7-9 nous y prépare. (2) Mais, respecter cette chronologie laisse le temps à l'homme de voir la joue gauche du Christ (Mat 5, 38-39), dans ce geste qu'il décrit comme étant la réponse à toutes nos violences. S'il nous apparaît couronné d'épines et "suspendu sur le bois de la Croix" c'est bien que celui qui se met aux pieds de l'humanité comme il s'est mis aux pieds de Judas, attend ce mouvement intérieur qui nous conduira sur le chemin,  la Vérité et la Vie.  "Ego sum via, veritas, via"...


(1) homélie de saint Bernard sur la Toussaint
(2) Bernard ajoute :"Viendra le jour de l'avènement du Christ : alors on n'annoncera plus sa mort de manière à nous faire savoir que nous aussi sommes morts et que notre vie est cachée avec lui. La Tête apparaîtra dans la gloire, et avec elle les membres resplendiront de gloire, lorsque le Christ restaurera notre corps d'humilité pour le configurer à la gloire de la Tête, puisque c'est lui la Tête."
(3) Philippiens 2, 9 : "C'est pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom"

29 octobre 2014

Exégèse médiévale - IV


Il est intéressant de noter, en écho à ce que j'écrivais sur la "formule de Dieu" que la tentation médiévale comportait aussi une tendance à vouloir faire de la Bible la source de toute connaissance scientifique. Galilée sait à quoi tout cela à pu conduire. Cette dérive s'éloigne de la lectio divina recommandée par saint Hilaire, Jérôme ou Grégoire qui demandait avant tout une "pieuse humilité" (1). Cette tentative d'interprétation scientifique s'agit plus d'une "course aux honneurs "(2), l'attrait vieux comme le monde de l'arbre de la connaissance ? 

(1) op. Cit p. 83
(2) p. 85

28 octobre 2014

L'Ancien et le Nouvel Adam - Christ serviteur (suite)

A la suite de mes développements précédents, je note ce beau texte de saint Pierre Chrysologue : "Saint Paul nous apprend que deux hommes sont à l'origine du genre humain : Adam et le Christ. Deux hommes égaux quant au corps, mais inégaux en mérite ; vraiment tout à fait semblables par l'agencement de leurs membres, mais vraiment tout à fait dissemblables par leur origine. Le premier Adam, dit-il, a été créé comme un être humain qui a reçu la vie ; le dernier est un être spirituel qui donne la vie.
Le premier a été créé par le dernier de qui il a reçu l'âme qui le ferait vivre ; il a été formé par son Créateur ; et celui-ci n'attendait pas que la vie lui soit donnée par un autre, puisque c'est lui seul qui donne la vie à tous. Le premier est modelé d'un limon très vil le dernier est né du sein très noble de la Vierge ; chez l'un, la terre se transforme en chair ; chez l'autre, la chair est élevée jusqu'à Dieu.
(...) Je suis le Premier, c'est-à-dire sans commencement. Je suis le Dernier, c'est-à-dire sans fin. Mais, dit l'Apôtre, ce qui est apparu d'abord, ce n'est pas l'être spirituel, c'est l'être humain et, ensuite seulement, le spirituel. En effet, la terre précède le fruit ; mais la terre n'a pas autant de valeur que le fruit. Celle-là exige des gémissements et des travaux. Celui-ci donne la richesse et la vie. Le prophète a raison de tirer gloire d'un tel fruit lorsqu'il dit : Notre terre donnera son fruit. Quel fruit ? Celui dont il dit ailleurs : C'est un fruit de tes entrailles que je placerai sur ton trône. Comme dit encore saint Paul : Pétri de terre, le premier homme vient de la terre ; le second, lui, vient du ciel. Puisque Adam est pétri de terre, comme lui les hommes appartiennent à la terre ; puisque le Christ est venu du ciel, comme lui : les hommes appartiennent au ciel.  (...) Maintenant  (...) réalisons une image parfaite par une ressemblance parfaite avec notre Créateur, non par la gloire, qu'il est seul à posséder, mais par l'innocence, la simplicité, la douceur, la patience, l'humilité, la miséricorde, la concorde, puisque c'est par ces vertus qu'il a daigné venir et demeurer en communion avec nous. "

Cette tension qui est celle de l'incarnation est aussi celle qui nous conduit à cette kénose diaconique, comme un but à atteindre, une course au sens de 1 Co 9.

(1) Homélie de saint Pierre Chrysologue sur l'Ancien et le Nouvel Adam
Source : Application Bréviaire.


27 octobre 2014

Les 3 sens liturgiques - Exégèse médiévale

Lubac note aussi chez Sicard de Crémone (1) les 3 sens de la liturgie :
- Le sens historique qui rappelle les faits‎ de l'alliance de Dieu et son peuple, 
- le sens mystique qui rappelle que le Christ est le temple de Dieu, 
- et le sens éthique qui fait de chaque homme un  temple de Dieu. Cette progression qui reprend à sa manière l'histoire de la révélation nous interpelle sur notre manière même de vivre la liturgie.
Elle ne peut exclure le sens anagogique de nos eucharisties : cette réconciliation en Christ que nos assemblées préparent. Plus encore, elle permet de comprendre le rôle même de nos rencontres : nous conduire sur cette marche qui deviendra la "danse des anges".

(1) Henri de Lubac, Op. Cit p. 155

26 octobre 2014

Les trois noces - Exégèse médiévale


‎A la suite de Richard de Saint Victor et Aelred de Rievaulx "qui distingue deux genre‎s de noces mystiques"(1) je me plais à contempler trois noces comme trois danses : celle du Christ "à genoux devant l'homme" (Jn 8 et 13), celle du Christ et de l'Eglise (Eph 5) et celle du monde en Dieu ( sens anagogique ou téléologique). Ces trois lectures de l'évangile, qui reprennent trois des quatre sens décrits par Henri de Lubac me semblent compatibles avec mon idée de danse trinitaire.

(1) Henri de Lubac, op. cit. p. 141

25 octobre 2014

Les deux vêtements du Christ - Exégèse médiévale 2


L'Écriture et le monde sensible sont les deux vêtements du Christ nous disent les commentateurs du Moyen-âge (1), ils tamisent la lumière trop vive de la divinité pour nous protéger de sa lumière tout en nous révélant la beauté de la Vérité.

(1) H. de Luvac, op. Cit. P. 122s

24 octobre 2014

Exégèse médiévale - Henri de Lubac, initiation de lecture

‎Mes vacances théologiques me permettent de replonger dans Lubac et les 4 tomes de son exégèse médiévale publiée chez Desclée de Brouwer à partir de 1993.

Comme à mon habitude, j'en commenterai quelques pépites (1).

Page 62 et suivantes, il nous emmène dans la théologie des premiers siècles ou Écriture et Tradition se mêle dans d'innombrables commentaires de l'Ecriture. Comme je ne fais pas mieux, je ne peux que noter que "la multiplicité des sens offerts par une Écriture, dont le sens ne peut être saisie, (...) [est légitime] "pourvue qu'en fin de compte elle visassent ‎le même objet" (...) [et soit conformes] "aux explications des saints pères" (2). C'est toute la difficulté...
On retrouve ce que l'on demande maintenant sous un triple crible : écriture, tradition et sens des fidèles, même si le dernier doit bien sûr être éclairés des deux autres....

(1) j'ai déjà cité plus haut un court extrait d'Origène
(2) Henri de Lubac, Exégèse médiévale, Desclée de Brouwer, 1993, op. Cit p. 63-64

23 octobre 2014

Christ serviteur - V - Phillipiens 2, 7

La lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens (4,7-16) complète elle aussi, cette notion de Christ serviteur, chemin pour l'homme. Écoutons là sous ce prisme : "Christ (...) est monté  (...) Que veut dire : Il est monté ? - Cela veut dire qu'il était d'abord descendu jusqu'en bas sur la terre. Et celui qui était descendu est le même qui est monté au plus haut des cieux pour combler tout l'univers. (...) De cette manière, le peuple saint est organisé pour que les tâches du ministère soient accomplies, et que se construise le corps du Christ. Au terme, nous parviendrons tous ensemble à l'unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à l'état de l'Homme parfait, à la plénitude de la stature du Christ. (...)  par lui, dans l'harmonie et la cohésion, tout le corps poursuit sa croissance, grâce aux connexions internes qui le maintiennent, selon l'activité qui est à la mesure de chaque membre. Ainsi le corps se construit dans l'amour".

Ce chemin de serviteur, c'est celui de la ressemblance. saint Pierre Chrysologue nous en indique la voie : "Réalisons une image parfaite par une ressemblance parfaite avec notre Créateur, non par la gloire, qu'il est seul à posséder, mais par l'innocence, la simplicité, la douceur, la patience, l'humilité, la miséricorde, la concorde, puisque c'est par ces vertus qu'il a daigné venir et demeurer en communion avec nous". (1)


(1) Homélie de saint Pierre Chrysologue sur l'Ancien et le Nouvel Adam

22 octobre 2014

La fleur et la montre - Le Serviteur IV

Une petite contemplation qui le vient de la lecture citée dans le post précédent : " Qu'est-ce qui est le plus complexe : la fleur ou la montre ?" Les geeks répondront probablement la montre, fruit de l'intelligence humaine. 
Mais c'est probablement la mauvaise réponse.  La fleur qui ne dure que ce dure les roses n'est pas reproductible. Si l'on pense aux processus qui la font passer de graine en plante, aux capteurs qui la font tendre et s'ouvrir vers la lumière,  à tout ce qui attire l'abeille qui fécondera ses étamines,  au parfum qu'elle distille, on est là devant une merveille silencieuse du Verbe serviteur de l'homme.  Et le comble, c'est que l'on idolâtrera la montre, fruit du génie de l'homme et passera à côté des dons de Dieu à l'homme.


On peut contempler sur ce sujet le Psaume 8

4A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas,
5qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui,
le fils d'un homme, que tu en prennes souci ?

6Tu l'as voulu un peu moindre qu'un dieu,
le couronnant de gloire et d'honneur ;
7tu l'établis sur les oeuvres de tes mains,
tu mets toute chose à ses pieds : "

Ce à quoi j'ai envie d'ajouter à l'aune de la révélation finale : " jusqu'à ton Fils que tu mets aux pieds de l'homme"... (1)

(1) Cf. Nos développements sur Christ serviteur
Cf. aussi Retire tes sandales,  in L'Amphore et le Fleuve

21 octobre 2014

La formule de Dieu - Le serviteur - III

Je viens de terminer la lecture d'un roman portugais (1) qui a visiblement connu un succès certain en partant sur une thèse assez fréquemment utilisée depuis les découvertes modernes de la science. Pour l'auteur,  la contemplation de l'univers est compatible avec le récit de Genèse 1, preuve scientifique à l'appui.  Si l'on se laisse séduire par son argumentation,  le chrétien butera probablement sur son affirmation que le Dieu que la science révèle n'est pas le Dieu de la Bible.  

Il doit sourire un peu jaune là haut. Car cette description anthropique de la création qui montre que le monde, depuis des milliards d'années prepare les conditions de l'apparition de l'intelligence humaine, est-elle autre chose que la description de la kénose et de la diaconie de Dieu. 

Si l'équilibre fragile qui regit l'univers a permis les merveilles qui nous entourent,  ce n'est probablement pas le fruit d'un heureux hasard.  C'est l'indication discrète et respecteuse d'un amour qui aime en se mettant à genoux devant l'homme et lui pose la question de Gn 3 dans le jardin : où es-tu ?

Dieu n'attend qu'une réponse : Me voici. 


(1) La formule de Dieu, José Rodrigues dos Santos, Pocket

20 octobre 2014

Christ serviteur - II

"Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour.
S'il revient vers minuit ou plus tard encore et qu'il les trouve ainsi, heureux sont-ils ! "

On retrouve ce paradoxe révolutionnaire du Christ serviteur.  Quel est le contexte ? Il est parti en voyage de Noces. Les serviteurs pourraient de leur côté faire la fête, mais certains veillent, signe d'un attachement particulier.  Selon la justice humaine,  ils mériteraient un petite récompense.  La logique du Christ est ici diaconique. Dans sa kénose poussée jusqu'au bout, c'est le maître qui se met à servir.

Un petit texte de Jean Tauler, nous aide à percevoir que souvent nous passons à côté de ce Christ à genoux : "Ces noces, d'où le Seigneur vient, ont lieu au plus intime de l'âme, dans son fond, là où se trouve la noble image. Quel contact intime l'âme a avec Dieu dans ce fond et Dieu avec elle, et quelle œuvre merveilleuse Dieu fait là ! Quelle jouissance et quelle joie il y trouve ! Cela dépasse tout sentiment et toute intelligence, et pourtant l'homme n'en sait rien et n'en éprouve rien" (1).

Cet amour de Dieu, nous passons trop souvent à côté sans le voir. C'est ce que nous rappelle Augustin : "Je t'ai aimée bien tard, Beauté si ancienne et si nouvelle, je t'ai aimée bien tard ! Mais voilà : tu étais au-dedans de moi quand j'étais au-dehors, et c'est dehors que je te cherchais ; dans ma laideur, je me précipitais sur la grâce de tes créatures. Tu étais avec moi, et je n'étais pas avec toi. Elles me retenaient loin de toi, ces choses qui n'existeraient pas si elles n'existaient en toi. Tu m'as appelé, tu as crié, tu as vaincu ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi, et tu as dissipé mon aveuglement ; tu as répandu ton parfum, je l'ai respiré et je soupire maintenant pour toi ; je t'ai goûtée, et j'ai faim et soif de toi ; tu m'as touché et je me suis enflammé pour obtenir la paix qui est en toi". (2)


(1) Jean Tauler, Sermon 77, pour la fête d'un Confesseur (trad. Cerf 1991, p. 626)
(2) Saint Augustin, Confessions §8

19 octobre 2014

Le serviteur - Initiation de recherche - Rendez à César ce qui est à César

Hier soir, à l'occasion de la première communion de mon filleul, j'ai entendu une homélie bien belle sur le "rendez à César", J'ai apprécié particulièrement cette remarque du prêtre que je traduis de mémoire : "L'Église a toujours souffert de s'allier au pouvoir, parce que la politique a toujours détourné l’Évangile à son profit". Et le prêtre a illustré avec justesse ses propos par le dramatique "Gott mitt uns" du Reich. Mais on pourrait citer d'autres tristes appropriation de la Parole.

Quelle est la dérive ? Si l'on revient sur la triple tentation telle qu'elle se révèle dans les tentations au désert (Avoir, Pouvoir et Valoir), un chemin ecclésial serait à trouver ailleurs. Or, sur le vitrail de l'église de Saint Jacques à Cognac où je me tenais, était inscrit : "Ego sum via, veritas, vita" : "Je suis le chemin, la vérité et la vie". En quoi est-il chemin ? Quel a été son apport ?

Ce matin, je me réveille en méditant cela. On dit souvent que l'eucharistie est le sommet des sacrements, mais a t-on lu jusqu'au bout le message ? Oui si l'on ne lit que les synoptiques. Une lecture symphonique qui englobe Jean apporte un petit détail sur le "faites ceci en mémoire de moi" : le lavement des pieds. J'ai déjà rapporté dans "A genoux devant l'homme", combien ce qui aurait pu être un sacrement n'a pas été retenu comme tel, parce qu'il était au centre du message. Une vision de la kénose (humilité) et de la diaconie qui s'est plus tard effritée par le jeu du pouvoir.

Dans la tradition juive, le maître du repas partageait d'abord à ses invités le plat et attendait que tout le monde soit servi pour manger. C'est probablement comme cela que s'est vécu le dernier repas du Christ avec ses disciples. Jean nous apporte, quant à lui, un autre détail sur le jusqu'au bout du Christ serviteur. La logique d'un Christ serviteur apportée par le quatrième évangéliste, qui va jusqu'au lavement des pieds de Judas, serait de faire de nos eucharisties un signe efficace de cette diaconie du Christ et de son Église. Cela a des implications sur la manière de voir la messe : non pas comme un sacrement exécuté par celui qui détient le pouvoir, mais comme :

  • le lieu où le prêtre se fait serviteur de la communion de son Église (1), 
  • comme un lieu où l'on ôte ses sandales devant l'autre (2), tous les baptisés et ceux qui ne le sont que dans leur coeur (quels que soient leurs états de vie apparents)  parce qu'ils sont aussi signes de l'amour du Christ, semences du Verbe.
  • comme un lieu où chacun est invité à humaniser sa vie (3), entrer dans une danse (4) diaconique (5) pour atteindre cette vérité où se conjugue nos fragilités.
L'Arche a bien compris cela en faisant de ses lavements des pieds un sacrement communautaire, où chacun lave les pieds de son voisin, par groupe de 12. 
Nous oublions trop souvent ce que veut dire "communier". Dans une conférence donnée à Nice, j'avais souligné l'importance de rendre chacun actif (6). Quand nos eucharisties restent passives, nous oublions que nous sommes tous égaux, en tant que baptisés (et donc prêtre, prophète et roi) de la nouvelle alliance, donc de ce "faire mémoire". 
Nous passons trop vite sur le dialogue avec le prêtre qui lui donne le droit, au début de la consécration, d'agir en notre nom à tous...
Au cours de la messe d'hier, j'ai aimé accompagner le petit Timothée dans la quête. Alors que son grand/petit frère, allait communier au pain de vie, il était aussi acteur, par son geste, de la communion qui se jouait, du haut de ses 6 ans...Nos eucharisties, trop souvent figées dans le rite, perd parfois cet élan de communion et d'amour qui devrait nous habiter.


(1) Voir les dérives rapportées par Paul sur les pratiques des premiers chrétiens, où les esclaves arrivant les derniers au repas ne trouvaient que des miettes...
(2) cf. le texte sur le constat à mi-parcours du Synode sur la famille.
(3) Cf. Varillon, Joie de vivre, joie de croire
(4) Cf. La danse trinitaire
(5) cf. mes propos rapportés plus tôt sur la diaconie
(6) cf. Réflexions sur l'engagement


NB : Une lumière matinale que vous me verrez probablement creuser dans ce blog et qui donnera peut-être naissance à un nouveau petit opus (encore un, me direz vous !) que j'appellerai peut-être Le serviteur, kénose et danse diaconique...Il reprendra les premiers éléments déjà intégrés dans la deuxième version de Chemins d'Eglise ou j'ai rajouté à mes propos sur la diaconie, une lecture cursive des premières lettres de Paul) - en téléchargement libre, cf. post précédent.


17 octobre 2014

Synode sur la famille - II - Cardinal Péter Erdő

Quel beau texte que ce travail préparatoire à la conclusion du synode : http://press.vatican.va/content/salastampa/fr/bollettino/pubblico/2014/10/13/0751/03037.html#

On y parle des "semences du Verbe" § 20, de la "kénose miséricordieuse" du Christ § 25 et
"d'otez ses sandales devant l'homme..." § 41

Précisons ma pensée :

§ 20 : "il appartient à l'Église de reconnaître ces semina Verbi répandus hors des frontières visibles et sacramentelles". L'allusion rejoint une thèse de saint Justin, que l'on retrouve plus récemment chez Jacques Dupuis s.j. qu'en des lieux apparemment hors de l'Eglise, le Verbe travaille pourtant et fait rayonner l'amour.

§ 25 : " L’Église doit la réaliser avec la tendresse d’une mère et la clarté d’une maîtresse (cf. Ep 4,15), dans la fidélité à la kénose miséricordieuse du Christ". La kénose est cette humilité de Dieu décrite dans Philippiens 2, 7. Juxtaposer kénose et miséricorde, c'est contempler ce Christ à genoux devant l'homme pécheur qui cherche, comme dans le lavement des pieds de Judas, à convertir le coeur, non par la violence, mais par la miséricorde.

C'est voir aussi le Christ qui s'abaisse par deux fois devant la femme adultère avant de suggérer un va et ne pêche plus. (cf. Jn 8).

C'est probablement ce que précise le texte en § 41 : " cet “art de l’accompagnement”, pour que tous apprennent toujours à ôter leurs sandales devant la terre sacrée de l’autre (cf. Ex 3,5)." L'allusion à Exode 3, 5 nous renvoie à l'attitude de Moïse devant le buisson ardent.

Les lecteurs de ce blog retrouveront des thèmes que je défend dans "Retire tes sandales" (maintenant disponible au sein de "l'amphore et le fleuve") et "A genoux devant l'homme"....

Ces chemins pastoraux rejoignent ce que j'écrivais dans les 4 tomes du Vieil homme et la Perle (cf. post précédent). Pourvu que les choses avancent dans ce sens !

13 octobre 2014

Suivre l'église

Malgré l'apparence ma fidélité à l'Eglise ne prend pas une tâche, même si bien sûr je me plais à souligner ses fragilités et ses avancées.
A ce titre, je ne renie pas cette sentence d'Origène : "Le vrai disciple de Jésus est celui qui entre dans sa maison (...) en pensant suivant l'Eglise, en vivant suivant l'Eglise" (1)

Entretien avec Héraclite (trad. J Scherer, 155), cité par de Jean de Lubac, in Exégèse médiévale, tome 1, Les quatre sens de l'écriture, Paris, DdB, 1993, p. 58

12 octobre 2014

L'apôtre, par Cheyenne Carron, un film dérangeant


Le nouveau film de Cheyenne Carron nous conduit sur le sentier difficile de la tolérance inter-religieuse. Un film à voir.
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Akim, fils d'une famille algérienne et musulmane, appelé à devenir iman, est troublé par l'attitude d'un prêtre qui pardonne à l'assassin de sa soeur.
Il fait un chemin intérieur qui le conduit à se convertir au catholiscime.
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Ce film tourné à petit budget, aux images qui tanguent un peu, est plein d'énergie. Plus que la conversion d'un homme, c'est une ode à la capacité de tout homme à accepter la différence. Car le chemin d'Akim bouleverse aussi sa famille, génère violence, incompréhension, puis mouvements intérieurs.
On aimera aussi les balbutiements de la partie catholique...
Ce film nous interpelle sur notre capacité à accepter la différence. A voir.

Je regrette la présence d'un "corbeau noir" trop porté par des gens que je trouve de leur côté bien peu "tolérants". Mais je comprends les arguments de Cheyenne sur la visibilité...


www.cheyennecarron.com/films.php


09 octobre 2014

Divorcés remariés - Synode sur la famille - "Le Vieil Homme et la Perle", Extrait 1

A l'heure où Rome travaille, j'ose vous dévoiler un extrait de mon livre, "le vieil homme et la perle", l'histoire d'un vieux prêtre qui cherche des chemins de pastorale.

"En s’approchant de la chapelle, il aperçut, une trentaine de personnes, dont plusieurs cadres, travaillant dans le quartier, quelques paroissiens « locaux » et au dernier rang, Sophie et Jean-Marie. Alors il n’hésita plus…
Après le psaume, il s’avança vers l’ambon et lut de sa voix grave :
Évangile selon saint Jean, au chapitre 8 :
« Les Scribes et les Pharisiens lui amenèrent une femme surprise en adultère, et l'ayant fait avancer, ils dirent à Jésus : "Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère." Or Moïse, dans la Loi, nous a ordonné de lapider de telles personnes. Vous, donc, que dites-vous ? C'était pour l'éprouver qu'ils l'interrogeaient ainsi, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus, s'étant baissé, écrivait sur la terre avec le doigt. Comme ils continuaient à l'interroger, il se releva et leur dit :" Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre." Et s'étant baissé de nouveau, il écrivait sur la terre. Ayant entendu cette parole, et se sentant repris par leur conscience, ils se retirèrent les uns après les autres, les plus âgés d'abord, puis tous les autres, de sorte que Jésus resta seul avec la femme qui était au milieu. Alors Jésus s'étant relevé, et ne voyant plus que la femme, lui dit : "Femme, où sont ceux qui t’accusent ? Est-ce que personne ne t’a condamnée ? Elle répondit : "Personne, Seigneur" ; Jésus lui dit "Je ne te condamne pas non plus. Va, et ne pèche plus." »
Gilbert laissa un long silence s’établir après la lecture, puis, prenant l’ambon à pleine main, il leva les yeux vers l’assemblée et dit :
 "Ils se retirèrent, les uns après les autres, à commencer par les plus vieux". Mes frères, il y a deux façons de lire ce texte. On peut s’arrêter sur le « va, et ne pèche plus » et refaire une fois encore une apologie de la morale. On peut aussi s’interroger, intérieurement sur le sens des gestes et des paroles de Jésus. Si l’on observe bien les mouvements du Christ, il est assis, puis il s’abaisse, par deux fois, se met à la hauteur de la jeune femme, et ce faisant, se rend plus proche d’elle que des « docteurs de la loi », qui eux, restent debout. On sent là comme une présence qui me rappelle le désir d’intimité de Dieu avec l’homme et cet agenouillement que nous célébrerons dans quelques jours, le soir du jeudi saint. Si Jésus s’abaisse peut-on rester, nous aussi, debout ? Dans quelques temps, nous allons, ensemble, célébrer l’eucharistie, invoquer l’Esprit pour qu’Il habite le pain et le vin. Mais je vous le demande,  sommes-nous à la hauteur de ce qui va se jouer sur cette table ? Plus encore, si Jésus s’abaisse devant la femme, peut-on rester debout ? Je vous propose, aujourd’hui, un geste de solidarité particulier. Il y a, parmi vous, dans cette assemblée, des personnes qui, du fait de leur remariage, n’ont pas accès à la sainte eucharistie. Sommes-nous plus dignes qu’eux ? Je ne peux juger dans vos cœurs. Pourtant je vais faire quelque chose que je n’ai jamais encore fait. Peut-être que ce sera un acte limite, au sens du rite catholique, mais je me propose, je vous propose, de ne pas communier, de vous contenter de venir, comme eux, demander la bénédiction de Dieu. Étant l’un des plus âgés, dans cette église, je me sens le devoir de montrer le chemin. Si certains d’entre vous désirent s’unir au Christ, je ne peux le leur refuser. Pourtant, je vous le demande, sommes-nous dignes de porter le Christ, d’être temple de son corps ?
Il s’assit… Laissant résonner dans la petite chapelle, le sens de ce qu’il venait de prononcer… Avait-il tort ? Il n’osait croiser le regard de certains paroissiens. Peut-être que cela serait rapporté au curé, amplifié, déformé. Après tout, il avait parlé avec son cœur.
Quand vint le moment de la communion, il fut surpris de voir Jean-Marie et Sophie s’avancer vers l’autel, jusqu’à ce qu’il aperçoive leurs bras croisés. En signant le front de Sophie, il vit que des larmes baignaient ses joues. Elle avait, pourtant, quand elle lui fit face, un large sourire. Jean-Marie était plus discret. Pourtant, en croisant son regard, il lut une profonde gratitude. Derrière eux, tous les paroissiens se présentèrent à lui. Malgré l’hostie qu’il tenait prête, aucun, ce jour-là, n’osa communier. Au fond de son cœur, il rendit grâce à Dieu…"

Les lecteurs de ce blog y retrouveront la théologie qui sous-tend mes autres ouvrages et notamment cette lecture particulière de Jean, développée dans  "A genoux devant l'homme".

Jésus un juif laïc


Après une étude qui doit en fâcher certains sur les origines du Christ, John P. Meier enchaîne sur la question " Jésus était-il marié ?" et conclut contre Phipps que cette thèse est sans fondement. On a eu chaud. Cela donne une vision très "sitz im Leben" de l'histoire des eunuques pour le royaume de Matthieu. Ce que le laïc que je suis ne peux s'empêcher de souligner c'est que Jésus était le premier laïc de l'église... laïc célibataire certes.
Comme quoi il faut de tout pour faire avancer le royaume.

Il est d'ailleurs intéressant de noter p. 220 que notre habitude de considérer Jésus comme prêtre est un hapax (seule mention du NT) qui nous vient d'un texte tardif, en l'occurrence Hébreux 7, mais que l'auteur de l'épître précise en 8, 4 que s'il était sur terre, il ne serait même pas prêtre. Autant pour ceux qui s'attachent peut-être trop à un ritualisme sous couvert d'imitation christique. On rejoint ici des propos croisés chez Moingt sur cette église non ritualiste des premiers temps.


Dois-je rappeler ici mes conclusions sur la diaconie reprise en bonus dans Chemins d'Eglise.
Le chemin pastoral adéquat n'est peut être pas celui qui passe par l'absolutisme des rites. Mais celui qui met ceux ci éventuellement au service de tous nos chemins d'humanité vers une communion véritable.

Contempler le chemin laïc du Christ montre qu'il n'a jamais passé par une stricte obéissance aux rites au grand dam des Pharisiens. Il a toujours mis la charité au premier plan.

07 octobre 2014

Les deux églises - suite IV

Pour compléter ma petite série sur les 2 églises, je tombe sur un texte de Gaudium et Spes qui va dans le même sens. Peut-on sentir la patte de Congar derrière ?

"elle se compose de membres de la cité terrestre qui sont appelés à former, déjà au sein de l'histoire humaine, la famille des enfants de Dieu, qui doit croître sans cesse jusqu'à la venue du Seigneur… À la fois « assemblée visible et communauté spirituelle » (LG 8), l'Église fait route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et pour ainsi dire l'âme de la société humaine destinée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu.

Cette compénétration de la cité terrestre et de la cité céleste ne peut être perçue que par la foi ; bien plus, elle demeure le mystère de l'histoire humaine, qui est troublée par le péché jusqu'à la pleine révélation de la gloire des enfants de Dieu (Rm 8,18s). L'Église, en poursuivant sa fin propre, le salut, ne fait pas seulement que l'homme communie à la vie divine. Elle répand aussi sa lumière en la faisant rejaillir d'une certaine façon sur le monde entier, surtout du fait qu'elle rétablit et ennoblit la dignité de la personne humaine, qu'elle fortifie la cohésion de la société humaine, et qu'elle donne à l'activité quotidienne des hommes une orientation et une signification plus profondes. Ainsi, par chacun de ses membres et par toute la communauté qu'elle forme, l'Église croit pouvoir contribuer largement à ce que la famille des hommes et son histoire deviennent plus humaines…"

Gaudium et Spes 40 et 45

03 octobre 2014

Chemin d'Eglise, une lecture pastorale des Actes

Après "Chemins de miséricorde, une lecture cursive de l’Évangile de Luc", je vous fait part de la parution de "Chemins d'Eglise, une lecture "pastorale" des Actes des apôtres", complétée par quelques propos tenus récemment sur ce blog.

Après la lente contemplation de l’Évangile, il nous a paru intéressant de continuer sur la lancée. Un voyage au long cours, où abandonne l’explication de texte pour entrer en résonance et en contemplation avec le récit.
Ici, nous poursuivrons dans cet axe qui se veut plus « pastoral » et « spirituel » que théologique ou exégétique. Comment, 2.000 ans plus tard, pouvons-nous réagir à l’histoire de l’arrivée de l’Esprit sur des hommes peu préparés et un peu désarçonnés par la résurrection de leur compagnon ? Quels écueils et quelles leçons pour notre monde ? Voici les questions de fond qui habitent cette recherche.

Ce livre est disponible gratuitement au format e-pub sous le lien suivant. Il est aussi disponible à prix "réduit" sur le lien suivant et  sur Amazon/Kindle.

Du même auteur, une lecture de Marc, publiée en 1999, maintenant sous e-pub.

Modification du 3 octobre : Une nouvelle version est en ligne intrégrant le début d'une lecture des
premières lettres de Paul et notamment Philippiens...