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13 juin 2022

Danse eucharistique ? 2.66

 

En cette fête du Saint Sacrement, il peut-être important de vérifier ce que nous voulons dire par sacrifice. Sur ce chemin délicat, la lecture du livre de Martin Pochon montre bien les grandes différences entre la lettre aux Hébreux(1), et ce que dit les quatre Évangiles, en soulignant notamment l’approche trop sacrificielle de l’auteur. 

Cela nous interpelle. 

Plus je poursuis cette lecture, plus je perçois l’écueil de l’auteur, qui pourrait être Apollos, selon Pochon. 

Son interprétation du sacrifice est un sacrifice au Père, il vise à apaiser sa colère, sous-entend un Dieu courroucé par le mal, qui a besoin de la mort du Fils pour être apaisé. 


On est loin d’une vision évangélique, d’un don pour l’homme, d’un pain partagé, signe de l’amour conjoint du Père ET du Fils qui va jusqu’au bout du don de soi pour montrer que l’amour est le seul chemin, que l’amour est plus fort que le mal et la mort. 


On est loin du Dieu Trinitaire et de la triple humilité que j’évoquais récemment (2).


Le commentaire de Thomas d’Aquin que reproduit l’office des lectures de cette nuit est-il influencé d’ailleurs par la thèse de l’auteur de la lettre aux Hébreux ? 

C’est en tout cas ce que dit, probablement avec raison, Martin Pochon. Et cette piste qui distingue le Dieu amour et le « sacrifiel » est peut-être à entendre. Cela conditionne beaucoup de choses sur notre vision de l’Église, du sacrifice, du pain de vie, etc…


Que célébrons nous aujourd’hui ? 

Est-ce un sacrifice sanglant comme celui de Moïse, un sacrifice à un Dieu qui exige la mort d’Isaac, ce Dieu violent des nomades de l’époque que décrit bien Beauchamp et Thomas Römer (3), ou le don immense d’un Dieu qui nous fournit à la fois le blé et la vigne et son Fils bien aimé, agneau fragile, Celui va jusqu’à mourir pour changer notre vision de Dieu ?



La dérive sacrificielle, voire parfois cléricale du sacrificateur, celle qu’Apollos (?} veut remettre à l’honneur, est bien différente de celle que Jean nous enseigne dans ses chapitres 6 (multiplication) et 13 (lavement des pieds) en évitant d’ailleurs de revenir sur le récit de la Cène et présentant une autre approche ou prime le partage, le don, l’humilité. 


Non le sacrifice à un Dieu vengeur, mais un autre chemin, celui de celui qui va accepter d’avoir le cœur transpercé par la violence des hommes, pour être signe et source qui jaillit des entrailles maternelles (cf. Osée 11) et frémissantes d’un Dieu qui s’abaisse jusqu’à laver (baiser ?) les pieds de Judas pour nous montrer jusqu’où va l’amour…


C’est ce Dieu « à genoux » qui est chemin(2). C’est avec Lui que je veux danser avec mes frères (4)


(1) Martin Pochon, L’épître aux Hébreux au regard des Evangiles, (Lectio divina), Paris, Éditions du Cerf, 2020.


(2) cf. ma trilogie et notamment Dieu à genoux devant l’homme


(3) cf. Thomas Römer, L’invention de Dieu 


PS : vient de paraître ma 3eme édition de « Danse avec ton Dieu », gratuit sur Kobo/Fnac en numérique, à prix coutant sur Amaz… en version papier

12 août 2021

Un dixième pas de danse ?

Alors que nous nous préparons à fêter le 15/8, il y a peut-être deux premiers fils rouges à trouver : 

1. Le premier est probablement à percevoir entre nos lectures récentes du livre d’Osée dans la liturgie et la place particulière que donne ce prophète aux « entrailles » de Dieu (cf. Osée 11) et à cette sollicitude maternelle de Dieu, reprise dans la première lecture du 15/8 dans l’apocalypse où l’on voit Dieu conduire au désert et prendre soin de la femme « en lui réservant une place particulière », qui n’est pas non plus sans faire écho à Osée 2 et cette fiancée conduite  « à nouveau » au désert (1). C’est toute la sollicitude de Dieu qui est ici évoquée par Jean… entre les lignes. 


2. Dans la même trame, un deuxième fil est à trouver dans les nombreuses allusions à l’arche d’alliance, que l’on retrouve en lisant en mode cursif les lectures de cette semaine et celle de samedi soir et l’apocalypse dimanche, on conçoit le lien particulier entre l’arche d’alliance et Marie présentée là aussi par Jean comme nouvelle arche d’alliance. 


Ces deux fils rouges sont peut-être ce que nous avons à contempler pour aborder l’histoire même de Marie. 

Au regard de la tente de la rencontre (cf. notamment Ex 33-34) et toute l’histoire de l’arche d’alliance et du saint des saints qui abritait Dieu… (2) Marie apparaît soudain à nos yeux comme ce réceptacle de chair particulier, choisi par Dieu pour être le signe de l’amour divin…


Mais le désir d’un « Dieu qui vient à l’homme »(3) avait besoin d’une réponse et cette réponse est celle fragile, si bien illustrée par Fra angelico d’une jeune fille surprise par cette sollicitude et qui ose répondre oui mais mieux encore « fiat » sur le bout des lèvres dans le creuset d’un village perdu de Nazareth.


Il faut mettre peut-être ici aussi en perspective cet « où es-tu ? » de Dieu lancé à Adam ET Ève dans le jardin (4) pour contempler que c’est une petite bergère de Nazareth qui a répondu la première et totalement à cet appel de Dieu.


Le chemin de Marie ne sera pas un long fleuve tranquille. Avant peut-être de vénérer celle qui a dit oui, il nous faut contempler dans le silence ce chemin.


Que célébrons nous aujourd’hui finalement ?

Plus que l’assomption de la vierge Marie, c’est l’ensemble du mystère de la venue du Christ sur terre qui est à contempler.

Marie est l’écrin fragile de notre salut.

Mais qui est-elle véritablement ? Entre la jeune fille fragile que nous idéalisons et la femme-disciple que nous présente Jean à Cana, il existe une tension à maintenir.

Marie n’a pas été dès le début nimbée de lumière et de grâce mais a suivi un sentier qui nous interpelle. 

Marie est en effet au cœur de notre humanité celle qui répond probablement le mieux à l’appel de Dieu, celle qui comprend EN sa chair toute humaine, l’enjeu de la venue du Christ, marche à sa suite et répond à cet appel originel de Dieu(Gn 3,5), évoquée plus tôt. Elle devient en cela chemin pour nous. 

Ce que nous font découvrir les textes de ce dimanche n’est-il pas finalement que, dans le mystère de cette naissance, de cette femme habitée par la grâce divine, bouleversée par la venue du Christ EN son humanité (5) et dans le jusqu’au bout de son Amour, c’est la vocation de tout baptisé qui est surtout à contempler.

Dans la liturgie de la veille au soir du 15 août l’évangile interpelle notre propre manière de recevoir le Christ : L’Évangile de Luc ( 11, 28) insiste même dans le sens de tout ceux qui comme moi souvent rejette une idéalisation excessive. Relisons bien ce texte qui surprend la veille du 15/8 :

« En ce temps-là, comme Jésus était en train de parler, une femme éleva la voix au milieu de la foule pour lui dire : « Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri ! »

 Jésus déclare alors : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » Ces propos sont choquants a priori. 


Jésus « n’efface » pas sa mère mais insiste bien sur ce basculement entre la figure mariale et l’appel renouvelé à notre vocation. 


L’assomption n’est pas seulement en effet la fête de Marie. 

Elle ouvre une espérance particulière pour l’humanité que le magnificat vient amplifier, en faisant vibrer à nouveau l’espérance du peuple de Dieu, de tout ce que portait l’AT. 


« Mon âme exulte le Seigneur car ce dernier disperse les superbes et vient élever les humbles, combler de biens les affamés, renvoyer les riches les mains vides, relever Israël son serviteur ». 


Le cri de Marie est notre joie : « Dieu se souvient de son amour ».


Dans le tressaillement d’Elisabeth que nous donne à contempler Luc se retrouve à sa manière cette espérance du peuple en marche et donc notre propre espérance. 


Oui Dieu vient nous visiter…

À chaque fois que la Parole prend chair en nous, qu’elle fait en nous sa demeure, l’assomption prend sens, quand nous tressaillons, à la suite du Baptiste, de la joie du don de Dieu qui veut nous habiter.(6)

Le rêve de Dieu devient notre danse… 


« Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! »


Le mystère de l’assomption c’est que Dieu veut habiter TOUT homme. 


Le mystère c’est que Dieu souhaite prendre chair EN nous et que sa victoire sur la mort ne viendra que lorsque nous serons un, femmes et hommes, dans la contemplation du Verbe de Dieu, de cette Parole qui prend chair dans notre chair, nous transforme… 


Il y a peut-être ensuite un parallèle théologique à faire entre Philippiens 2 (et notamment le « c’est pourquoi » du verset 9 qui souligne que Jésus est relevé car il s’est vidé de lui même) et le dogme de l’assomption. Au delà du chemin intérieur de Marie, à rapprocher peut-être de la conversion même du Christ dont parle Sesboué dans sa « pédagogie du Christ (7), le chemin intérieur de Marie est aussi marqué par une forme de kénose. Or ce dessaisissement de soi qui s’exprime notamment dans son fiat, si bien traduit par Fra angelico, peut justifier que l’Église ai souhaité lui donner une place particulière que la tradition a cristallisé dans un dogme. Sans valider les excès d’une mariolatrie excessive si bien dénoncée par Congar(8), on peut néanmoins s’interroger sur la distance qui demeure entre le chemin vectoriel (c’est-à-dire qui nous pousse à grandir (cf. 7) et kénotique de la vierge Marie et notre propre chemin et en tirer une forme d’interpellation, d’humilité à défaut d’une vénération…


Il y enfin un thème que l’on peut également contempler dans le « en Christo » paulinien(9), c’est finalement la danse mariale particulière de celle qui a été habitée par le Verbe et est donc devenue contenant de l’insaisissable, ce qui pour reprendre la théologie de Karl Rahner donne à la vierge, un autre chemin vectoriel pour nos eucharisties et fait résonner nos tressaillements intérieurs avec ceux de toutes les mères à commencer par Elisabeth.(10)

Être en Christ et recevoir en soi celui qui nous invite à faire Corps…


(1) voir mon essai « Pédagogie divine »

(2) voir mes billets précédents (danses 4 à 9)

(3) pour reprendre et évoquer la somme de Joseph Moingt

(5) au sens de l’ « en christo » souligné par Hans Urs von Balthasar dans sa Dramatique 

(6) voir mes écrits divers sur le thème du tressaillement et notamment mon roman « le vieil homme et la brise »

(7) Sesboué y soutient que le Christ n’a qu’une conscience progressive de son rôle, une idée que j’ai toujours trouvée intéressante pour percevoir l’interaction entre humanité et divinité

(8) je pense notamment à son deuxième tome du journal du concile

(9) cf. note 5

(10) J’ai longuement développé ce point dans « danse trinitaire » puis dans « A genoux devant l’homme »

07 juillet 2021

Danse ou lutte de Jacob ?

Le texte d’hier est une belle source de méditation.  Selon Paul Beauchamp les deux rencontres, celles de Dieu et celle d’Esaü, sont liées. Jacob lutte pour franchir le torrent, mais cette lutte symbolique face « aux forces qui dépassent l'homme » reste énigmatique et pleine de sens. Car la force de l'adversaire est sans limites. 


Qui était l'adversaire ? écrit Beauchamp, homme ou Dieu‍ ? Le Targum considère que c’est un ange : « Laisse-moi aller, dit-il, car le moment est arrivé pour les anges d’aller célébrer ; et c’est moi le chef de ceux qui célèbrent »

Quelle que soit la nature de cet opposant, Beauchamp considère que l’on peut inférer de sa réponse, que tout ce qui s'était joué jusqu'ici avec les hommes, audace ou ruse, se jouait ici avec Dieu. 


Comme le souligne F. Garcia, l’homme/ange sans nom symbolise chacun des personnages contre qui Jacob a lutté (Esaü, Isaac, Laban). Celui qui apparaît comme un homme au début du récit se révèle en finale être « Dieu ».


Et cela préfigure le destin d’Israël, mais aussi de tout homme. 

(…)


Est-ce à dire que, dans une démarche de pardon, il nous faut franchir le pas de la lutte intérieure contre notre désir ?

Trouver dans l’isolement le temps d’un décentrement véritable. Le franchissement est une étape. Beaucoup de textes présentent le franchissement d’un fleuve (Jos 3,…) ou de la mer (Ex 14) comme un rite initiatique. À nous de repérer puis de traverser cet obstacle. Les chrétiens ont donné plus de sens à ce type de franchissement, à la suite de la plongée du Christ dans le Jourdain, en instituant le sacrement du baptême. Un baptême qui nous fait traverser la mort pour naître d’une vie nouvelle. Un franchissement que nous sommes appelés à renouveler, à actualiser, face aux reculs de la vie.


Mais la cristallisation chrétienne sur un sacrement ne doit pas occulter les autres obstacles qui nous empêchent d’aimer, nos adhérences.

La lutte de Jacob prend alors une “ne doit pas occulter les autres obstacles qui nous empêchent d’aimer, nos adhérences.

La lutte de Jacob prend alors un sens plus vaste. Elle symbolise nos combats entre ce qui mène à la vie et ce qui mène à la mort. Ce combat se rejoue à chacune de nos rencontres, dans notre capacité à croiser un frère, à dépasser nos désirs de victoire et de pouvoir sur l’autre. Le passage du fleuve signe la mort de notre désir tout puissant et l’ouverture d’un dialogue. Et la blessure reçue n’est pas qu’une marque qui fait souffrir, elle peut être aussi lieu de progression et de

discernement. Dans ce combat, le pardon donné au frère prend une place privilégiée. Alors le fruit de ces rencontres surmontées peut être chemin vers la rencontre de Dieu.


A méditer

11 avril 2019

Au fil de Jean 8,51-59 - Le sacrifice - Tressaillement d’Abraham

En ce temps-là, Jésus disait aux Juifs : « Amen, amen, je vous le dis : si quelqu'un garde ma parole, jamais il ne verra la mort. »
Les Juifs lui dirent : « Maintenant nous savons bien que tu as un démon. Abraham est mort, les prophètes aussi, et toi, tu dis : "Si quelqu'un garde ma parole, il ne connaîtra jamais la mort."
Es-tu donc plus grand que notre père Abraham ? Il est mort, et les prophètes aussi sont morts. Pour qui te prends-tu ? »
Jésus répondit : « Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien ; c'est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites : "Il est notre Dieu",
alors que vous ne le connaissez pas. Moi, je le connais et, si je dis que je ne le connais pas, je serai comme vous, un menteur. Mais je le connais, et sa parole, je la garde. Abraham votre père a exulté, sachant qu'il verrait mon Jour. Il l'a vu, et il s'est réjoui. » Les Juifs lui dirent alors : « Toi qui n'as pas encore cinquante ans, tu as vu Abraham ! » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : avant qu'Abraham fût, moi, JE SUIS. »
Alors ils ramassèrent des pierres pour les lui jeter. Mais Jésus, en se cachant, sortit du Temple. » (1)

Il existe un lien mystique entre Jésus et Abraham et ce lien réside dans la contemplation de ce récit énigmatique du sacrifice. C'est en méditant la foi du patriarche qui avance, aveugle, vers un Dieu qui semble lui demander l'impossible et l'improbable que se révèle le sens même de la Croix. 
L'erreur serait de croire en un Dieu sadique qui exige le sacrifice des premiers nés (tentation des religions pré-judaïque). Le récit du sacrifice d'Abraham, à la lumière de celui du Christ est une conversion du regard. Dieu ne demande pas l'impossible. Écoutons sur ce point Origène (v. 185-253), prêtre et théologien : « Abraham a tressailli d'allégresse dans l'espoir de voir mon jour. Et il l'a vu »
« Abraham prit le bois de l'holocauste et le chargea sur son fils Isaac ; lui-même prit en mains le feu et le couteau, et ils s'en allèrent tous deux ensemble. Isaac dit à son père : Voilà le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste ? À quoi Abraham répondit : L'agneau pour l'holocauste, Dieu y pourvoira, mon fils » (Gn 22,6-8). Cette réponse d'Abraham, à la fois exacte et prudente, me frappe. Je ne sais pas ce qu'il voyait en esprit, car il ne s'agit pas du présent mais de l'avenir quand il dit : « Dieu y pourvoira ». À son fils qui l'interroge sur le présent, il parle de l'avenir. C'est que le Seigneur lui-même devait pourvoir à l'agneau dans la personne du Christ...
« Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils. » Rapprochons de cela les paroles de l'apôtre Paul où il est dit de Dieu qu'il « n'a pas épargné son propre Fils, mais qu'il l'a livré pour nous tous » (Rm 8,32). Voyez avec quelle magnifique générosité Dieu rivalise avec les hommes : Abraham a offert un fils mortel qui en fait ne devait pas mourir, tandis que Dieu a livré à la mort pour les hommes un Fils immortel...
« Et, se retournant, Abraham leva les yeux, et voici qu'un bélier était retenu par les cornes dans un buisson. » Le Christ est le Verbe de Dieu, mais « le Verbe s'est fait chair » (Jn 1,14)... Le Christ souffre, mais c'est dans sa chair ; il subit la mort, mais c'est sa chair qui la subit, dont le bélier est ici le symbole. Comme le disait Jean : « Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde » (Jn 1,29). Le Verbe au contraire est demeuré dans l'incorruptibilité ; c'est lui le Christ selon l'esprit, celui dont Isaac est l'image. Voilà pourquoi il est à la fois victime et grand prêtre. Car, selon l'esprit, il offre la victime à son Père, et selon la chair, lui-même est offert sur l'autel de la croix. (2)

Ne croyons pas ceux qui exige un sacrifice impossible. « «Tu n’as pas pris plaisir au sacrifice ni à l’offrande: tu m’as ouvert les oreilles; tu n’as demandé ni holocauste ni sacrifice pour le péché. Alors j’ai dit: Je viens avec le livre-rouleau écrit pour moi. Je désire faire ta volonté, mon Dieu, et ta loi est au fond de mes entrailles (Psaumes‬ ‭40:7-9‬) », c'est en méditant le psaume 39 (40) que s'éclaire à la fois la folie salvatrice du Fils et l'amour souvent incompris du Père. (3)





(1) Traduction Liturgique de la Bible, AELF, Paris
(2) Origène, Homélies sur la Genèse, VIII, 6, 8, 9 : PG 12, 206-209 (trad. Orval)
(3) cf. sur ce point Paul Beauchamp, d'une Montagne à l'autre et mon commentaire in « J'ai soif » repris dans Dieu n'est pas violent.

28 décembre 2007

Kénose de l'Ecriture

L'un des plus beaux apports de ma lecture de Balthasar réside probablement dans cette découverte de la kénose de l'Ecriture. Je retrouve dans ce beau texte de Beauchamp, quelques éléments de cette même contemplation largement commentée dans "Retire tes sandales !".
Pour Beauchamp, "le concept d'intimité pourra peut-être nous aider à comprendre pourquoi l'on dit souvent que les écritures sont inspirées du Saint Esprit. (…) L'esprit Saint évoque précisément l'intériorité, la profondeur et par conséquent la douceur de l'action divine sur les auteurs de l'écriture : une action aussi douce non seulement respecte mais consacre les libertés.

Dans Dei Verbum, souligne-t-il, le concile Vatican II nous dit cela en disant « Dieu dans la sainte écriture a parlé par les hommes à la manière des hommes » Saint-Augustin continue par cette petite phrase « car c'est en parlant ainsi que Dieu allait à notre recherche ». Dei Verbum continue en ajoutant que « compte tenu de la vérité et de la sainteté divine, l'écriture sainte manifeste l'admirable descente jusqu'à nous de la sagesse éternelle pour que nous apprenions l'indicible volonté de Dieu et jusqu'où il a adapté sa parole dans sa sollicitude et providence pour l'être humain, les mots de Dieu exprimé dans les langues humaines se sont faits semblables aux paroles de l'homme tout comme le Verbe du Père éternel ayant revêtu la chair de la faiblesse humaine s'est rendu semblable aux hommes » Dei Verbum 3,13

Nous voici parvenus, ajoute Beauchamp, au point qui est peut-être le plus important de l'enseignement conciliaire sur l'écriture. Pour le commenter il faut sans doute repartir d’un peu plus haut et reprendre au besoin certains éléments de ce que nous avons déjà dit. L'enseignement du concile insiste sur la faiblesse de l'homme et de ses paroles puisqu'il parle de « descente jusqu'avec » « d'adaptation ».

Cela n'est possible, ajoute-t-il que si l'Ecriture reste vraiment "des paroles, à condition qu'on trouve le point où elle puisse entrer jusqu'au coeur de notre parole". (1)


(1) Paul Beauchamp, Parler d'Ecritures Saintes, Editions du Seuil, Paris, 1987, p20-22

10 mars 2007

Ecoute et obéissance

Enzo Bianchi le rappelle, l'Ecoute (shma) signifie en hébreu obéir. Ainsi les Écritures elles-mêmes exigent l'obéissance dit-il (1) citant 2 Tim 3, 14. Mais que dit justement ce texte : "Les Saintes Écritures peuvent donner la sagesse qui conduit au salut par la foi en Jésus-Christ. Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner la vérité, réfuter l'erreur, corriger les fautes et former à une juste manière de vivre, afin que l'homme de Dieu soit parfaitement préparé et équipé pour faire toute action bonne".

Pour lui, la valeur de l'Écriture n'est pas d'abord pédagogique, morale ou dialiectique mais sotériologique. "Elle donne le salut par la foi" (2) et rend capable de charité, d'accomplir le bien (cf. 1 Tim 3,17). Ce pouvoir est fondé pour lui par l'action de l'Esprit qui de ses énergies accompagne l'Écriture et donne le salut à qui s'en approche dans la foi. (3)

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 71

(2) Paul Beauchamp, Parler d'Écritures Saintes, Seuil Paris, 1987 p. 14

(3) E. Bianchi, ibid. p. 74

22 février 2007

Parole et hyperbole

Pour Enzo Bianchi, la racine juive du mot Parole : Miqra indique aussi bien la lecture qu'une convocation. Ainsi la parole lue, proclamée est un appel à sortir de, à aller vers. (1). Pourrait-on dire à sa suite, mais en reprenant les notions développées par Ricoeur et Beauchamp, qu'il s'agit donc par construction d'un langage hyperbolique, un appel au toujours plus. On rejoindrait ainsi le sens même de la nature de Dieu, tel que nous l'avons vu chez Hans Urs von Balthasar dernièrement. La parole n'est pas le sommet de la révélation, elle est expression partielle du Dire, et pour reprendre les termes de Lévinas, le dit n'épuise pas le Dire (2)… mais invite à un au-htpp://delà et d'une certaine manière une conversion (métanoia) véritable.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 70ss

(2) cf. Autrement qu'être et au-delà de l'essence.

PS : Nous réduirons volontairement l'activité de se blog pour se concentrer sur notre proposition de lecture commune de la Parole...

16 février 2007

Tooujours plus - II

Pour Balthasar, Dieu ne peut être considéré comme un sommet mais sous l'angle du "toujours plus" (1)

Pour lui, il n'y a pas lieu d'exclure de la vie de Dieu quelque chose qui serait analogue à ce qu'est dans l'amour humain, l'instant vital de l'éblouissante surprise. En ce sens, le Fils né du Père surpasse pourrait-on dire, par avance, les attentes les plus audacieuses du Père.

Je trouve que cette notion est bien supérieure à la vision de l'obéissance, telle que présentée par Dei Verbum. C'est toute la force du Me Voici où deux amants se rejoignent dans l'innovation d'un toujours plus. C'est l'hyperbole qu'évoquais déjà Ricoeur et Beauchamp, tirée par l'ancre de l'espérance en l'autre. Cela rejoint d'une certaine manière ce texte qui m'accompagne depuis le jour de mon mariage : "Oubliant le chemin parcouru, je me laisse saisir par le Christ" (Phil 3), qui est à l'image de ce toujours plus de Dieu…

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 66