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18 avril 2019

La grâce d’être libres - Jean Duchesne


Je découvre dans le dernier livre de mon ami Jean Duchesne un point de vue qui mérite d'être approfondi : "La liberté [des chrétiens], héritée de Dieu selon la gratuité qui le caractérise, est une grâce - un don gracieux qui ne se conquiert pas, parce que c'est une dynamique dans laquelle on est emporté et qui dope littéralement les ressources naturelles. On peut dire que, si la liberté est une grâce, elle n'est pas le fruit du désir et de la volonté, mais qu'à l'inverse cette grâce aiguise le désir et fortifie la volonté"(1)


Au delà de mes travaux sur le don de Dieu in l'Amphore et le Fleuve(2), percevoir la liberté comme une grâce divine a bien des atouts. Elle ouvre une piste pastorale au delà d'une morale excessive. 
Cela rejoint la tension kénotique exprimée dans ma courbe en V (Dieu se fait chair pour nous conduire à lui) (3). 

Au cœur de l'incarnation, contempler un Dieu qui s'agenouille pour nous emporter sur son chemin fait du  "Me voici" que l'on prononce à la suite de "l'où es-tu ?" (Gn 3) et du psaume 39 un acte libre. Choisir la vie. 
En suivant Duchesne, ce choix devient une grâce, c'est-à-dire que Dieu nous fait ce don, nous y conduit et nous y accompagne. A nous de nous laisser porter par ce fleuve...

(1) Jean Duchesne, Chrétiens, La Grâce d'être libre, Par delà les conformismes et les peurs, Paris, Artege, 2019, p. 9
(2) cf. mon livre éponyme
(3) cf. Au fil de Jn 18 et 19, homélie du vendredi Saint

11 avril 2019

Au fil de Jean 8,51-59 - Le sacrifice - Tressaillement d’Abraham

En ce temps-là, Jésus disait aux Juifs : « Amen, amen, je vous le dis : si quelqu'un garde ma parole, jamais il ne verra la mort. »
Les Juifs lui dirent : « Maintenant nous savons bien que tu as un démon. Abraham est mort, les prophètes aussi, et toi, tu dis : "Si quelqu'un garde ma parole, il ne connaîtra jamais la mort."
Es-tu donc plus grand que notre père Abraham ? Il est mort, et les prophètes aussi sont morts. Pour qui te prends-tu ? »
Jésus répondit : « Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien ; c'est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites : "Il est notre Dieu",
alors que vous ne le connaissez pas. Moi, je le connais et, si je dis que je ne le connais pas, je serai comme vous, un menteur. Mais je le connais, et sa parole, je la garde. Abraham votre père a exulté, sachant qu'il verrait mon Jour. Il l'a vu, et il s'est réjoui. » Les Juifs lui dirent alors : « Toi qui n'as pas encore cinquante ans, tu as vu Abraham ! » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : avant qu'Abraham fût, moi, JE SUIS. »
Alors ils ramassèrent des pierres pour les lui jeter. Mais Jésus, en se cachant, sortit du Temple. » (1)

Il existe un lien mystique entre Jésus et Abraham et ce lien réside dans la contemplation de ce récit énigmatique du sacrifice. C'est en méditant la foi du patriarche qui avance, aveugle, vers un Dieu qui semble lui demander l'impossible et l'improbable que se révèle le sens même de la Croix. 
L'erreur serait de croire en un Dieu sadique qui exige le sacrifice des premiers nés (tentation des religions pré-judaïque). Le récit du sacrifice d'Abraham, à la lumière de celui du Christ est une conversion du regard. Dieu ne demande pas l'impossible. Écoutons sur ce point Origène (v. 185-253), prêtre et théologien : « Abraham a tressailli d'allégresse dans l'espoir de voir mon jour. Et il l'a vu »
« Abraham prit le bois de l'holocauste et le chargea sur son fils Isaac ; lui-même prit en mains le feu et le couteau, et ils s'en allèrent tous deux ensemble. Isaac dit à son père : Voilà le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste ? À quoi Abraham répondit : L'agneau pour l'holocauste, Dieu y pourvoira, mon fils » (Gn 22,6-8). Cette réponse d'Abraham, à la fois exacte et prudente, me frappe. Je ne sais pas ce qu'il voyait en esprit, car il ne s'agit pas du présent mais de l'avenir quand il dit : « Dieu y pourvoira ». À son fils qui l'interroge sur le présent, il parle de l'avenir. C'est que le Seigneur lui-même devait pourvoir à l'agneau dans la personne du Christ...
« Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils. » Rapprochons de cela les paroles de l'apôtre Paul où il est dit de Dieu qu'il « n'a pas épargné son propre Fils, mais qu'il l'a livré pour nous tous » (Rm 8,32). Voyez avec quelle magnifique générosité Dieu rivalise avec les hommes : Abraham a offert un fils mortel qui en fait ne devait pas mourir, tandis que Dieu a livré à la mort pour les hommes un Fils immortel...
« Et, se retournant, Abraham leva les yeux, et voici qu'un bélier était retenu par les cornes dans un buisson. » Le Christ est le Verbe de Dieu, mais « le Verbe s'est fait chair » (Jn 1,14)... Le Christ souffre, mais c'est dans sa chair ; il subit la mort, mais c'est sa chair qui la subit, dont le bélier est ici le symbole. Comme le disait Jean : « Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde » (Jn 1,29). Le Verbe au contraire est demeuré dans l'incorruptibilité ; c'est lui le Christ selon l'esprit, celui dont Isaac est l'image. Voilà pourquoi il est à la fois victime et grand prêtre. Car, selon l'esprit, il offre la victime à son Père, et selon la chair, lui-même est offert sur l'autel de la croix. (2)

Ne croyons pas ceux qui exige un sacrifice impossible. « «Tu n’as pas pris plaisir au sacrifice ni à l’offrande: tu m’as ouvert les oreilles; tu n’as demandé ni holocauste ni sacrifice pour le péché. Alors j’ai dit: Je viens avec le livre-rouleau écrit pour moi. Je désire faire ta volonté, mon Dieu, et ta loi est au fond de mes entrailles (Psaumes‬ ‭40:7-9‬) », c'est en méditant le psaume 39 (40) que s'éclaire à la fois la folie salvatrice du Fils et l'amour souvent incompris du Père. (3)





(1) Traduction Liturgique de la Bible, AELF, Paris
(2) Origène, Homélies sur la Genèse, VIII, 6, 8, 9 : PG 12, 206-209 (trad. Orval)
(3) cf. sur ce point Paul Beauchamp, d'une Montagne à l'autre et mon commentaire in « J'ai soif » repris dans Dieu n'est pas violent.

04 janvier 2019

Au fil de Jean 1,35-42 - l’agneau de Dieu

« En ce temps-là, Jean le Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples.
Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l'Agneau de Dieu. »

Hier nous méditions sur le nom de Jésus, Dieu sauve. La tradition nous révèle bien d'autres noms, comme le souligne Grégoire de Naziance : « Jésus est Fils de l'homme, à cause d'Adam et à cause de la Vierge, dont il descend... Il est Christ, l'Oint, le Messie, à cause de sa divinité ; cette divinité est l'onction de son humanité..., présence totale de Celui qui le consacre ainsi... Il est la Voie, parce qu'il nous conduit lui-même. Il est la Porte, parce qu'il nous introduit au Royaume. Il est le Berger, parce qu'il guide son troupeau vers le pâturage et lui fait boire une eau rafraîchissante ; il lui montre la route à suivre et le défend contre les bêtes sauvages ; il ramène la brebis errante, retrouve la brebis perdue, panse la brebis blessée, garde les brebis qui sont en bonne santé et, grâce aux paroles que lui inspire son savoir de pasteur, il les rassemble dans le bercail d'en haut. » (1)

Et pourtant le titre le plus marquant est celui souligné par Jean Baptiste, car il résume et introduit à la Croix : « Il est aussi la Brebis, parce qu'il est victime. Il est l'Agneau, parce qu'il est sans défaut. ». Contempler l'agneau c'est laisser fondre en nous toute tentation de pouvoir, d'avoir et de valoir. C'est laisser résonner en nous la kénose (cf. Ph. 2) et l'abandon du Christ, entendre à nouveau le psaume 39 (40) : « tu ne voulais pas de sacrifice alors j'ai dit me voici je veux faire ta volonté”

C'est pourquoi  « Il est Grand prêtre, parce qu'il offre le sacrifice. Il est Prêtre selon Melchisédech, parce qu'il est sans mère dans le ciel, sans père ici-bas, sans généalogie là-haut car, dit l'Ecriture, « qui racontera sa génération ? » Il est aussi Melchisédech, parce qu'il est Roi de Salem, Roi de la paix, Roi de la justice... Voilà les noms du Fils, Jésus Christ, « hier, aujourd'hui, toujours le même », corporellement et spirituellement, « et il le sera à jamais ». Amen.
(Références bibliques : Mt 24,27 ; Mt 1,16 ; Jn 14,6 ; Jn 10,9 ; Jn 11 ; Ps 22 ; Is 53,7 ; Jn 1,29 ; He 6,20 ; He 6,20 ; He 7,3 ; Is 53,8 ; He 7,2 ; He 13,8) (2)


(1) Saint Grégoire de Nazianze, Discours théologique 4 (trad. coll. Les Pères dans la foi, Migne 1995, p. 125 rev.), source Evangelizo 
(2) ibid.


03 novembre 2018

Au fil de Marc 12, les deux commandements - homélie du 3 et 4/11/18

Frères et sœurs,

La première lecture, tirée du Deutéronome n'est que le point final d'un long épisode où Moïse présente au peuple les 10 commandements révélés par Dieu. Il constitue le cœur de la Torah, le pentateuque de nos frères juifs. On ne peut écarter d'un geste ce qui nous est transmis ici.

Les dix commandements ont structuré la vie du peuple Juif. Ils ont façonnés à leur manière, Jésus et ses compatriotes. Pourquoi Marc, dans l'Evangile que nous venons de lire, n'en distingue que deux en racontant l'histoire du scribe ?

Il faut situer ce passage de l'Évangile de Marc au cœur d'une phase de conflits entre Jésus et ses compatriotes. Au début du chapitre, Jésus avait suscité une polémique en racontant la parabole du vigneron qui envoie ses serviteurs puis son fils. Comme vous en souvenez peut-être, les serviteurs, ne sont pas bien reçus et le fils est tué, nouvelle évocation chez Marc de la Passion. A ce parabole, mal reçue par les Juifs, suit une série de controverses entre Jésus, les scribes et les pharisiens.
C'est dans ce contexte que le passage que nous avons entendu est placé au centre des débats. Quel est le but visé par Marc ? Rappelons-nous ce qu'il tentait de nous dire dans les passages lus les semaines précédentes. Marc cherche à nous révéler l'amour infini de Dieu.
Comment se place cet épisode là-dedans ?
Il faut savoir que les juifs avaient multipliés rites, prescriptions et commandements, au point qu'on en comptait 613.
Cette explosion cherchait à mettre Dieu partout, mais oubliait parfois l'essentiel.
En distinguant ce scribe des autres, Marc invite ses compatriotes, à se centrer sur l'essentiel.
A sa suite, nous sommes invités à réaliser que les sacrifices, les rites, les attitudes extérieures ne servent à rien, si notre relation avec Dieu et nos frères ne sont pas centrales.
Pour cela, je vous propose de fermer les yeux pour entendre à nouveau le cœur du message :
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
de tout ton cœur, de toute ton âme,
de tout ton esprit et de toute ta force.
Et voici le second :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même

Si l'on trace un triangle imaginaire qui met Dieu au sommet, nos frères à gauche et nous sur le côté, on peut s'interroger, intérieurement sur la place de chaque angle dans notre vie.
Quel temps consacrons nous à nous, à Dieu aux autres. Est-ce un triangle isocèle ?
Si nous ne nous aimons pas nous-mêmes, nous ne pouvons aimer Dieu et nos frères, si nous n'aimons pas nos frères, notre amour de Dieu n'est qu'apparence. Et aimer Dieu n'est rien sans la charité. A la différence des autres scribes, celui qui parle avec Jésus a compris cela. Il a atteint le cœur du message.
Laissons résonner en nous ces deux commandements, laissons agir en nous le Verbe, jusqu'aux jointures de l'âme.
Quelle place laissons-nous en vérité à Dieu et nos frères ?
Aimons-nous Dieu dans les quatre dimensions demandées : « de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toute nos forces ?
Prenons-nous le temps de nous aimer nous-mêmes sans hypertrophie et sans dénigrement ? Et consacrons-nous autant d'intelligence, de force et d.ame à notre prochain ?

Parfois nos actes sont creux. N'accomplissons-nous pas, parfois, certaines de nos dévotions ou charité par routine, par habitude ? Sont-ils vraiment constitutifs de notre vie chrétienne ?
Sommes nous habités par ce triple essentiel : Dieu, nos frères autant que nous-mêmes ?

Quelle est la place de la Parole de Dieu dans nos vies ?

Que faisons-nous de cette Parole ? De ces chemins de vie à laquelle elle nous conduit.
Une des lectures de cette semaine évoquait la graine de moutarde. L'avons-nous planté en terre.
Cette graine est l'image de ce que Dieu met en nos cœurs. Elle entre en résonance avec cette phrase de Jean 12 : « Si le grain ne meurt pas, il ne portera pas de fruits ». Pour que la Parole de Dieu prenne vie en nous, il nous faut aller à l'essentiel. Suivre Jésus.
Lui seul présente un triangle parfait. Lui seul y met tout son cœur, jusqu'à se laisser transpercer, toute son âme, tout son esprit et toute sa force.

Dans le passage évoqué par Marc, Jésus se prépare à la Passion et ces commandements repris par le scribe résonne en lui. Car cet amour du Père et de ses frères, il va le porter à son paroxysme.
Tout chez lui est don.
Ouvrons les yeux maintenant et contemplons la Croix, ce que Marc veut nous dévoiler.
Tout se résume finalement dans ce triangle unique, dont Jésus est l'icône. C'est ce que suggère la 2eme lecture. L'unique sacrifice est celui du Christ.
C'est bien le grand prêtre qu'il nous fallait :
saint, innocent, immaculé ;
séparé maintenant des pécheurs,
il est désormais plus haut que les cieux.
Il n'a pas besoin, comme les autres grands prêtres,
d'offrir chaque jour des sacrifices,
d'abord pour ses péchés personnels,
puis pour ceux du peuple ;
cela, il l'a fait une fois pour toutes
en s'offrant lui-même.

Lui seul peut dire jusqu'au bout le psaume 39 (7-9) : Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j'ai dit : « Voici, je viens. « Dans le livre, est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse. Mon Dieu, voilà ce que j'aime : ta loi me tient aux entrailles. »
Contemplons le chemin tracé par le Christ.
Que pouvons-nous de notre côté abandonner pour le suivre ? Qu'est-ce qui est essentiel ? Qu'est-ce qui nous empêche d'aller à l'essentiel ? Prenons le temps, un instant de méditer là-dessus.
Amen