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10 février 2021

Souffle et danse 33.3

 Souffle et danse 33.3

Comme je le mentionnais on n’a pas épuisé le sens de Gn 2. J’ai été beaucoup trop synthétique dans mes billets précédents (33.2 notamment). Sylvaine dans sa thèse (1) m’a éclairé notamment sur ce souffle venu de Dieu qui instille chez Adam - le « terreux » - une pointe de raison.

Arrêtons nous d’abord sur ce tressaillement de la glaise.

La sagesse de ce texte, bien tardif dans l’Ecriture, qui complète et spiritualise des vieux mythes anciens, est de faire percevoir déjà, à ce stade, que ce souffle est le premier don que Dieu fait à l’humain. 

Est-ce le souffle qui planait sur les eaux de Gn 1?

Quel don nous fait donc ce grand Donateur au sens donné par Jean Luc Marion (2) ? 

Le don du souffle est central.

Celui qui donne puis s’efface (ou se retire dirait Hans Jonas) ne dépose pas de graines inutiles...

Est ce que ce « Nismat » évoqué en Gn 2,7 est autre que la ruah, cette Sagesse qui traverse bon nombre d’écrits de l’époque ? 

Une lecture contextuelle pourrait le souligner. 

Restons sur ce don. Est-ce ce que Justin appellera de son côté les semences du Verbe ou plutôt ce qu’Hans Urs von Balthasar appelait, à la suite de Soloviev, les semences de l’Esprit(3) ?  

Il s’agit de souffle... donc en effet peut-être plus d’Esprit que de Verbe. Mais est-ce d’ailleurs important de distinguer les deux à ce stade car, n’est-ce pas plutôt dans la contemplation du mouvement même que l’on entre déjà dans ce que j’appelle la danse trinitaire ? 

Qu’en est-il ? « Nichmat haïm (Gn 2,7) dit l’hébreu(3) : un souffle qui donne vie. 

Est-il la brise légère, le vent d’un fin silence du livre des Rois (19) qui vient balayer, en l’homme, l’argile encore fraîche pour dessiner des ondes mystérieuses et toutes intérieures, tressaillements fragiles de l’âme, chaleur indicible qui vient puis s’efface et laisse un souvenir indicible ?

« Bouche à bouche (...) baiser de Dieu [où] YHWH s’ouvre un accès à sa créature » suggère Sylvaine (4)


Le don du souffle s’inscrit pour moi dans ce mystère plus vaste d’une création inachevée. Un  chemin, dans ce qu’Irénée puis, plus finement, Bonaventure décrira comme le début d’un passage de la trace à l’image, la contemplation d’un trajet qui va de la fleur à la ressemblance...


Un père de l’Église du Vème siècle, Diadoque de Photicé a, dans la même mouvance, une belle illustration de ce souffle, même s’il le réserve au « moment » du baptême, "la grâce se cache au fin fond de l'intellect en dissimulant sa présence même au sens intérieur" jusqu'à ce que l'âme progressant, "le don divin manifeste ainsi sa bonté à l'esprit" (5).


Qu’il soit donné à l’humain à l’origine comme le suggère l’auteur inspiré de Gn 2 ou au jeune baptisé en puissance est-ce finalement si important ?


Le terreux avant même de se différencier est-il déjà pénétré par une grâce en potentiel, une vertu théologale ? Est-il déjà capax Dei ? 


Sylvaine nous conduit sur ce chemin fragile en évoquant un troisième terme : nèpesh - mélange harmonieux entre la chair et le souffle. Une voie qu’il faudrait suivre chez elle... (5)


Il n’y a pour moi en tout cas dans ces prémisses un premier tressaillement qui creuse un possible. 

Prémisse, car « il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Le don n’est pas achevé... Dans le point suivant nous aborderons justement les versets qui suivent et cette fameuse différenciation entre ish et isha qui a fait couler beaucoup d’encre.


(1) Sylvaine Landrivon, La Femme remodelée, op. cit.

(2) cf. Étant donné, Paris, PUF, Collection Epithémée, 1997.

 « La conscience du don », Jean-Noël DUMONT et Jean Luc MARION, Le Don, Colloque interdisciplinaire, Lyon, Le Collège supérieur, 2001. »

(3) Hans Urs von Balthasar - La Théologique, III – L’Esprit de Vérité p. 15

(4) Landrivon, ibid, p. 39.

(5) Diadoque de Photicé, chap.77, cité par Hans Urs von Balthasar, la gloire et La Croix. Tome 1 p. 238

(6) Landrivon, op. cit. p. 40

13 août 2020

Le vent du Verbe...

Quand vient le souffle,
n'oublie pas de contempler ce Verbe qui vient en toi.
Il fait frissonner les drisses de ton navire intérieur.
Il fait gonfler tes voiles .
Il t'emmène glisser sur l'océan de la vie.

Entre amers et rochers il te fait tracer sa route
Il te remet sur le bon cap...
Vers les horizons lointains il t'attire.
Te voilà agile face aux lames, brisant l'écume de la vie, porté au delà des tempêtes.

Mais ne perd pas ton cap.
Car déjà la force première se perd et t'échappe et le grand calme peut briser ton élan, les sargasses du monde arrêter ta course.

Il faut alors serrer tes voiles, virer de bord, parfois, chercher la brise fugace. Il faut surtout couper ces lianes qui ont repris le dessus, enserré la barre et détourné ta course.

Comment avancer quand la force du Verbe s'est perdu en toi ?
Prendre à nouveau les rames...
Ramer à contre courant.
Se dépouiller de ce qui alourdit la barque.
Écoper les eaux saumâtres qui encombrent ton esquif.
Guetter le vent.

Avance au large.
Lève les yeux.
Écoute.
Cherche au milieu des frémissements du monde, ce qui est bon, ce qui est vrai.

Ne te laisse pas détourner par les sirènes.
N'écoute pas leurs chants trompeurs.
Ne perds pas espoir.

Il te faut prendre les rames, malgré la chaleur, la solitude, le silence.
Ramer en dépit des mains calleuses, du dos meurtri.
Avancer...

Il est là.
Il t'attend.
Il suffit de tourner ton oreille vers le Verbe, guetter l'appel, surprendre sur l'onde son frémissement, pour qu'à nouveau ta barque s'agite et que le vent divin regagne ce qui était perdu.

Murmure.
Murmure léger.
Courant d'air.
Souffle fragile qui naît en toi.
Flamme de la lampe qui s'agite.
Feu qui s'éveille.

Il est là.
Bientôt le vent te fera bondir à nouveau.
Et sur les lames tourmentées tu avanceras.
Jusqu'à ce port ultime où le vent et les vagues, dansent à l'unisson.
Jusqu'au lieu où la brise devient souffle de Dieu.