Que pouvons-nous dire aujourd’hui, jour de la fête des saints innocents - dans un contexte actuel qui n’est pas beaucoup plus joyeux...?
Le massacre rapporté par le seul Matthieu nous ramène à cette contemplation d’un « Dieu nu » (1) devant la violence et la souffrance des hommes, d’un « Dieu à genoux devant l’homme » (2) y compris Judas.. d’un « Dieu dépouillé » (3) et fragile.
On peut relire Jérémie 31 qui évoque à la fois dans un même paragraphe « la jeune fille se réjouira dans la danse, » et « Rachel qui pleure ses fils; (...) refuse de se laisser consoler au sujet de ses fils, car ils ne sont plus. » avant de glisser « Ainsi parle le SEIGNEUR: Cesse de sangloter, sèche tes larmes; car il y aura une récompense pour tes actions – déclaration du SEIGNEUR: ils reviendront du pays de l’ennemi.» Jérémie 31:13-16
La logique de rétribution de Jérémie a ses limites et il nous faut écouter probablement la fin du livre de Job... Qui est tu pour comprendre ? Mais cela ne sèche pas les larmes de ceux qui sont affligés par le malheur.
La petite espérance de Péguy est bien petite...
Le cri est nécessaire et ce n’est pas pour rien qu’il résonne dans un grand nombre de psaumes... Où es-tu mon Dieu ? (4)
Dans mon mémoire de licence, « quelle pastorale pour les souffrants ? » (5) je cherche à tracer, non des voix de réponse, mais des chemins d’accompagnement...
pour ces personnes, nombreuses, en manque d’espérance.
Plusieurs auteurs ont tracé des pistes sur ce chemin. Dans l’essai précité je joins la traduction inédite et fort interessante d’un texte de Karl Rahner.
On peut citer une fois encore François Varillon avec son « beauté du monde, souffrance des hommes ».
On peut évoquer Hans Jonas, Jurgen Moltmann et son Dieu crucifié...(6) Elie Wiesel et bien d’autres...
On peut aussi rester dans le silence. Mais ce dernier est-il une fuite ?
Comme celle de la Sainte Famille au désert ? Une fuite pour un plus grand bien ?
Est-ce que Matthieu introduit ce récit en contemplation des massacres de 70 ?
La seule réponse possible est probablement dans la Croix, dans ce Dieu dépouillé et déchiré. Mais qui peut l’entendre ?
Si j’ai choisi ce thème de mémoire, c’est en entendant un jeune en préparation de son mariage me dire : « quand je regarde le ciel, je me demande ce qu’il va encore m’envoyer comme malheur ».
Nous sommes bien démunis...
On peut probablement se glisser intérieurement la question : suis-je complice de ce mal... ? Sans tomber, dans la culpabilité, car c’est le risque bien soulevé par Lytta Basset (7)
Saint Thomas distingue le mal de faute du mal de peine... mais ne donne pas de solution.
On peut surtout, comme le fait Etty Hillesum se relever et dire « Dieu a besoin de nos mains »(8)
L’année dernière j’étais au chevet d’un ami prêtre - 93 ans, d’une vie donnée et malgré cela une grande souffrance physique et d’une certaine manière forcément spirituelle. Que faire à part un verre d’eau, une main posée sur un cœur meurtri... ?
N’oublions pas que l’Église est là. Elle l’est à Calculta (cf. La Croix d’aujourd’hui) en Grèce comme à Calais. Visages rayonnants d’une Église au service des souffrants...
Sur ce sujet impossible du mal de peine, je me trouve bien petit et suis toujours preneur d’avis...
(1) cf. ma recension du livre d’Arnold
(2 à 5) cf. mes travaux de recherches éponymes téléchargeables sur Kobo, cf Http://chemin.blogspot.com
(6) voir aussi dans mon mémoire un bel extrait sur ce thème d’une conférence donnée à Paris
(7) cf. notamment Je ne juge personne
(8) lettre à Westerbroch in Une vie bouleversée
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