Prophète en son pays ? - vocation et danse 2
L’office des lectures nous conduit depuis hier dans la manducation du cycle d’Elie. Après la belle espérance de la veuve de Sarepta, nous méditons aujourd’hui le défi lancé par Élie aux prêtres de Baal. Souvent la lecture s’arrête avant la fin du chapitre nous épargnant le massacre des prêtres par un Elie vainqueur, qui n’est pas simple à commenter sauf à prendre du recul et contempler l’ensemble du cycle.
La figure même du prophète est délicate. Les chapitres 17 et 18 du premier livre des Rois préparent sa lente conversion, même si la fin du chapitre 18 montre qu’il reste empreint d’un désir de puissance.
Déjà, des similitudes apparaissent néanmoins avec ce que nous avons vu à propos de Moïse (cf. notamment Ex. 2). Le chapitre 19 semble nous plonger plus encore dans la question de la légitimité du prophète.
Comme le souligne d’ailleurs A. Wénin, la toute-puissance du prophète s’est exprimée par ses seules forces et l’on peut se demander à juste titre dans cette
introduction si Dieu est bien présent : « Selon le narrateur, Élie n’a pas reçu mission du Seigneur pour lancer son défi et provoquer la sécheresse.
Pas plus d’ailleurs que le Seigneur ne lui dira de convoquer les 450 prophètes de Baal (1 R 18 17-46).
Au contraire, le Seigneur lui avait seulement dit, la 3ème année de la sécheresse, d’annoncer à Akhab que la pluie allait revenir. Élie continue de professer un « super Baal », logique de puissance et de concurrence qui n’engendre que la mort (1R19, 1-5) (1)
Mais s’arrêter là serait oublier la suite du récit qui raconte la fuite de « Superman » au désert.
L’enjeu du récit est finalement le basculement, la transformation d’Élie, qui après son excès de zèle devient plus passif, jusqu’à la limite de l’agonie et du découragement, (début du chapitre 19) jusqu’à son interpellation double « que fais tu Élie ? » qui rime avec l’où es-tu ? de Gn3 et va encadrer sous forme de chiasme (2) la révélation de la brise légère lieu délicat transformation du prêtre autonome en un « agissant » POUR Dieu, capable d’accomplir des gestes pour Yhwh : appeler, oindre, justifier… Il y a-t-il là, comme dans nos autres récits un véritable chemin d’humilité,
un peu forcé, d’Élie, source d’une descente de tours, d’une conversion intérieure qui rend la rencontre possible ?
Il faut prendre le temps de manduquer doucement ce texte pour comprendre que nos désirs de puissance, nos fantasmes de Dieu porteur du feu et du tonnerre doivent s’effacer devant cet « invu » qu’évoque Jean Luc Marion dans son dernier livre(3)
Le bruit d’un fin silence est le mystère qui prépare le déchirement ultime du voile et révèle que Dieu est amour.(4)
PS: Toute ressemblance avec une certaine forme de cléricalisme actuel est fortuite 😉
(1) André Wénish, l’homme biblique, p.163
(2) un chiasme est une structure littéraire qui encadre par une répétition un point essentiel
(3) D’ailleurs la révélation
(4) cf. aussi François Varonne Ce Dieu censé aimer la souffrance et ma « Pédagogie divine »…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire