L'évangile d'aujourd'hui (Zachée, Luc 19, 1-10) est aussi une belle image de l'incarnation. Comme le soulignent les Pères de l'Églis, le fait de descendre à Jéricho, qui se situe au-dessous du niveau de la mer et géographiquement très en dessous de Jérusalem, évoque un mouvement de Dieu vers l'homme, à l'inverse de la montée à Jérusalem. Non seulement Jésus descend à Jéricho, mais il invite Zachée à descendre lui aussi de son arbre (sa tour) pour se rendre chez « lui, au cœur de lui-même, dans sa maison et en vérité avec lui-même, dans le don de ses biens…
L'incarnation prend ici son sens plein, sa dynamique, à l'instar de cet « où es-tu ? » de Gn 3 où ce « J'ai soif » à lire entre les lignes en Jean 4 (la Samaritaine) où Jésus se met en attitude de demande.
Son « donne-moi à boire » résonne chez Jean, comme chez Luc dans un « j'ai soif de votre humanité» et rejoindra, ainsi le cri du Christ en croix, prononcé avant que ne jaillisse (encore chez Jean) de son sein le fleuve d'eau et de sang, comme un geyser d'amour qui inonde le monde.
Le verbe s'est fait chair, il désire d'un grand désir habiter parmi nous.
L'incarnation se conjugue en plusieurs couleurs dans le NT avec toujours cette dimension de descente et d'humilité si bien décrite par Paul en Ph. 2.
«Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus: bien qu'il fût dans la condition de Dieu, il n'a pas retenu avidement son égalité avec Dieu; mais il s'est anéanti lui-même, en prenant la condition d'esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui; il s'est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. C'est pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et dans les enfers » Philippiens 2:5-10
Cette descente de Dieu vers l'homme que l'on appelle kénose est aussi illustrée physiquement par l'agenouillement du Christ devant ses apôtres (Jean 13) tout en s'inscrivant en réponse à une série d'agenouillements que l'on peut contempler depuis Exode 3 - Retires tes sandales, jusqu'à la femme adultère au pied de Jésus, un Christ qui demande à boire ou s'abaisse en Jn 8 pour écrire sur le sol, mais aussi en pas de danse avec tous nos agenouillements jusqu'à celui de Marie de Bethanie à genoux aux pieds de Jésus en Jn 12, où celui sublime, d'Etty Hillesum.(1)
C'est pour moi au cœur de ce que j'appelle la danse trinitaire, une danse qui part de Dieu le Père et remonte à lui... une danse où Dieu nous invite.
C'est pour moi au cœur de ce que j'appelle la danse trinitaire, une danse qui part de Dieu le Père et remonte à lui... une danse où Dieu nous invite.
Simon Pierre Arnold le dit aussi magnifiquement à sa manière : « l'abaissement trinitaire du Père dans le Fils et du Fils dans le monde par l'Esprit : tel est le sens absolu éternellement inachevé de l'Incarnation »(2). Et son commentaire d'un Dieu en manque de l'homme résonne avec cette dynamique trinitaire qui nous invite à sa danse (3).
Commentaire 2 :
« Notre Seigneur s'est hâté de lui faire quitter ce figuier desséché, son ancienne manière d'être, afin qu'il ne reste pas sourd. Pendant que flambait en lui l'amour de notre Seigneur, il a consumé en lui l'homme ancien pour façonner en lui un homme nouveau. » (4)
(1) Etty Hillesum, Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerborck, Paris, Seuil 1995. Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerbrock Seuil 1995.
(2) Dieu est nu - Hymne à la divine fragilité, op. cit. dans mon billet 9
(3) cf. aussi mes nombreuses balises « agenouillement » et « danse trinitaire » in http://chemin.blogspot.com
Pour aller plus loin, mes références préférées sur ce thème :
- Varillon François, L'humilité de Dieu, Centurion, Paris, octobre 1991
- Moingt, Joseph, L'homme qui venait de Dieu, Paris, Cerf, Cogitatio Fidei, 1993-2002 (et autres recueils)
- Urs von Balthasar, Hans Dramatique Divine, Namur, Éditions Culture et Vérité, série «Ouvertures »
- Brown, David, La tradition kénotique dans la théologie britannique, Paris, Mame Desclée, 2010
- Durand, Emmanuel, La Périchorèse des personnes divines. 4) saint Ephrem, Commentaire de l'Évangile concordant, 15, 20-21 ; SC 121 (trad. Louis Leloir; Éd. du Cerf 1966; p. 277-278), source : l'Évangile au Quotidien
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire