La vie psychique double du Christ est spéculativement impossible. Il n'a pas dès le départ de vision bienheureuse et paisible de Dieu.
Pour Herman Schell : "Le Fils de Dieu est éveillé peu à peu de la conscience enfantine à la conscience du Messie et de Dieu".
Il y a pour Balthasar des variations possibles alors "dans la mission entre vues prophétiquement exactes ou pleine de pressentiments et rétrécissement de l'attention sur un horizon déterminé : tout cela rend possible le logion de l'ignorance du Fils au sujet de l'heure." Le Christ alternerait entre des instants lumineux et la sécheresse et l'abandon rétrécissant qui caractérise la mystique chrétienne. On peut percevoir la diversité possible des formes de la science du Jésus terrestre. Cela traduit aussi la réalité du prophète qui n'est pas un instrument parfois passif de l'Esprit. L'inspiration est source de liberté plus grande comme la flûte enchantée de Mozart inspire l'artiste qui traduit une grande liberté intérieure.
Cette analogie explique pour Balthasar "combien, pour Jésus, sa mission reste lieu de liberté même si elle est inspirée par son esprit (cf. Rom 8)".
"Mais nous n'avons pas le droit de poser deux décisions : celle de Dieu puis celle de l'homme". Pour lui la décision est toujours une décision trinitaire mais maintenue dans l'état où il peut être tenté (1)
On retrouve ici les accents de la symphonie trinitaire déjà esquissée plus haut. Il n'y a donc pas opposition, lutte ou priorité des personnes divines, mais unité de vue et diversité parfois libre, souvent excessive dans les épiphanies de Dieu, sans cependant que la liberté de l'homme soit en danger, ni que les personnes luttent entre elles, ce qui relève plus de la mythologie grecque que de la révélation trinitaire.
(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 157 et suivantes