Projet 2
Qu’est-ce que nous contemplons ce soir ?
Peut-on épuiser le mystère ? Il y a au moins douze dimensions dans la Croix que notre entrée en semaine sainte nous permet de manduquer lentement :
- La dimension verticale et descendante qui est celle de l’abandon trinitaire. Triple kénose où :
- Le Père renonce à toute puissance pour laisser l’homme Jésus révéler l’amour.
- Le Fils renonce à toute divinité pour se dépouiller d’abord de son vêtement par le mime kénotique tout symbolique d’un lavement des pieds (Jn 13) puis « forcé » sur la croix pour prendre la condition finale d’un esclave, d’un rejeté...(1)
- L’Esprit sera déposé au fond de nos cœurs de pierre pour faire danser en nous l’amour(2)
- La dimension horizontale où les bras ouverts d’un Dieu transpercé nous invitent à sa danse pour l’humanité toute entière
- La dimension « inversée » où le serpent moqueur qui nous empêche d’aimer et nous pousse à la violence, la jalousie, l’orgueil ou la cupidité est transpercé et dressé (Nb 11) par le feu d’un amour qui se révèle derrière un rideau déchiré (3)
- L’appel mystique d’un fin silence qui pèse sur le bruit du monde avant que bruisse le chant des anges à la sortie de nos carêmes...(4). Chant discret qui apparaît au terme de nos chemins de désert (5) et se prépare à l’Alleluia pascal...
- Un homme au paroxysme de la souffrance, agneau innocent qui révèle l’amour d’un Dieu avec nous.
- La déréliction de celui qui va jusqu’à connaître l’abandon du Père et rejoint ainsi les assoiffés du monde qui crie leurs « où es-tu ? » solitaires et souffrant.(6)
- La nudité révélée de l’Epoux déchiré sur le bois et qui n’en a plus honte, nouvel Adam au sens transcendé de Gn 2,25 (7)
- La soif d’un Dieu qui crie pour la énième fois un « où es-tu ? » à l’homme depuis l’appel du premier jardin, le « donne moi à boire » de Jean 4 au « j’ai soif » de toi final d’un Dieu mourant de son désir d’amour (8).
- La joie cachée d’un Dieu qui en criant « tout est accompli » révèle qu’au delà de la souffrance et de l’abandon du Père se cache le mystère d’un chemin trinitaire.(3)
- L’Alliance ultime de l’homme Dieu qui épouse l’humanité par une danse ultime
- Le don inouï d’un Dieu qui meurt et entre dans le silence du samedi saint dans l’attente fragile que le murmure d’une femme, devenue fidèle par une danse aimante(9), révèle à des hommes incrédules le bruissement du ressuscité qui déjà les précède en Galilée
- La petite espérance où la soif de l’homme-Dieu se change en don et transforme un corps transpercé et « livré pour nous » en source jaillissante d’eau et de sang mêlés(10)
Je suis sûr que j’en oublie.
Le chiffre 12 est révélateur mais on pourrait parler aussi de l’Église fondée par un « Mère voici ton Fils » ou d’un « m’aimes tu ? » qui encadre le mystère. Je vous laisse compléter ;-). On n’épuisa jamais la révélation de la Croix.
Jean nous conduit aussi à une interrogation particulière. Nous l’avons vu, quand Jésus, au jardin, affirme par trois fois Je suis, c’est à la fois une révélation du mystère même de l’homme Dieu et un écho aux trois « je ne suis pas » de Pierre.
Ego eimi / ouk eimi
Et nous qu’allons nous dire. Je suis ? Je te suis ? Ou je ne suis pas, je ne te suis pas.
Pour aller plus loin :
(1) relire Philippiens 2 ou ma « danse trinitaire » et « Serviteur de l’homme » en téléchargement libre sur Kobo
(2) Ezechiel 36, 26 et mon « Dieu dépouillé »
(3) voir Marc 15, 38 ou mon « Rideau déchiré »
(4) 1 Rois 19
(5) cf. mon livre éponyme
(6) voir Hans Urs von Balthasar - Dramatique divine. les travaux d’Adrienne von Speyr, Jurgen Moltmann et son Dieu crucifié ou mes deux livres sur ce thème dont « où es-tu ? »
(7) cf. « Le Dieu est nu » d’Arnold longuement commenté dans mes billets précédents...
(8) cf. À genoux devant l’homme
(9) cf mon billet précédent
(10) Ezeckiel 47 ou mon livre « L’amphore et le fleuve »
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