Un article d’Elodie Maurot dans La Croix du 18 mars sur un livre récent de Tiziano Ferraroni sj (1) fait écho pour moi à des travaux entrepris et abandonnés faute de temps sur la fragilité.(2)
Il y aurait bcp à dire sur ce thème de la fragilité, comme source de rencontre spirituelle. J’ai un peu creusé ce sujet suite à Osée 2 dans mon « Chemins du désert ».
Ferraroni l’étudie chez Ignace de Loyola avec ce commentaire admirable aux accents lévinassien que je vous laisse découvrir :
. « La vulnérabilité étant l’exposition radicale à l’autre, à l’impondérable, à l’imprévisible, elle garde toujours un côté surprenant, voire menaçant, précise le théologien. On peut néanmoins réaliser un chemin qui permet de ne pas lui résister a priori, de ne pas en avoir peur, de ne pas se barricader ; en somme on peut rester ouvert à ce qui arrive, en sachant que cela demandera, à chaque nouvelle manifestation, de faire un nouveau travail d’intégration. » (3)
Cela résonne pour moi avec l’interpellation du visage dans « Autrement qu’être » (4) mais aussi à ce que le fondateur de l’Arche disait fort bien sur la fragilité. Dommage que son passé bien triste efface ce qu’il disait magnifiquement sur ce thème.
Quel est l’enjeu ?
Se laisser surprendre comme Jacob lors de son passage du gué, à un instant clé et délicat de sa vie (avant sa rencontre d’Esaü) (5) par l’inattendu qui vient briser nos tours humaines et nous conduit à tomber à genoux.
Retirer nos sandales (6) ou nos vêtements comme nous y invite Ex 33, 5 puis Jn 13...
Etty Hillesum traduit bien cela dans ses écrits (7). La danse fragile d’un Dieu fragile, l’agenouillement de Dieu sera toujours un lieu de rencontre si nous acceptons de prendre conscience de nos fragilités...
Dans « Aimer pour la vie - essai de spiritualité conjugale » (8) je poursuis cette quête en contemplation de Gn 2, 25.
Pourquoi la Genèse parle-t-elle d’une nudité qui n’a pas de honte, si ce n’est pour nous introduire à ce que la vulnérabilité partagée des époux peut générer d’harmonie et de symphonie, loin de toute puissance et de violence... ?
Rêve d’une rencontre inaccessible ?
« Le mythe donne à penser » glissait avec justesse Paul Ricoeur dans son Conflit des interprétations.
Cette nudité que nous cachons bien vite est peut-être un chemin de conversion et d’humilité.
Si Pierre rechigne à dévoiler ses pieds à Jésus, est-ce que parce qu’il n’est pas prêt encore à l’agenouillement et à l’humble nudité qu’il n’atteindra qu’en Jean 21 ? (9)
Est-ce que Marc y parvient avant lui à Gethsémani ?
C’est souvent l’interprétation que l’on fait de cet épisode saugrenu de Mc 14, 52 (10)
À creuser...
(1) La Brèche intérieure de Tiziano Ferraroni
Facultés jésuites de Paris, 358 p., 30 €, citée par Elodie Maurot.
(2) voir mon roman « Léa »
(3) La Croix du 18/3, ibid.
(4) Emmanuel Lévinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, Poche
(5) cf. mon analyse dans Pédagogie divine
(6) voir Ex 3 et mon livre éponyme
(7) Etty Hillesum, une vie bouleversée
(8) cf. version téléchargeable sur Kobo
(9) cf. mon « A genoux devant l’homme »
(10) cf. Le rideau déchiré
Photo de mon jardin ce matin
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