Apparitions fragiles du ressuscité, progression notée dans le nombre des témoins, comme si Dieu n’osait pas s’affirmer dans sa gloire de transfiguré...
La brise légère des théophanies se poursuit de peur de forcer notre liberté toujours première.
Au cœur des visitations de la Parole en l’homme, de frémissements en tressaillements*, se creuse au sein de l’être une place sublime et fragile, celle du Corps qui sème en nos cœurs ces déchirements nécessaires où Dieu peut se glisser pour féconder nos terres encore vierges.
C’est quand nous acceptons d’être vulnérables, quand nous reconnaissons nos fragilités que Dieu se glisse, courant d’air (1) fragile pénétrant silencieusement au cœur de notre intérieur délaissé.
Ruminations, manducations...
Buissons stériles qui d’un seul coup deviendront ardents quand le feu envahira sans détruire.
Joies d’abord fugaces de ces rencontres, où la distance est de mise (« ne me touche pas ») pour préparer la véritable communion du Verbe avec l’âme impatiente...
Les pas de Dieu sont toujours fragiles, comme les traits tracés sur le sable en Jn 8, loins du doigt de Dieu de l’AT qui gravait les tables de Pierre. Quel est l’enjeu ?
Comme une vague douce vient fissurer la roche de nos falaises hautaines, Dieu cherche la faille.
« Tu étais là et je ne le savais pas. » découvre Augustin...au bout du voyage (2).
Le corps se fait Corps quand nous percevons, essentiellement, la symphonie à laquelle Dieu nous convie.
De même, la Parole qui n’est pas échangée se meurt.
Partagée elle devient vie, prend chair, s’enrichît, s’éclaire et éclate en Exultet pascals...
Nous ne pouvons l’enfermer dans nos exégèses, la faire entrer dans nos « cases » sans risquer d’en abîmer la profondeur et pourtant il nous semble essentiel d’en faire résonner les accents et les facettes multiples.
Henri de Lubac, dans son exégèse médiévale, comme Hans Urs von Balthasar dans sa trilogie avaient raison d’insister sur la polyphonie et la symphonie des Écritures. Le plus grand crime est pour moi de croire qu’il n’existe qu’une version littérale quand le Verbe reste Dire... loin du Dit, réduit et réducteur (3) Lévinas soulignait aussi cela, jusqu’à oser dire que la vérité serait accessible quand les chrétiens arrêteraient de monopoliser le feu (4). Une affirmation qui ne cesse d’interpeller.
Le Verbe n’appartient à personne, se joue de nos cadres, souffle où il veut... les semences du Verbe et de l’Esprit sont comme les graines livrées à la brise légère du Printemps... Don du grand Donateur qui s’efface dans le silence mais continue de semer discrètement sans atteindre notre liberté...
Il est chemin, vérité et vie quand le monde ne cesse d’en découvrir l’immensité.
Dans « L’Amphore et le fleuve »(5) je prolongeait Ez 46 et Bonaventure pour décrire l’homme debout cherchant à recueillir dans ses mains fragiles le don immense jailli d’un cœur ouvert et jaillissant d’eau vive et de sang versé, mélange sublime de vie et d’amour, d’Esprit et de feu versé comme la lave infinie d’un volcan éternel...
« Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. Vois ! Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur.
Ce que je te commande aujourd’hui, c’est d’aimer le Seigneur ton Dieu, de marcher dans ses chemins, de garder ses commandements, ses décrets et ses ordonnances. Alors, tu vivras et te multiplieras ; le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession. » Dt 30, 14-16
Venez le repas est servi... la table est prête...(6)
(1) expression que j’emprunte à François Cassingena-Trévedy dans son excellent livre de « Pour toi quand tu pries »
(2) confessions, ch. VIII
(3) Emmanuel Lévinas, autrement qu’être ou au delà de l’essence
(4) Éthique et infini
(5) cf. Kobo / Fnac
(6) j’en profite pour rappeler l’expérience fragile sur FB de cette Maison d’Evangile - La Parole partagée que j’anime depuis quelques mois et qui compte maintenant près de deux cent participants : https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/
*sur les tressaillements voir mon billet n.20 et ma longue web série sur mon blog
Rappel : mes billets forment un tout en construction encore fragile - éternel quête ou danse à laquelle je vous invite, conscient d’être loin de « l’avoir saisi » (Ph 3)
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