Je poursuis ici l’analyse d’Ephesiens 5.
Ce qui me ramène encore à Gn 2 que l’on n’a pas fini d’explorer. Il faudrait presque écrire à deux voix sur ce texte tant nos travaux se parlent pour intégrer pleinement nos complémentarités de vue. La thèse de. Sylvaine m’a ouvert les yeux sur bien des points (conversion nécessaire du masculin vers cette « sensibilité différente » qu’évoque Caroll Gilligan ? 😉
J’ai complété mon texte d’hier, mais je reviens encore dessus.
D’abord sur Gn2 et cette danse qui est projet de Dieu pour l’homme, sur laquelle on passe trop vite. Il faudrait mettre ici ce que j’ai longuement développé dans Pédagogie divine (p. 70sq) et notamment la dimension large du mot basar (chair) que l’hébreu, plus vaste ds son acception, me pousse à traduire « faire une seule chair » par « symphonie ». Je reviendrai dessus.
Un petit clin d’œil dans la thèse de S. Landrivon me ramène à Gn 3. Son interprétation de cette Ève qui écrase le serpent peut être méditée. Si le serpent est violence, toute puissance ou double jeu, oui, elle peut l’écraser de son pied. Sans réduire la faute à une condamnation de l’acte sexuel, ou comme le suggère Balmary à un non dialogue, on pourrait s’amuser à voir dans la non véritable condamnation de la femme (5) que le vrai coupable est l’homme, responsable soit d’une absence de réciprocité dans le lien, soit d’une toute puissance sur la femme. C’est en tout cas une chute fréquente à défaut d’être LA chute.
La réciprocité passe, de fait, et bien au contraire par ce nécessaire double agenouillement du don et du recevoir (6), de la mort d’un désir solitaire pour entrer dans une communion véritable. Ce que j’ai décrit déjà ici comme la double « descente de tours » ou le double agenouillement kénotique, danse nuptiale ? L’Eros est antichambre de l’agapè.
L’enjeu n’est-il pas de sortir de l’animalité pour atteindre une symphonie où tous les instruments de nos différences et de nos ressemblances s’ordonnent dans une danse sublime et féconde.
On peut se demander à la suite de Barth (7) si la mauvaise interprétation d’Éphesiens 5 participe à cette exclusion de la dynamique particulière de Gn2 (et du Cantique des Cantiques) de la réflexion théologique sur les liens entre nuptialité, alliance et révélation.
En insistant sur le seul axe de la procréation on a réduit l’ouverture qu’apportait une vision symphonique du conjugal...
De même en lui donnant un sens eschatologique (8) la situation décrite en Gn 2 perd son sens immédiat. L’enjeu n’est ni disparu, ni à venir, mais demeure toujours une invitation à percevoir que l’homme et la femme sont appelés conjointement, par leurs agenouillements réciproques devant l’autre, à construire, pas à pas, un Corps, une symphonie qui peut être petite église et donc signe du Corps...
La grande difficulté de ce discours reste la question de la symétrie des mouvements. Il n’y a symphonie que s’il y a réciprocité et pourtant l’agapè peut être asymétrique. En soulignant une primauté du don et de l’absence de la peur de la mort, Marie-Etiennette Bély trace une ouverture intéressante dans cette contemplation(9). En réduisant l’animalité chez l’homme, en domptant le serpent et creusant en lui l’au-delà du désir érotique, a-t-elle une force particulière, contagieuse et constructive pour faire de la relation une ?
À suivre - la voix royale - Dane kénotique 34...
(5) Sylvaine Landrivon La femme remodelée, p. 372
(6) cf. aussi p. 388 les liens entre Saraï et Abram.
(7) ibid. p. 344-5
(8) vision que je découvre chez Barth, ibid. p. 348 comme je crois chez X. Lacroix dans Le corps et l’Esprit.
(9) Landrivon, ibid. p.351
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