9 Mais Yahweh Dieu appela l'homme et lui dit : « Où es-tu ? » Il répondit : « 10 J'ai entendu ta voix, dans le jardin, et j'ai eu peur, car je suis nu ; et je me suis caché. »
Pendant que l'homme se cachait d'un faux dieu, le vrai Dieu cherchait l'humain. « Où toi ? » dit une traduction littérale de l’hébreu. Le texte nous le montre avec une insistance particulière. Les exégètes, ces vieux savants qui passent leur vie à scruter le sens des textes, appellent cela une forme concentrique ou un chiasme.
Ainsi des affirmations qui comportent une série d'éléments, de phrases ou d’expressions A, puis B, puis C, puis à nouveau B et A, qui se répètent ainsi sous cette forme A B C B A doivent être lues comme une insistance sur le C :
A Ils connurent qu'ils étaient nus; (…)
B 8 (…) la voix de Yahweh Dieu passant dans le jardin
à la brise du jour,
et l'homme et sa femme se cachèrent
de devant Yahweh Dieu
C au milieu des arbres du jardin.
9 Mais Yahweh Dieu appela l'homme et lui dit : « OÙ ES-TU ? » "
Il répondit : « 10 J'ai entendu
B ta voix, dans le jardin, et j'ai eu peur,
A, car je suis nu ; et je me suis caché. « 11
Et Yahweh Dieu dit : « Qui t'a appris que tu es nu ? »
L'essence du texte serait donc là. Dans cette question posée qui, déjà, révèle qu’alors que l'homme pense trouver Dieu ailleurs que là où il est, Dieu est là qui cherche à rencontrer l'homme...
La nudité comme l’humilité est lieu de crainte. Elles permettent de voir enfin Dieu. Pourtant, l’homme refuse cette fragilité, n’entend pas l’appel. Jacques Loew résume bien l’enjeu de ce qui va suivre. Pour lui, les deux milles pages de la Bible nous permettrons de découvrir à la foi un Dieu « qui cherche l’homme pour le combler au-delà de tout ce qui peut se dire et [voir également comment] l’homme en réponse se fait chercheur de Dieu ou se dérobe. La nudité que prétexte Adam signifie le refus de se présenter à Dieu tel que l’on est, sans défense », elle est refus d’humilité.
C’est là que nous retrouvons le chemin entamé probablement dans l’Écriture chez Osée. La quête de Dieu et la quête ou la fuite de l’homme, décrite d’Osée 2 à Osée 11 est présente, sous d’autres traits en Gn 2 et 3.
On retient le Dieu violent, celui qui chasse du paradis, qui enlève à l’homme la jouissance des biens. Cela peut se comprendre, à première vue, si l’on regarde l’état apparent du monde, la dureté des choses, de la nature comme celle de l’homme pour l’homme. C’est aussi ce qu’a dû penser le rédacteur du texte qui écrit dans un monde dur, alors que, en exil, il a perdu le confort de la terre de ses ancêtres. Comme évoqué plus haut, on considère en effet que ce texte a été rédigé ou pour le moins corrigé dans les derniers siècles avant Jésus Christ par des scribes qui se sont vus chassés des jardins de Palestine et se retrouve en exil. Le rédacteur cherche alors à exprimer par ce récit mythique de la chute une explication à sa peine, à la dureté de ses travaux de la terre. Mais cette interprétation, bien humaine, laisse aussi transparaître une trace ténue, celle d’un Dieu qui donne, qui cherche, qui s’inquiète…
Une trace qui mérite que nous poursuivions notre étude plus loin jusqu’à Exode, voire même 1 Rois 19 et les autres théophanies.
Qui est Dieu ? Comment se dévoile-t-il ? Ou comment se cache-t-il ? Est-il ce Dieu violent et cruel imaginé par l’homme comme la source de sa peine, de son exil, ou autre chose, un au-delà des mots ? Est-ce cet autre Dieu plus attentif qui se cache dans la voix qui résonne dans le jardin, révélation d’une autre voix qui résonne, même si nous rejetons la contemplation de ce qui est beauté dans le monde ? Ne fermons pas trop vite ce point d’interrogation. Il restera ouvert pendant toute cette traversée…
La jeune juive Etty Hillesum avait la même pensée quand elle s’émerveillait sur une fleur de jasmin, alors même que son peuple était déporté et massacré par le régime nazi. Il demeurait dans son jardin une trace différente, au-delà du dieu des puissants. Et cette fragilité même était pour elle source d’espérance et d’action. Elle y a puisé le courage de devenir par ses mains l’instrument de l’amour et de la miséricorde, pour ses frères et ses sœurs marqués par l’horreur des camps. C’est ce décentrement qu’il est peut-être possible d’entamer.
PS: pardon d’avoir encombré la bande passante, mais les textes de cette semaine méritait ce long développement qui m’habite depuis l’écriture il y a 20 ans des prémisses d’Aimer pour la vie...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire