04 janvier 2016

Le sens de notre mort

Si nous percevons l'ampleur de la danse à laquelle nous sommes invités, nous percevons que notre mort n'est pas anodine. Elle a une double finalité : celle de rencontrer Dieu‎, danser avec lui l'éternelle danse, mais aussi créer un manque sur terre qui entretient le désir. Au delà de la souffrance de la séparation, l'absent est aussi celui qui fait naître en nous le désir de l'au-delà, le désir de Dieu. En cela, Dieu est plus grand que sa création, car en la laissant agir, il fait naître chez l'homme de nombreux mouvements qui conduisent à lui, du cri au manque, de la frustration au désir et du manque à la contemplation du chemin parcouru et à parcourir. Bien sûr tous ces mouvements ne sont pas immédiats et, à l'image des Apôtres désemparés par le tombeau vide, comme par l'ascension de leur maître, il faut laisser le temps du décentrement, pour qu'en nous la souffrance de la séparation laisse place à la quête ultime et l'accueil du Consolateur.

Nous ne sommes pas immunisés

Il règne parfois un utopie véhiculée par certains courants religieux au sein de notre Église qui nous laisserait croire qu'une pratique régulière nous protégerait du "mal de peine"(1), de la maladie et de la mort. Adrienne von Speyr nous précise avec raison que "le Fils n'est pas venu nous faire le don d'une vie de foi qui serait d'entrée immunisée contre toutes les difficultés et tous les doutes, qui serait une sorte de bonheur inconscient qui se déroberait à toute difficulté et à toute souffrance. Une vie de ce genre ne serait pas une vie à la suite du Christ." (2)
Elle serait utopie et renfermement ‎communautariste dans l'illusion.

(1) Saint Thomas d'Aquin, dans sa Somme théologique distingue mal de peine et mal de faute‎. Le mal de peine est le mal subi.
(2) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1953-1989, p. 58

Hymne de la lampe

Joyeuse lumière de la sainte gloire du Père céleste, immortel, saint et bienheureux Jésus Christ. 
Parvenus au déclin du soleil, contemplant la clarté du soir, nous chantons le Père, le Fils et le Saint Esprit de Dieu. 
Tu es digne d'être toujours chanté pas des voix sanctifiées, Fils de Dieu qui donnes la vie. 
Tout l'univers te rend gloire ! » 

Hymne d'action de grâces pour la lampe dans les vêpres byzantines

03 janvier 2016

Chemins de miséricorde - 7


"Pourquoi déclare-t-il avec tant de soin sa miséricorde, au point de faire sienne notre misère elle-même ? Pourquoi est-il rempli d'une bonté telle que la parole de Dieu, pour nous, s'est faite herbe fanée ? Seigneur, qu'est-ce que l'homme, pour que tu penses à lui ? Qu'est- il pour que ton cœur en fasse tant de cas ? Voici où l'homme doit porter son attention pour découvrir quel souci Dieu prend de lui ; voici où l'homme doit apprendre quelle pensée et quel sentiment Dieu nourrit à son égard. N'interroge pas ce que tu souffres, toi, mais ce qu'il a souffert, lui. À ce qu'il est devenu pour toi, reconnais ta valeur à ses yeux, afin que sa bonté t'apparaisse à partir de son humanité. En effet, l'abaissement qu'il accomplit dans son humanité a été la grandeur même de sa bonté, et plus il s'est rendu méprisable en ma faveur, plus il me devient cher.

Voici manifestées la bonté et l'humanité de Dieu notre Sauveur, dit l'Apôtre. Oui, qu'elles sont grandes et évidentes, la bonté de Dieu et son humanité ! Quelle grande preuve de sa bonté il nous a donnée, en prenant tant de soin pour ajouter à l'humanité le nom de Dieu."

Saint Bernard,  Sermon pour l'épiphanie,  source AELF

01 janvier 2016

Irénée - Miséricorde

"Adam n'est pas racheté seulement par une "opération" morale du Christ, par une passion "représentative", par une justification forensique, mais il est assumé dans le Rédempteur tel qu'il est, avec toute sa corporalité authentique. (...) toutes les actions du Christ doivent posséder cette force d'intégration, de même que par exemple, il ne lava symboliquement que les pieds de Pierre, mais par là rendit pur tout son corps : il racheta tout le corps de l'humanité par sa croix particulière (1)

Que nous dit Balthasar derrière ce commentaire d'Irénée ?  ‎N'est ce pas, l'infini de la miséricorde de Dieu, qui en soi dépasse toute idée humaine de la justice. En relevant Adam et l'associant à sa résurrection, le Christ nous permet de percevoir que son amour pour l'homme n'est pas representatif, théorique ou imaginaire, mais bien le but ultime de Dieu.

Irénée, Contre les hérésies, ‎2, 228 in Hans Urs von BalthasarLa Gloire et la Croix, tome 2 op. Cit p. 47
,

31 décembre 2015

Dynamique sacramentelle - 6

La logique trinitaire en invitant l'homme le rend participant au mystère même de la mort. Ses souffrances, comme son agonie, ne sont pas étrangères à cel‎les du Christ. Avec lui nous mourons, avec lui nous ressusciterons. Dans ce sens, notre mort est unie elle-même à la joie du Christ comme à celle des anges, car elle n'est pas finitude mais danse. 

30 décembre 2015

La tentation du mystère

Irénée combat cette tentation du mystère en insistant beaucoup sur l'ostentatoire de la religion catholique qui révèle une vérité simple et accessible à la différence de l'hérésie gnostique. Cette dernière se complaît dans ce que l'on appellerait aujourd'hui le culte de l'inititiation (repris par la franc-maçonnerie). Dans ma quête sur l'humilité de Dieu et de l'Église, y a t-il opposition avec cet ostentatoire ? Oui s'il devient triomphalisme (au sens donné par le cardinal de Smedt dans l'aula de Vatican II), non s'il s'agit seulement de chanter la gloire d'un Christ crucifié, mort pour nous détourner de toute violence et de toute haine.
Notre tentation de l'enfouissement peut avoir cette limite d'oublier que l'essentiel n'est pas dans le fait de rejoindre l'homme où il en est, mais bien, in fine, de l'accompagner plus loin, dans sa quête intérieure d'infini. Difficile dosage entre l'humilité et la Parole, entre le respect et l'engendrement, entre le silence et le cri.
Il faut peut être sentir, à la manière de Jésus, quand l'heure vient où la lumière doit sortir du boisseau, la Parole doit pénétrer jusqu'au jointures du corps. Car alors peut se révéler Dieu. Parfois, il reste néanmoins important de sentir que ce n'est pas notre oeuvre, que cela nous dépassera, que les voies de Dieu sont insondables.



29 décembre 2015

Humilité de Dieu - 5

Intéressante perspective de saint Irénée qui explique que les limites dans la vision de Dieu et donc son invisibilité foncière est lieu de progression pour l'homme (1). Du coup on peut concevoir que l'humilité de Dieu soit un chemin dans la croissance du croire, car elle entretient le désir.

(1) Saint Irénée, AH 2, 219

28 décembre 2015

La miséricorde divine

Jusqu'où va la miséricorde divine ? Penser Dieu comme infini de l'amour c'est accepter que nos limites et nos justices humaines volent en éclat
 Or Dieu n'est-il pas au delà de nos calculs, au-delà de nos justices. Une méditation de Luc 15 peut nous conduire à contempler que "la résurrection du pécheur est la décision extrême, la plus éclatante, que Dieu peut prendre à l'égard d'un être humain. Elle n'est pas seulement victoire mais renversement radical de tout ce qui a existé, à été vécu et espéré."‎ (1)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1953, p. 53

27 décembre 2015

Face à la mort - chemin d'humilité

Intéressante analyse d'Adrienne von Speyr sur la condition humaine, ce monde fictif dans lequel on semble trouver sa raison d'être par nos oeuvres, cet "agir" dirait Bernard Pitaud. "Un monde qui reflète très fortement notre personnalité (...) un monde qui nous est conformé" jusqu'à ce que survienne l'inattendu qui ouvre à la reconnaissance qu'au dessus de notre jugement, "il y a une autre instance, une volonté qui influe sur lui. C'en est fait alors de [notre] monde fictif", nous devons faire tomber nos écailles et trouver le chemin du "vrai monde de Dieu". Cette expérience est une mort de ce qui nous est propre, mais surtout que l'on est "mûr pour le langage de Dieu" (...) " on devient libre pour lui" (1)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1953, p. 30-31

A l'école de Nazareth

On parle souvent de la Terre Sainte comme d'un cinquième évangile.  Elle l'est dans la mesure où elle nous fait entrer dans la contemplation des sources contemplatives de Jésus.  Elle l'est aussi comme école d'humilité,  comme l'est tout contact avec la nature brute et grandiose du désert,  de la montagne et de l'immensité.  Mais elle l'est aussi dans sa manière de nourrir notre prière,  de nous mettre en route dans les pas du Christ. 

Dans une homélie de 1964, Paul VI nous conduit sur cette voie : "Nazareth est l'école où l'on commence à comprendre la vie de Jésus : l'école de l'Évangile. Ici, on apprend à regarder, à écouter, à méditer et à pénétrer la signification, si profonde et si mystérieuse, de cette très simple, très humble et très belle manifestation du Fils de Dieu. Peut-être apprend-on même insensiblement à imiter. Ici, on apprend la méthode qui nous permettra de comprendre qui est le Christ. Ici, on découvre le besoin d'observer le cadre de son séjour parmi nous : les lieux, les temps, les coutumes, le langage, les pratiques religieuses, tout ce dont s'est servi Jésus pour se révéler au monde. Ici, tout parle, tout a un sens. Ici, à cette école, on comprend la nécessité d'avoir une discipline spirituelle, si l'on veut suivre l'enseignement de l'Évangile et devenir disciple du Christ. Oh, comme nous voudrions redevenir enfant et nous remettre à cette humble et sublime école de Nazareth, comme nous voudrions près de Marie recommencer à acquérir la vraie science de la vie et la sagesse supérieure des vérités divines !

Mais nous ne faisons que passer. Il nous faut laisser ce désir de poursuivre ici l'éducation, jamais achevée, à l'intelligence de l'Évangile. Nous ne partirons pas cependant sans avoir recueilli à la hâte, et comme à la dérobée, quelques brèves leçons de Nazareth.

Une leçon de silence d'abord. Que renaisse en nous l'estime du silence, cette admirable et indispensable condition de l'esprit, en nous qui sommes assaillis par tant de clameurs, de fracas et de cris dans notre vie moderne, bruyante et hyper sensibilisée. Ô silence de Nazareth, enseigne-nous le recueillement, l'intériorité, la disposition à écouter les bonnes inspirations et les paroles des vrais maîtres ; enseigne-nous le besoin et la valeur des préparations, de l'étude, de la méditation, de la vie personnelle et intérieure, de la prière que Dieu seul voit dans le secret.

Une leçon de vie familiale. Que Nazareth nous enseigne ce qu'est la famille, sa communion d'amour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable ; apprenons de Nazareth comment la formation qu'on y reçoit est douce et irremplaçable ; apprenons quel est son rôle primordial sur le plan social.

Une leçon de travail. Nazareth, maison du fils du charpentier, c'est ici que nous voudrions comprendre et célébrer la loi sévère et rédemptrice du labeur humain ; ici, rétablir la conscience de la noblesse du travail ; ici, rappeler que le travail ne peut pas avoir une fin en lui-même, mais que sa liberté et sa noblesse lui viennent, en plus de sa valeur économique, des valeurs qui le finalisent ; comme nous voudrions enfin saluer ici tous les travailleurs du monde entier et leur montrer leur grand modèle, leur frère divin, le prophète de toutes leurs justes causes, le Christ notre Seigneur." (1)

(1) Paul VI,  Homélie du 5 janvier 1964 à Nazareth,  source AELF
  

26 décembre 2015

Te voir....

"Ne pas passer un jour sans désirer le voir" (1)
Tout un programme. Et pourtant, n'est-ce pas cela l'amour. Si je peux le dire à propos de ma femme pourquoi ne pourrais-je le dire à propos de Dieu ? Même si Exode 33 affirme que l'on ne peut voir sa face, il nous faut entrenir cette flamme de peur que le feu en nous se meure. 

(1) Paul Xardel, cité par Jacques Loew, Ce Dieu dont je suis sûr, p. 224

25 décembre 2015

Humilité de Dieu - 4

Ce n'était probablement pas ce à quoi la Vierge s'attendait après la visite de l'ange. On lui avait prédit l'arrivée d'un grand homme à qui l'on "donnera le trône de David" (Luc 1, 32) et la voilà rejetée de la salle commune,  obligée d'accoucher dans une mangeoire,  lieu impur dans le monde juif et pour cette femme que l'Église acclame comme immaculée. Paradoxe que cette naissance humble,  que ce Dieu qui se cache dans un homme dont la vie sera longtemps faite de fuite et de silence et qui finira dressé sur un gibet au milieu des malfaiteurs.  Il n'est pas venu pour les pharisiens mais les prostituées et les publicains (Mat 21, 30), qui nous précéderons dans le royaume.  

Le Fils de l'homme est né, Noël !
Jésus nous est donné.
Jour de notre grâce :
L'étable accueille un Dieu caché,
Rebut de notre race,
Il vient sauver le monde entier.





Joyeux Noël

Une crèche, mais aussi un mystère...

24 décembre 2015

Présence réelle

Je relis chez Chautard ses pages sur la vie intérieure et trouve ce que je considère comme une pépite : "La présence de Notre-Seigneur par cette Vie surnaturelle n'est pas la présence réelle propre à la sainte Communion, mais une présence d'action vitale comme l'action de la tête ou du coeur sur les membres ; Action intime que Dieu cache le plus ordinairement à mon âme pour augmenter le mérite de ma foi; Action donc insensible habituellement à mes facultés naturelles et que seule la foi m'oblige à croire formellement; Action divine qui laisse subsister mon libre arbitre et utilise toutes les causes secondes, évènements  personnes et choses, pour me faire connaître la volonté de Dieu et m'offrir l'occasion d'acquérir ou d'accroître ma participation à la vie divine." (1)

Ces propos pourraient être considérés comme Rahnériens, mais ont été écrits bien avant les grands développement du dit Karl‎. Ils reprennent cette distinction de l'agis et de l'agir déjà commenté dans ce blog et nourrissent à mon avis une introspection positive.

(1) Dom Chautard , L'âme de tout apostolat, op Cit  p. 13