14 mai 2019

Une seule chair - 4

« Le pain que je donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde ».
Je meurs pour tous, dit le Seigneur, afin de communiquer ma vie à tous, et j'ai fait de ma chair une rançon pour la chair de tous. Car la mort sera mise à mort dans ma mort, et la nature humaine qui était tombée ressuscitera avec moi.
Pour cela je suis devenu l'un d'entre vous, c'est-à-dire un homme de la descendance d'Abraham, pour me rendre semblable en tout à mes frères. Saint Paul avait très bien compris cela, lorsqu'il disait : Puisque les enfants ont tous une nature de chair et de sang, Jésus a voulu partager cette condition humaine ; ainsi, par sa mort, il a pu réduire à l'impuissance celui qui possédait le pouvoir de la mort, c'est-à-dire le démon.
En effet, ni celui qui possédait le pouvoir de la mort, ni la mort elle-même, ne pouvaient être vaincus autrement. Il fallait que le Christ se donne pour nous, un seul en rançon pour tous car il était au-dessus de tous.
C'est pourquoi il est dit dans les psaumes qu'il s'est offert pour nous à Dieu son Père comme une victime sans tache : Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, mais tu m'as formé un corps. Tu ne demandais pas d'holocauste pour le péché. Alors j'ai dit : Voici, je viens. ~
Il a été crucifié pour tous et au profit de tous, afin que, lui seul étant mort pour tous, nous vivions tous en lui. Car il n'était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir, ou que la corruption triomphe de sa vie, comme cela aurait été naturel. Et que le Christ ait offert sa chair pour la vie du monde, apprenons-le par ses propres paroles. Père saint, dit-il,  garde-les. Et encore : Pour eux je me consacre moi-même. ~
Je me consacre, dit-il. Autrement dit : je m'offre comme une très pure victime d'agréable odeur. En effet, ce qui était consacré, ce qu'on appelait sacré ou saint, selon la loi, c'est ce qui était apporté sur l'autel. Le Christ a donc donné son propre corps pour la vie de tous, et en retour il implanté sa vie en nous. De quelle manière, je vais essayer de le dire.
Lorsque ce Verbe de Dieu, qui donne la vie, eut habité dans la chair, il la rétablit dans le bien qu'il avait en propre, c'est-à-dire dans la vie ; et puisqu'il lui était totalement uni d'une manière inexprimable, il la rendit vivifiante, comme lui-même est vivifiant par nature.
C'est pourquoi le corps du Christ communique la vie à ceux qui lui sont unis. Il chasse la mort qui se trouve chez les mortels et il éloigne la corruption, car il contient en lui-même le Verbe qui anéantit la corruption.(1)
Le Bon Pasteur s'est livré lui-même
pour que vous ayez la vie.
Laissez-vous conduire à sa voix
et suivez-le en chantant:

Tu es la porte du royaume, alléluia,
tu es la route vers le Père, alléluia!
Le Seigneur a les yeux sur ses fidèles,
sur ceux qui espèrent son amour.
Pour nous préserver de la mort,
nous garder en vie au temps de la famine.

Oraison
Dieu qui renouvelles par le baptême ceux qui croient en toi, protège leur naissance dans le Christ ; défends-les contre les assauts du mal pour qu'ils répondent fidèlement à ta grâce.

(1) Saint Cyrille d'Alexandrie, commentaire sur l'Evangile de Jean, source : office des lectures du dimanche 12/5/19, AELF 

12 mai 2019

Solitude périphérique - 2

Je vous confie aussi dans 15 jours, le pompon...
- curé absent
- un mariage
- sept baptêmes par paquet de deux ou trois...
- une ADAP (assemblée dominicale en absence de prêtre)
- et dimanche un nouveau couple à préparer our le mois de septembre (ouvriers de la dernière heure:-)
Il va falloir que je vive mes écrits aux titres évocateurs :
- pastorale du seuil
- serviteur de l'homme, kénose et.diaconie
- A genoux devant l'homme
- Humilité et miséricorde (tomes 1 à 3) (1)
- et mon roman Le mendiant et la brise....
De la théorie aux actes....;-)
Ora pro nobis.

L'histoire unique est achevée :
Premier enfant du Royaume,
Christ est vivant auprès de Dieu ;
Mais son exode humble et caché,
Le Fils aîné
Le recommence pour chaque homme.

Ne cherchons pas hors de nos vies
À retrouver son passage :
il nous rejoint sur nos sentiers ;
Mais au-delà de notre mort
C'est lui encor
Qui nous attend sur le rivage.(2)




(1) https://www.amazon.fr/Humilité-miséricorde-1-Lhumilité-Dieu/dp/1530914213
(2) office des lectures Source AELF

Solitude périphérique

Aller à la périphérie n'est pas de tout repos.
Après avoir beaucoup dépensé d'énergie, se trouver démuni devant un auditoire d'une petite centaine de personnes qui ne savent pas répondre à « Le Seingneur soit avec vous »...
[Il faut dire que le « et avec votre Esprit » pose alors question....
Est-ce le mien seulement ?]

Enchaîner sur un rituel et terminer sur un Notre Père dit presque tout seul, si ce n'est la voix de ma femme, frêle et chancelante derrière moi... alors que j'ai précisé que le texte était dans le livret en couleur....

Balbutier et trébucher sur ses mots....

Voir les jeunes mariés féliciter les deux chanteuses de gospel et ne rien dire au « ministre »...

Ministre de quoi....?

Et je ne parle pas du vicaire que j'ai « remplacé » qui, un jour, s'est retrouvé tout seul dans une église voisine, avec le corps d'un défunt alors que les pompes Funebres aller fumer leurs cigarettes.

Priez pour nos prêtres de campagne. Quel ministère... !
Cela pourrait être déprimant si « l’espérance ne me faisait marcher plus loin que mes peurs »,
C’est surtout une leçon d’humilité.

Je me trouve chanceux. J’ai une femme, des enfants et des petits enfants qui m’aiment et me soutiennent.

Le chemin de Dieu dans le silence des cœurs nous dépasse.

Claude, jeune diacre de campagne



11 mai 2019

Homélie de mariage - 1 - Col 3/Mt 19

On y est... un peu de stress pour préparer le grand jour je suppose...Vous êtes prêts m'avez vous dit. Mais prêts à quoi, pour quoi ? Je vous invite à trois temps de méditation.
Nous allons parler de fusionnel / de chair et de Dieu... Car ce que vous allez vivre aujourd'hui est plus qu'une belle journée, c'est le début d'une grande aventure. Au cours de nos rencontres, vous avez insisté sur le fait que vous étiez très fusionnel. Comment interpréter cela à la lumière de ce que nous venons d'entendre ? Je vous propose deux premières pistes de lecture. 1) Comme le dit l'Evangile, vous allez faire un. Oui est non. Car vous resterez toujours deux, même si vous découvrez vos complémentarités. Et en même temps, le pape Jean Paul II disait que la rencontre des corps est appelé à être une liturgie, ce qui se traduit par louange, un acte de louange. Et vous le sentez  probablement, ces temps de rencontre donnent envie de chanter, de rendre grâce.  Et en même temps, cette joie partagée est aussi le lieu d'un appel, d'un rayonnement. Ne gardez pas votre amour enfermé. Faites-le rayonner aux enfants que vous aurez, à ceux que vous croiserez, c'est là l'enjeu de votre mariage.
La deuxième piste est commune aux deux lectures que vous avez choisi. Saint Paul, dans sa lettre aux Colossiens vous invite à la douceur et à la tendresse, Matthieu dans son évangile vous parle de faire ne faire plus qu'un. L'expression vient d'un texte très ancien (Genèse 2) qui parle de faire « une seule chair », qui ne veut pas dire fusion comme on pourrait l'entendre à notre époque. La meilleure traduction que j'ai trouvé c'est symphonie, c'est à dire que chacun de vos talents doit s'harmoniser, comme pour entrer dans une danse. Et je ne parle pas seulement de vos corps mais de votre être. Je confie au Seigneur ce qui fait de toi, F. une bonne .... , et bientôt une mère. Je confie aussi au Seigneur ce qui fait de toi M. un époux attentif. Que votre symphonie soit au service des enfants que Dieu vous donnera, mais plus largement de votre entourage, de votre famille, des enfants que tu accueilles N., de tes collègues M., de tous ceux qui boiront à la source de votre amour.
Je ne suis qu'un instrument de Dieu.... Je vais vous bénir au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, comme vous l'avez été pour votre baptême. Qu'est-ce que cela veut dire ? Le Père c'est le Dieu créateur qui vous a façonné l'un et l'autre pour cette rencontre qui vous émeut encore. La première lecture le disait avec des mots qui me laissent sans voix : « Vous avez été choisis par Dieu » On pourrait dire vous avez été modelés par lui. F. et M. vous allez donner la vie. Quand vous serez père et mère, vous réaliserez alors totalement ce que cela signifie... Parole de père et de grand-père…. J'en ai eu souvent les larmes aux yeux.
Je continue la lecture : « vous êtes ses fidèles et ses bien-aimés, revêtez votre cœur de tendresse et de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous mutuellement et pardonnez, si vous avez des reproches à vous faire. Agissez comme le Seigneur: il vous a pardonné, faites de même. » Etre bénis au nom du Fils, c'est accepter de prendre à sa suite le chemin même du pardon. De Celui qui va vous conduire jusqu'au bout de l'amour.
Dans une autre lettre (aux Ephésiens au chapitre 5), Paul le dit avec force : M. tu es appelé à aimer F. comme le Christ, c'est-à-dire jusqu'a la mort. Et F. à ta manière tu dois l'accueillir M. comme il est, te donner à lui totalement... Vous allez le dire tout à l'heure avec vos mots.
Parfois les forces vous manqueront. N'oubliez pas que, par le baptême, vous avez reçu l'Esprit de Dieu. Demander lui les forces d'amour qui vous manquent. Demandez de l'aide à vos témoins ici présents, à l'Eglise, appelez nous au besoin ma femme et moi, pour revisiter, revivifier cet amour. Ce que vous construisez est immense. Cette chair qu'est votre couple sera alors signe. C'est votre mission : rayonnez de cet amour qui vous porte et vous emporte ! Amen

Une seule chair - 2

Il nous a fait le don de sa chair et nous devenons porteur en nous de ce don qui nous dépasse et nous habite.
Faire une seule chair avec le Christ n'est pas perdre sa propre chair mais devenir temple de plus grand que nous, parabole, catalyseur, amplificateur du Verbe.
De même que des époux qui par la chair révèle le don de Dieu dans leurs oeuvres de chair et d'Esprit, nous sommes appelés à l'engendrement des coeurs et des âmes en devenant porte-Christ.

09 mai 2019

Au fil de Jean 6 - une seule chair 1 - Irénée de Lyon


« Moi, je suis le pain de la vie.
Au désert, vos pères ont mangé la manne,
et ils sont morts ;
mais le pain qui descend du ciel
est tel que celui qui en mange ne mourra pas.
Moi, je suis le pain vivant,
qui est descendu du ciel :
si quelqu'un mange de ce pain,
il vivra éternellement.
Le pain que je donnerai, c'est ma chair,
donnée pour la vie du monde. » Jn 6, 48-51

Faire une seule chair avec le Christ ?
Nous entendons l'expression au sujet du mariage.
Elle est reprise par Jésus pour le même sujet.
Mais l'expression est plus vaste que la rencontre amoureuse qui n'est que le premier stade de quelque chose de plus grand. 



Écoutons saint Irénée. 

« Si la chair ne peut être sauvée, alors le Seigneur ne nous a pas rachetés par son sang, la coupe de l'Eucharistie n'est communion à son sang, ni le pain que nous rompons, la communion à son corps. Car le sang n'en est pas, s'il ne provient de veines, de chairs, et du reste de la substance humaine, et c'est pour être vraiment devenu cela que le Verbe de Dieu nous a rachetés par son sang.
Ainsi le dît l'Apôtre : En lui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés.
Parce que nous sommes ses membres, et que nous sommes nourris par la création — cette création qu'il nous donne lui-même, en faisant lever son soleil et pleuvoir comme il veut — il a confirmé que la coupe qui provient de la création était son sang, par lequel se fortifie notre sang ; il a confirmé que le pain qui provient de la création était son corps, par lequel il fortifie notre corps.
Si la coupe qui a été mélangée, et le pain qui a été fait, reçoivent le Verbe de Dieu, et deviennent l'Eucharistie du sang et du corps du Christ, qui fortifie et affermit notre substance, comment peut-on dire que la chair est incapable de recevoir le don de Dieu, qui est la vie éternelle, alors qu'elle est nourrie par le sang et le corps du Christ, et en est le membre ?
Voici ce que dit le bienheureux Apôtre à ce sujet dans la Lettre aux Éphésiens : Nous sommes les membres de son corps, formés de sa chair et de ses os. Ce n'est pas de je ne sais quel homme spirituel et invisible, qu'il dit cela, car un esprit n'a ni os ni chair, mais il parle de l'organisme authentiquement humain, qui est constitué de chairs, de nerfs, et d'os, qui est, lui, nourri par la coupe qui est son sang, et fortifié par le pain qui est son corps.
Le bois de la vigne, après avoir été couché sur le sol, porte du fruit en son temps ; le grain de blé, tombé en terre, et là dissous, resurgit multiplié par l'Esprit de Dieu qui contient tout. Ensuite, grâce au savoir des hommes, ils servent à leur usage et, en recevant le Verbe de Dieu, ils deviennent l'eucharistie, à savoir le corps et le sang du Christ.
Ainsi nos corps qui sont nourris de l'eucharistie, après avoir été couchés dans la terre et s'y être dissous, ressusciteront en leur temps, quand le Verbe de Dieu leur donnera la résurrection, pour la gloire de Dieu le Père, lui qui procurera l'immortalité à ce qui est mortel, et offrira l'incorruptibilité à ce qui est corruptible, car la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse. » (1)

(1) Saint Irénée de Lyon, Contre les hérésies, source office des lectures du 9/5/19, AELF

06 mai 2019

Au fil de Jean 6, 22-29 - La barque du Seigneur - 4

« Jésus avait rassasié cinq mille hommes,
et ses disciples l'avaient vu marcher sur la mer.
Le lendemain, la foule restée sur l'autre rive
se rendit compte qu'il n'y avait eu là qu'une seule barque,
et que Jésus n'y était pas monté avec ses disciples,
qui étaient partis sans lui.
Cependant, d'autres barques, venant de Tibériade,
étaient arrivées près de l'endroit où l'on avait mangé le pain
après que le Seigneur eut rendu grâce.
Quand la foule vit que Jésus n'était pas là,
ni ses disciples,
les gens montèrent dans les barques
et se dirigèrent vers Capharnaüm
à la recherche de Jésus. »

Où est la barque du Seigneur ?
Telle est la question des chercheurs de Tibériade.
Telle est peut-être notre quête intérieure.
Dans le tumulte incessant de nos vies, prenons le temps de chercher sur quelle barque nous allons traverser les ravins de nos morts....





« L'ayant trouvé sur l'autre rive, ils lui dirent :
« Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? »
Jésus leur répondit :
« Amen, amen, je vous le dis :
vous me cherchez,
non parce que vous avez vu des signes,
mais parce que vous avez mangé de ces pains
et que vous avez été rassasiés.
Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd,
mais pour la nourriture qui demeure
jusque dans la vie éternelle,
celle que vous donnera le Fils de l'homme,
lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »
Ils lui dirent alors :
« Que devons-nous faire
pour travailler aux œuvres de Dieu ? »
Jésus leur répondit :
« L'œuvre de Dieu,
c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. »

« Il se trompe dans ses calculs celui qui se démène le dimanche, avec la pensée qu'il va gagner plus d'argent ou faire plus d'ouvrage ! Est-ce que deux ou trois francs pourront jamais compenser le tort qu'il se fait à lui-même en violant la loi du Bon Dieu ? Vous vous imaginez que tout dépend de votre travail ; mais voilà une maladie, un accident. Il faut si peu de choses : un orage, une grêle, une gelée...
Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure dans la vie éternelle. Que vous revient-il d'avoir travaillé le dimanche ? Vous laissez bien la terre telle qu'elle est quand vous vous en allez ; vous n'emportez rien. Notre premier but est d'aller à Dieu ; nous ne sommes sur la terre que pour cela.
Mes frères, il faudrait mourir le dimanche et ressusciter le lundi. Le dimanche, c'est le bien du Bon Dieu : c'est son jour à Lui, le Jour du Seigneur. Il a fait tous les jours de la semaine ; Il pouvait les garder tous. Il vous en a donné six, Il ne s'est réservé que le septième(1)

Quelle réserve?
Sa vie était au delà de nos chemins de mort.

« Semence enfouie dans le tombeau,
La mort m'a couché sous la pierre !
Vous n'aurez plus besoin de lune ou de soleil,
Agneau vivant, je suis votre flambeau ;
Moi seul peux vous donner la vie,
Ma Vie qui fait les cieux nouveaux,
Dans la cité de notre Père » (2)

(1) Saint Jean-Marie Vianney, curé d'Ars Esprit du Curé d'Ars dans ses Catéchismes, ses Sermons, ses Conversations (Abbé Monnin, Eds. Téqui 2007, p. 71-72 ; rev.)
(2)office des lectures du troisième lundi de Pâques, source AELF 


05 mai 2019

Au fil de Jean 21 - Ébauche d’Homélie du 3ème Dimanche de Pâques - la barque 3

Quel est votre espérance ?
Jusqu'ou croyez vous en la résurrection du Seigneur? 

C'est la question qui hante les disciples.
Ils sont encore dans la nuit de Pâques et le silence du tombeau les envahit de nouveau 

« Simon-Pierre leur dit :
« Je m'en vais à la pêche. »
Ils lui répondent :
« Nous aussi, nous allons avec toi. »
Ils partirent et montèrent dans la barque ;
or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.

Laissons résonner ce « rien » qui est celui de nos désespérances...
Une nuit entière à errer sur les eaux.
N'est-ce pas tout ce que nous tentons par nous mêmes, forts de nos orgueils de croire que nous sommes capables de nous passer de Dieu.

Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage,
mais les disciples ne savaient pas que c'était lui.
    Jésus leur dit :
« Les enfants,
auriez-vous quelque chose à manger ? »
Ils lui répondirent :
« Non. »
    Il leur dit :
« Jetez le filet à droite de la barque,
et vous trouverez. »
Ils jetèrent donc le filet,
et cette fois ils n'arrivaient pas à le tirer,
tellement il y avait de poissons.
    Alors, le disciple que Jésus aimait
dit à Pierre :
« C'est le Seigneur ! »

Simon-Pierre veut pêcher tout seul ou entre amis, mais les poissons ne sont pas là. N'est-ce pas la leçon de Dieu face à nos ambitions humaines. « Cette nuit-là, ils ne prirent rien » (Jn 21, 3).
Dans une lettre à Louise Brunot, Madeleine Delbrêl insiste sur l'importance de mourir à nous-mêmes afin que nous puissions renaître dans le sens développé par Jean 3, 5-7. Pour elle notre naissance se fait « à proportion » de notre mort. C'est- à-dire que tout abandon, de l'obéissance à notre père spirituel
jusqu'au renoncement à « obéir au métro qu'on rate », est à la fois obéissance au monde, renoncement à « sa volonté propre » et de ce fait abandon de notre autonomie pour se couler dans le vouloir de Dieu sur nous. Plus qu'un regard mystique sur le monde, c'est aussi une hygiène de vie, un retour au centre. « Non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux » (Luc 22,42 // Matt 26,42). Leçon d'humilité qui nous rend réceptifs à la miséricorde.
Pourquoi évoquer tout cela à propos de la pêche miraculeuse ? À la question de Jésus sur le rivage : « Enfants, n'avez-vous rien à manger ? », ils doivent reconnaître l'échec de leurs volontés humaines. Ce n'est finalement qu'en obéissant à l'ordre du Christ que se révèle les dons de Dieu. Une leçon intérieure qui se poursuivra pour Pierre, comme on le verra, jusqu'à sa fin : « tu étendras la main et c'est un autre qui nouera ta ceinture et te conduira jusqu'ou tu ne voudras pas ». (v. 18)
Il nous faut passer au-delà de l'illusion de se croire capable seul de réussir, ébaucher une démarche de pardon, de mise à nu. Comme il est dur, souvent de consentir, alors que l'illusion de notre valoir nous semble justifier nos actes. Et pourtant nous ne sommes que des serviteurs, instruments fragiles d'un plan de Dieu qui nous dépassera toujours.
9. Quand ils furent descendus à terre, ils virent là des charbons allumés, du poisson mis dessus, et du pain. 10. Jésus leur dit : « Apportez de ces poissons que vous venez de prendre. » 11. Simon-Pierre monta dans la barque, et tira à terre le filet qui était plein de cent cinquante-trois grands poissons; et quoiqu'il y en eût un si grand nombre, le filet ne se rompit point. 12. Jésus leur dit : « Venez et mangez. » Et aucun des disciples n'osait lui demander: «Qui êtes-vous?» parce qu'ils savaient qu'il était le Seigneur.
13. Jésus s'approcha, et prenant le pain, il leur en donna; il fit de même du poisson.
14. C'était déjà la troisième fois que Jésus apparaissait à ses disciples, depuis qu'il avait ressuscité des morts. Notons, en passant, que John P. Meier considère que la version de Jean de la pêche miraculeuse est probablement plus plausible que celle placée par Luc avant la mort de Jésus, même si Jean a instillé dans le texte, comme en Jn 11, un important ajout théologique et symbolique que nous commentons plus loin.
Jean 21, 15-25 – Dialogue avec Pierre
15. Lorsqu'ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. » (...) 
Il est dangereux de couper le chapitre alors que l'ensemble du récit à sa structure propre. Rappelons le contexte. Il y a d'abord l'opposition nuit/jour que nous avions déjà notée entre Nicodème et la Samaritaine. Ici, comme nous l'avons vu, la nuit du pêcheur a été stérile et c'est à l'appel du Christ que la pêche devient féconde.
Il y a ensuite la symbolique du vêtement. Pierre est à nu (v. 8). Il ne se cache plus derrière son assurance. Depuis son reniement, il est probablement couvert de honte. C'est à ce moment-là que Jésus choisit l'ultime appel. Le dernier « où es- tu ? » vient le relever. Il passe un vêtement, mais est-ce suffisant ? Il lui faut plonger dans la mer pour accéder au repas. Est-ce une allusion au baptême de l'Église ?
Le questionnement montre qu'il a encore du chemin à parcourir jusqu'au décentrement final où l'amour pourra être un amour d'agapè et d'une certaine manière, un « lavement des pieds » au sens où il devient imitation de « l'amour-serviteur » de Jésus :
« Quand tu deviendras vieux, un autre te ceindra et t'entraînera, là où tu ne veux pas aller ». Jn 21, 18.
Ramenée à l'Église, cette dernière arche fait résonner ce que nous avons découvert, dans cette longue traversée de la Passion. Au pas de Dieu qui s'agenouille devant l'homme doit répondre ceux de l'homme vers Dieu. Il ne peut en tirer gloire, puisque Dieu seul emplit les filets. Mais au bout du chemin sera la pêche abondante, le repas partagé et la gloire de voir Dieu...
Pierre, lors du lavement des pieds, n'avait pas saisi l'enjeu du geste. Il restait crispé sur l'apparence. Ce que nous fait découvrir l'ensemble du récit, c'est que l'invitation du Christ n'est pas rituelle, mais totale. Ce qui est demandé à l'homme, par l'agenouillement de Dieu, est d'entrer dans une réciprocité totale, une participation1 à la danse trinitaire qui va jusqu'à l'amour total, sans limites, et peut conduire à la croix, non comme un autosacrifice, mais comme la conséquence d'un dépouillement, d'un décentrement de l'homme, jusqu'à l'extrême, en Dieu.
Au bout de cette traversée, nous retrouvons un schéma qui traverse l'ensemble de nos recherches, celle de la « descente de tours», ce lieu où l'homme, en quittant toutes ses certitudes, y compris pour Pierre, l'illusion de tenir dans l'adversité, parvient à la nudité d'une rencontre, « sous la tente légère». En rencontrant Jésus lui-même dépouillé de sa toute-puissance, il parvient à l'entre-vue véritable, celle d'un Dieu aimant.
Le Seigneur ne demande pas plus que ce que nous pouvons porter. Il considère chacun comme s'il était la perle unique en qui il avait mis tout son amour. Contemplons le dialogue sublime qui réunit Pierre avec Jésus au bord du lac de Tibériade. Le dialogue commence par une subtilité des deux verbes grecs utilisés par Jésus dans son questionnement. Il demande d'abord si Pierre l'aime d'amour (agapas me) avant d'utiliser le verbe qu'utilise Pierre à chaque fois pour lui répondre. Philo te ! Je t'aime d'amitié.
On sait que Pierre sort de son reniement, qu'il doit avoir la honte du fils prodigue, qu'il a plongé nu dans la mer – un geste à la forte symbolique baptismale – pour se présenter devant le Seigneur et pourtant Jésus se remet à genoux devant lui, en le rejoignant dans ses mots mêmes. Et lui dit "paix mes brebis".
Écoutons ce commentaire de saint Augustin : « Le Seigneur demande à Pierre s'il l'aime, ce qu'il savait très bien ; et il le lui demande non pas une fois, mais deux et même trois fois. Et chaque fois Pierre répond qu'il l'aime, et chaque fois Jésus lui confie le soin de faire paître ses brebis. À son triple reniement répond une triple affirmation d'amour. Il faut que sa langue serve son amour, comme elle a servi sa peur ; il faut que le témoignage de sa parole soit aussi explicite en présence de la vie qu'elle l'a été devant la menace de la mort. Il faut qu'il donne une preuve de son amour en s'occupant du troupeau du Seigneur, comme il a donné une preuve de sa timidité en reniant le Pasteur(1). »
N'est-ce pas nos tentations pastorales, qui ne sont autres que celles que Mat 4 décrit au désert. L'avoir, le pouvoir, le valoir.
Saint Augustin poursuit : « Ceux qui s'occupent des brebis du Christ avec l'intention d'en faire leurs brebis plutôt que celles du Christ se montrent coupables de s'aimer eux-mêmes au lieu d'aimer le Christ. Ils sont conduits par le désir de la gloire, de la domination ou du profit, et non le désir aimant d'obéir, de secourir et de plaire à Dieu. Cette parole trois fois répétée par le Christ condamne ceux que l'apôtre Paul gémit de voir chercher leurs intérêts plutôt que ceux de Jésus Christ (Ph 2,21). »
C'est dans l'esprit kénotique de Paul et sous l'éclairage de la triple tentation (Mt 4 / Lc 4) que l'on peut entendre l'évêque d'Hiponne. « Que signifient, en effet, ces paroles : « M'aimes-tu ? Pais mes brebis » ? C'est comme s'il disait : « Si tu m'aimes, ne t'occupe pas de ta propre pâture, mais de celle de mes brebis ; regarde-les non comme les tiennes, mais comme les miennes. En elles, cherche ma gloire, et non la tienne ; mon pouvoir, et non le tien ; mes intérêts, et non les tiens »... Ne nous préoccupons donc pas de nous-mêmes : aimons le Seigneur et, en conduisant ses brebis vers leur pâturage, recherchons l'intérêt du Seigneur sans nous inquiéter du nôtre. »
À nous les pécheurs pardonnés, Jésus nous met l'anneau, nous revêt du manteau du pardon (Luc 15) et nous comble de sa grâce. Louange et gloire à notre Dieu.(2)
Que nous dit le psaume ...
Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie !
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie !
Que mon cœur ne se taise pas,
qu'il soit en fête pour toi ;
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !


(1) Saint Augustin, Sermons sur l'évangile de Jean, n°123.
(2) Extrait de mon livre, Chemins d'Evangile, p. 646sq

04 mai 2019

La barque de l’Église - 2 - Chemin d’espérance

Au fond de la nuit, dans le silence du tombeau vide, alors que la tempête semble ébranler le monde, contemplons cet office de lecture qui trace lui aussi un chemin d'espérance :

Comme nous allions rêvant Dieu,
Une voix venue du grand creux
Des fonds de l'Homme
Nous a surpris : Veillez ici,
Veillez et priez cette nuit
Qui entre toutes vous est bonne.

C'était au secret de nos cœurs,
Au tombeau vide du Seigneur,
La voix de l'Ange !
Elle ajouta : Que cherchez-vous ?
Le corps du Seigneur est chez vous,
Restez ses hommes de confiance !

Devant le caveau grand ouvert,
Retour du Seigneur des enfers,
Chantez son hymne !
Ce lieu profond, il est à Dieu !
Nul ne le sonde avec des yeux
Qui ne sont pas faits pour l'abîme.

Le Seigneur vous a précédés
Dans la mort qui vous obsédait,
Vos morts futures ;
Allez donc sans crainte à la vie !
Jésus vous a déjà ravi
Dans sa Passion vos sépultures.


« 01 Moi, Jean, j'ai vu, dans la main droite de celui qui siège sur le Trône, un livre en forme de rouleau, écrit au-dedans et à l'extérieur, scellé de sept sceaux.
02 Puis j'ai vu un ange plein de force, qui proclamait d'une voix puissante : « Qui donc est digne d'ouvrir le Livre et d'en briser les sceaux ? »
03 Mais personne, au ciel, sur terre ou sous la terre, ne pouvait ouvrir le Livre et regarder.
04 Je pleurais beaucoup, parce que personne n'avait été trouvé digne d'ouvrir le Livre et de regarder.
05 Mais l'un des Anciens me dit : « Ne pleure pas. Voilà qu'il a remporté la victoire, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David : il ouvrira le Livre aux sept sceaux. »
06 Et j'ai vu, entre le Trône, les quatre Vivants et les Anciens, un Agneau debout, comme égorgé ; ses cornes étaient au nombre de sept, ainsi que ses yeux, qui sont les sept esprits de Dieu envoyés sur toute la terre.
07 Il s'avança et prit le Livre dans la main droite de celui qui siégeait sur le Trône.
08 Quand l'Agneau eut pris le Livre, les quatre Vivants et les vingt-quatre Anciens se jetèrent à ses pieds. Ils tenaient chacun une cithare et des coupes d'or pleines de parfums qui sont les prières des saints.
09 Ils chantaient ce cantique nouveau : « Tu es digne, de prendre le Livre et d'en ouvrir les sceaux, car tu fus immolé, rachetant pour Dieu, par ton sang, des gens de toute tribu, langue, peuple et nation.
10 Pour notre Dieu, tu en as fait un royaume et des prêtres : ils régneront sur la terre. »
11 Alors j'ai vu : et j'entendis la voix d'une multitude d'anges qui entouraient le Trône, les Vivants et les Anciens ; ils étaient des myriades de myriades, par milliers de milliers.
12 Ils disaient d'une voix forte : « Il est digne, l'Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et louange. »
13 Toute créature dans le ciel et sur la terre, sous la terre et sur la mer, et tous les êtres qui s'y trouvent, je les entendis proclamer : « À celui qui siège sur le Trône, et à l'Agneau, la louange et l'honneur, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. »
14 Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! » ; et les Anciens, se jetant devant le Trône, se prosternèrent. » (Le Livre scellé et l'Agneau (Ap 5, 1-14), source AELF

ACTES DU CONCILE VATICAN II
La Liturgie
La Liturgie, actualisation du mystère pascal
Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité, et souvent, dans le passé, il a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées. Lorsqu'est venue la plénitude des temps, Il a envoyé son Fils, le Verbe fait chair, consacré par l'onction du Saint-Esprit, pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, pour guérir les cœurs brisés, comme « le médecin de la chair et de l'esprit », le médiateur entre Dieu et les hommes. Car c'est son humanité, dans l'unique Personne du Verbe, qui fut l'instrument de notre salut. C'est pourquoi, dans le Christ, « est apparue la parfaite rançon de notre réconciliation, et la plénitude du culte divin nous a été accordée. »
Cette œuvre de la rédemption des hommes et de la parfaite glorification de Dieu avait eu pour prélude les merveilles de Dieu dans le peuple de l'ancienne Alliance. Mais c'est le Christ qui l'a accomplie, principalement par le mystère pascal de sa bienheureuse passion, de sa résurrection du séjour des morts et de son ascension dans la gloire. Par lui, « en mourant, il a détruit notre mort, en ressuscitant, il nous a rendu la vie ». Car c'est du côté du Christ endormi sur la croix qu'est né « l'admirable sacrement de l'Église tout entière ».
C'est pourquoi, de même que le Christ avait été envoyé par le Père, ainsi lui-même envoya ses Apôtres, remplis de l'Esprit Saint. Ils devaient annoncer, en prêchant l'Évangile à toute créature, que le Fils de Dieu, par sa mort et sa résurrection, nous a délivrés du pouvoir de Satan ainsi que de la mort. Mais en outre, ils devaient exercer cette œuvre de salut qu'ils annonçaient, par le sacrifice et les sacrements autour desquels gravite toute la vie liturgique.
C'est ainsi que, par le baptême, les hommes sont greffés sur le mystère pascal : morts avec lui, ensevelis avec lui, ressuscités avec lui, ils reçoivent l'esprit d'adoption des fils par lequel nous crions vers le Père en l'appelant : Abba ! et ils deviennent ces vrais adorateurs que recherche le Père.
Semblablement, chaque fois qu'ils mangent la Cène du Seigneur, ils annoncent sa mort jusqu'à ce qu'il vienne. C'est pourquoi, le jour même de la Pentecôte, où l'Église apparut au monde, ceux qui accueillirent la parole de Pierre furent baptisés. Et ils étaient fidèles à écouter l'enseignement des Apôtres, à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières. ~ Ils louaient Dieu et trouvaient un bon accueil auprès de tout le peuple.
Jamais, dans la suite, l'Église n'a omis de se réunir pour célébrer le mystère pascal, en lisant dans toute l'Écriture ce qui le concernait, en célébrant l'Eucharistie dans laquelle « sont rendus présents la victoire et le triomphe de sa mort » et, par là même, en rendant grâce à Dieu pour son don ineffable, dans le Christ Jésus, pour que soit chantée sa gloire.

Nous accueillons l'Esprit nouveau,
Le souffle d'allégresse,
Le don gratuit du Fils ressuscité,
Force des croyants.
Nous entonnons le chant nouveau,
Les hymnes de louange,
L'amen appris du Verbe tout-puissant,
Gloire des sauvés. 

Au fil de Jean 6,16-21 - la barque en péril - Edith Stein

« Le soir venu, les disciples de Jésus descendirent jusqu'à la mer.
Ils s'embarquèrent pour gagner Capharnaüm, sur l'autre rive. C'était déjà les ténèbres, et Jésus n'avait pas encore rejoint les disciples.
Un grand vent soufflait, et la mer était agitée.
Les disciples avaient ramé sur une distance de vingt-cinq ou trente stades (c'est-à-dire environ cinq mille mètres), lorsqu'ils virent Jésus qui marchait sur la mer et se rapprochait de la barque. Alors, ils furent saisis de peur.
Mais il leur dit : « C'est moi. N'ayez plus peur. »
Les disciples voulaient le prendre dans la barque ; aussitôt, la barque toucha terre là où ils se rendaient. » (Jean 6,16-21 - AELF)

Dans la nuit du monde, dans le désert de notre prière, il nous faut trouver cette espérance qui est et demeure don de Dieu.
Contemplons ce dialogue d'Edith Stein :
« C'est moi. Soyez sans crainte »
— Seigneur, que les vagues sont hautes,
que la nuit est obscure !
Ne voudrais-tu pas l'éclairer
pour moi qui veille solitaire ?
— Tiens fermement le gouvernail,
garde confiance et reste calme.
Ta barque a du prix à mes yeux,
je veux la mener à bon port.
Garde bien sans défaillance
les yeux fixés sur le compas.
Il aide à parvenir au but
à travers nuits et tempêtes.
L'aiguille du compas de bord
frémit mais se maintient.
Elle te montrera le cap
que je veux te voir prendre.
Garde confiance et reste calme :
à travers nuits et tempêtes
la volonté de Dieu, fidèle,
te guide, si ton cœur veille. »

(1) Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith Stein] Poésie « Am Steuer » / « La Tempête », 1940 (trad. Malgré la nuit, Ad Solem 2002, p. 49), source : l'Évangile au Quotidien 

03 mai 2019

Au fil de Jean 14 - Contempler le Père

"En ce temps-là, Jésus dit à Thomas : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l'avez vu. »
Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. »
Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : 'Montre-nous le Père' ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; le Père qui demeure en moi fait ses propres œuvres.
Croyez-moi : je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne me croyez pas, croyez du moins à cause des œuvres elles-mêmes. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Quand vous me demanderez quelque chose en mon nom, moi, je le ferai. » (Jn 14,6-14 -AELF)

"L'affirmation de Jésus est surprenante, à tel point que Philippe ne la comprend pas et insiste : "montre-nous le Père". Or, contempler le Christ à travers les Évangiles, c'est contempler Dieu lui-même. C'est ce que je fais chaque fois que je médite les Évangiles. Contempler le Christ, c'est contempler Dieu.
Dans ce récit, Jésus nous dévoile son plus intime, la relation qui l'unit à son Père"(1)
Prenons le temps de sentir la profondeur de cette relation trinitaire. Dans cette danse, Jésus nous ouvre ses bras en croix.
Contemplation infinie de cet homme élevé sur le bois de la croix qui nous dévoile le Père en nous aimant jusqu'au bout.
Qui sommes-nous face à cela. Qu'est-ce que l'homme pour que tu t'intéresse à lui dit le psaume.
Et pourtant ! Le Dieu que nous vénérons n'est pas un Dieu éthéré. Il se dévoile dans son agenouillement.
(1) Source : Prieenchemin.org, méditation  du 3/5/19

02 mai 2019

Mystère et ministères de la femme - 2

On peut se demander si les éléments récents qui ont frappé l'Église ne sont pas une mise au point sur la place réelle de l'homme dans l'univers religieux et hiérarchique. Quand on lit attentivement le texte de Louis Bouyer, on pressent combien la place des femmes, à l'image de Marie(1), sont finalement complémentaires voire supérieures à celles des hommes, même si elles n'ont pas, de fait, accès à la présidence de nos assemblées. En effet si l'on prend l'échelle de la kénose qui est inverse de toute logique humaine, les femmes par leur humilité et leur ouverture à l'immanence divine, ont finalement une proximité plus grande au divin que tout homme mâle, fut-ce-t-il prêtre ou évêque, au point qu'elles deviennent signes et chemins pour l'homme.
Par leur contemplation ou l'exercice toute maternante de la charité, par leurs sensibilités théologiques ou mystiques, par le sens de la mesure et de la réception, elles nous précèdent en sainteté.
On rentre là dans une expression particulière de la dynamique sacramentelle (2) qui n'est pas de l'ordre du septénaire mais de la sacramentalité toute incarnée. Plus que des veilleurs de l'invisible, elles rendent visibles la tendresse de Dieu.

Bouyer développe ce point notamment à propos des vierges consacrées et des diaconnesses. La liste n'est pas exhaustive tant la sainteté "ordinaire" - ou de la "porte d'à côté (3) - peut s'exercer de bien des manières sans nécessité d'être pour autant clerc. 
Est-ce qu'en disant cela je tombe dans le machisme ordinaire? Je ne crois pas. L'enjeu est en effet de sortir d'une conception trop sacralisée du sacrement de l'ordre. Des douze disciples, un seul était au pied de la Croix alors que toutes les femmes étaient probablement présentes...
A contempler.

(1) cf. notamment Louis Bouyer, Mystère et Ministères de la femme, op. cit. p. 83sq
(2) voir mon livre éponyme.
(3) Gaudete et Exultate n. 7sq.

01 mai 2019

Liberté et Kénose 4

Quelles sont les conditions d'une vraie liberté en Christ. Faut-il renoncer à tout ? Tout est rien disait déjà la grande Thérèse...

Suivre le Christ.

Où demeure-tu ? 
«Il leur dit: Venez et vous verrez. Ils vinrent et virent où il demeurait; ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là. C'était environ la dixième heure.»
‭‭(Jean‬ ‭1:39‬)

Un texte qu'il faut mettre en regard avec Mat. 8 : «Jésus lui dit: Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a pas où poser sa tête.»
‭‭Matthieu‬ ‭8:20‬

"Renoncer à ce qui est propriété, à tout pouvoir, et même à toute habitation (Heimat) voire tout lieu (topos). L'Unheimlich [d'Edith Stein] vous déloge de toute topographie, comme le Christ qui refuse de considérer comme propriété son égalité avec le Père et le site de majesté qui lui est propre, mais - Kénose - il prend le topos du serviteur dans le site de l'humanité Être seul, être fidèle à Dieu : c'est, à sa mesure, l'expérience de la nuit, consentie dans la patience qui laisse tout grandir et mûrir devant Dieu. Nuit lumineuse et paisible que ne vient froisser nulle mélancolie (...)  nuit d'engendrement qui lui donne de percevoir le Christ comme bonheur ultime de tout le créé, (...) dans la paix inexprimable du sein du Père dans la gloire qu'il avait avant que le monde fut".(1)

Laisser être ce qui est comme il est, sans vouloir le produire, le fabriquer, sans s’en prétendre propriétaire (2).

Laisser être et espérer.

N’est-ce pas là la grâce de la liberté. Décentrement ET espérance.
“Ave Crux, spes unica” (Je te salue, oh Croix unique espérance).



(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 284
(2) p. 291

30 avril 2019

Le fruit inattendu du silence - Edith Stein - Amour est en toi - 33

Quel est le fruit du silence sur l'âme ? Faut-il, comme le suggère Edith Stein, « attendre avec patience l'heure qu'il a fixé ; cheminer dans l'obscurité comme nous conduit le souffle léger de l'Esprit, et, sans être vu d'aucun regard humain, cueillir les fleurs qui fleurissent au chemin(1) ». L'enjeu est cette présence fortuite et silencieuse qui tout d'un coup éclaire nos âmes à jamais :
 «  Un éclat de ciel reste dans l'âme 
Une profonde lueur reste dans les yeux,
Un flottement dans le son de la voix. »
Cette trace est cicatrice d'un lumineux rayon venu d'ailleurs –rayon de nuit -, qui éclaire chacun des instants présents que je vis comme émerveillement, dans la reconnaissance.(2)
Telle est le fruit inattendu d'une prière au désert, quand au-delà d'une sécheresse qui frise le désespoir, nous percevons dans un frisson inattendu qu'il était là mais qu'on le cherchait ailleurs.
« Nous ne pouvons que nous étonner, balbutier et nous taire »(2)
Où comme le fit Moïse retirer nos sandales car ici le voile se déchire et le buisson ardent illumine nos âmes.

« Centre de tous les cœurs humains
Qui nous prodigue la vie divine.
Il nous attire à lui avec une force mystérieuse ; 
En lui il nous attire dans le sein du Père
Et nous inonde avec le Saint-Esprit (3).

« Tu viens et tu t'en vas, mais reste la semence
Que tu semas pour ta gloire future
Cachée dans le corps de poussière ». (4)



« Nos paroles tremblent : à quelle justesse peut-elle prétendre, quelle vérité peuvent-elles revendiquer (...) sinon celle de la kénose de ce Dieu qui s'anéantit pour moi et en moi ? »

(1) Edith Stein, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 270.
(2) Edith Stein, ibid. p. 271.
(3) p. 272.
(4) 273.
(5) François Marxer, ibid. p. 275.

Au fil de Jean 3 - L’amour est en toi - Edith Stein

« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin qu'en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. » Jean 3, 15
La contemplation de la Croix et notre union spirituelle au Christ est l'unique chemin qui conduit à la vie. Seule la Croix nous décentre de nous mêmes et nous permet d'entrer dans cette Danse où nous devenons « tournés vers Dieu ». 


Écoutons sur ce thème Edith Stein : « Mon Seigneur et mon Dieu,
tu m'as guidée sur un long chemin obscur, pierreux et dur.
Mes forces semblaient souvent vouloir m'abandonner,
je n'espérais presque plus voir un jour la lumière.
Mon cœur se pétrifiait dans une souffrance profonde
quand la clarté d'une douce étoile se leva à mes yeux.
Fidèle, elle me guida et je la suivis
d'un pas d'abord timide, plus assuré ensuite.
(....)
Et ta bonté permet qu'elles m'éclairent dans mon chemin vers toi.
Le mystère qu'il me fallait garder caché au profond de mon cœur,
je peux désormais l'annoncer à haute voix :
Je crois, je confesse ma foi !
(...)
J'ai porté à la main le cierge dont la flamme annonce
qu'en moi brûle ta vie sainte.
Mon cœur est désormais devenu la crèche qui attend ta présence.
Pour peu de temps !
Marie, ta mère, qui est aussi la mienne, m'a donné son nom.
À minuit elle dépose en mon cœur son enfant nouveau-né.
Oh ! nul cœur humain ne peut concevoir
ce que tu prépares à ceux qui t'aiment (1 Co 2,9).
Tu es à moi désormais et jamais plus je ne te quitterai.
Où que puisse aller la route de ma vie, tu es auprès de moi.
Rien jamais ne pourra me séparer de ton amour (Rm 8,39).(1)

(1) Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith Stein], Poésie « Heilige Nacht » (trad. Malgré la nuit, Ad Solem 2002, p.21)