27 mai 2025

Fils de Dieu ? - L15


En route vers l’ascension et la Pentecôte 

Le baptême de Jésus, chez Luc, peut conduire à plusieurs considérations, qu’il faut analyser l’une après l’autre. 

« 03,21 Il advint, tandis que le peuple tout-entier a été baptisé, alors que Jésus a été baptisé et prie, que fut ouvert le ciel 03,22 et que descendit le souffle, le saint, à aspect corporel comme une colombe sur lui, et’qu'une voix issue du ciel advint : « Toi tu es mon fils, le bien-aimé, en toi j'ai bien discerné*. »

La première question soulevée par Aletti(1), porte sur la dénomination de « Fils de Dieu ». Était-il fils avant que Dieu le confirme par cette affirmation en forme de théophanie le jour de son baptême ? 

Visiblement plusieurs manuscrits laissent ouvrir ce doute. Et certains théologiens modernes reposent la question, en interpellant le mystère même de la véritable nature humaine du Christ. S’il est vrai homme, quand devient-il Dieu ? 

C’est peut-être au sein de notre foi dans le Fils unique qu’il faut trouver la réponse, pour rejoindre ce qu’affirme le credo.

Luc, déjà, dans les chapitres un à trois donne des traces de cette filiation, et sa généalogie, précise Aletti lui donne une double origine - divine car fils d’Adam et très humaine à la fois, quand les autres synoptiques, de leur côté, apportent d’autres interprétations. 

Laissons les exégètes statuer sur la réalité historique et posons-nous peut-être la question qui compte : quand devenons-nous fils ?

Que faisons-nous du don originel, de ce souffle donné par Dieu à l’origine qui nous lie à Dieu et que l’on ravive dans le baptême avant qu’il devienne lumière par un « feu » venu d’en haut ?

Comment le Christ, par son incarnation, est-il médiateur de cette transformation à laquelle nous nous préparons à la Pentecôte ?

En quoi l’ascension soulève notre regard ? 

La réponse est peut-être dans notre capacité à se laisser justement renouveler et transformer par l’Esprit, à entrer dans une dynamique filiale, celle dont rêve Dieu.  


En lien avec ce à quoi nous appelle Léon XIV relisons ce commentaire de saint Cyrille d’Alexandrie sur  le mystère de l'unité.

« Nous bénéficions d'une union même corporelle avec le Christ, nous qui participons à sa chair sacrée. Saint Paul en témoigne lorsqu'il dit à propos du mystère de la piété : « Ce mystère, Dieu ne l'avait pas fait connaître aux hommes des générations passées comme il l'a révélé maintenant par l'Esprit à ses saints apôtres et à ses prophètes. Ce mystère, c'est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ ».

Si nous formons tous entre nous un même corps dans le Christ, et non pas seulement entre nous, mais avec lui, puisque évidemment il est en nous par sa propre chair, comment donc notre unité entre nous et dans le Christ n'est-elle pas déjà visible ? Car le Christ est le lien de l'unité, étant en lui-même Dieu et homme.

Quant à l'unité dans l'Esprit, nous suivrons le même chemin et nous dirons encore qu'ayant tous reçu un seul et même Esprit, je veux dire l'Esprit Saint, nous sommes en quelque sorte mêlés intimement les uns avec les autres et avec Dieu. En effet, bien que nous soyons une multitude d'individus, et que le Christ fasse demeurer en chacun de nous l'Esprit de son Père qui est le sien, il n'y a cependant qu'un seul Esprit indivisible, qui rassemble en lui-même des esprits distincts les uns des autres du fait de leur existence individuelle, et qui les fait apparaître pour ainsi dire comme ayant tous une seule existence en lui.

De même que la vertu de la chair sacrée fait un seul corps de tous ceux en qui elle est venue, de la même manière, à mon avis, l'Esprit de Dieu un et indivisible qui nous habite nous conduit tous à l'unité spirituelle. C'est pourquoi saint Paul nous exhortait ainsi : Supportez-vous les uns les autres avec amour ; rassemblés dans la paix, ayez à cœur de garder l'unité dans un même Esprit, comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance. Il n'y a qu'un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, parmi tous, et en tous. Si l'unique Esprit habite en nous, le Dieu unique, Père de tous, sera en nous, et il conduira par son Fils à l'union mutuelle et à l'union avec lui tout ce qui participe de l'Esprit.

Que nous soyons unis au Saint-Esprit par une participation, cela aussi est visible, et voici comment. Si nous abandonnons une vie purement naturelle pour obéir une bonne fois aux lois de l'Esprit, ne sera-t-il pas évident pour tous qu'après avoir pour ainsi dire renoncé à notre vie propre, et réalisé l'union avec l'Esprit, nous avons obtenu une condition céleste, si bien que nous avons comme changé de nature ? Nous ne sommes plus seulement des hommes, mais en outre nous sommes des fils de Dieu, des hommes célestes, puisque nous sommes devenus participants de la nature divine.

Tous, nous sommes donc un seul être dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Un seul être, dis-je, dans une identité d'état, ~ un seul être dans un progrès conforme à la piété, par notre communion à la chair sacrée du Christ, par notre communion à l'unique Esprit Saint »(2).


Du baptême à la Pentecôte se joue une même dynamique qui dépasse l’historicité et la symbolique donnée par Luc à l’ascension. Il s’agit de notre attachement au « corps », à notre vie « en Christ »


* traduction Eric Regent originale annotée : https://evangiles-traduction-colle-au-grec-er.com

(1) Jean-Noël Aletti, L’Évangile selon saint Luc, Commentaire, Lessius, Bruxelles, 2022 p. 113

(2) Source : #Office_des_lectures d’aujourd’hui

Pour aller plus loin : voir mes travaux plus bas, mon dernier livre « Christ et lumière » https://www.kobo.com/fr/fr/ebook/christ-est-lumiere? et sur mon mur, la nouvelle web-série sur Luc dont c’est le 15eme billet.