15 septembre 2014

Stabat Mater - Saint Jean bouche d'or

Une lecture spirituelle qui a à peine vieillie :
      "Vois-tu cette victoire admirable ? Vois-tu les réussites de la croix ? Vais-je maintenant te dire quelque chose de plus admirable ? (...) la vierge, le bois et la mort, ces symboles de la défaite, sont devenus les symboles de la victoire. Au lieu d'Ève, Marie ; au lieu du bois de la connaissance du bien et du mal, le bois de la croix ; au lieu de la mort d'Adam, la mort du Christ. 
Tu vois que le démon a été vaincu par ce qui lui avait donné la victoire ? Avec l'arbre, il avait vaincu Adam ; avec la croix, le Christ a triomphé du démon. L'arbre envoyait en enfer, la croix en a fait revenir ceux qui y étaient descendus. En outre, l'arbre servit à cacher l'homme honteux de sa nudité, tandis que la croix a élevé aux yeux de tous un homme nu, mais vainqueur...  
Voilà le prodige que la croix a réalisé en notre faveur : la croix, c'est le trophée dressé contre les démons, l'épée tirée contre le péché, l'épée dont le Christ a transpercé le serpent. La croix, c'est la volonté du Père, la gloire du Fils unique, la joie du Saint Esprit, la splendeur des anges, l'assurance de l'Église, l'orgueil de saint Paul (Ga 6,14), le rempart des élus, la lumière du monde entier.*"


* Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église. Sermon sur le mot « cimetière » et la croix pour le Vendredi Saint, 2 ; PG 49, 396 (trad. bréviaire mémoire BVM) source www.evangileauquotidien.org
** Sur le même thème, mon premier livre, écrit en 1996 et resté inédit "Le troisième arbre" :-)

14 septembre 2014

Révélation - I

Comment Dieu se révèle t il à l'homme ?

Je pense que la réponse classique nous parlerait de l'enfant Dieu, reprenant à la suite de l'évangile de Luc, cette vision qui a enchanté près de 20 siècles de civilisation. 

On aurait probablement tort de balayer d'un geste  ce que Luc nous révèle,  dans une étonnante lecture arrière et spirituelle de ce qu'il a lui même découvert dans la Croix et la résurrection.  

Mais il semble pourtant qu'en cette aube du XXIème siècle,  il faille revenir plutôt sur ce qui apparaît derrière le voile du temple. Dans "la voix d'un fin silence"*, j'ai longuement analysé les différentes théophanies,  ces révélations successives de Dieu dans l'histoire du peuple juif. 
Je me suis notamment longuement arrêté sur deux textes clés : 1 Rois 19 et Ex 33 et 34. Mais ce que l'Ancien Testament révèle n'est finalement qu'une introduction apéritive à ce que Dieu masquait encore derrière le voile. 

Ce qui apparaît derrière le rideau déchiré du Temple, se réduit à l'impensable,  à l'inattendu.  

En ce jour où l'on célèbre la Croix glorieuse,  je pense que ce que l'on peut dire sur la révélation ne peut passer outre l'ultime silence de Dieu, celui qui révèle ce qu’Élie  et Moïse cherchaient au désert.  La seule révélation qu'il nous est donné de contempler, c'est la Croix. Écoutons ce qu'en dit Édith Stein :   "Qu'est-ce que la croix ? Le signe qui indique le ciel. Bien au-dessus de la poussière et des brumes d'ici-bas elle se dresse haut, jusqu'en la pure lumière. Abandonne donc ce que les hommes peuvent prendre, ouvre les mains, serre-toi contre la croix : elle te porte alors jusqu'en la lumière éternelle. Lève les yeux vers la croix : elle étend ses poutres à la manière d'un homme qui ouvre les bras pour accueillir le monde entier. Venez tous, vous qui peinez sous le poids du fardeau (Mt 11,28) et vous aussi qui n'avez qu'un cri, sur la croix avec Lui. Elle est l'image du Dieu qui, crucifié, devint livide. Elle s'élève de la terre jusqu'au ciel, comme Celui qui est monté au ciel et voudrait nous y emporter tous ensemble avec Lui. Enlace seulement la croix, et tu le possèdes, Lui, le Chemin, la Vérité, la Vie (Jn 14,6). Si tu portes ta croix, c'est elle qui te portera, elle te sera béatitude.**


** Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith Stein] (1891-1942), carmélite, martyre, co-patronne de l'Europe, Poésie « Signum Crucis », 16/11/1937 (trad. Malgré la nuit, Ad Solem 2002, p. 65) Source : Evangile au quotidien.org

12 septembre 2014

Diaconie et pouvoir, suite - Congar


Écoutons encore Congar sur ce point :

 "Évidemment, la tentation est grande d'oublier cette royauté spirituelle, située tout entière dans la sagesse de la croix de céder à la sagesse du siècle; de chercher et de mettre en œuvre une pure puissance de domination. Les hommes d'Église ont parfois cédé à cette tentation, en particulier au temps du moyen âge finissant, où l'on constate si souvent un retrait du pastoral devant la prélature et, chez les prélats, du prêtre devant le maître ou le seigneur."

Il poursuit :
"Sans cesse Dieu a suscité dans son Église des hommes qui agissent sur les autres par un engagement de service et d'amour allant jusqu'au sacrifice de soi. Ne les voit-on pas se multiplier, remplir un rôle plus décisif au moment, précisément, où les hommes d'Église sont davantage inspirés par un goût de puissance séculière : sainte Catherine de Sienne († 1380), sainte Jeanne d'Arc († 1431), saint Bernardin de Sienne († 1444), saint Nicolas de Flue († 1487) quatre saints dont trois furent des laïcs, et deux des femmes. Ils nous montrent, réalisée dans la sainteté et le génie, la royauté spirituelle du chrétien et comment on domine et conduit les hommes en prenant sur soi le fardeau de leurs péchés et de leurs peines, par un amour humble et servant qui va, le cas échéant, jusqu'au sacrifice de soi*."

Sans commentaires

* Source : Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, op. cit. p. 322 

11 septembre 2014

L'amphore et le fleuve - Suite

En ce jour où l’Évangile nous parle de débordement, je repense à ce don de Dieu, si débordant qui nous envahit et donne la joie...
Jean Luc Marion, dans Etant Donné, parle d'un donateur qui s'efface.
A contempler...

Sur le même thème.

06 septembre 2014

Vanité et distractions

Je vous livre cet extrait parce qu'il résume un peu ma vie de pécheur et m'interpelle :

"Nous avons un tel amoncellement d'attentions, de distractions, de penchants, de désirs, de vanités, de présomptions, nous avons tellement de monde en nous, que Dieu s'éloigne".



Saint Raphaël Arnaiz Baron (1911-1938), moine trappiste espagnol
Écrits spirituels, 25/01/1937 (trad. Cerf 2008, p. 307)

05 septembre 2014

L'amour n'est pas naturel

"L'amour n'est pas naturel (...) c'est une leçon d'humanité (...) que nous avons à apprendre de Dieu en comprenant qu'il est la source de l'amour qui est en nous. L'amour n'est vraiment pas naturel, surtout quand il exige de passer par la croix, de se faire le serviteur des autres, de n'importe qui.*"

Cette citation renvoie pour moi à ce que l'un de mes amis prêtres a considéré comme "osé" ; le titre de mon livre : "A genoux devant l'homme". Que le fils de Dieu s'agenouille devant l'homme, est-il seulement osé ? Il me semble que c'est la clé de voûte de l'ensemble.

!* J Moingt, l’Évangile sauvera l'Église, op. cit. p. 254

04 septembre 2014

Les deux églises, suite et fin

En fait, je crois que ce qui motivait au départ cette distinction était encore une fois une motivation pastorale. Affirmer la sainteté de l'Eglise est un acte de foi dans le travail de l'Esprit
Affirmer qu'elle est faite de pécheurs c'est reconnaître humblement qu'il reste du travail à faire, ce qui est, soit dit en passant, aussi la définition d'un saint : celui qui ne cesse de reconnaître que sans Dieu il n'est rien.

En attendant, écoutons Paul : "Nous sommes les collaborateurs de Dieu, et vous êtes le champ de Dieu, vous êtes la maison que Dieu construit."  1 Corinthiens 3, 9

03 septembre 2014

Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église

En complément de mes réflexions sur les deux églises (cf. post précédents), je tombe sur ce texte de Newman, qu'il faut entendre aussi. "Le ministère de Pierre demeure toujours dans l'Église…en la personne de ceux qui lui ont succédé (...). Si les promesses faites aux apôtres par le Christ ne s'accomplissent pas dans l'Église tout au long de sa durée, comment l'efficacité des sacrements s'étendrait-elle au-delà de l'âge de ses débuts ?"

On est là dans une considération qu'il ne faut pas nier. Cela rejoint ce que dit notre Pape. Seul l'Esprit donne à l'Eglise sa raison d'être.


Source : John Henry Newman, Texte complet sur Evangileauquotidien.org : Sermon « The Christian Ministry », PPS, vol. 2, n°25


27 août 2014

Les deux églises - 2

Le sujet reste complexe. Notre pape François s'est inquiété de la même façon sur ce thème :
"Dans quel sens l'Église est-elle sainte, quand on voit que l'Église historique, dans son chemin tout au long des siècles, a connu tant de difficultés, de problèmes, de périodes sombres ? Comment une Église constituée d'êtres humains, de pécheurs, peut-elle être sainte ? Une Église faite d'hommes pécheurs, de femmes pécheresses, de prêtres pécheurs, de religieuses pécheresses, d'évêques pécheurs, de cardinaux pécheurs, d'un pape pécheur ? Tous. Comment une telle Église peut-elle être sainte ?
      Pour répondre à cette question, je voudrais me laisser guider par un passage de la lettre de saint Paul aux chrétiens d'Éphèse. L'apôtre, en prenant comme exemple les relations familiales, affirme que « le Christ a aimé l'Église : il s'est livré pour elle, afin de la sanctifier » (5,25s). Le Christ a aimé l'Église, en se donnant tout entier sur la croix. Cela signifie que l'Église est sainte parce qu'elle procède de Dieu qui est saint. Il lui est fidèle ; il ne l'abandonne pas au pouvoir de la mort et du mal (Mt 16,18). Elle est sainte parce que Jésus Christ, le Saint de Dieu (Mc 1,24), est uni à elle de façon indissoluble (Mt 28,20). Elle est sainte parce qu'elle est guidée par l'Esprit Saint qui purifie, transforme, renouvelle. Elle n'est pas sainte du fait de nos mérites, mais parce que Dieu la rend sainte.*".

Je ne pense pas être loin, dans mon post précédent de cette conclusion.

* Audience générale du 02/10/2013 (trad.  © copyright Libreria Editrice Vaticana) ‎

23 août 2014

Les deux églises

Dans un compte rendu paroissial, j'ai osé un jour parler de l'Église pécheresse, un  concept que je tiens de J. Moltman et de H. Kung. Un ami diacre a eu la gentillesse de corriger mon texte et de parler d'hommes pécheurs.
Depuis cette idée me travaille. Je conçois que le terme peut choquer une brebis sans berger. Et pourtant le péché de l'institution en tant que corps constitué est possible, probablement par qu'il est le fruit de dérives et d'aveuglements personnels. Et je ne parle pas seulement de l'inquisition. De tristes histoires nous le rappelle encore dans l'actualité. En cela la demande de pardon de Jean-Paul II avait du sens.
En fait, je crois qu'on peut dire qu'il y a deux églises en parallèle, de même que se côtoient en nous le bien et le mal. J'ai visité à Zagreb en Croatie une église dans lequel une barque est traversée d'une marque blanche en son milieu en souvenir des guerres fratricides qui ont marqué ce peuple.
Ce qui compte n'est pas l'Église visible, mais cette Église invisible que Dieu seul connaît, nourrit, habite et fait grandir. Cette Église sainte est celle que constituent tout ce bien qui, en nous, vient de Dieu, corps du Christ en marche.
L'autre Eglise, la visible, est parfois aussi très belle. Et dans nos efforts pour la rendre plus catholique (universelle) et
"diaconale" c'est à dire au service de tous les hommes‎, nous parvenons doucement à faire converger les deux. Quand je dis nous, c'est un peu prétentieux. Disons plutôt que l'Esprit en nous y veille.
Parler de deux églises est néanmoins osé. Il serait peut être plus sage de reprendre le mot souvent utilisé dans ce blogue de tension.
Sur un thème voisin, p. 217 de ESE*, J. Moingt décrit à sa manière cette tension entre des communautés ecclésiales qui cherche à vivre une diaconie horizontale et une structure verticale nécessaire qui ordonne et rassemble. Mais dire cela, à ce stade serait aller trop loin. La réalité, c'est que les deux pôles sont nécessaires, un peu comme Marthe et Marie se complètent.

* J. Moingt op. Cit.
Photo : C.HD (DR) , Eglise de Saint Lubin de Cravant. Pas très droite, mais si fragile...


Sur le même thème : "Cette Église que je cherche à aimer."

21 août 2014

Présence réelle

Un thème nouveau apporté par J. Moingt dans son livre est l'invitation à faire "des célébrations domestiques" dans le cadre de communauté en absence de prêtre. Cette vision presque futuriste mais pas dénouée de bon sens conduit un de ses auditeurs à poser la question de la réalité d'une présence réelle dans un pain partagé dans ce cadre.
La réponse qui rejoint une discussion familiale récente un peu houleuse, m'inspire ce commentaire.
J. Moingt note, et je le rejoins là dessus que "C'est par la foi que nous recevons le corps du Christ dans le partage du pain.*"
Cela ne nie pas la présence réelle dans le pain eucharistique, mais évite pour moi d'y attacher une importance démesurée. Non que l'adoration eucharistique soit un mauvais moyen de faire oraison (je la pratique aussi), mais parce que nous oublions souvent qu'en partageant le pain, nous devenons "temple du Seigneur". Alors, la place de l'eucharistie est à la fois le sommet et le départ d'une responsabilité qui nous incombe, devenir le signe visible d'une réalité aimante et pourtant cachée, celle du Christ qui "par nos mains**" rayonne de son amour.
Si nous comprenons cela, la présence réelle ne peut suffire. L'enjeu est ailleurs, dans nos vies, dans nos manières d'exercer la diaconie.
Cela dit, Teilhard, dans un beau texte nommé "la Custode" nous invite à contempler cette indicible présence qui nous échappe. On croit la tenir, dit-il en substance, et pourtant, "elle nous échappe toujours". C'est une leçon d'humilité. Nous ne sommes qu'une pâle image de cette présence. En cela, l'eucharistie devient pour nous une nourriture à renouveler.  Elle pourrait être unique, mais reste pour nous une manne, tant nous sommes incapables souvent de conserver en "notre temple" ce don. En attendant cette eau qui comblera toute soif (cf. Jn 4)

* op. cit. p. 161
** Le "par nos mains" est discutable théologiquement. A-t-il besoin de nous ? Je pense que nous sommes invités à participer à sa révélation. Deux auteurs très différents que je cite de mémoire me font penser à cela :
1. Ignace d'Antioche dans sa lettre aux Romains : " Je suis le froment de Dieu"
2. Etty Hillesum : "Je vais t'aider à ne pas t'éteindre en moi. Une chose m'apparaît plus claire, ce n'est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t'aider, et ce faisant, nous nous aidons nous même." in, Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerbrock, Seuil 1995", p. 175

20 août 2014

Le processus d'émancipation de l'homme

Commentant ce qu'on appelle la sécularisation, c'est à dire cette désaffection de nos églises, J. Moingt cite Bonhoeffer en écrivant : "C'est peut être le plan de Dieu de vouloir que l'homme s'émancipe même à son égard.*"

Cette phrase et le passage qui suit souligne le lent processus qui depuis les Lumières conduit notre société à s'affranchir de la religion comme rite et autorité sur les coeurs. Ce qui m'intéresse dans l'approche de Moingt, c'est qu'il regarde tout cela d'un oeil positif, distinguant une religion qui nous met sous la coupe d'une autorité morale coercitive du mouvement intérieur qui cherche à faire de l'homme un être responsable de ses actes, libre devant Dieu.

Bien sûr, beaucoup trouverons qu'il y a là recul. Ce qui m'intéresse, c'est pourtant que cette liberté est un choix qui fait grandir. Déjà, dans le texte de lundi (Mat 19, 21), on lisait ce "Si tu veux" chez Matthieu, commenté ainsi par Clément d'Alexandrie : " Ce mot « si tu veux » montre admirablement la liberté du jeune homme ; il ne tient qu’à lui de choisir, il est maître de sa décision. Mais c’est Dieu qui donne, parce qu’il est le Seigneur. Il donne à tous ceux qui désirent et y emploient toute leur ardeur et prient, afin que le salut soit leur propre choix. Ennemi de la violence, Dieu ne contraint personne, mais il tend la grâce à ceux qui la cherchent, l’offre à ceux qui la demandent, ouvre à ceux qui frappent (Mt 7,7).**"

L'homme peut dépasser la morale imposée pour faire le choix de Jésus. Un choix que Lévinas décrit comme an-arche : avant tout commandement. Un choix qui est la réponse à l'appel de Dieu à tout homme, à cet "Où es tu ?" de Gn 3, posé au jardin après la chute.

Je suis là. Je réponds à ton amour par l'amour.

La vraie liberté est celle de l'homme qui devient écoutant et réponds ce "Me voici" ! non parce qu'on lui dit de répondre, mais parce qu'il a en lui un désir, qu'il est à l'écoute de ce que Blondel appelle la "crypte intérieure" ou de ce que Rahner appelle l'attention à l'autocommunication de Dieu.

Bien sûr, ce choix personnel a ses limites. Mais c'est le début d'un acte de foi qui permettra ensuite de prendre conscience que la Parole de Dieu mérite d'être partagée, vécu en communion et nourrie par l'eucharistie. En respectant la liberté de l'homme, on l'ouvre à la découverte d'une foi partagée.

* Joseph Moingt, L'évangile sauvera l'Eglise, op. cit. p. 131
** Source : http://levangileauquotidien.org/M/FR/

19 août 2014

Diaconie VII - Philanthropie de Dieu et diaconie de l'Église


Le message à porter au monde nous dit Moingt* est la "révélation de la philanthropie de Dieu ". Un message, précise-t-il qu'il faut plutôt mettre en "oeuvre et en image, en paraboles comme le faisait Jésus". N'est ce pas la encore un appel à la diaconie et au service.

Je citais dans mon post précédent un extrait des notes de Congar au Concile. On trouve plus loin, dans le même livre une phrase qui m'a aussi marqué : "Dieu m’a amené à la servir et à servir les hommes à partir de lui et pour lui, surtout par la voie des idées. J’ai été amené à une vie solitaire, très vouée à la parole et au papier. C’est ma part dans le plan d’amour. Mais je veux m’y engager aussi de cœur et de vie et que ce service d’idées lui même soit un service des hommes."

Servir l'humain... Quel que soit soit sa forme, sa visibilité, l'essentiel est peut être l'essentiel en ce qu'il rayonne à sa manière de la philanthropie de Dieu.

N'est-ce pas d'ailleurs ce que le monde retient de plus beau à travers les gestes désintéressés des Soeurs Téresa, Emmanuelle ou d'un abbé Pierre ou Ceyras comme d'un Jean Vannier. Si ce service de l'humain est le seul message qui passe, n'est-ce pas en sa manière d'être "à genoux devant l'homme".

Poursuivons avec Congar : "Quand on regarde vivre l'Église, (...) ce qu'elle est et porte en elle (...) Il y a là, de sa part, dans les formes mineures au moins de son sacerdoce, de son prophétisme, l'exercice d'une forme de royauté, non d'autorité et de puissance — elle ne l'a pas — mais d'influence et de service, qui répond à sa véritable situation par rapport au monde. Car on peut dire qu'elle en a la responsabilité (...)". Le dominicain cite à ce sujet précise que "l'Eglise a [notamment] dans ce cadre véritablement le nom de semence ou cellule germinale du Royaume qu'aiment à lui donner en particulier les théologiens de langue allemande (Keimzelle)****".

Ce que saint Justin appellait les spermatikos logos ne sont-ils pas ces germes d'amour qui en scintillant de l'amour humain véritable deviennent signes de la philanthropie de Dieu.

* J. Moingt, L'Évangile sauvera l'Église, op. cit p. 121
** Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, op. cit. p. 384
*** Yves Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, Cerf 1953, p. 133
**** ibid. p. 134 et sa note où il cite le livre de H. André, Die Kirche als Keimzelle der Weltgöttlichung (Leipzig, 1920)

18 août 2014

Diaconie VI - Congar - Un nouvel enjeu du laïcat


A la suite des réflexions issues de la CTI, que peut-on ajouter ? Il faut probablement chercher chez Congar les grandes intuitions du dominicain. On notera ainsi, dans ses notes prises pendant le concile, son rêve de "l'existence d’un plein laïcat" qu'il définit comme une "présence de l'Église, non par mode d’autorité cléricale mais par mode prophétique de l’humain*."

En quoi l'humain peut-il être prophétique, ci ce n'est justement dans sa manière d'être serviteur et comme le titre de mon livre le suggère : "A genoux devant l'homme" ? Le lavement des pieds pratiqué par exemple par l'Arche où chacun lave les pieds de son voisin est alors symbole efficace de cette attitude prophétique d'une diaconie qui envahit l'église. La présence de l'Arche à Dakionia était à ce titre tout à fait justifiée et je dirais "sacramentelle". 


* Source : Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, p. 157

17 août 2014

Moingt VII - Rite et prière

Mes propos sur le primat de la charité sur le rite doivent être d'autant plus tempérés par une réflexion approfondie sur le sens même de la liturgie et au fond de l'acte commun sur notre propre lien avec la prière.  J. Moingt nous aide sur ce plan en insistant sur la prière non pas vue comme un rite mais comme, plus fondamentalement, comme une "interrogation de l'homme sur lui-même,  (...) une recherche du sens, (...) une respiration de l'âme*". 
Vue sous cet angle essentiel, la notion sous-jacente de tension entre liturgie et charité s'entend comme une danse entre amour et prière,  entre action et contemplation,  entre les pas de Marthe et ceux de Marie...

J. Moingt,  op. Cit, p. 99