09 octobre 2014

Divorcés remariés - Synode sur la famille - "Le Vieil Homme et la Perle", Extrait 1

A l'heure où Rome travaille, j'ose vous dévoiler un extrait de mon livre, "le vieil homme et la perle", l'histoire d'un vieux prêtre qui cherche des chemins de pastorale.

"En s’approchant de la chapelle, il aperçut, une trentaine de personnes, dont plusieurs cadres, travaillant dans le quartier, quelques paroissiens « locaux » et au dernier rang, Sophie et Jean-Marie. Alors il n’hésita plus…
Après le psaume, il s’avança vers l’ambon et lut de sa voix grave :
Évangile selon saint Jean, au chapitre 8 :
« Les Scribes et les Pharisiens lui amenèrent une femme surprise en adultère, et l'ayant fait avancer, ils dirent à Jésus : "Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère." Or Moïse, dans la Loi, nous a ordonné de lapider de telles personnes. Vous, donc, que dites-vous ? C'était pour l'éprouver qu'ils l'interrogeaient ainsi, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus, s'étant baissé, écrivait sur la terre avec le doigt. Comme ils continuaient à l'interroger, il se releva et leur dit :" Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre." Et s'étant baissé de nouveau, il écrivait sur la terre. Ayant entendu cette parole, et se sentant repris par leur conscience, ils se retirèrent les uns après les autres, les plus âgés d'abord, puis tous les autres, de sorte que Jésus resta seul avec la femme qui était au milieu. Alors Jésus s'étant relevé, et ne voyant plus que la femme, lui dit : "Femme, où sont ceux qui t’accusent ? Est-ce que personne ne t’a condamnée ? Elle répondit : "Personne, Seigneur" ; Jésus lui dit "Je ne te condamne pas non plus. Va, et ne pèche plus." »
Gilbert laissa un long silence s’établir après la lecture, puis, prenant l’ambon à pleine main, il leva les yeux vers l’assemblée et dit :
 "Ils se retirèrent, les uns après les autres, à commencer par les plus vieux". Mes frères, il y a deux façons de lire ce texte. On peut s’arrêter sur le « va, et ne pèche plus » et refaire une fois encore une apologie de la morale. On peut aussi s’interroger, intérieurement sur le sens des gestes et des paroles de Jésus. Si l’on observe bien les mouvements du Christ, il est assis, puis il s’abaisse, par deux fois, se met à la hauteur de la jeune femme, et ce faisant, se rend plus proche d’elle que des « docteurs de la loi », qui eux, restent debout. On sent là comme une présence qui me rappelle le désir d’intimité de Dieu avec l’homme et cet agenouillement que nous célébrerons dans quelques jours, le soir du jeudi saint. Si Jésus s’abaisse peut-on rester, nous aussi, debout ? Dans quelques temps, nous allons, ensemble, célébrer l’eucharistie, invoquer l’Esprit pour qu’Il habite le pain et le vin. Mais je vous le demande,  sommes-nous à la hauteur de ce qui va se jouer sur cette table ? Plus encore, si Jésus s’abaisse devant la femme, peut-on rester debout ? Je vous propose, aujourd’hui, un geste de solidarité particulier. Il y a, parmi vous, dans cette assemblée, des personnes qui, du fait de leur remariage, n’ont pas accès à la sainte eucharistie. Sommes-nous plus dignes qu’eux ? Je ne peux juger dans vos cœurs. Pourtant je vais faire quelque chose que je n’ai jamais encore fait. Peut-être que ce sera un acte limite, au sens du rite catholique, mais je me propose, je vous propose, de ne pas communier, de vous contenter de venir, comme eux, demander la bénédiction de Dieu. Étant l’un des plus âgés, dans cette église, je me sens le devoir de montrer le chemin. Si certains d’entre vous désirent s’unir au Christ, je ne peux le leur refuser. Pourtant, je vous le demande, sommes-nous dignes de porter le Christ, d’être temple de son corps ?
Il s’assit… Laissant résonner dans la petite chapelle, le sens de ce qu’il venait de prononcer… Avait-il tort ? Il n’osait croiser le regard de certains paroissiens. Peut-être que cela serait rapporté au curé, amplifié, déformé. Après tout, il avait parlé avec son cœur.
Quand vint le moment de la communion, il fut surpris de voir Jean-Marie et Sophie s’avancer vers l’autel, jusqu’à ce qu’il aperçoive leurs bras croisés. En signant le front de Sophie, il vit que des larmes baignaient ses joues. Elle avait, pourtant, quand elle lui fit face, un large sourire. Jean-Marie était plus discret. Pourtant, en croisant son regard, il lut une profonde gratitude. Derrière eux, tous les paroissiens se présentèrent à lui. Malgré l’hostie qu’il tenait prête, aucun, ce jour-là, n’osa communier. Au fond de son cœur, il rendit grâce à Dieu…"

Les lecteurs de ce blog y retrouveront la théologie qui sous-tend mes autres ouvrages et notamment cette lecture particulière de Jean, développée dans  "A genoux devant l'homme".

Jésus un juif laïc


Après une étude qui doit en fâcher certains sur les origines du Christ, John P. Meier enchaîne sur la question " Jésus était-il marié ?" et conclut contre Phipps que cette thèse est sans fondement. On a eu chaud. Cela donne une vision très "sitz im Leben" de l'histoire des eunuques pour le royaume de Matthieu. Ce que le laïc que je suis ne peux s'empêcher de souligner c'est que Jésus était le premier laïc de l'église... laïc célibataire certes.
Comme quoi il faut de tout pour faire avancer le royaume.

Il est d'ailleurs intéressant de noter p. 220 que notre habitude de considérer Jésus comme prêtre est un hapax (seule mention du NT) qui nous vient d'un texte tardif, en l'occurrence Hébreux 7, mais que l'auteur de l'épître précise en 8, 4 que s'il était sur terre, il ne serait même pas prêtre. Autant pour ceux qui s'attachent peut-être trop à un ritualisme sous couvert d'imitation christique. On rejoint ici des propos croisés chez Moingt sur cette église non ritualiste des premiers temps.


Dois-je rappeler ici mes conclusions sur la diaconie reprise en bonus dans Chemins d'Eglise.
Le chemin pastoral adéquat n'est peut être pas celui qui passe par l'absolutisme des rites. Mais celui qui met ceux ci éventuellement au service de tous nos chemins d'humanité vers une communion véritable.

Contempler le chemin laïc du Christ montre qu'il n'a jamais passé par une stricte obéissance aux rites au grand dam des Pharisiens. Il a toujours mis la charité au premier plan.

07 octobre 2014

Les deux églises - suite IV

Pour compléter ma petite série sur les 2 églises, je tombe sur un texte de Gaudium et Spes qui va dans le même sens. Peut-on sentir la patte de Congar derrière ?

"elle se compose de membres de la cité terrestre qui sont appelés à former, déjà au sein de l'histoire humaine, la famille des enfants de Dieu, qui doit croître sans cesse jusqu'à la venue du Seigneur… À la fois « assemblée visible et communauté spirituelle » (LG 8), l'Église fait route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et pour ainsi dire l'âme de la société humaine destinée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu.

Cette compénétration de la cité terrestre et de la cité céleste ne peut être perçue que par la foi ; bien plus, elle demeure le mystère de l'histoire humaine, qui est troublée par le péché jusqu'à la pleine révélation de la gloire des enfants de Dieu (Rm 8,18s). L'Église, en poursuivant sa fin propre, le salut, ne fait pas seulement que l'homme communie à la vie divine. Elle répand aussi sa lumière en la faisant rejaillir d'une certaine façon sur le monde entier, surtout du fait qu'elle rétablit et ennoblit la dignité de la personne humaine, qu'elle fortifie la cohésion de la société humaine, et qu'elle donne à l'activité quotidienne des hommes une orientation et une signification plus profondes. Ainsi, par chacun de ses membres et par toute la communauté qu'elle forme, l'Église croit pouvoir contribuer largement à ce que la famille des hommes et son histoire deviennent plus humaines…"

Gaudium et Spes 40 et 45

03 octobre 2014

Chemin d'Eglise, une lecture pastorale des Actes

Après "Chemins de miséricorde, une lecture cursive de l’Évangile de Luc", je vous fait part de la parution de "Chemins d'Eglise, une lecture "pastorale" des Actes des apôtres", complétée par quelques propos tenus récemment sur ce blog.

Après la lente contemplation de l’Évangile, il nous a paru intéressant de continuer sur la lancée. Un voyage au long cours, où abandonne l’explication de texte pour entrer en résonance et en contemplation avec le récit.
Ici, nous poursuivrons dans cet axe qui se veut plus « pastoral » et « spirituel » que théologique ou exégétique. Comment, 2.000 ans plus tard, pouvons-nous réagir à l’histoire de l’arrivée de l’Esprit sur des hommes peu préparés et un peu désarçonnés par la résurrection de leur compagnon ? Quels écueils et quelles leçons pour notre monde ? Voici les questions de fond qui habitent cette recherche.

Ce livre est disponible gratuitement au format e-pub sous le lien suivant. Il est aussi disponible à prix "réduit" sur le lien suivant et  sur Amazon/Kindle.

Du même auteur, une lecture de Marc, publiée en 1999, maintenant sous e-pub.

Modification du 3 octobre : Une nouvelle version est en ligne intrégrant le début d'une lecture des
premières lettres de Paul et notamment Philippiens...

28 septembre 2014

Rémission des péchés - Sacrifice du Christ, II


Mon ami continue : "Pourquoi la mort du Christ était-t-elle un préalable à la rémission de nos péchés  ?".

Voici ma réponse :

Le premier constat est que nous sommes tous blessés et donc que nous avons une "adhérence" au mal, que l'Eglise nomme péché, mais je n'aime pas le terme désuet. Cette adhérence ne peut être guérie que par la quête d'une voie meilleure. En nous montrant le chemin de l'amour, le Christ nous rend libre et cette libération est ce que l'on appelle bien maladroitement la rémission du péché. Prends le temps de méditer l'histoire du paralytique (Mat 9,1ss) qui est un peu notre histoire à tous. Son adhérence le cloue sur son lit. Jésus lui redonne le chemin pour marcher, loin d'une culpabilité maladive. Lève toi et marche. Sors de tes passions mortifères, laisse toi porter vers l'amour.‎ C'est le message de ce texte.

L'ancien testament est du même ordre. C'est le récit des adhérences multiples des hommes au mal, de leurs violences. Un regard qui prend de la distance sur le texte voit ce chemin. Il comprend les erreurs, les fausses idées de Dieu qu'il véhicule et perçoit que la révélation n'est accessible que dans le déchirement du voile. Or ce dernier n'apparaît qu'en Marc 15, 38 quand le voile laisse place à la Croix, le signe d'un Dieu qui aime l'homme jusqu'à en mourir.

Tu me dis que l'on devrait plus expliquer tout cela. Tu as raison.
Longtemps l'église à considéré que les laïcs n'avaient pas les moyens de comprendre. Il est temps que nous nous prenions en main pour démystifier ce qui reste désuet et chercher l'essentiel, ce que Balthasar appelle un "retour au centre" : Jésus Christ.

27 septembre 2014

Pour une lecture historico-critique, J.P. Meier, vol.1 - IV

A l'heure des Lumières et d'une foi qui ne peut ignorer le travail de la raison, je rejoins la tentative de Meier d'approfondir sa recherche historico-critique du Jésus historique*. On peut plus valablement se contenter d'une lecture acrobatique de l'écriture qui passerait au-dessus des nombreuses contradictions des textes sans s'intéresser à leur genèse, à la manière dont chaque auteur à conçu et travaillé ce que l'on peut appeler fort justement une lecture spirituelle, théologique ou pastorale du fait Jésus.

Depuis que j'ai entrepris  une lecture pastorale du NT, ce travail me semble essentiel.

* Cf. J.P. Meier, op. Cit p. 119ss

Sacrifice du Christ - I

Un ami me pose cette question : "Le Père a-t-il exigé ce sacrifice d’une cruauté inouïe, de son fils, pour racheter nos péchés ?"
Je vous livre ma tentative de réponse.


L'erreur est de considérer Dieu comme un sadique qui veut la mort de son Fils.
La solution est de voir Dieu comme aimant le monde et voulant apporter une réponse à la violence
en faisant un choc : la mort de l'innocent qui révèle au monde sa folie.
Il n'a d'ailleurs pas voulu, en soi la mort du Fils, il a envoyé le Fils faire le choix libre d'aller jusqu'au
bout de ce que représente la mort.

C'est notamment la thèse de René Girard dans "Des choses cachées depuis la fondation du monde".

Voici un extrait de ce que j'écris dans "Mort pour nous"... page 17
" «[Christ] est solidaire de notre souffrance »… Ce qui se révèle dans le vide et dans le cri partagé de l’homme et de Dieu, c’est un Christ qui n’est pas loin de nous mais solidaire, marcheur à nos côtés, souffrant plus voire autant que nous… Homme pleinement homme. "
Je poursuis, page 26 : "J. Moltmann, un théologien protestant allemand a ainsi voulu insister sur le fait que souvent nous avions une vision de la croix du côté des persécuteurs, de ceux qui font violence et pour qui la croix interpelle le sens de leurs actes, leur montre le non sens de la puissance et les conduit à la conversion. Il souligne à l’inverse, dans Le Dieu crucifié, le côté des souffrants, ceux qui comme ceux que nous évoquions plus haut sont à jamais marqués par la violence et la mort subie et pour qui la passion est plus qu’ailleurs un être-avec de Dieu. Dans la souffrance de Jésus, résonne alors une proximité extraordinaire, à l’image de celle qu’il évoque à travers un texte d’Elie Wiesel sur les camps de la mort. Ecoutons son propos, tiré d’une conférence récente donnée à Paris.
« Comment prier et parler de Dieu ‘après Auschwitz’ ? L’athéisme est-il la solution ? Est-ce que Dieu est ‘mort’ après Auschwitz ? Ou bien est-ce que beaucoup ont perdu leur confiance en Dieu après ce crime et le silence du ciel ? Je trouvai de l’aide dans le livre d’Elie Wiesel sur ses expériences à Auschwitz, intitulé Nuit :
« Trois condamnés enchainés – et parmi eux, le petit serviteur [pipel], l’ange aux yeux tristes. [...] Tous les yeux étaient fixés sur l’enfant. Il était livide, presque calme, se mordant les lèvres. L’ombre de la potence le recouvrait. [...] Les trois cous furent introduits en même temps dans les nœuds coulants. Vive la liberté ! crièrent les deux adultes. Le petit, lui, se taisait.
Où est le Bon Dieu, où est-il ? demande quelqu’un derrière moi. Sur un signe du chef de camp, les trois chaises basculèrent. [...] Les deux adultes ne vivaient plus. Leur langue pendait, grossie, bleutée. Mais la troisième corde n’était pas immobile : si léger, l’enfant vivait encore. [...]
Derrière moi, j’entendis le même homme demander :
Où donc est Dieu ?
Et je sentais en moi une voix qui lui répondait :
Où il est ? Le voici – il est pendu ici, à cette potence ...
Ce soir-là, la soupe avait un goût de cadavre. »
Est-ce que c’est une réponse ? Dieu souffrit-t-il avec les victimes d’Auschwitz ? Est-ce que Dieu n’était pas dans le ciel lointain, mais présent dans les chambres à gaz ? Est-ce que Dieu était pendu là au gibet ? J’eus l’impression que toute autre réponse serait hors de propos. Il ne peut pas y avoir d’autres réponses. Parler à ce moment-là d’un Dieu incapable de souffrir, cela ferait de Dieu un démon. Parler d’un Dieu indifférent nous rendrait indifférents nous aussi. Renier Dieu et se tourner vers l’athéisme réduirait au silence le cri des victimes. On priait le Shema d’Israël et le Notre Père à Auschwitz, on peut donc prier Dieu après Auschwitz. Dieu était dans leurs prières. »
(...)

Une mystique comme Anne-Catherine Emmerich a ainsi perçu dans ce texte que Jésus souffrait de l’inutilité de sa mort. Il aurait beau mourir, nous ne changerions pas notre vie. Pour elle, notre insouciance, en dépit même de cette souffrance partagée, serait stérile. Telle serait à ses yeux l’agonie du Christ.

Nous pouvons passer outre cette vision, en rejeter le caractère doloriste, s’il ne venait pas perturber notre façon de voir le pourquoi du « mort pour nous »… Il nous semble néanmoins que cette souffrance a un sens, dans ce qu’elle révèle en nous l’amour. Comme ce serpent d’airain brandi au désert pour guérir des morsures, la mort à un effet sur nous, comme tout être souffrant que nous côtoyons et qui nous interpelle. Ce n’est cependant qu’un des sens de la mort de Dieu.

Souffrant avec nous

L’autre point de vue, déjà esquissé dans le récit d’Elie Wiesel, est cette communion de Jésus avec les souffrants. Que celui qui se dit envoyé du Père accepte de mourir d’une mort ignominieuse, fait historique par excellence, comme nous le soulignions plus haut, n’est pas sans conséquences pour tous ceux qui souffrent encore de la mort. Si ce Jésus est l’envoyé de Dieu, alors peut-on pressentir, au-delà du cri et du rejet que la souffrance fait jaillir en nous, que quelque chose de Dieu se fait proche, qu’il se pourrait qu’il soit encore à nos côtés, malgré son silence. Par rapport au vide que nous évoquions au départ, une piste, une lueur, apparaît dans cet être-avec de Jésus.

Plus encore, cette mort n’est pas un simulacre, puisque justement alors, le Dieu que l’on croyait tout-puissant se tait, qu’il se garde bien d’intervenir.

Dans la contemplation de ce que l’on appelle la déréliction, c'est à dire l’abandon total de Jésus par le Père, nous pouvons, à la suite d’Adrienne von Speyr, et de son ami le théologien Hans Urs von Balthasar (1), méditer sur le sens que revêt cet abandon. Si Jésus a été jusqu’à douter même de la présence, ce ne peut-être que parce qu’il voulait nous suivre au plus profond de notre désespoir, nous accompagner jusque dans le vide du samedi saint, allant jusqu’à ce lieu du « non-dieu », de l’enfer des hommes sans Dieu…

Moltmann évoque d’ailleurs une représentation médiévale de l’enfer où un homme semble s’interroger, suite à la venue du Christ dans ce lieu perdu. « Es-tu venu pour moi ? ». On a parfois du mal à y croire, et pourtant, n’est-ce pas le sens même de la parabole de la brebis perdue, elle même entrant en écho avec un texte d’Ezéchiel, qui affirme que « Dieu ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il vive »…

Ce Dieu qui connaît l’abandon laisse transparaître une lueur de vie à tous les abandonnés. S’il a vécu jusque là, alors nous pouvons espérer contre toute espérance qu’une lumière viendra au bout du tunnel, peut-être pas dans cette vie, mais dans le temps de Dieu.


(1) Cf. par exemple Pâques le mystère, ou Dramatique Divine ou C. Hériard, Retire tes sandales.
Voir aussi mes travaux de recherche :

26 septembre 2014

Historicité du baptême du Christ - J.P. Meier, vol 1 - III

John P. Meier définit parmi les principaux caractères d'historicité celui de l'embarras. Pour lui, si une scène de la vie du Christ ou une parole est embarrassante pour les chrétiens après Pâques, c'est qu'elle est historiquement authentique. Il cite à ce sujet le baptême du Christ, évoqué en Marc et progressivement gommé par les autres synoptiques pour disparaître chez Jean.

Mais, pour quelqu'un qui comme moi s'attache à la kénose, peut-on dire que le fait que Jésus s'agenouille devant Jean est embarrassant ? Il a probablement raison de dire que c'est original et décalé, voire marginal, comme l'évoque le titre anglais de son livre.

C'est pour moi au contraire néanmoins au coeur de cet abaissement qui fait du Christ un être "à genoux devant l'homme". L'humilité de Dieu va pour moi jusque là. 

24 septembre 2014

La folie de Dieu - Jésus marginal II

‎Non seulement il est marginal, mais ses actes sont folies. Folies d'une faiblesse poussée à l'extrême, folie d'une non violence qui va jusqu'à l'anéantissement sur une croix. "Nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens." 1 Corinthiens 1, 23

22 septembre 2014

Jésus marginal - Un certain juif Jésus, vol 1. de John Meier, initiation de lecture.

John P. Meier, introduit son livre* sur la question de la "marginalité" de Jésus. 
Prendre en compte cette marginalité est en soi plein d'implications théologiques. N'est ce pas ce que l'on contemple dans la crèche : un enfant sans atout, sans histoire en lequel Dieu choisi d'apparaître ?  
Le récit de l'enfance par Luc, dont l'historicité reste critiquée** ne doit pas nous éloigner des propos de Meier. 

La marginalité de Jésus est un fait historique avec toute l'ambiguïté même du mot. C'est cette marginalité qui le conduit à la mort. Il n'était rien aux yeux des grands de ce monde. Il n'a pas laissé beaucoup de traces "historiques" visibles en dehors de celles partisanes des 4 évangiles. On pourrait s'en lamenter, mais il me semble au contraire que l'on est dans le plan de Dieu . Car la pauvreté et la kénose qui se joue dans la marginalité de Jésus est ce qui provoque chez nous un choix libre, celui d'un "je crois"...


Au delà du discours partisan, il y a finalement peu de choses crédibles jusqu'à ce qu'on fasse le saut de la foi. Folie aux yeux des Sages dira Paul. Mais folie qui nous conduit à Dieu, dans le décentrement‎ même du raisonnable.

* A Marginal Jew: Rethinking the Historical Jesus: The Roots of the Problem and the Person, Vol. 1 - Un certain juif Jésus, les données de l'histoire, tome 1, Lectio divina, Paris, Cerf, 2009 p. 17
** ibid p. 36ss


Voir sur le même théme, un post précédent : Bonhoeffer - II - Incognito christologique


17 septembre 2014

Révélation - II

Au delà de la Croix,  que peut on dire de plus. Tout est révélé  Et pourtant,  ce chemin ne cesse de travailler l'homme en de multiples manières. 
Ce qu'il faut peut être glisser à la lumière de Luc c'est que les premières rencontres individuelles laisse parfois place à des révélations communes. A défaut on resterait dans des quêtes individuelles ce qui était l'erreur d'Élie. 
La Pentecôte ouvre une nouvelle possibilité :  que Dieu se révèle dans mes frères. Dans l' Ancien Testament, il fallait un Malak comme médiateur de la Théophanie. Dans le NT,  l'esprit se sert parfois de nos mains.

On revient au thème de la diaconie. 

15 septembre 2014

Stabat Mater - Saint Jean bouche d'or

Une lecture spirituelle qui a à peine vieillie :
      "Vois-tu cette victoire admirable ? Vois-tu les réussites de la croix ? Vais-je maintenant te dire quelque chose de plus admirable ? (...) la vierge, le bois et la mort, ces symboles de la défaite, sont devenus les symboles de la victoire. Au lieu d'Ève, Marie ; au lieu du bois de la connaissance du bien et du mal, le bois de la croix ; au lieu de la mort d'Adam, la mort du Christ. 
Tu vois que le démon a été vaincu par ce qui lui avait donné la victoire ? Avec l'arbre, il avait vaincu Adam ; avec la croix, le Christ a triomphé du démon. L'arbre envoyait en enfer, la croix en a fait revenir ceux qui y étaient descendus. En outre, l'arbre servit à cacher l'homme honteux de sa nudité, tandis que la croix a élevé aux yeux de tous un homme nu, mais vainqueur...  
Voilà le prodige que la croix a réalisé en notre faveur : la croix, c'est le trophée dressé contre les démons, l'épée tirée contre le péché, l'épée dont le Christ a transpercé le serpent. La croix, c'est la volonté du Père, la gloire du Fils unique, la joie du Saint Esprit, la splendeur des anges, l'assurance de l'Église, l'orgueil de saint Paul (Ga 6,14), le rempart des élus, la lumière du monde entier.*"


* Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église. Sermon sur le mot « cimetière » et la croix pour le Vendredi Saint, 2 ; PG 49, 396 (trad. bréviaire mémoire BVM) source www.evangileauquotidien.org
** Sur le même thème, mon premier livre, écrit en 1996 et resté inédit "Le troisième arbre" :-)

14 septembre 2014

Révélation - I

Comment Dieu se révèle t il à l'homme ?

Je pense que la réponse classique nous parlerait de l'enfant Dieu, reprenant à la suite de l'évangile de Luc, cette vision qui a enchanté près de 20 siècles de civilisation. 

On aurait probablement tort de balayer d'un geste  ce que Luc nous révèle,  dans une étonnante lecture arrière et spirituelle de ce qu'il a lui même découvert dans la Croix et la résurrection.  

Mais il semble pourtant qu'en cette aube du XXIème siècle,  il faille revenir plutôt sur ce qui apparaît derrière le voile du temple. Dans "la voix d'un fin silence"*, j'ai longuement analysé les différentes théophanies,  ces révélations successives de Dieu dans l'histoire du peuple juif. 
Je me suis notamment longuement arrêté sur deux textes clés : 1 Rois 19 et Ex 33 et 34. Mais ce que l'Ancien Testament révèle n'est finalement qu'une introduction apéritive à ce que Dieu masquait encore derrière le voile. 

Ce qui apparaît derrière le rideau déchiré du Temple, se réduit à l'impensable,  à l'inattendu.  

En ce jour où l'on célèbre la Croix glorieuse,  je pense que ce que l'on peut dire sur la révélation ne peut passer outre l'ultime silence de Dieu, celui qui révèle ce qu’Élie  et Moïse cherchaient au désert.  La seule révélation qu'il nous est donné de contempler, c'est la Croix. Écoutons ce qu'en dit Édith Stein :   "Qu'est-ce que la croix ? Le signe qui indique le ciel. Bien au-dessus de la poussière et des brumes d'ici-bas elle se dresse haut, jusqu'en la pure lumière. Abandonne donc ce que les hommes peuvent prendre, ouvre les mains, serre-toi contre la croix : elle te porte alors jusqu'en la lumière éternelle. Lève les yeux vers la croix : elle étend ses poutres à la manière d'un homme qui ouvre les bras pour accueillir le monde entier. Venez tous, vous qui peinez sous le poids du fardeau (Mt 11,28) et vous aussi qui n'avez qu'un cri, sur la croix avec Lui. Elle est l'image du Dieu qui, crucifié, devint livide. Elle s'élève de la terre jusqu'au ciel, comme Celui qui est monté au ciel et voudrait nous y emporter tous ensemble avec Lui. Enlace seulement la croix, et tu le possèdes, Lui, le Chemin, la Vérité, la Vie (Jn 14,6). Si tu portes ta croix, c'est elle qui te portera, elle te sera béatitude.**


** Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith Stein] (1891-1942), carmélite, martyre, co-patronne de l'Europe, Poésie « Signum Crucis », 16/11/1937 (trad. Malgré la nuit, Ad Solem 2002, p. 65) Source : Evangile au quotidien.org

12 septembre 2014

Diaconie et pouvoir, suite - Congar


Écoutons encore Congar sur ce point :

 "Évidemment, la tentation est grande d'oublier cette royauté spirituelle, située tout entière dans la sagesse de la croix de céder à la sagesse du siècle; de chercher et de mettre en œuvre une pure puissance de domination. Les hommes d'Église ont parfois cédé à cette tentation, en particulier au temps du moyen âge finissant, où l'on constate si souvent un retrait du pastoral devant la prélature et, chez les prélats, du prêtre devant le maître ou le seigneur."

Il poursuit :
"Sans cesse Dieu a suscité dans son Église des hommes qui agissent sur les autres par un engagement de service et d'amour allant jusqu'au sacrifice de soi. Ne les voit-on pas se multiplier, remplir un rôle plus décisif au moment, précisément, où les hommes d'Église sont davantage inspirés par un goût de puissance séculière : sainte Catherine de Sienne († 1380), sainte Jeanne d'Arc († 1431), saint Bernardin de Sienne († 1444), saint Nicolas de Flue († 1487) quatre saints dont trois furent des laïcs, et deux des femmes. Ils nous montrent, réalisée dans la sainteté et le génie, la royauté spirituelle du chrétien et comment on domine et conduit les hommes en prenant sur soi le fardeau de leurs péchés et de leurs peines, par un amour humble et servant qui va, le cas échéant, jusqu'au sacrifice de soi*."

Sans commentaires

* Source : Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, op. cit. p. 322 

11 septembre 2014

L'amphore et le fleuve - Suite

En ce jour où l’Évangile nous parle de débordement, je repense à ce don de Dieu, si débordant qui nous envahit et donne la joie...
Jean Luc Marion, dans Etant Donné, parle d'un donateur qui s'efface.
A contempler...

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