19 octobre 2015

Kénose pratique

Éternel conflit entre l'idéal et la réalité. Dans un long diatribe sur les tentations du chrétien face à l'incroyance, je note ce petit passage qui résume tout. Quand on lui demande "ça sert à quoi la foi", le chrétien aimerait "donner une réponse éclatante, obéir avec brio aux impératifs de la charité fraternelle : nourrir, habiller, loger, etc, mais il risque de perdre de vue l'oeuvre de rédemption qui se fait avec ces actes de charité fraternelle, mais aussi avec l'effacement, mais aussi avec la prière, mais aussi avec le mystère des épreuves que Dieu invente." Bref, ce qui se joue n'est pas toujours dans les actes, mais au delà, dans l'action invisible de Dieu en l'homme. Elle poursuit d'ailleurs plus loin en précisant que le chrétien "ne réalise pas que l'évangélisation demande une proximité, une présence, un a priori de véracité" (1)‎.

C'est là peut être que se comprend la kénose de l'Église. Cette dernière ne sert qu'à être petit instrument, serviteur de l'immense oeuvre de Dieu. Un travail qu'elle ne peut contenir à elle seule.

(1) Madeleine Delbrel , Nous autres gens des rues, op Cit p. 259-260

L'Église, lampadaire du Christ

Je découvre la finesse de cette analogie chez saint Maxime : " Ta Parole est une lampe pour mes pas, une lumière sur mon chemin. Notre Sauveur et notre Dieu est celui qui dissipe les ténèbres de l'ignorance et du mal : voilà pourquoi il est appelé lampe dans l'Écriture. Lui seul, en détruisant l'obscurité de l'ignorance et les ténèbres du mal, à la manière d'une lampe, est devenu pour tous le chemin du salut. Par la vertu et la connaissance, il mène vers le Père ceux qui veulent marcher grâce à lui sur le chemin de la justice, en observant les commandements divins. 
Quant au lampadaire, c'est la sainte Église. C'est sur sa prédication que repose la Parole lumineuse de Dieu, qui éclaire tous ceux qui sont dans le monde comme dans une maison, par les rayons de la vérité, en remplissant tous les esprits de la parfaite connaissance de Dieu." (1)

( 1) Saint Maxime le Confesseur,  Questions à Thalassius,  source AELF


18 octobre 2015

Kénose de l'Église - 6

"L'imitez-moi" de Paul en Philippiens 3, 17 a été repris par les Pères de l'Église jusque dans ce texte de saint Thomas d'Aquin que le bréviaire nous donne à contempler en écho de la question des fils de Zébébédée en Marc 10. Pour le docteur Angélique,  "la Passion du Christ nous fournit un modèle valable pour toute notre vie... Si tu cherches un exemple de charité : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13)... Si tu cherches la patience, c'est sur la croix qu'on la trouve au maximum... Le Christ a souffert de grands maux sur la croix, et avec patience, puisque « couvert d'insultes il ne menaçait pas » (1P 2,23), « comme une brebis conduite à l'abattoir, il n'ouvrait pas la bouche » (Is 53,7)... « Courons donc avec constance l'épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l'origine et au terme de notre foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré, sans avoir de honte, l'humiliation de la croix » (He 12,1-2).       Si tu cherches un exemple d'humilité, regarde le crucifié. (...) Si tu cherches un exemple d'obéissance, tu n'as qu'à suivre celui qui s'est fait obéissant au Père « jusqu'à la mort » (Ph 2,8). (...) Si tu cherches un exemple de mépris pour les biens terrestres, tu n'as qu'à suivre celui qui est le « Roi des rois et Seigneur des seigneurs », « en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (1Tm 6,15 ; Col 2,3) ; sur la croix il est nu, tourné en dérision, couvert de crachats, frappé, couronné d'épines, et enfin, abreuvé de fiel et de vinaigre. (1)

(1) Saint Thomas d'Aquin,   Conférence sur le Credo, 6, traduction Bréviaire 



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Chemin de prière


Il connaît d'avance notre désir,  alors pourquoi prier sans cesse. Saint Augustin,  dans sa lettre à Proba sur la prière apporte une réponse qui mérite d'être méditée "Le Seigneur ne veut pas être informé de notre désir, qu'il ne peut ignorer. Mais il veut que notre désir s'excite par la prière, afin que nous soyons capables d'accueillir ce qu'il s'apprête à nous donner." La prière est une école d'humilité.  Non pas notre désir,  mais Sa volonté (cf. Luc 22, 42).  Comme le suggère le livre des Proverbes (12:15) "La voie de l'insensé est droite à ses yeux, Mais celui qui écoute les conseils est sage." Nous pensons maîtriser notre destin, mais seul le Seigneur connaît la voie.  Après une nuit sans rien prendre,  c'est lui qui nous dit, "jette-là tes filets" (Jean 21, 6)

Idéalisme et pratique

Sommes nous des idéalistes à professer une vie éternelle et un Christ ressuscité ? Oui si ce n'est qu'un rêve mystique‎, une foi éthérée, un voeu pieux.
Il y a une différence nous dit Madeleine entre affirmer la résurrection dans le credo et l'affirmer dans un dialogue avec un incroyant. Pourtant la rendre visible dans nos vies, montrer qu'elle est au coeur de notre foi, pas seulement dans les mots, mais dans l'espérance reçue de Dieu et portée dans nos actes est l'enjeu et la tâche qui nous incombe.

"La bonté de Jésus-Christ vécue, ou qu'on tente de vivre dans toutes ses dimensions, sans exception, sans limites, pour chaque homme, est un miracle par elle même car elle est comme le signe sensible de la charité de Dieu".

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 231 





17 octobre 2015

Le silence des chrétiens

Les incroyants, " les communistes  démasquent notre silence, qui dans d'autres milieux restent masqués. Ils nous apprennent que le silence des chrétiens est le plus souvent ou bien ignorance, ou bien lâcheté".
On pourrait se contenter de méditer ces deux phrases qui déjà interpellent nos silences. 
Madeleine poursuit néanmoins sur deux points : "Croire, c'est savoir, Croire c'est parler". (1)

Il y a là une piste de travail intérieure qui interpelle notre relation à Dieu au delà de la simple émotivité vers la question de l'écoute de la Parole comme de l'articulation entre foi et raison.

(1) Madeleine Delbrel , Nous autres gens des rues, op Cit p. 223

Kénose de l'Église - 5

La kénose de l'Église n'est autre que la réponse au "viens et suis moi" du Christ aux apôtres. En s'effacant le serviteur entre dans la contemplation ultime de son maître,  se love dans la kénose trinitaire,  entre dans sa danse.
" Celui qui est envoyé entre dans la vie et la mission de celui qui « s'est dépouillé lui-même en prenant la condition de serviteur » (Ph 2,7). Le missionnaire doit donc être prêt à persévérer pour la vie dans sa vocation, « à renoncer à lui-même » et à « tout ce qu'il a possédé » jusque-là (Lc 14,26.33), et à « se faire tout à tous » (1Co 9,22).     Lorsqu'il annonce l'Évangile parmi les nations, il doit « faire connaître avec assurance le mystère du Christ qui l'a chargé d'être son ambassadeur » (Ep 6,19) ; en lui il doit parler avec toute l'audace nécessaire, sans rougir du scandale de la Croix. En suivant les traces de son Maître, qui est « doux et humble de cœur », il manifestera que le « joug de celui-ci est facile à porter, et son fardeau, léger » (Mt 11,29). En ayant une vie vraiment évangélique, une constance inlassable, de la patience, de la douceur, une charité loyale, il rendra témoignage à son Seigneur ; et cela, si c'est nécessaire, jusqu'à répandre son sang. Il obtiendra de Dieu force et courage pour découvrir que, dans toutes les détresses qui le mettent à l'épreuve, et dans la plus profonde pauvreté, il y a une joie immense." (1)

(1) Vatican II, Gaudium et Spes, 

Kénose de l'Église - 4

Dans la même collection,  on peut méditer ce qu'écrivait Ignace d'Antioche à la veille de son martyre " Laissez-moi devenir la pâture des bêtes : elles m'aideront à atteindre Dieu. Je suis son froment : moulu sous la dent des fauves, je deviendrai le pain pur du Christ. ~Suppliez le Christ pour que ces animaux fassent de moi une victime offerte à Dieu. ~Que me feraient les douceurs de ce monde et les empires de la terre ? II est plus beau de mourir pour le Christ Jésus que de régner jusqu'aux extrémités de l'univers. C'est lui que je cherche, qui est mort pour nous ; c'est lui que je désire, lui qui a ressuscité pour nous. Mon enfantement approche. De grâce, mes frères. Ne m'empêchez pas de vivre, ne complotez pas ma mort. Ne livrez pas au monde ni aux séductions de la terre celui qui veut appartenir à Dieu. Laissez-moi embrasser la lumière toute pure." (1)

(1) Saint Ignace d'Antioche,  Lettre aux Romains,  source AELF

16 octobre 2015

Lettre à l'incroyant - 2

"L'action de l'homme travaille à la raison d'être de l'humanité maîtresse du monde : sa ressemblance avec Dieu . Or aimer tous les hommes de l'humanité c'est ressembler à Dieu, parce que lui, Dieu, les aime." (1) Dans ce "tous les hommes" je  trouve la des correspondances avec ce que le pape François appelle dans Laudato Si, l'écologie intégrale, ce souci de la maison commune.

(1) Madeleine Delbrel ibid. p. 200


Kénose de l'Église - 3

L'humilité chrétienne se nourrit d'une constante : "Ce que l'homme fait de bon vient de Dieu". Tout prends sa source dans l'immense fleuve jaillissant du coeur du Christ.
"Nous devons prendre autant de soin et travailler de notre côté, comme si nous n'attendions rien de la part de Dieu : et néanmoins nous ne devons non plus nous appuyer sur notre soin et travail, que si nous ne faisions rien du tout, mais attendre tout de la seule miséricorde de Dieu." (1)

(1) Saint Jean Eudes, Le Royaume de Jésus, 2ème part., 30. Œuvres complètes (1922), t. 1,  p. 238.

La kénose de l'Église -2

Dans la suite de mon post sur le même sujet,  comment ne pas contempler ce qu'Augustin nous dit dans la cité de Dieu : "Mon bonheur, c'est d'être uni à Dieu. Il en résulte évidemment que toute la cité rachetée elle-même, c'est-à-dire le rassemblement et la société des saints, est offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le grand prêtre qui s'est lui-même offert pour nous dans la Passion, afin que nous soyons le corps d'un tel chef, sous sa forme de serviteur. C'est elle, en effet, c'est son humanité qu'il a offerte, car c'est selon celle-ci qu'il est médiateur, qu'il est prêtre, qu'il est sacrifice. 

C'est pourquoi l'Apôtre nous a d'abord exhortés à présenter nos propres corpsen sacrifice saint, vivant, agréable à Dieu, en culte spirituel ; à ne pas nous conformer à ce monde, mais à nous réformer par le renouvellement de notre esprit ; et cela afin de savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. C'est ainsi que nous-mêmes constituons tout le sacrifice. Et alors il ajoute : Au nom de la grâce qui m'a été donnée, je le dis à chacun d'entre vous : n'ayez pas de prétentions au-delà de ce qui est raisonnable, soyez raisonnables pour n'être pas prétentieux, chacun selon la mesure de foi que Dieu lui a donnée en partage. En effet, comme nous avons plusieurs membres en un seul corps, que ces membres n'ont pas tous la même fonction, ainsi à plusieurs, nous sommes un seul corps dans le Christ, étant tous membres les uns des autres, chacun pour sa part. Et nous avons des dons qui diffèrent selon la grâce qui nous est accordée.

Voilà le sacrifice des chrétiens : à plusieurs nous sommes un seul corps dans le Christ. C'est ce que l'Église célèbre dans le sacrement de l'autel, bien commun des fidèles, où il lui est montré que dans cette réalité qu'elle offre, c'est elle-même qui est offerte."

(1) La cité de Dieu,  source AELF

15 octobre 2015

Lettre à l'incroyant

On connaît les difficultés d'une apologie de la foi. Madeleine s'y essaye dans des notes personnelles. Son premier cri et sa première motivation est de réaliser combien le jugement de l'incroyant est faussé pour une raison qui vient en partie de nous. Intéressante démarche kénotique.

"Si vous critiquez le chrétien médiocre que nous sommes, nous n'acceptons pas la contradiction sur des définitions qui n'ont jamais été celles d'un chrétien, des fantaisies ou des caricatures. Le chrétien veut ressembler au Christ. Discutez le Christ : nous acceptons la discussion"‎ (1)

La suite est une approche du mystère, non comme un "touche pas mon Dieu invisible", mais plutôt comme une contemplation. Vient ensuite une synthèse sur la tâche du chrétien : dire ce que Dieu dit et agir. On est souvent très fort sur la première partie et plus balbutiant sur la deuxième. C'est pourtant là que se joue la conversion du coeur.

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 195ss


Écrit sur le sable

Il a écrit sur le sable nous rapporte Jean au chapitre 8. Qu'est-ce à dire ?
 La loi divine dépasse toutes les lois humaines. Elle est gravée au fond de notre coeur en lettres de feu. Elle va jusqu'au jointures de l'âme (cf. Héb 3). Elle équivaut à le voir "à genoux devant nous" nous dire : relève toi et ne péche plus. 

Appel à notre humanité,  injonction an-archique (avant tout commandement,  comme le souligne Emmanuel Lévinas), appel à notre responsabilité...

Quand on n'y parvient pas, un seul remède,  la lente méditation du psaume 118.

14 octobre 2015

Obligations d'Église

Une petite pointe méritée sur nos pharisaïsme qui se passe presque de commentaires : "Les obligations morales ou d'Église (...) ‎constituent le règlement de ce que nous appelons nos devoirs religieux. Ça sent la discipline et la crainte des pénalités. Ça sent surtout les chrétiens qui n'ont pas eu leur ration de vérité ou dans des conditions qui l'ont rendue inadmissible" (1)

Ce qui interpelle est peut être ce que soulignera plus tard Jean-Paul II dans Veritatis Splendor : toute conscience doit être éclairée.

(1) Madeleine Delbrel , Nous autres gens des rues, op Cit p. 193

La kénose de l’Église

A partir de 2 Cor 6, 4sq. Paul n'apporte pas d'autre démonstration de sa foi que dans l'énumération de ses faiblesses. Quel est l'enjeu ? La force de l'Église est-elle dans sa puissance triomphante ? N'est elle pas au contraire ‎dans sa kénose, dans sa capacité à faire rayonner le Christ dans et à travers son humilité. Dans "Serviteur de l'homme, kénose et diaconie", j'exprime cela sur l'angle individuel, en soulignant l'importance du enmimetai chez Paul (imitez-moi comme j'imite le Christ, Ph. 3, 17). Mais ce qui peut se dire à l'échelle particulière n'est-il pas valable pour toute l'Église. Ses ors et sa puissance ne seront jamais lieu d'évangélisation. La force du Christ est sa faiblesse sur la Croix. La force de l'Église ne peut être ailleurs que dans la qualité de sa diaconie. En oubliant cela on fait le jeu de la bête...