18 décembre 2016

Moise et la captation de Dieu

Intéressant commentaire de Hans Urs von Balthasar sur Exode 19 à 34 qui rejoint mes travaux sur "Dieu n'est pas violent"(1) Les couches rédactionnelles de ces passages suggèrent des ajouts successifs, à partir d'une histoire originale où "le pasteur Moïse était conduit à la montagne de Dieu" (2), il y recevait l'ordre d'amener le peuple, puis congédié, il réclame plus...(3)
Ce que je commente dans mon livre à la suite de certains exégètes sur le quiproquo d'Exode 33, aboutit finalement, à la lecture de Hans Urs von Balthasar, à une question : Comment peut-on parler de Dieu ? Tout cela n'est-il pas une mise en exergue de nos propres désirs de mettre Dieu en bouteille, c'est-à-dire de le faire entrer dans nos cases, comme le judaïsme a pu le faire jusqu'au déchirement du voile de Marc 15,38 et ce que nous ne cessons de faire à notre tour. Comment peut-on parler de Dieu ? Lui seul est maître de sa révélation. Et tous nos propos ne peuvent être que de la théologie négative : Dieu n'est pas....
Seul le Fils et l’Esprit dévoilent le Père...
À méditer
(1) Lectures pastorales, tome 8
(2) La Gloire et La Croix, Théologie, Ancienne Alliance, p. 46
(3) ibid.

14 décembre 2016

Les profondeurs de la souffrance du Fils - Saint Jean de la Croix

"Il est impossible de parvenir à la profondeur de la sagesse et des richesses de Dieu sans pénétrer dans la profondeur de la souffrance de mille manières, l’âme y mettant sa joie et ses désirs (afin de comprendre avec tous les saints quelle en est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur) ! L’âme qui désire vraiment la sagesse désire aussi vraiment entrer plus avant dans les profondeurs de la Croix qui est le chemin de la vie ; mais peu y entrent. Tous veulent entrer dans les profondeurs de la sagesse, des richesses et des délices de Dieu, mais peu désirent entrer dans la profondeur des souffrances et des douleurs endurées par le Fils de Dieu : on dirait que beaucoup voudraient être déjà parvenus au terme sans prendre le chemin et le moyen qui y conduit." (1)
À méditer...

(1) Saint Jean de la Croix,  Cantique spirituel, source AELF

13 décembre 2016

Silo le berger, un conte de Noël

Comment aider nos jeunes enfants à découvrir et à goûter l'Écriture ? Écrit pour mon jeune filleul, Silo le berger est une histoire interactive, inspirée du tome 1 de mes lectures pastorales : "Chemins de misericorde".
Il nous conduit, par les yeux d'un petit berger, devenu pêcheur en Gallilée, de Zacharie à la résurrection. Le livre, qui suit fidèlement l'évangile de Luc dans la version Crampon vient de paraître en édition brochée couleur à prix coûtant. Il est également disponible en version Kindle à prix mini. (0,99 €)
Les 16 premiers chapitres (un conte de Noël) peuvent être lus à partir de 7 ou 8 ans. L'ensemble vise plutôt 10 ans et plus.
Il est illustré de photos de Palestine.

08 décembre 2016

Langue vernaculaire

Poursuite de la lecture de la Gloire et La Croix tome 2 (GC2) de Hans Urs von Balthasar qui nous conduit sur les pas de Dante. Il y a, je trouve, dans le choix d'écrire en italien le même mouvement qui a emballé l'après Vatican II : une kénose véritable qui cherche à rejoindre l'homme jusque dans sa langue. Après tout, comme le note John P. Meier, Jesus appelait son Père Papa... La proximité est celle de l'amour vrai et nos ornements liturgiques, dont je ne nie pas l'esthétique et l'universalité oublie ce principe de proximité...

07 décembre 2016

L'apostolat de la bonté - Charles de Foucauld

"Charles de Foucauld a compris très vite qu'il n'avait pas à « proclamer » l'Évangile sur les toits, mais plutôt à vivre ce qu'il appelait « l'apostolat de la bonté » en le faisant rayonner par toute sa vie."(1)

A contempler

(1) Mgr Claude Rault Évêque de Ghardaïa (Algérie), La Croix du 4 décembre 2016

05 décembre 2016

Le flair du laïc - PF2

Plutôt que favoriser la construction d'une élite de laïcs, le pape poursuit en incitant à véritablement soutenir "et accompagner un baptisé dans sa vie de tous les jours". Leur rôle n'est pas de "servir les prêtres" mais bien de "poursuivre la lutte quotidienne pour vivre sa foi".(1)

Quel est l'enjeu ? Ne pas se focaliser sur la Vie sacramentelle mais bien au contraire transformer la vie entière en sacrement, aider le peuple de Dieu à vivre, habiter l'espace public. Le berger ne doit pas "dicter" ce que le peuple doit faire, il "le sait mieux que lui", mais il doit le soutenir et "l'accompagner" (2)

(1) Pape François, LME, op. Cit. p. 20
(2) p. 21

03 décembre 2016

Rite et Passion

Un autre point où je rejoins véritablement Bonaventure c'est bien dans cette phrase :"Toute la pompe des cérémonies ne représentent rien d'autre que la Passion du Christ ; pendant la messe, il n'y a rien de plus important que de penser à la mort du Christ"(1). Pour lui il s'agit de célébrer ce moment d'amour entre le Dieu qui s'est fait pauvre et l'homme qui s'est fait pauvre.

J'ajouterai que contempler l'hostie sans penser au don de son Corps, c'est mal comprendre le sens même du sacrement.

(1) Bonaventure, praep. ad. Miss., 10 (VIII, 103a) cité in GC2 p. 319

02 décembre 2016

La tentation cléricale - Pape François

Suite à une conférence donnée par Guzman Carriquiry à l'institut catholique, je découvre avec bonheur cette lettre apostolique du pape François au cardinal Marc Ouellet du 19 mars 2016, où le pape commence, dans la lignée d'Evangelium Nuntiandi de Paul VI à nous alerter sur la "mémoire et le flair" (1) du peuple de Dieu qu'un cléricalisme exacerbé priverait de considérer au nom d'un mépris pour la piété populaire.
"La foi de notre peuple (...) manifeste une présence authentique de l'Esprit" (2)

(1) pape François, Les laïcs, messagers de l'Evangile - lettre apostolique du pape François au cardinal Marc Ouellet du 19 mars 201, Paris, Salvator, 2106 (ci-après LME).
(2) ibid.

01 décembre 2016

Humilité et pauvreté chez Bonaventure

Les stigmates de François donnent en eux-mêmes une "force d'expression au langage de la Croix". Le double mystère de l'humilité et de la pauvreté du Christ lui-même conduit à considérer que devenir pauvre par amour, c'est faire place nette pour que les rayons descendants de l'amour de Dieu, en tant que beauté ne rencontrent pas d'obstacle"(1).

Ce "baiser nuptial" de Dieu en Croix est mouvement descendant et sponsal...

(1) Bonaventure, cité par Hans Urs von Balthasar, in La Gloire et la Croix, tome 2 (GC2) p. 318-9

30 novembre 2016

Humilité de Dieu chez Bonaventure

"Le Père a tout dans son Fils". Il s'y exprime en descendant dans le néant. C'est là l'humilité de Dieu, sa condescensio(1) que le mot condescendance traduit mal, puisqu'elle exprime littéralement une "descente avec". "Le Dieu éternel s'incline humblement (humiliter se inclinans)". Le plus profond de Dieu se révèle dans la Croix, clef de tout (omnia in cruce manifestantur), non seulement le péché, non seulement l'homme, mais Dieu lui-même.
Cette "sortie dans le néant" fait que son apparition devient son obscurité et se dépouille de sa beauté native. Christus deformis, le bien-aimé est dépouillé, mais sa laideur extérieure conserve en même temps intérieurement la beauté (...) puisque en lui habite toute la plénitude de la divinité" (2).

On pourrait suivre là Philippiens 2 et évoquer le relèvement, mais Hans Urs von Balthasar s'interroge sur la perception de la déréliction chez Bonaventure (sujet sur lequel il reviendra dans sa Dramatique) et nous conduit sur le cœur ouvert, la blessure visible qui rend visible l'invisible de l'âme (3)

(1) Bonaventure notamment dans Brevil. 4,1 (V , 241b), cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 315
(2) p. 317
(3) p. 318

29 novembre 2016

Beauté et gratuité

Revenons au tome 2. "En toute offre de beauté, il y a un facteur de gratuité, de liberté et de désintéressement (...) trace et reflet de la beauté trinitaire qui, en se donnant elle-même, ne doit rien à personne"(1). Cette manifestation objective de la bonté est en effet ce qui nous renvoie à notre excursus dans le tome 6. La beauté véritable est dans la bonté qui révèle, plus que tout agir, le don de Dieu qui se donne et s'efface.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 312

28 novembre 2016

Beauté et bonté chez Platon

La beauté est chez les Grecs un concept plus vaste et plus complexe que le sens commun dans le langage français. Le terme kalon se traduit,  nous dit Hans Urs von Balthasar, autant par beau que par juste convenable, bon, adapté à l'être... (1) jusqu'à atteindre une dimension transcendantale, qui nous échappe. De même le rapport entre bonté et beauté peut s'approcher :
"Tout ce qui est bon (agathon) est beau (kalon) et la beauté n'est pas sans mesure intérieure(2)".
Cette notion de mesure, qui inspirera le livre de la Sagesse puis saint Augustin nécessite une bataille contre le principe de plaisir, qui va être, selon Balthasar, le grand combat de Platon. L'enjeu est d'inverser le principe subjectif du plaisir (édonisme) pour caractériser objectivement la beauté sur une autre échelle, non plus celle de l'extérieur mais de l'agir. Est beau ce qui rayonne et transpire de bonté. Sur cette dimension objective le Christ peut alors être placé en haut alors qu'à l'inverse nos beautés apparentes se fanent à la mesure de nos hypocrisies.
Mais Hans Urs von Balthasar note une autre difficulté, celle du plaisir procuré par sa propre bonté, sa rectitude qui procure une certaine béatitude(3) et donc peu être source d'orgueil.
Là se comprend que les grands saints restent éprouvés jusqu'au bout. Car cette épreuve qui est aussi celle du Christ est la condition pour ne pas considérer que la bonté vient de l'homme mais bien de Dieu. Elle est théologale.


(1) Hans Urs von Balthasar, GC6 p. 162
(2) Platon, Le Timée, cité in GC6. p. 164.
(3) ibid.




26 novembre 2016

La sagesse, véritable beauté chez Bonaventure

Une deuxième approche de la beauté va du monde sensible "à celui, intérieur, de l'âme et des anges, puis au Christ, puis au Dieu trinitaire (...) voir l'humanité du Christ et la divinité du Dieu un et trine" (1).
"La véritable beauté réside dans la beauté de la Sagesse" ajoute-t-il. Tout en la ramenant au Verbe, "splendeur et expression du Père" (2).

Retrouve-t-on là l'oxymore de la beauté du Christ en Croix, image du donateur qui s'efface dans une kénose invisible pour les yeux mais éclatante pour le cœur ?

(1) Bonaventure, cité in GC2 p. 303
(2) p. 304

25 novembre 2016

Circumincession chez Bonaventure

Nous poursuivons l'analyse d'Hans Urs von Balthasar qui note l'insistance de Bonaventure sur trois transcendantaux : l'unité, la bonté et la vérité, mais précise à la suite de Karl Peter, que la beauté réside "nécessairement dans une circumincession de l'un, du vrai et du bon". Le terme même que nous avons traduit dans un autre ouvrage par danse trinitaire s'applique-t-il ici ? Pour Bonaventure le beau "circuit omnen causa et est commune ad ista [unum, verum, bonum]". (1)

Qu'est-ce à dire ? On ne parle pas ici d'une beauté apparente mais de cette unité des Personnes divines qui dans l'unité révèle le sublime. Pour Peter, Bonaventure élève la sensibilité à ce qui conduit distinctement les 5 sens vers une "rencontre directe avec l'essence divine". (2)

Il y a là un chemin délicat entre une contemplation mystique et par nature risquée et ce chemin dynamique d'interaction entre Dieu et nous, dans cette invitation discrète et kénotique du divin jusqu'en nous pour nous élever à la seule beauté qui vaille, celle du don, de l'unité et de la vérité qui ne se révèle pleinement que dans la mort en Croix et la résurrection.

(1) GC2 p. 300
(2) p. 301

24 novembre 2016

Christ au centre

En tant que "verbum incarnatum", le Christ est au centre de la théologie de Bonaventure poursuit Hans Urs von Balthasar. Mais la Trinité de Dieu permet d'en approcher la profondeur. "La profondeur du Dieu fait homme, c'est à dire son humilité, est si grande que la raison s'y brise (1) (...) Il est le centre qui s'efface en indiquant le Père dans le Saint-Esprit" (2).
On trouve déjà là des accents kénotiques repris par Balthasar dans sa Dramatique, semence de cette triple kénose qu'il commentera largement. 

(1) Hex. 8, 5 (V, 370a), cité in GC2 p. 295
(2) De Don. Sp. Sti. 1, 10, ibid. p. 296