13 janvier 2017

La voie ascétique - Dante

Hans Urs von Balthasar nous prévient (p. 366), la Divine Comédie est centrée autour de la "rencontre de Dante avec Béatrice dans le purgatoire". "Dante commence par se laver dans la rosée du ciel (...) puis revêt la ceinture ascétique en jonc. Puis viennent les degrés de la montagne, et chaque fois c'est comme une mue (...) le dépouillement des ténèbres du monde (...) et par là le cœur s'ouvre à la paix, se purifie "pour revenir à celui qui t'a fait" (2).

Hans Urs von Balthasar souligne que le trajet se fait de jour à la différence du chemin de saint Jean de la Croix. Mais que nous importe... Car si dans la nuit de nos jours, nous marchons vers la lumière de nos nuits, l'enjeu est ailleurs, dans ces mues successives qui nous conduisent à la voie unique, celle des pas du Christ vers le Père.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, op. Cit. p. 366
(2) p. 369

12 janvier 2017

La violence n'est pas en Dieu...

Depuis la publication de mon tome 10 des lectures pastorales sous le titre "Dieu n'est pas violent" (1), il me semble que cette piste de théologie négative mérite d'être poussée plus loin. 

Dire que Dieu n'est pas, c'est avancer dans le mystère.  C'est aussi vérifier dans nos coeurs et nos vies combien cela prend corps.

Que le Christ ait rejeté toute violence, nul n'en doute. 
Pourquoi Pierre avait-il alors sur lui une épée ? (Jn 18, 10). Quid aussi de la fameuse colère de Dieu et du jugement dernier.  Sont-ils compatibles avec l'amour de l'ennemi ?  (Luc 6, 27-35 / Mat 5, 44)
Quid surtout de la violence qui monte en nous face à l'injustice,  à la violence du monde, à l'islam ? Peut-on suivre le Christ les armes à la main ?

Dieu est amour,  miséricorde... jusqu'où...?
La violence de l'apocalypse est-elle compatible avec le Dieu amour ?
Jusqu'où balayer devant notre porte avant de critiquer l'extrémisme islamique ?
Peut-on aller plus loin ? Face au judaïsme radical et un coran intégral où se situe le "plus" chrétien ? N'est-il pas dans le jusqu'au bout de l'amour ?  Est-ce utopie, naïveté ou fidélité au chemin sur lequel le Christ nous conduit ?
Un travail de recherche à venir...

(1) : Lectures pastorales (essai de numérotation)
0. A genoux devant l'homme (Jean)
1. Chemins de miséricorde (Luc)
2. Sur les pas de Marc
3. Sur les pas de Jean
4. Chemins croisés (Matthieu)
5. Chemins d'Evangile (Recueil : 1 à 4)
6. Chemins d'Église (Actes)
7. Kénose et Diaconie (Actes et Paul)
8. NT, tome 3 (Autres lettres et Apocalypse) 
9.  Lire l'AT, tome 1 - Osée et Genèse
10. Dieu n'est pas violent (Exode et Rois)
11. Chemins de prière (psaumes)
12. Silo le berger (Luc 2)




11 janvier 2017

Beauté infinie

Il n'est pas humain de croire que l'on peut saisir l'insaisissable, comprendre l'infini de Dieu et tous nos efforts humains ne valent rien face à l'excès en Dieu. On peut comprendre dans cette dynamique que Dante dépose aux pieds de Béatrice "son emploi de poète ; car il est sûr, non seulement de ne pas pouvoir dire combien elle est belle, mais qu'elle est beaucoup plus belle qu'il ne le comprend et que, seul, son Créateur peut jouir totalement de cette beauté"(1).

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 389

08 janvier 2017

Cana - une lecture spirituelle -Faust de Riel

Le récit de Jean mérite un large détour.  Sa force symbolique dépasse largement l'histoire elle même,  la simple compassion de Jésus pour des fiancés d'une bourgade de Gallilée.  La simple allusion au troisième jour et donc à la résurrection nous interpelle.  Celle des noces, thème récurrent de l'Ancien Testament aussi.
Comme le puits de Jn 4, l'enjeu est donc plus vaste et l'ironie johannique sur les rapports de Jésus et sa mère ne doit pas nous dérouter. Je découvre comme toujours chez les Pères de l'Église des pépites dans leur lecture spirituelle de Cana. Celle ci,  proposée dans l'office des lectures vaut le détour : "Le troisième jour, il y eut des noces. Que sont ces noces, sinon les vœux et les joies de l'humanité sauvée, célébrées le troisième jour, dans le mystère de ce chiffre qui désigne soit la confession de la Trinité, soit la foi en la résurrection.
Car, dans un autre passage de l'Évangile, c'est avec la musique et les danses et la robe des noces que l'on accueille le retour du fils cadet, c'est-à-dire la conversion du peuple païen.
Aussi, comme un époux sortant de la chambre nuptiale, le Verbe descend jusqu'à la terre, jusqu'à l'Église qui doit rassembler les nations; en assumant l'incarnation, il va s' unir à celle qu'il a gratifiée d'un contrat de mariage et d'une dot. Un contrat, quand Dieu s'est uni à l'homme ; une dot, quand il a été immolé pour le salut de l'homme. Le contrat, c'est la rédemption présente ; par la dot, nous entendons la vie éternelle.
Aussi était-ce des miracles pour ceux qui voyaient, des mystères pour ceux qui comprenaient. C'est pourquoi, Si nous regardons bien, on découvre d'une certaine manière, dans les eaux elles-mêmes, une ressemblance avec le baptême et la nouvelle naissance. En effet, lorsqu'une chose se transforme intérieurement en une autre, lorsque la créature inférieure, par un changement invisible, se transmue en une nature meilleure, le mystère de la seconde naissance s'accomplit. Les eaux sont changées tout à coup, elles qui plus tard doivent changer les hommes.Par l'action du Christ en Galilée, voici du vin. C'est-à-dire que la loi disparaît et la grâce la remplace: le reflet est écarté, la vérité est rendue présente ; les réalités charnelles conduisent aux spirituelles, l'observance ancienne disparaît au profit de l'alliance nouvelle.
Comme dit l'Apôtre :Le monde ancien s'en est allé, un monde nouveau est déjà né. De même que l'eau contenue dans les cuves ne disparaît pas, mais reçoit alors une existence qu'elle ne possédait pas auparavant, ainsi la loi ne disparaît pas, mais se perfectionne par l'avènement du Christ.Le vin venant à manquer, un autre vin est procuré; le vin de l'ancienne alliance était bon, mais celui de la nouvelle est meilleur. L'ancienne alliance, celle que les Juifs observent, s'évapore dans la lettre. La nouvelle alliance, celle qui nous concerne, nous restitue le goût de la vie en nous donnant la grâce. Le bon vin, c'est-à-dire le bon commandement, est celui de la loi qui t'enseigne: Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais le vin de l'Évangile est meilleur et plus fort, lorsqu'on t'enseigne: Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent." (1)
Que l'auteur de ce sermon, abbé de Lerins puis évêque de Riez, au Veme siècle soit ensuite accusé de semi-pelagianisme enlève-t-il de l'intérêt à cette interprétation ?
Sa lecture est doublement sacramentelle. Elle donne sens au baptême comme à l'eucharistie,  dans une dynamique cohérente avec d'autres analyses,  sans parler de mes travaux de recherche sur ce thème (2).
(1) Fauste de Riez, Sermon sur l'épiphanie
(2)  cf. Dynamique sacramentelle et Sur les pas de Jean

07 janvier 2017

Cana 2 -Saint Ephrem

Une deuxième interprétation qui n'enlève rien à la première est aussi digne d'intérêt.  "Au désert, notre Seigneur a multiplié le pain, et à Cana, il a changé l'eau en vin. Il a ainsi habitué la bouche des hommes à son pain et à son vin, jusqu'au temps où il leur a donné son corps et son sang. Il leur a fait goûter un pain et un vin transitoires, pour faire grandir en eux le désir de son corps et de son sang vivifiants...
Il nous a attirés par ces choses agréables au palais, afin de nous entraîner plus encore vers ce qui vivifie pleinement nos âmes. Il a caché de la douceur dans le vin qu'il a fait, pour indiquer aux convives quel trésor incomparable est caché dans son sang vivifiant. Comme premier signe, il a donné un vin réjouissant pour les convives, afin de manifester que son sang réjouirait toutes les nations. Si le vin intervient en effet dans toutes les joies de la terre, de même, toutes les vraies délivrances se rattachent au mystère de son sang. Il a donné aux convives de Cana un vin excellent qui a transformé leur esprit, pour leur faire savoir que la doctrine dont il les abreuverait transformerait leur cœur. Ce vin, qui n'était d'abord que de l'eau, a été changé dans les jarres, symbole des premiers commandements amenés par lui à la perfection. L'eau transformée, c'est la Loi menée à son accomplissement. Les invités de la noce ont bu ce qui avait été de l'eau, mais sans goûter à cette eau. De même, lorsque nous entendons les anciens commandements, nous les goûtons dans leur saveur non pas ancienne mais nouvelle." (1)

Que l'auteur de ce texte soit docteur de l'Église ajoute-t-il du crédit à sa thèse ? :)
Est-elle très différente de celle de Fauste de Riez ? Elle est en tout cas plus ancienne puisqu'Ephrem était diacre en Syrie au IVeme siècle.

Il nous faut puiser à ces deux sources comme à toutes les semences du Verbe.  L'Écriture est un puits sans fond et la diversité est aussi source d'unité quand elle nous conduit à l'ultime contemplation,  celle du Christ.

(1) Saint Ephrem, Commentaire de l'Évangile concordant, 12, § 1-2 ; SC 121 (trad. cf SC, p. 213)

05 janvier 2017

Diversité et unité - Augustin, Cité de Dieu

En complément d'un post récent sur ce thème je relève l'allégorie spirituelle fait par l'évêque d'Hiponne sur l'arche de Noé (quelques pages après la "couverture sacramentelle" de la nudité du patriarche par ses fils). Pour Augustin, les différentes espèces dans l'arche peuvent être considérées comme une "figure de l'Église qui pouvait être constituée de plusieurs nations" (1).

Au sens de 1 Co 12, 14, cette multitude est représentative d'une unité encore à trouver dans une barque ecclésiale encore soumise aux tempêtes et aux divisions et chemin d'une sainteté encore en marche. Elle fait écho à une barque traversée d'une ligne blanche (symbole de la persistance du péché en son sein) croisée dans une église croate dédiée aux martyrs de la guerre.

Les divisions et les différences n'ont de sens que pour nous conduire à l'unité in Christo qui ne viendra pas de nos efforts mais de notre humble capacité à être traversé par l'Esprit.

(1) Saint Augustin, La Cité de Dieu, Bourges, Éd. Gilles, 1818, p. 22

29 décembre 2016

L'Église au XVIème siècle

"La situation religieuse en Europe à la veille de la Réforme protestante (...) est en fait plus complexe, à un degré qui ne permet pas les raccourcis sommaires et qui remet en question les stéréotypes toujours dominants dans les médias populaires" (1)

O'Malley évoque ainsi une réforme spontanée du clergé, surtout dans les ordres religieux.

Si je résume c'est un peu comme dire que l'église actuelle se résume aux crimes et abus de certains. La tentation de l'amalgame ignore le travail de l'Esprit dans le Corps...

Sommes-nous des pécheurs pardonnés ?

La sainteté de l'Eglise est-elle un but à atteindre ici-bas...?

La coexistence entre une Église sainte et pécheresse reste une tension. Affirmer le contraire serait présomptueux, ce que l'on ne peut plus se permettre.

(1) O'Malley, Le concile de Trente ibid. p. 57

Langue vernaculaire 2 - Concile de Trente

Une première contre-vérité démantelée à la lecture des travaux d'0'Malley : "La messe devrait être célébrée uniquement dans la langue vernaculaire". En d'autres termes, selon le concile de Trente, "le latin était légitime mais pas obligatoire" précise l'historien (1).
On est loin de l'image tridentine colportée près de 500 ans plus tard.

Affaire à suivre.

(1) John W. O'Malley, Le concile de Trente, Ce qui s'est vraiment passé, Bruxelles, Lessius, 2013, p. 33

Souffrance - Saint Bernard

"N'interroge pas ce que tu souffres, toi, mais ce qu'il a souffert, lui. À ce qu'il est devenu pour toi, reconnais ta valeur à ses yeux, afin que sa bonté t'apparaisse à partir de son humanité. En effet, l'abaissement qu'il accomplit dans son humanité a été la grandeur même de sa bonté, et plus il s'est rendu méprisable en ma faveur, plus il me devient cher." (1)

A méditer

(1) Saint Bernard,  Homélie sur l'épiphanie

28 décembre 2016

Anima ecclesiastica

Dante a cultivé ce qu'Hans Urs von Balthasar appelle à la suite d'Origène et jusque dans les commentaires médiévaux du Cantique des Cantiques l'anima ecclesiastica, cette "âme dont l'expérience et la sensibilité, la pensée et le vouloir, se sont dilatés jusqu'à l'universalité de la Sponsa Christi, l'épouse de l'Agneau, la Jérusalem céleste, jusqu'à la communauté de tous les saints et de tous ceux qui aiment". (1)

On a là une description presque poétique de la Koinonia paulinienne, cette unité à construire en dépit de la nécessaire diversité décrite par lui en 1 Co 12, 14.

Une unité en Christ à construire.

À méditer.

(1) GC2 p. 365

Contempler la grâce - Dante

"Ouvrez vos yeux et regardez : car avant que vous fussiez elle vous aima, préparant et ordonnant votre venue". (1)

On peut contempler en écho cette phrase de Dante sur la grâce et l'idée de prédestination chez Paul (cf notamment Eph. 1, 7), non au sens d'une perte de liberté mais dans celui du rêve de Dieu pour nous. Car s'il ne veut agir contre notre liberté, on peut penser qu'il rêve sans cesse de nous voir prendre le chemin de vie qu'il trace devant nos pas.

Certes les souffrants auront du mal à entendre cela. C'est ignorer que Dieu souffre à nos côtés ou prépare pour nous le creuset d'une tendresse qui nous permettra dans ce temps ou dans l'autre de comprendre l'inacceptable.

(1) Dante, Conv. 3, 15, (Le Banquet) cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 359

24 décembre 2016

Silo, berger de Palestine - extrait 1

 Extrait du conte interactif Silo le berger

"1. Silo et le vieil homme

Notre histoire commence il y a plus de deux mille ans, sous le règne du grand César Auguste, alors que Quirinius gouvernait la Syrie et le roi Hérode la Palestine. Quelque part, dans les montagnes de Juda, tu es là, petit homme de Palestine. Tu t'appelles Silo, tu es berger.
Enfin, c'est plutôt ton père qui est berger. Toi tu n'es qu'un petit pâtre, en charge d'une dizaine de brebis du troupeau. Comme dans ton pays, l'herbe et l'eau se font rares, il te faut les conduire vers des pâturages d'herbe fraîche et veiller à ce qu'elles puissent boire, en quantité suffisante. C'est un travail souvent épuisant, parce que le soleil tape fort dans ton pays et les cailloux dans les montagnes sont acérés.
Tu as les cheveux tout roux. Ta mère, parfois, t’appelle le petit David, du nom de ce roi d’Israël qui a tant marqué le peuple juif. Parfois, ce surnom te fait rêver et tu t’imagines roi de Palestine.
En ce jour d’été, tu as décidé de grimper sur la crête, pour voir l’étendue de ton royaume imaginaire. Depuis ton observatoire, tu aperçois au loin, les grandes montagnes de Judée, usées par le soleil et le vent. Au nord, dans la brume d’été, tu aperçois Jérusalem. Soudain, à ta gauche, un couple de jeunes bouquetins de Nubie apparaît. Tu les connais bien, ces grandes chèvres sauvages aux cornes acérées. Tu aimes leurs lignes gracieuses et souvent, tu guettes leurs apparitions le soir sur la crête ou près des ruisseaux.
Un cri rauque attire ton regard. C’est un faucon. Profitant de la brise légère, il se laisse porter vers les hauteurs. Par de brefs coups d’aile, il se maintient en dessus d’un point que tu cherches à deviner. Est-ce un petit rongeur, une vipère du désert ? Soudain, il plonge et tu le vois disparaître, derrière la colline. Comme le jeune David, tu t’amuses alors avec ta fronde, cherchant à atteindre, la grosse pierre, à plus de trente mètres devant toi. Tu n’as pas la dextérité légendaire du jeune roi et tu te lasses de ce jeu.
D’un coup d’œil, tu surveilles la course de l’astre de feu et, plus bas, ton petit troupeau. Tes brebis se sont regroupées à l’ombre d’un vieux sycomore et ne broutent plus. Tu décides qu’il est temps de leur donner à boire. En quelques grandes enjambées, tu les rejoins et, d’un petit sifflement, tu les appelles. Les voilà qui te suivent, sur le petit chemin qui conduit au puits. Là, tu lances le seau et remontes, une à une, de grandes lampées d’eau fraîche que tu déverses dans la longue vasque en pierre qu’elles entourent déjà. Au bout de dix seaux, épuisé, tu t’es assis sur la margelle d’un puits. Tu viens de tirer sur la corde de chanvre. C’est alors qu’au loin apparaît un vieil homme. Il marche doucement, appuyé sur sa canne. Il semble, lui aussi, terrassé par la chaleur.
Il s’approche. Il est là.
- Bonjour petit, tu peux me tirer de l’eau. Mes mains sont usées et le puits est profond.
Tu hésites. Tu ne connais pas l’homme. Il est habillé comme un prêtre, mais sa tunique est rapiécée. Pourtant tu te lèves, un peu malgré toi. Toi non plus, tu n’es pas riche. Et tes sandales sont usées par ces courses sans fin derrière le troupeau.
Tu lâches le seau. Il arrive au fond du puits et tu tires sur le bout de chanvre, pour qu’il se redresse et se remplisse à moitié. Et puis tu le hisses, à nouveau. Tes mains calleuses sentent les nœuds de la corde. La sueur coule sur ton front. D’un œil, tu surveilles tes brebis, qui boivent lentement. Bientôt le seau apparaît, tout près. Tu le soulèves dans un dernier effort et le présentes à l’homme.
- Comment t’appelles-tu, petit ?
- Silo, fils de Bénabath.
- C’est ton troupeau ?
- Oui, enfin, une partie. Mon père est là-haut, sur la crête.
L’homme te regarde, te dévisage. Il a une bonne tête, le regard qui pétille, au milieu de ses rides. Il ne dit rien. Puis soudain, il se met à parler.
- Je m’appelle Zacharie, dit-il, de la tribu d’Aaron. Je vais à Jérusalem, au Temple.
Tu ne réponds rien. Son regard t’intimide.
- Je vais prier le Dieu de nos pères, lui demander de nous envoyer le Messie.
- Le Messie, demandes-tu ?
- Oui, le sauveur de notre peuple. Celui que l’on attend.
Tu restes en silence. Il te parle encore un moment, assis sur la margelle. Tu l’écoutes, tout en surveillant tes brebis. Elles semblent ragaillardies. L’homme se lève, sourit et reprend sa route. Tu rejoins ton troupeau. Le soir, tu retrouves les tiens dans le campement itinérant, installé par ta mère, Judith, et tes deux grandes sœurs, Esther et Rebecca. Le petit Tobie est là, lui aussi, dans les bras de ta sœur aînée. Il n’a que six mois, mais déjà il pousse sur ses jambes et te tend les bras. Tu l’attrapes, le fais sauter en l’air, par trois reprises. Il rit de bon cœur.
Quand le soleil s’approche des collines, tu t’empresses d’y pousser tes brebis. Quand tout va bien, l’ensemble du troupeau est réuni par Félix et Nestor les deux chiens de ton père. Tu aides à la traite, puis tu retrouves ton frère et tes sœurs, au coin du feu. Là, tu manges en silence, les yeux tournés vers le ciel qui chaque nuit s'emplit d'étoiles. Ta vie est toute simple. Pourtant, la phrase du vieux Zacharie te taraude. Un Messie ? Est-ce possible ?"


Pour en savoir plus : voir post précédent....

22 décembre 2016

Dieu Trinité - Emmanuel Durand

J'ai beaucoup cité cet auteur dans mes travaux de recherche sur la danse trinitaire repris dans l'Amphore et le fleuve et Kénose et miséricorde.
Gageons que son nouveau livre(1) vaut le détour.
J'aime déjà sa conclusion citée dans la Croix du 22/12 : "il faut avant tout croire, espérer, aimer, célébrer, agir et… se taire."

(1) Emmanuel Durand, Dieu Trinité. Communion et transformation, Paris, Cerf, 2016.

21 décembre 2016

Bach, échelle de larmes

"Bach, échelle de larmes sur lesquelles gravissent nos désirs de Dieu". Emil Cioran (1)
À méditer

(1) Un aphorisme cité par Bruno de Cessole lors d'une conférence aux Bernardins de novembre 2016

20 décembre 2016

Le phénomène érotique - Dante

J'emprunte à Jean-Luc Marion le titre de son livre pour décrire ce que Hans Urs von Balthasar nous dit de Dante. Par l'éros de Béatrice et la notion du voile et du dévoilement, il nous prépare en effet à cette révélation du divin qui culminera dans sa Divine Comédie : "la force de persuasion de la belle femme qui nous séduit en vue du mieux et qui voile et dévoile ses charmes, mais les voile en permettant de les dévoiler" est pour Hans Urs von Balthasar le prélude chez Dante de ce "désir éternel" vu comme contradiction, impossibilité et même éthiquement une abomination.
Cependant,  ajoute-il plus loin, l'éros nous purifie ainsi en nous rappelant l'humilité, (...) il nous entraîne toujours plus haut, jusqu'à cette figure ultime que Dante nous dévoilera dans la rose céleste (1).

Il y a donc là une dynamique qui n'est autre que celle de l'incarnation.  En rejoignant l'homme jusque dans ses tensions charnelles, en les purifiant jusqu'à comprendre leurs limites,   Dieu nous conduit à sa danse (un autre concept qui nous vient aussi de Dante).

(1) GC2 p. 359