12 août 2019

Au fil de Matthieu 17, 22-27 - La rançon ? - sainte colère 2 - Ambroise…

En écho à ma note précédente :« Puisque le Christ a réconcilié le monde avec Dieu, lui-même n'a certes pas eu besoin de réconciliation. Pour quel péché aurait-il expié, en effet, lui qui n'a commis aucun péché ? Lorsque les juifs réclamaient les deux drachmes qu'on versait à cause du péché, selon la Loi, il avait dit à Pierre : « Simon, les rois de la terre, de qui reçoivent-ils taxes et impôts : de leurs enfants ou des étrangers ? » Pierre répondit : « Des étrangers ». Le Seigneur lui dit alors : « Donc, les enfants n'y sont pas soumis. Mais pour ne pas les heurter, jette l'hameçon, saisis le premier poisson, et en lui ouvrant la bouche, tu trouveras une pièce d'argent : prends-la et donne-la pour moi et pour toi. »
Il montre ainsi qu'il ne doit pas expier les péchés pour lui-même, parce qu'il n'était pas esclave du péché ; comme Fils de Dieu, il était libre de toute erreur. En effet, le fils libère, tandis que l'esclave est assujetti au péché. Donc celui qui est entièrement libre n'a pas à payer de rançon pour sa vie, et son sang pouvait être une rançon surabondante pour racheter tous les péchés du monde entier. Il est normal qu'il libère les autres, celui qui ne doit rien pour lui-même.
J'irai plus loin. Non seulement le Christ ne doit pas verser la rançon de sa propre rédemption ni expier pour son propre péché, mais encore, si tu considères n'importe quel homme, il est compréhensible que chacun d'eux ne doit pas expier pour lui-même. Car le Christ est l'expiation de tous, la rédemption de tous. (1) »

(1) Saint Ambroise, Commentaire du Ps 48, 14-15 ; CSEL 64, 368-370 (trad. bréviaire 20e sam. rev.)


Sainte colère - Origène

Plusieurs questions se posent entre :

  • La colère de Dieu que nous voulons souvent récupérer pour excuser nos propres désirs de puissance ?
  • Un dieu « jaloux » et en colère que nous tentons d'excuser parfois pour adoucir le message
Comment concilier amour, miséricorde et colère ?
Devons-nous emprunter la pente glissante développée à tort par quelques disciples d'Anselme jusqu'à défendre une théorie d’un soi-disant « prix à payer » à un Dieu vengeur ?
Peut-on effacer des pages de l'AT et ignorer la colère du Christ au temple ?
Faut-il au contraire y développer une lecture qui montre une progression dans la révélation (cf. mon Dieu n’est pas violent)
On y note qu’au Temple, Jésus renverse les pièces mais ne brise pas les cages...
Qu'est-ce à dire ?

Qu'est-ce que la colère divine ?

Hans Urs von Balthasar en développe plusieurs chapitres dans sa dramatique divine.

Je note, pour en creuser plus la profondeur la thèse du "grand Origène [qui] nous aura appris à distinguer la colère de bonté (celle du pédagogue qui veut élever l'enfant et le parfaire) de la colère noire de fureur (qui pour être froide, n'en veut pas mon détruire) (1).

Il y dans cette tension une clé théologique que Marxer nous invite à découvrir en complément de son analyse de la nuit chez les mystiques du XXeme siècle. Il serait prétentieux de conclure. Il faut plutôt se plonger dans ce livre d’une grande richesse spirituelle. A la veille de l’Assomption et en correspondance avec mon projet d’homélie j’y vois un chemin personnel de conversion. Où es-tu mon Dieu ?

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 573


09 août 2019

Au fil de 2 Corinthiens 12, La Croix - Edith Stein - Amour en toi…

Il y a dans les propos de sainte Thérèse-Bénédicte de La Croix, qui part des propos de Paul (cf. notamment 2 Co 12, 9) et les fait résonner, à la fois une exhortation et une exigence intérieure : « Celui qui a opté pour le Christ est mort au monde, et le monde est mort pour lui. Il porte dans son corps les marques de souffrances du Seigneur, il est faible et méprisé devant les hommes, mais précisément en cela, il est fort, car la puissance de Dieu donne toute sa mesure dans la faiblesse(1). Sachant cela, le disciple de Jésus n'accepte pas seulement la croix qui lui est imposée, mais il se crucifie lui-même : Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié en eux la chair, avec ses passions et ses convoitises. Ils ont soutenu un dur combat contre leur nature, afin que meure en eux la vie du péché, et qu'advienne un espace pour la vie de l'Esprit. Seule importe cette dernière. »(2)

Qu'advienne un espace pour la vie de l'Esprit... N'est-ce pas tout l'enjeu de cette quête que j'ai nommé « l'amour en toi »...

Mais écoutons encore ses propos : « La croix n'est pas un but en soi. Elle élève et elle dirige le regard vers le haut. (...), elle n'est pas seulement un signe, elle est (...) , le bâton du berger, avec lequel (...) le Christ frappe fortement à la porte du ciel et la pousse. Alors se répandent les flots de la lumière divine qui enveloppent tous ceux qui marchent à la suite du Crucifié ». (2)

Portons notre regard vers celui que Dieu a élevé sur le bois de la Croix, pour qu'à la suite des Hébreux sauvés par le serpent de bronze nous soyons guéris de ce qui nous détourne de Dieu puis illuminés par « les flots de la lumière divine qui enveloppent tous ceux qui marchent à la suite du Crucifié »

(1) Ma grâce te suffit car la puissance de Dieu donne toute sa mesure dans la faiblesse (2 Co 12, 9)
(2) sainte Thérèse-Bénédicte de La Croix (Edith Stein), la science de la Croix, office des lectures du 9/8, source AELF


02 août 2019

Passivité, effacement et Agapè - 10

Passivité plus que passive.
« Arrachement de soi à soi-même, détachement par lequel on se détache, y compris dudétachement (...) effacement (...) Agapè qui ne résiste ni ne contourne ni n'échappe à la violence de la nuit, mais vaillamment, y prend place et s'y loge (...) solicitude éthique (...) compassion (...) générosité que ne précède aucune réquisition (...) incessante, taraudante inquiétude (...) voilà ce qui n'est guère conforme à nos catéchismes tranquilles » (1)

Dans sa conclusion aux élans lévinassisiens F. Marxer résume bien l'enseignement de son livre dont je vous ai partagé déjà trop d'extraits dans le seul but de vous inviter au voyage...

Un chemin qui dérange nos conforts établis à la lumière de ces femmes qui sont Église plus que nos communautés parfois stériles.

A lire sans modération


(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 564sq

Effacement et contraste - 9 - Beau ou Bon ? - Balayure - Marie de la Trinité

"Un soir d'hiver j'accomplissais comme d'habitude mon petit office, il faisait froid, il faisait nuit… Tout à coup j'entendis dans le lointain le son harmonieux d'un instrument de musique, alors je me représentai un salon bien éclairé, tout brillant de dorures, des jeunes filles élégamment vêtues se faisant mutuellement des compliments et des politesses mondaines ; puis mon regard se porta sur la pauvre malade que je soutenais ; au milieu d'une mélodie j'entendais de temps en temps ses gémissements plaintifs, au lieu de dorures, je voyais les briques de notre cloître austère, à peine éclairé par une faible lueur" (1)

Terrible contraste entre le Beau et le Bon. Tension s'il en est pour ceux qui cherchent dans l'esthétique une porte d'entrée mystique. Ici, pas de fuite possible. Le visage de l'autre m'interpelle toujours. Entre l'exigence de Lévinas et la culpabilité de Sibony, il n'y a pas photo. L'autre est la porte vers l'Autre, même si ce dernier est silencieux... Le chemin parcouru est celui d'une vie. 

Face au silence, y-a-t-il que l'Ecriture ? Avec ou sans grand "E" ?

Entre une auto-justification narcissique et le silence, Pascal a fait le choix, in fine, du silence nous dit Hans Urs von Balthasar dans Gloire et Croix, Styles, tome 3.

A méditer.

C'est en tout cas mon choix, depuis que j'ai compris, à la lumière de Philippiens 3 et de Grégoire de Nysse que je ne suis que balayure (2) sur une course infinie(3).

(1) Marie de la Trinité citée par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 562
(2) ibid. p. 524 et 528 sq et Ph 3
(3) cf. mon livre éponyme 

01 août 2019

Effacement 6

Mourir à son rêve. Une mort qui nous délivre "en nous interdisant toute fusion imaginaire, tout rêve de perfection (...) devenir humain pour être pleinement dans le vrai de son être (1).

Il y a là un sacré enjeu loin de toute tentation mystique ou même pharisienne. Derrière l'apparence se joue, sans fin, la nécessité de coordonner notre quête et le réel de notre vie, dans l'aujourd'hui de notre agir.

Non pas une posture, mais se laisser saisir au vif par le réel, “dévaste notre foi, encercle ce qui peut rester d’amour...” (2)

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 511
(2) p. 523

Amour en toi - 38 - Marie de la Trinité

" Laisse toi murer (...) ne cherche pas à te montrer, ni à rien à répandre, car le cours de ta vie est vers Moi et pour Moi, ton Père et ton Dieu… Ne t'occupe pas du dehors, mais du dedans - car Je ne suis pas au dehors, mais au dedans". (1)

A méditer

(1) Marie de la Trinité, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 509

30 juillet 2019

Nuit et solitude périphérique ? - 8

La suite de la lecture de l'œuvre de Mère Térésa sous le regard de F. Marxer interpelle notre vision du monde actuel, de cette victoire apparente de l'athéisme comme de nos solitudes à sa périphérie.
On rejoint pour lui la lucidité prophétique de Dietrich Boenhoffer : « Dieu nous fait savoir qu'il nous faut vivre en tant qu'hommes qui parviennent à vivre sans Dieu. Le Dieu qui est avec nous est celui qui nous abandonne (Mc 25, 34 : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?) (...) Devant Dieu et avec Dieu, nous vivons sans Dieu. Ce à quoi réponds le « qu'il est douloureux d'être sans lui » de mère Thérèsa. Ainsi la nuit serait-elle la condition évangélique de l'existence chrétienne dans la modernité d'aujourd'hui, au prix, selon Bonhoeffer, d'une rupture »(1)

Quelle rupture ? Renoncer à une réussite humaine, voire cléricale, pour « se mettre pleinement entre les mains de Dieu » (...) « prendre au sérieux [les souffrances des hommes et] de Dieu dans le monde [et veiller] avec le Christ à Gethsémani (...) c'est ça la foi, c'est cela la metanoia [la conversion] » ultime. (1)

Est-ce que je déforme le message ? Peut-être un peu, à l'aune de ma désespérance sur l'état du monde. Mais pas vraiment sur le chemin, je pense, de la conversion à accomplir.

« Même Dieu ne pouvait pas offrir de plus grand amour qu’en Se donnant Lui-même comme Pain de vie, pour être rompu, pour être mangé, afin que vous et moi, puissions manger et vivre, puissions manger et satisfaire ainsi notre faim d’amour. Pourtant Il ne semblait pas satisfait, car Lui aussi avait faim d’amour. Il s’est donc fait l’Affamé, l’Assoiffé, le Nu, le Sans-logis, et n’a cessé d’appeler (2)

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 457-8

(2) Mère Teresa, Ibid. p. 461

27 juillet 2019

Homélie du 17ème dimanche du Temps Ordinaire - Gn 18, Col 2, Luc 11 - Demander, Prier

Notes pour la version finale prononcée à Saint Sansom  d’Allainville

3 déplacements dans les Lectures de ce jour :
1. Quelle miséricorde ?
Entre entre la perception d’Abraham, à l’origine  de l’histoire juive et ce que nous dit Paul dans sa lettre aux Colossiens, c’est toute notre idée de Dieu qui est à modifier. Dieu est miséricorde nous dit Paul. « Il pardonne toutes nos fautes... ». Du Dieu d’Abraham à celui que Jésus nous révèle il y a un grand déplacement à faire...

2. Osons demander
La fin de Luc 11 est clair, nous n’osons pas demander à Dieu. Est-ce par orgueil, parce que nous voulons tout faire seul ?
Oser demander, c’est oser accueillir Dieu en nous, c’est laisser une place à l’Esprit saint...
Deuxième déplacement...

Où es-tu ?
Où es-tu mon Dieu ?

C'est la question qu'on se pose et elle est légitime. Je lisais cette semaine une méditation de mère Teresa qui se plaignait du silence de Dieu dans sa vie et qui pourtant n'a cessé de croire dans sa présence...

Elle vivait dans le silence de Dieu et pourtant elle agissait comme jamais...
Notre relation avec Dieu est ambivalente. parfois, comme Abraham, on craint de s'adresser à lui, on négocie, on fait presque du chantage et pourtant, c'est notre foi, il est là, il nous entend, même si sa réponse n'est peut-être pas là où on voudrait qu'il soit. Que faire...?
Je n'ai pas de réponse.
Car Dieu n'est jamais prévisible.

On dit de plus en plus qu'il est absent. Certains osent dire que Dieu est mort....
La réponse est oui. Et là je n'hésite pas. il est mort.... sur une croix.
Et cette croix vaut toutes les réponses...

Alors comment prier le Père de Celui qui est mort pour nous ?
Jésus nous livre sa réponse dans ce texte de Luc 11 et je vous invite à méditer ensemble cette prière....
Elle commence par « Notre Père ».
On raconte qu'un jour la petite Thérèse a étonné une soeur en passant deux heures à méditer les deux premiers mots...
Je suis loin de l'égaler mais je vous invite à méditer de la même manière les deux premières phrases
Ce sera notre troisième déplacement...

Notre Père
Dire « notre » et pas « mon père » est déjà un enjeu.
Notre prière n'est jamais personnelle
Elle est par nature communion...

Qui est au cieux
Cela semble bien loin... cela nous conduit surtout très haut
Et sur ce chemin Jésus nous invite à monter, comme il est monté lui aussi, sur le bois d'une croix

Que ton Nom soit sanctifié
Ton nom et pas mon nom
Ta gloire et pas ma gloire
Ta prière et pas ma prière
Ton désir et pas mon désir
sanctifier le nom de Dieu c'est revenir à sa place

Que ton règne vienne
Nom pas mon désir de pouvoir
d'avoir ou de valoir
mais le règne de Dieu

Je pourrais continuer sur ce registre jusqu'au bout
mais je pense que vous avez compris l'enjeu.
Le notre Père agis comme une autocorrection de nos prières humaines en les conduisant à l'essentiel
certes on a parfois le sentiment qu'il ne répond pas...
mais la demande n'est peut-être pas ajustée.
je vous laisse méditer là dessus




Au fil de Matthieu 13,24-30 - le bon grain et l’ivraie

En ce temps-là, Jésus proposa cette parabole à la foule : « Le royaume des Cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ.
Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l'ivraie au milieu du blé et s'en alla.
Quand la tige poussa et produisit l'épi, alors l'ivraie apparut aussi.
Les serviteurs du maître vinrent lui dire : "Seigneur, n'est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D'où vient donc qu'il y a de l'ivraie ?"
Il leur dit : "C'est un ennemi qui a fait cela." Les serviteurs lui disent : "Veux-tu donc que nous allions l'enlever ?"
Il répond : "Non, en enlevant l'ivraie, vous risquez d'arracher le blé en même temps.
Laissez-les pousser ensemble jusqu'à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d'abord l'ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier." » Mat 13, 24-30 AELF, Paris

Qui sommes-nous pour juger ? Sommes nous d'ailleurs plus aptes que les autres à porter du fruit ?

« Le bon grain et l'ivraie, [sont] mêlés dans l'Église jusqu'au Jour du Seigneur
Dans l'Église n'habitent pas que des brebis et ne volent pas que des oiseaux purs ». nous dit saint Jérôme avec clairvoyance. Écoutons le !

« Le froment est semé dans le champ et, « au milieu de splendides cultures, l'emportent les bardanes et les ronces, ainsi que les folles avoines. » (Virgile, Géorgiques) Que doit faire le paysan ? Va-t-il arracher l'ivraie ? Mais la moisson entière sera en même temps saccagée ! (...)
Pendant le sommeil du père de famille, l'ennemi a semé l'ivraie ; comme les disciples se hâtaient d'aller la déraciner, le Seigneur les en a empêchés, se réservant à Lui-même de séparer la paille et le froment. (…) Personne, avant le jour du Jugement ne se peut s'approprier la pelle à vanner du Christ, personne ne peut juger qui que ce soit.(1)

(1) Saint Jérôme, Débat entre un luciférien et un orthodoxe (SC 473, p 179-180), source Evangelizo




25 juillet 2019

Solitude et absence du Père - De Speyr à Teresa - 8

Il faut revenir à l'analyse d'Adrienne von Speyr sur la place du « non-voir » qu'évoque le dialogue entre Moïse et Dieu en Exode 33 pour comprendre ce qu'elle contemple en Christ face à l'expérience de la déréliction. « Le non-voir est la condition même de la contemplation de la croix, de ce Dieu dont aucune image ne peut être donnée (1) ». La privation du voir est vision sur le mode de la non vision. Le refus du visage, la solitude est le chemin du mystère... La nuit contemporaine résiste à toute assimilation.
Elle conduit à la foi véritable évoqué à Thomas : « heureux qui croit sans avoir vu ». N'est-ce pas le chemin de nos solitudes...?

« il s'en est allé, l'amour pour quoi que ce soit, pour quiconque ; et, malgré cela, je brûle jalousement de désir pour Dieu, à L'en aimer de chaque atome de vie en moi. Je veux L'aimer d'un amour profondément personnel. Je ne peux pas dire que j'en suis distraite, car mon esprit, mon cœur sont ordinairement avec Dieu. Tout cela vous paraît délirant devant tant de contradictions ! »(2)
Et pourtant il y a l'essence de la déréliction speyrienne.

(1) Adrienne von Speyr, le visage du Père, p. 68-69, cité par Hans Urs von Balthasar et François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 438

(2) ibid p. 439

Solitude périphérique 7 - Mère Térésa

Comme en écho à mes 6 premiers billets sur le thème de la solitude, cette affirmation de mère Térésa vient résonner à mes oreilles : « En moi, rien d'autre que ténèbres, conflit, et cette si terrible solitude. Je suis parfaitement heureuse d'être comme ça jusqu'à la fin de ma vie »(1)

Sans commentaire

(1) cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 437

23 juillet 2019

Amour en toi - 37 - Mère Teresa

Au milieu de sa nuit, Mère Teresa rejoint à sa façon le chemin d'Etty Hillesum dans les camps de la mort : « Aucune joie, aucun attrait, aucun zèle dans mon travail (...) Je fais de mon mieux. Je me dépense, mais je suis plus que persuadée que cet ouvrage n'est pas le mien. Je n'ai aucun doute : c'est Vous qui m'avez appelée, et avec tant d'amour et de force ! C'était Vous, je le sais. C'est pourquoi cet ouvrage est le Vôtre et c'est encore Vous maintenant... » (1)

«Non pas que de nous-mêmes nous soyons capables de considérer quoi que ce soit comme venant de nous-mêmes: notre capacité vient de Dieu. C’est lui aussi qui nous a rendus capables d’être ministres d’une alliance nouvelle » (2 Corinthiens‬ ‭3:5-6‬ ‭NBS‬‬)

« Ne vous gonflez pas d’orgueil, car vous avez Jésus Christ en vous » (2)

Une leçon d’humilité...

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 434
(2) Saint Ignace d’Antioche, Lettre aux Magnésiens.

21 juillet 2019

Gloire et Grâce 5

(1) Le mot hèsèd constitue la substance proprement dite de l'Alliance. Il y a différents degré d'intensité dans la signification du mot. Tout d'abord c'est le Seigneur transcendant, fondateur de l'Alliance, qui possède hèsèd, et en ce sens la signification du mot est voisine de bienveillance, grâce, amour ; mais en conséquence, le subordonné qui entre dans l'Alliance, doit vivre conformément à la bienveillance qui lui a été manifestée, il doit pour ainsi dire la refléter, déterminer d'après elle son attitude générale - envers le Seigneur comme envers autrui.(1)

Peut être rejoint-on ici les éléments qui motivent la théologie sacramentelle. Il y a une dynamique propre (2) à l'Alliance où le récipiendaire est invité à se conformer à celui qui lui confère sa grâce, dans une subtile circumincession (danse -3) où l'homme devient signe efficace de cet amour qui soudain l'habite.

(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la croix, 3. Théologie, Ancien Testament, ibid. p. 139

(2) cf. ma dynamique sacramentelle
(3) cf. également mes recherches sur la danse trinitaire

Grâce et Gloire 4 - Exode 33

Nous évoquions Exode 33, au sujet de la nudité. C'est au début du chapitre que Dieu invite l'homme à enlever ses habits de fête pour se (re)mettre à nu devant lui..

Il n'est pas inintéressant d'entendre Urs von Balthazar développer tout le thème de la gloire dans la fin du même chapitre. « Moïse ayant prié Dieu de lui faire voir sa gloire, Dieu le cacha dans la fente du rocher et passa devant lui en criant : « Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse (rahum, du mot rèhèm) et de pitié (hanumm, de hun, hén), lent à la colère, riche en grâce (hèsèd) et en fidélité (emet).
Faisant cette expérience Moïse obtint de voir la gloire de Dieu de dos (Ex 33,23) à son passage devant l'homme. Toute la révélation de Dieu fait de lui-même est grâce ; la formule « lent à la colère » exprime que la grâce n'est pas un côté d'une révélation à deux faces, mais plutôt que la colère est fonction de la grâce » (1)

Voilà un thème à creuser.
La colère (même si j'ai du mal à l'entendre, croyant, à la suite de Varillon que Dieu n'est qu'amour), la colère donc serait fonction de la grâce. Est-ce à dire que plus Dieu nous fait grâce plus il devient exigeant ? Une remarque qui ne doit pas devenir morale pour les autres, mais interpellation toute intérieure.
Si l'on résume, en se mettant à nu, c'est-à-dire en vérité devant le Seigneur on peut se laisser appeler à le contempler. Mais voir Dieu, c'est-à-dire participer à sa gloire nous engage plus qu'avant à répondre à son appel, faute de subir sa « colère », qui est d'abord sa peine, sa tristesse (puisqu'il est « lent à la colère ».
Cette interpellation est datée et masque une partie de la miséricorde (même si on la trouve déjà en Exode et Osée (2). Il faut attendre le Christ et un texte comme le fils prodigue (Luc 15) pour percevoir que ce que la colère du Premier Testament cache, c'est le dévoilement d'un Dieu qui va jusqu'à mourir pour l'homme...

(1) Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 131
(2) cf. notamment mon livre « Dieu n'est pas violent »