13 mai 2020

Au fil de Jean 15 - La vigne - saint Cyrille d’Alexandrie

Dans la suite de nos contemplations de l'Église à construire, une Église faite de pierres vivantes ce commentaire de Cyrille est une belle exhortation.
« Le Seigneur dit ~ qu'il est lui-même la vigne, pour nous apprendre à nous attacher à son amour et nous montrer combien d'avantages nous retirons de notre union avec lui. Et il compare aux sarments ceux qui lui sont unis, ajustés en quelque sorte et fixés en lui : ceux-là sont déjà participants de sa nature du fait qu'ils ont reçu le Saint-Esprit en partage. Car ce qui nous unit au Christ Sauveur, c'est son Esprit Saint.

L'union avec la vigne de ceux qui se joignent à elle vient de leur libre choix ; mais de la part de la vigne à notre égard, cela vient de sa nature. C'est en vertu d'un bon choix que nous nous avançons par la foi, et nous devenons de sa race parce que nous avons reçu de lui la dignité de fils adoptifs. En effet, selon saint Paul, celui qui s'unit au Seigneur ne fait plus qu'un esprit avec lui.

En d'autres endroits de l'Écriture, par la voix du Prophète, le Christ est appelé base et fondement. En effet, c'est sur lui que nous sommes bâtis, et nous sommes appelés pierres vivantes et spirituelles, en vue d'un sacerdoce saint, pour devenir une habitation de Dieu dans l'Esprit, et nous ne pouvons pas entrer dans cet édifice si nous n'avons pas le Christ comme fondation. C'est dans le même sens que Jésus dit ici qu'il est la vigne qui engendre et nourrit les sarments.

En effet, nous avons reçu la nouvelle naissance de lui et en lui, dans l'Esprit, en vue de porter des fruits de vie ; non pas de la vie ancienne et dépassée, mais de la vie renouvelée par la foi et l'amour envers lui. Maintenons-nous dans cet état, greffés en quelque sorte sur le Christ, attachés coûte que coûte au commandement sacré qui nous a été donné. Évertuons-nous à conserver les avantages de notre noblesse, c'est-à-dire à ne laisser aucunement contrister le Saint-Esprit qui a fait son habitation en nous, et par qui l'on sait que Dieu demeure en nous.

Comment nous sommes dans le Christ, et lui en nous, le sage saint Jean nous l'a montré par cette parole : Nous reconnaissons qu'il demeure en nous, et nous en lui, parce qu'il nous a donné son Esprit. ~

De même que la souche de la vigne fournit et distribue aux sarments la qualité naturelle qui lui est propre et qui est en elle, c'est ainsi que le Verbe, Fils unique de Dieu le Père, introduit chez les saints une sorte de parenté avec sa nature en leur donnant l'Esprit, surtout à ceux qui lui sont unis par la foi et par une parfaite sainteté. Il les nourrit et fait progresser leur piété, il développe en eux la science de toute vertu et de toute bonté.(1) »

(1) Cyrille d'Alexandrie, commentaire de l'Evangile selon saint Jean, source : office des lectures, 5eme mardi de Pâques AELF

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10 mai 2020

Dépouillement 3 - pierres vivantes - méditation suite


Contemplation

Qui suis-je devant la Voie lactée, l'océan déchaîné, la fleur fragile, la main d'un enfant, la mort...?
Dieu est grand.



Méditation

Pourquoi l'homme ? Pourquoi la liberté ? Que nous veux-tu ?

Agenouillement

Pourquoi m'aimes-tu ? Au point de te mettre à genoux, de me laver les pieds, au point de mourir, sur le bois d'une croix ?



Silence

Où es-tu ? Pourquoi ?

Appel

Je suis là. Je t'aime. Où es-tu ?

Amour déposé

Et si ? Et si l'amour vibrait en toi ? Et si tu me suivais.
Et si tu aimais.
Je crois en toi...



Pierres vivantes

Tu es la pierre vivante. En toi je bâtirai mon Église.
Chacun a sa place.
Il y a de multiples demeures dans la maison du Père
Cesse de rêver sans l'amour
« Je suis » si tu contemples ma croix et que tu te dépouilles enfin de ce qui n'est pas amour, unité.
Je suis le chemin, la vérité et la vie.
Viens. Danse avec moi...

——-

« Lumière enfouie sous le boisseau,
Le prince de l'ombre m'épuise !
Vous n'aurez plus besoin de lune ou de soleil,
Agneau de feu, je suis votre flambeau ;
Moi seul peux vous conduire au jour,
Mon Jour qui lève aux cieux nouveaux,
Par le jardin où j'agonise.

Parole atteinte par les eaux,
L'angoisse me force au silence !
Vous n'aurez plus besoin de lune ou de soleil,
Agneau vainqueur, je suis votre flambeau ;
Moi seul peux vous parler de paix,
M
Paix qui règne aux cieux nouveaux,
Puisque la croix me fait violence.

Victime offerte à mes bourreaux,
Mon corps n'est plus rien que blessure !
Vous n'aurez plus besoin de lune ou de soleil,
Agneau de Dieu, je suis votre flambeau ;
Moi seul peux vous combler de joie,
Ma Joie qui s'ouvre aux cieux nouveaux,
Puisqu'au calvaire on me torture.

Semence enfouie dans le tombeau,
La mort m'a couché sous la pierre !
Vous n'aurez plus besoin de lune ou de soleil,
Agneau vivant, je suis votre flambeau ;
Moi seul peux vous donner la vie,
Ma Vie qui fait les cieux nouveaux,
Dans la cité de notre Père.

Hymne de l’office des lectures du 5eme dimanche de Pâques, source AELF 

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09 mai 2020

Dépouillement - 2 - méditation du 5eme dimanche de Pâques


Projet 2
Il y a une leçon à tirer de cette situation particulière qui voit l'effondrement de nos babylones anciennes : « Malheur ! Malheur ! la grande ville, Babylone, ville puissante : en une heure, ton jugement est arrivé ! » Et les marchands de la terre pleurent et prennent le deuil à cause d'elle, puisque personne n'achète plus leur cargaison : cargaison d'or, d'argent, (...) « Les fruits mûrs de tes convoitises sont partis loin de toi, tout ce qui était brillance et splendeur est perdu pour toi, et cela plus jamais ne se retrouvera. » (...) « Malheur ! Malheur ! La grande ville, vêtue de lin fin, (...) toute parée d'or, (...) , car, en une heure, tant de richesses furent dévastées ! » Ap 18, 10 sq
De quoi parle l'apôtre Jean si ce n'est toute nos constructions humaines, notre monde financier certes mais peut-être aussi nos églises de pierre maintenant vidées de son peuple. Face à ce désert et ce dépouillement il nous faut revisiter ce qui est essentiel, ce qui compte vraiment, au delà des « cymbales retentissantes »(1Co 13).
Ce qui demeure est ce qui dépouillé du faste. C'est ce qui est de l'ordre de l'amour. Le rideau est déchiré (1) et seule la croix nue et décharnée sur un ciel sombre luit de vérité. « je suis le chemin, la vérité et la vie ». (Jn 14).
La croix est loin de tout faste et de tout or, elle est cet amour désintéressé d'un donateur qui s'efface et meurt après avoir tout donné.
Christ est humilité et kénose...loin de nos splendeurs factices et peut-être même du faste ancien de nos liturgies. Abandonnons l'or et contemplons le bois transpercé, la chair meurtrie de ceux qui donnent et se taisent, de nos soignants épuisés et vidés. Ils brlllent d'un amour plus essentiel que nos ors et nos paroles humaines, voire de certains de nos discours ou de nos prières machinales qui oublient ce qui est voilé et silencieux au fond de nous-mêmes : l'appel à l'humilité et à l'agenouillement.

« Le Christ Jésus, +
ayant la condition de Dieu, *
ne retint pas jalousement
le rang qui l'égalait à Dieu.
7 Mais il s'est anéanti, *
prenant la condition de serviteur.
Devenu semblable aux hommes, +
reconnu homme à son aspect, *
8 il s'est abaissé,
devenant obéissant jusqu'à la mort, *
et la mort de la croix.
9 C'est pourquoi Dieu l'a exalté : *
il l'a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
10 afin qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse *
au ciel, sur terre et aux enfers,
11  et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur » *
à la gloire de Dieu le Père.(Ph 2, 5-11)

Le suis le chemin...
Et quel chemin. L’humilité de Dieu, la kénose du Père puis du Fils qui se répand ensuite silencieusement dans nos cœurs et loin de tout discours surfait.
Il est vérité et vie.
À quelle vie nous appelle le Christ sinon de tenter cette voie ardue, presqu’inacessible de l’amour donné et partager.
Je suis...
Il est chemin, il est présent.
Présent dans le cri du frère, dans l’appel ténu que nous ne savons pas entendre, dans cette main que nous refusons et ignorons sans cesse...

(1) cf. mon livre éponyme



06 mai 2020

Lectures pastorales - récapitulatif et accès en téléchargement gratuit sur kindle

Texte révisé le 13/4 cf plus bas puis le 15/5

Profitant de mes soirées de confinement et du bouclage d’une première version de Pédagogie Divine qui attend vos commentaires, j’ai remis à jour quatre des 18 tomes de mes lectures pastorales, cette longue série de manducation de la parole sans prétention à la lumière des éclairages des pères de l’Église et de mes lectures diverses, notamment de J. Moingt, Kasper, J. Meier, B.  Sesboué, K. Rahner, C. Theobald ou l’incontournable Hans Urs von Balthasar.
Ces tomes intègrent un certain nombre de redondances mais constituent chaque fois des approches particulières de la Bible. Je rappelle ici l’enchaînement chronologique de mes essais :

  1. A genoux devant l'homme, (Jean) 2012
  2. Chemins de miséricorde, (Luc) 2013
  3. Chemins d'Eglise (actes des apôtres)
  4. Serviteur de l'homme, kénose et diaconie (lettres de Paul) 2014
  5. Sur les pas de Marc, 2015
  6. Sur les pas de Jean, 2015
  7. Chemins croisés (Matthieu), 2015
  8. Chemins d’Évangile (Les 4), 2015
  9. Le chemin du désert (de Gn et Ex à Mat 4 et Jn 21)
  10. Nouveau Testament, tome 3 - autres lettres)
  11. L'humilité de Dieu, tome 11 - Humilité et miséricorde (tome 1)
  12. Décentrement et communion, - Humilité et miséricorde (tome 2)
  13.  Miséricorde, un chemin en Église, - Humilité et miséricorde (tome 3)
  14. Lire l'Ancien Testament, tome 1 - une lecture pastorale des livres d'Osée et de la Genèse, 2016
  15. Dieu n'est pas violent,  lire l'Ancien Testament, tome 2 (à partir des tomes 10,11 et 19)
  16. Chemins de prière, nouvelle édition - lire l'Ancien Testament, tome 3 (les psaumes)
  17. Pédagogie divine - Chemin de lecture  pastorale (614 p.)
  18. Le rideau déchiré - nouvelle édition revue de Sur les pas de Marc (extrait du tome 17)

En lisant les tomes 17, 8, 3, 4, 10, 11, 12, 13, 9, 15, 16 vous avez plus ou moins l’intégrale.Mais l’ordre est volontairement non imposé...Vous pouvez aussi commencer par le 5, le 9, le 14 ou le 18 et voir ensuite... 

Je précise  qu’à l’occasion de la parution de Pédagogie divine j’avais rendu 4 tomes de mes lectures pastorales offerts en téléchargement gratuits sur Kindle jusqu’au vendredi saint..(une promotion spéciale d’Amazon, au lieu des 0,99 euro, que je ne peut malheureusement renouveler avant deux mois - limitation imposée par l’éditeur**).
Cela donnait un autre accès à mes livres depuis quelques années publiés à prix coûtant...(*)
Même si je trouve qu’un bon livre se lit surtout sur du papier, l’édition sur Kindle qui respecte les notes est un bon ersatz...

(*) pour des raisons probablement liées à la situation actuelle les versions brochées ne sont plus accessibles via Amazon.fr mais le sont encore via ce lien sous amazon.co.uk
** du coup j’ai mis en ligne gratuitement à genoux devant l’homme et mardi de Pâques la dynamique sacramentelle...Cf. le lien et je continue de mettre en ligne d’autres tomes.
Au 20 avril étaient disponibles gratuitement les numéros 9 et 11 à 16 (cf. plus haut) de la série sur Amazon/Kindle et « cette église que je cherche à aimer »
Depuis le 15 mai, retrouvez les tomes 17 et 8 disponibles gratuitement en un seul volume chez kobo.com et Fnac.com sous le titre « Dieu dépouillé »

Jeûne eucharistique et dynamique sacramentelle - 80 - Saint Hilaire


En ces temps de jeûne eucharistique il est bon de contempler ce que Dieu a déposé en nous par la grâce reçue du sacrement de notre première communion qui fait de nous des porte-Christ (1) dans le mystère particulier de notre vocation de baptisés.

Ce jeûne est l'occasion de revisiter la "puissance structurante" qui jaillit de la faiblesse d'un Dieu qui s'offre à nous dans la double manducation de son Verbe fait chair et de l'Esprit Saint (qui comme le souligne Jean, jaillit de son cœur transpercé).

Cet amour qui brûle en nous est potentiellement un nouveau "buisson-ardent", don ineffable de Dieu qui nous fait grandir et nous rend participant à une communion qui nous dépasse et nous embras(s)e.

Pourquoi, dans ce cadre, faire l’apologie du jeûne ? Peut-être pour percevoir derrière le sacrement la profondeur réelle sur toute notre vie de la dynamique qui est en jeu. On trouve cette insistance dans certains écrits de C. Théobald (cf. tags) qui appellent à élargir la notion de sacrement à la vie dans son sens le plus large. Pour moi il s'agit là du cœur de cette dynamique sacramentelle longtemps évoquée dans ce blog (2) que la lecture de saint Hilaire vient réveiller à nouveau comme une danse (3) très intime de l'homme invité à la circumincession divine : « Parce que véritablement le Verbe s'est fait chair, c'est véritablement aussi que nous mangeons le Verbe incarné en communiant au banquet du Seigneur. Comment ne doit-on pas penser qu'il demeure en nous par nature ? En effet, par sa naissance comme homme, il a assumé notre nature charnelle d'une façon désormais définitive et, dans le sacrement de sa chair donnée en communion, il a uni sa nature charnelle à sa nature éternelle. C'est ainsi que tous nous formons un seul être, parce que le Père est dans le Christ et que le Christ est en nous. ~

Que nous sommes en lui par le sacrement de la communion à sa chair et à son sang, lui-même l'affirme lorsqu'il dit : Et ce monde désormais ne me voit plus ; mais vous, vous me verrez vivant parce que je vis, et vous vivrez aussi ; parce que je suis dans le Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. S'il voulait parler seulement d'une unité de volonté, pourquoi a-t-il exposé une progression et un ordre dans la consommation de cette unité ? N'est-ce pas parce lui-même étant dans le Père par sa nature divine, nous au contraire étant en lui en vertu de sa naissance corporelle, on doit croire que, réciproquement, il est en nous par le mystère sacramentel ? Ceci enseigne la parfaite unité réalisée par le médiateur : tandis que nous demeurons en lui, lui-même demeure en nous. Et ainsi nous progressons dans notre unité avec le Père, puisque le Fils demeure en lui par nature selon sa naissance éternelle et que nous-mêmes aussi sommes dans le Fils par nature, tandis que lui par nature demeure en nous.

Que cette unité soit en nous produite par sa nature, lui-même l'affirme ainsi : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. Car ce n'est pas tout homme qui sera en lui, mais celui en qui il sera lui-même : c'est seulement celui qui mangera sa chair qui aura en lui la chair assumée par le Fils.

Plus haut, il avait déjà enseigné le sacrement de cette parfaite unité, en disant : De même que le Père, qui est la vie, m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui mangera ma chair vivra par moi. Donc, il vit par le Père ; et de la manière dont il vit par le Père, nous-mêmes vivons par sa chair.

Tout ce parallèle est à la base de notre intelligence du mystère ; il nous fait comprendre, par le modèle proposé, ce qui se passe. Donc, ce qui nous donne la vie, c'est que, dans les êtres charnels que nous sommes, le Christ demeure en nous par sa chair ; et il nous fera vivre en vertu du principe qui le fait vivre par le Père. »(4)

(1) expression d'une catéchèse des premiers siècles
(2) cf. mon livre éponyme
(3) voir danse trinitaire
(4) saint Hilaire, traité sur la Trinité, source office des lectures du 6/5/20 (4ème semaine de Pâques), AELF



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01 mai 2020

Le bon berger... Méditation pour le 4eme dimanche de Pâques


Projet version 5 à discuter (merci à Georges pour sa contribution)

Qui est le bon pasteur ?
Le droit de l'Église qu'on appelle le droit canon distingue fort bien (canon 516sq) celui à qui est donné la tâche de diriger, des autres ministres de l'Église. Cela appelle au moins une double réflexion :
  1. D'où vient ce pouvoir ?
  2. Qu'est-ce que l'autorité ?
Peux-t-on distinguer les deux ?
La réponse à la première question est a priori simple. Elle se trouve directement dans l'évangile de la Passion dans le dialogue avec Pilate : «Tu n'as aucun pouvoir (...) à part celui que Dieu t'a accordé.» Jean‬ ‭19:11‬ ‭
De cette réponse peut dériver celle que l'on peut faire à la deuxième question. L'autorité viendrait de Dieu,. Mais le risque est d’abuser de cette affirmation. En réalité l’enjeu n’est pas  d’imposer une autorité, mais que cette autorité rejoigne l’agapè qui « prend patience, est longanime et ne cherche pas son intérêt » (1 Co 13), c'est-à-dire qu'elle dérive de l'amour, est amour, n'est qu'amour(1)

Toute autorité qui n'est pas pétrie de cela sort de la « porte sainte », ne vient pas de Dieu. Depuis Luc et Matthieu 4, nous savons que le pouvoir est l'une des tentations centrales de l'homme. Elle n'échappe pas à Jésus lui même tenté au désert. Le Christ a dépassé cette tentation en prenant le chemin de l'humilité (kénose) et de l'amour jusqu'à la Croix, c'est pourquoi l'autorité lui est donnée par Dieu, non pour ses mérites et sa connaissance mais parce que l'amour est la véritable autorité, le chemin, la vérité et la vie.

Les épîtres pastorales complètent cette direction : « si quelqu'un souhaite la fonction de dirigeant dans l'Église, il désire une belle tâche. Il faut qu'un dirigeant d'Église soit irréprochable, mari d'une seule femme, sobre, raisonnable et convenable, hospitalier, capable d'enseigner; qu'il ne soit ni buveur ni violent, mais doux et pacifique; qu'il ne soit pas attaché à l'argent; qu'il soit capable de bien diriger sa propre famille et d'obtenir que ses enfants lui obéissent avec un entier respect. En effet, si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre famille, comment pourrait-il prendre soin de l'Église de Dieu? Il ne doit pas être récemment converti; sinon, il risquerait de s'enfler d'orgueil et de finir par être condamné comme le diable. Il faut aussi qu'il mérite le respect des non-chrétiens, afin qu'il ne soit pas méprisé et qu'il ne tombe pas dans les pièges du diable.»
‭‭1 Timothée‬ ‭3:1-7‬ ‭BFC‬‬

Nous avons besoin d’une autorité qui reste collégiale et qui surtout demeure un agenouillement (2) devant l’inviolable nature d’autrui.
C’est tout le la difficulté. L’autorité n’a de sens que si elle est au service de l’unité. C’est le projet de l’Église, toujours visé, souvent manqué. Chacun doit travailler à y contribuer.

L’éternel risque est de désirer le pouvoir que nous apporte une éventuelle autorité en oubliant que la kénose (cf. Ph 2) est la porte étroite : le Christ en renonçant à l’autorité nous montre la « porte étroite », celle du bon berger, qui met ses brebis avant lui-même..., s’agenouille pour les soigner, cours après les perdus et les aime plus que lui-même, jusqu’à en mourir. La croix est la porte étroite, comme nous le rappelle la lettre de Pierre de la liturgie d’aujourd’hui (1P2, 20-25). Le Christ est l’unique pasteur, parce qu’il a été jusqu’au bout de l’amour.
Dans l’échange qui précède la consécration, le peuple s’efface devant le prêtre et lui confie le dialogue liturgique, mais cet effacement ne lui enlève rien, car ni le peuple, ni le prêtre n’a autorité pour reproduire le sacrifice unique, célébré par le Christ : « Ceci est mon corps, donné pour la multitude ».

(1) François Varillon, joie de vivre, joie de croire
(2) cf mon livre https://www.amazon.com/genoux-devant-lhomme-French-ebook/dp/B00HKTU838

Annexe :

Ajout tardif : pour Alain Madelin, cf. Heurs et malheurs de l’autorité (Éd. Lessius, 2018), l’autorité se mesure « à la capacité de faire grandir autrui pour lui permettre de donner sa pleine mesure ».

Pour mémoire : Can. 516 - § 1. Sauf autre disposition du droit, la quasi-paroisse est équiparée à la paroisse: elle est une communauté précise de fidèles dans l'Église particulière qui est confiée à un prêtre comme à son pasteur propre, mais n'est pas encore érigée en paroisse à cause de circonstances particulières2. Là où il n'est pas possible d'ériger des communautés en paroisse ou en quasi-paroisse, l'Évêque diocésain pourvoira d'une  autre manière à leur charge pastorale.
Can. 517 - § 1. Là où les circonstances l'exigent, la charge pastorale d'une paroisse ou de plusieurs paroisses ensemble peut être confiée solidairement à plusieurs prêtres, à la condition cependant que l'un d'eux soit le modérateur de l'exercice de la charge pastorale, c'est-à-dire qu'il dirigera l'activité commune et en répondra devant l'Evêque.
§ 2. Si, à cause de la pénurie de prêtres, l'Évêque diocésain croit qu'une participation à l'exercice de la charge pastorale d'une paroisse doit être confiée à un diacre ou à une autre personne non revêtue du caractère sacerdotal, ou encore à une communauté de personnes, il constituera un prêtre pour être muni des pouvoirs et facultés du curé, le modérateur de la charge pastorale.

26 avril 2020

Fraction du pain - saint Augustin

Fraction du pain - saint Augustin

En guise de corrigé sur ma méditation d'hier, ce texte d'Augustin cité par l'Évangile au Quotidien : « Reste avec nous »
Frères, quand est-ce que le Seigneur s'est fait reconnaître ? Quand il a rompu le pain. Nous en sommes donc assurés nous-mêmes : quand nous rompons le pain, nous reconnaissons le Seigneur. S'il n'a voulu être reconnu qu'à cet instant, c'est pour nous, nous qui ne devions pas le voir dans la chair, et qui pourtant devions manger sa chair. Toi donc qui crois en lui, qui que tu sois, toi qui ne portes pas en vain le nom de chrétien, toi qui n'entres pas par hasard dans l'église, toi qui écoutes la parole de Dieu dans la crainte et l'espérance, le pain rompu sera pour toi une consolation. L'absence du Seigneur n'est pas une vraie absence. Aie confiance, garde la foi, et il est avec toi, même si tu ne le vois pas.
Quand le Seigneur les a abordés, les disciples n'avaient pas la foi. Ils ne croyaient pas en sa résurrection ; ils n'espéraient même pas qu'il puisse ressusciter. Ils avaient perdu la foi ; ils avaient perdu l'espérance. C'étaient des morts qui marchaient avec un vivant ; ils marchaient, morts, avec la vie. La vie marchait avec eux, mais en leur cœur, la vie n'était pas encore renouvelée.
Et toi, désires-tu la vie ? Imite les disciples, et tu reconnaîtras le Seigneur. Ils ont offert l'hospitalité ; le Seigneur semblait résolu à poursuivre sa route, mais ils l'ont retenu. (…) Toi aussi, retiens l'étranger si tu veux reconnaître ton Sauveur. (…) Apprends où chercher le Seigneur, où le posséder, où le reconnaître : en partageant le pain avec lui (1)

(1) Saint Augustin
Sermon 235 ; PL 38, 1117 (Le mystère de Pâques, coll. Icthus, t. 10; trad. F. Quéré; Éd. Grasset 1965; p. 225)

25 avril 2020

Pédagogie divine 27 - Hans Urs von Balthasar

Dès le commencement nous avons un dieu « accompagnateur » nous dit Balthazar. C'est sa « gloire qui chemine avec son peuple à travers le désert ; Dieu fraie le chemin du désert pour les siens ; il est lui-même ce chemin. Dans le paradis déjà, il est un Dieu qui vient puis s'en va (Gn 3,8) ; plus tard il est un Dieu qui descend (Gn 11,5-7) par un mouvement contraire à celui de l'homme qui veut se lever jusqu'au ciel. A Jacob il se montre montant et descendant en ses anges et il promet de nouveau de l'accompagner. À cette mobilité extérieure correspond les mobilités intérieures qui se manifeste déjà en ce que, certains instants de l'histoire, il s'engage librement et personnellement. Il décide, il annonce un châtiment (...) mais il peut aussi changer le disposition. Nous voyons son cœur affligé(Gn 5,6), nous prenons part à cette délibération avec lui-même (Gn 18,17-17); il est las de sauver, mais ensuite il ne supporte pas plus longtemps la souffrance d'Israël (Jg 10,16). Et même, non seulement « il mène au royaume des morts », mais il y accompagne l'homme, car de nuit il parle à Jacob ainsi : « n'ai pas peur de descendre en Égypte (ou le peuple sera si malheureux pendant des siècles), car là-bas je ferai de toi un grand peuple. C'est moi qui descendrais avec toi en Égypte, c'est moi aussi qui t'en ferai remonter »(Gn 46, 3-4). Ceux qui souffrent, dans les psaumes reçoivent aussi une telle promesse(Ps 91, Is 43). Ainsi Dieu accomplit des « choses étranges » (Is 28,21) dans sa liberté, tellement il s'en émerveille lui-même (Jr 31, 20), bien qu'il se doive à lui-même, en tant que Dieu, d'accomplir justement ces choses inconcevables (Os 11,8-9). Peut-être sont-ce là de simples conséquences de son mispat [justice des opprimés], parce qu'il ne peut faire autrement que d'adopter le parti des pauvres et des sans-droits, ou parce que l'affliction que lui fait éprouver le péché du monde le rend toujours plus solidaire des affligés. Peut-être est-ce parce que, dans son Alliance, il est traité d'une manière si infâme, qu'il aime être d'emblée avec ce qui sont affaiblis et humiliés : avec les hommes incapables d'être procréer et avec les femmes stériles (Gn 18, Jg 13,2s, 1 S 1, Lc 1,7) (...) C'est Dieu lui-même qui humilie Israël pour l'éprouver ; de cette manière il humiliera aussi Job jusqu'à l'extrême, il fera de lui un objet de risée et du mépris de tous. C'est ainsi qu'un homme, pour l'amour de Dieu, peut devenir pour beaucoup une énigme ; la connivence peut se renverser : « c'est pour toi que je souffre l'insulte, que la honte ne couvre le visage… L'insulte de tes insulteurs retombe sur moi » (Ps 69,8.10). Le nœud de l'histoire de l'alliance est ici serré, il ne sera dénoué que dans la Nouvelle Alliance.(1) ».

Beau résumé de ce que j'ai appelé la pédagogie divine.

« Dieu se révéla, en paroles et en actions, au peuple de son choix, comme l’unique Dieu véritable et vivant ; de ce fait, Israël fit l’expérience des « voies » de Dieu avec les hommes, et, Dieu lui-même parlant par les prophètes, il en acquit une intelligence de jour en jour plus profonde et plus claire, et en porta un témoignage grandissant parmi les nations (cf. Ps 21, 28-29 ; 95, 1-3 ; Is 2, 1- 4 ; Jr 3, 17). L’économie du salut, annoncée d’avance, racontée et expliquée par les auteurs sacrés, apparaît donc dans les livres de l’Ancien Testament comme la vraie Parole de Dieu ; c’est pourquoi ces livres divinement inspirés conservent une valeur impérissable : « Car tout ce qui a été écrit l’a été pour notre instruction, afin que par la patience et la consolation venant des Écritures, nous possédions l’espérance » (Rm 15, 4). L’économie de l’Ancien Testament avait pour raison d’être majeure de préparer l’avènement du Christ Sauveur de tous, et de son Royaume messianique, d’annoncer prophétiquement cet avènement (cf. Lc 24, 44 ; Jn 5, 39 ; 1 P 1, 10) et de le signifier par diverses figures (cf. 1 Co 10, 11). Compte tenu de la situation humaine qui précède le salut instauré par le Christ, les livres de l’Ancien Testament permettent à tous de connaître qui est Dieu et qui est l’homme, non moins que la manière dont Dieu dans sa justice et sa miséricorde agit envers les hommes. Ces livres, bien qu’ils contiennent de l’imparfait et du caduc, sont pourtant les témoins d’une véritable pédagogie divine (2). C’est pourquoi les fidèles du Christ doivent les accepter avec vénération : en eux s’exprime un vif sens de Dieu ; en eux se trouvent de sublimes enseignements sur Dieu, une sagesse salutaire au sujet de la vie humaine, d’admirables trésors de prières ; en eux enfin se tient caché le mystère de notre salut. (3)

L’idée rejoint ce que je notais à propos de la notion de dépouillement. Il y a dans le chemin du désert (qui est aussi celui du Christ), une pédagogie dans le dépouillement progressif de la notion d’un Dieu tout puissant et immuable, vers une autre révélation, un déchirement du voile, qui commence chez Abraham et Moïse et se poursuit jusque dans la relecture post-exillique qu’en fait les rédacteurs du Pentateuque. Ce cheminement est le foyer d’une nouvelle naissance : celle d’un Dieu qui se met à genoux devant l’homme.
 À suivre.





(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p 195
(2) Pie XI, Encycl. Mit brennender Sorge, 14 mars 1937 : AAS 29 (1937), p. 151.
(3) Dei Verbum  14 et 15

Méditation pour Pâques et le 3eme dimanche de Pâques - Emmaüs

Projet 2 - reprise d’une méditation précédente 

Qu'est-ce qu'a bien pu dire Jésus aux disciples d'Emmaus sur la route pour expliquer les Écritures ? 
On note qu’il les rejoint, comme il nous rejoint parfois, discrètement dans notre quête. Luc ne le dit pas et pourtant nous avons dans son évangile quelques pistes à commencer par cette belle parabole de la vigne et des vignerons.

Je vous invite à la relire chez vous. On la trouve quelques pages plus haut dans son évangile, au chapitre 20 : «Jésus se mit à dire au peuple la parabole suivante: «Un homme planta une vigne, la loua à des ouvriers vignerons et partit en voyage pour longtemps. Au moment voulu, il envoya un serviteur aux ouvriers vignerons pour qu'ils lui remettent sa part de la récolte. Mais les vignerons battirent le serviteur et le renvoyèrent les mains vides. Le propriétaire envoya encore un autre serviteur, mais les vignerons le battirent aussi, l'insultèrent et le renvoyèrent sans rien lui donner. Il envoya encore un troisième serviteur; celui-là, ils le blessèrent aussi et le jetèrent dehors. Le propriétaire de la vigne dit alors: "Que faire? Je vais envoyer mon fils bien-aimé; ils auront probablement du respect pour lui." Mais quand les vignerons le virent, ils se dirent les uns aux autres: "Voici le futur héritier. Tuons-le, pour que la vigne soit à nous." Et ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. «Eh bien, que leur fera le propriétaire de la vigne? demanda Jésus.»
‭‭Luc‬ ‭20:9-15‬ ‭BFC‬‬

En général les paraboles de Jésus entrent dans une pédagogie particulière et il n'est pas impossible que Jésus ait raconté cette histoire avec une certaine tristesse.

A Emmaus cependant il est peu probable que Jésus ait ajouté la fin mis par Luc au chapitre 20 : «Il viendra, il mettra à mort ces vignerons et confiera la vigne à d'autres.» Quand les gens entendirent ces mots, ils affirmèrent: «Cela n'arrivera certainement pas!» Mais Jésus les regarda et dit: «Que signifie cette parole de l'Écriture: "La pierre que les bâtisseurs avaient rejetée est devenue la pierre principale "?» Luc‬ ‭20:16-17‬

Qu'est-ce qui me permet d'affirmer cela ? Pas grand chose, mais cependant deux pistes m'y autorisent :
  1. Luc écrit cela après la chute de Jérusalem et le massacre violent de bien des juifs et la tentation de « rétribution » est probable. Accuser les Juifs de la mort du Christ ? Elle a néanmoins engendré suffisamment de mal dans l'histoire pour qu'on l'écarte définitivement
  2. Le Christ a d'autres enjeux en tête sur le chemin d'Emmaus : rendre crédible ce qui est difficile à croire ; l'amour a vaincu la mort.
C'est pourquoi ce qui compte est peut-être plus loin, dans cette phrase que le grégorien chante sublimement « cognoverunt fractionem panis », ils le reconnurent à la fraction du pain...

C'est peut-être plus que la miche de pain qui révèle Jésus, c’est ce rideau qui se déchire et révèle un corps brisé et offert que Dieu vient de ressusciter et qui réveille soudain dans deux cœurs brûlants une présence discrète et toute nouvelle. L'amour veille silencieusement dans nos cœurs, ne laissons pas cette flamme s'éteindre, elle est le signe fragile de la petite espérance.

«Il prit le pain et remercia Dieu; puis il rompit le pain et le leur donna. Alors, leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent; mais il disparut de devant eux. Ils se dirent l'un à l'autre: «N'y avait-il pas comme un feu qui brûlait au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures?» Ils se levèrent aussitôt et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent les onze disciples réunis avec leurs compagnons, qui disaient: «Le Seigneur est vraiment ressuscité! Simon l'a vu!» Et eux-mêmes leur racontèrent ce qui s'était passé en chemin et comment ils avaient reconnu Jésus au moment où il rompait le pain.» Luc‬ ‭24:30-35‬ ‭BFC‬‬


23 avril 2020

Trésor de l’eucharistie - Saint Gaudence de Breschia

Trésor de l'eucharistie - Saint Gaudence de Breschia
Trésor que ces commentaires des pères de l'Église bien avant la théologie de Johann Baptist Metz. Écoutons saint Gaudence :
« Le Christ nous a légué le sacrement de sa Pâque.

Le sacrifice céleste institué par le Christ est vraiment l'héritage légué par son testament nouveau ; il nous l'a laissé la nuit où il allait être livré pour être crucifié, comme un gage de sa présence.

Il est le viatique de notre voyage, notre nourriture sur le chemin de la vie, jusqu'à ce que nous soyons parvenus à celle-ci, en quittant ce monde. C'est pourquoi le Seigneur disait : Si vous ne mangez pas ma chair et ne buvez pas mon sang, vous n'aurez pas la vie en vous.

Il a voulu que ses bienfaits demeurent parmi nous ; il a voulu que les âmes rachetées par son sang précieux soient toujours sanctifiées à l'image de sa propre passion. C'est pourquoi il donne l'ordre à ses disciples fidèles, qu'il établit les premiers prêtres de son Église, de célébrer sans fin ces mystères de la vie éternelle. Et il est nécessaire que tous les prêtres, de toutes les Églises du monde, les célèbrent jusqu'à ce que le Christ revienne du ciel. C'est ainsi que les prêtres eux-mêmes et tout le peuple des fidèles devraient avoir chaque jour devant les yeux la représentation de la passion du Christ ; en la tenant dans nos mains, en la recevant dans notre bouche et notre cœur, nous garderions un souvenir ineffaçable de notre rédemption.

Ensuite, il faut que le pain soit fait avec la farine de nombreux grains de froment, mêlée à de l'eau, et reçoive du feu son achèvement. On y trouve donc une image ressemblante du corps du Christ, car nous savons qu'il forme un seul corps avec la multitude des hommes, et qu'il a reçu son achèvement du feu de l'Esprit Saint.

En effet, le Christ est né du Saint-Esprit et, parce qu'il devait ainsi accomplir parfaitement ce qui est juste, il entre dans les eaux du baptême pour les consacrer ; alors, rempli du Saint-Esprit qui était descendu sur lui sous la figure d'une colombe, il s'éloigne du Jourdain, comme l'affirme l'Évangile : Jésus, rempli de l'Esprit Saint, s'éloigna des bords du Jourdain.

De même, le vin de son sang est tiré de plusieurs grappes, c'est-à-dire de raisins de la vigne plantée par lui, écrasés sous le pressoir de la croix ; versé dans le cœur des fidèles au moyen de grandes coupes, il y bouillonne par sa propre vertu.

C'est là le sacrifice de la Pâque, qui apporte le salut à tous ceux qui sont libérés de l'esclavage de l'Égypte et de Pharaon, c'est-à-dire du démon. Recevez-le en union avec nous, dans toute l'avidité d'un cœur religieux. Notre Seigneur Jésus Christ lui-même, que nous croyons présent dans ses sacrements, nous sanctifie en profondeur, et sa vertu sans prix demeure pour tous les siècles. »(1)


℟ Il y a un seul pain,
et nous sommes tous un seul corps,
car nous avons tous part à un seul pain.

L'amour dont nous aimons,
n'est-il pas communion
à l'amour du Christ ?

Garde-nous, Seigneur,
dans l'unité de l'Esprit
par le lien de la paix.(2)

Sans commentaire

(1) Saint Gaudence de Breschia, Homélie Pascale, source AELF, office des lectures de la deuxième semaine de Pâques
(2) office des lectures de la deuxième semaine de Pâques

22 avril 2020

Au fil de Jean 3, Nicodème - Transformés par le Christ - saint Léon…

Quel est l’enjeu du dialogue avec Nicodème ?

« Tout l'effet de la participation au corps et au sang du Christ est de nous transformer en ce que nous consommons; morts avec lui, ensevelis avec lui, ressuscités avec lui, portons-le toujours dans notre esprit et dans notre chair »(1).
Cette phrase de saint Léon nous interpelle au sein même de notre expérience de jeûne eucharistique forcé. Puisque nous sommes privés du corporel, nous laissons nous habiter par le spirituel, cette communion véritable où notre être perd son ego pour être amour. De même que le côté du Christ s'ouvre pour faire jaillir un fleuve d'eau vive, de même que la fraction du pain révèle l'amour, de même que rideau du temple se déchire devant l'homme élevé sur le bois, de même devons-nous, comme le suggère saint Ignace d'Antioche(2), devenir « le froment de Dieu » par ces petits sacrifices qui font de nous des aimants.

« Personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit,
ne peut entrer dans le royaume de Dieu.
Ce qui est né de la chair est chair ;
ce qui est né de l'Esprit est esprit.
Ne sois pas étonné si je t'ai dit :
il vous faut naître d'en haut.
Le vent souffle où il veut :
tu entends sa voix,
mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va.
Il en est ainsi
pour qui est né du souffle de l'Esprit. » Jean 3

Cette transformation - metanoia - nécessite une fission du cœur... Le Christ « donne la vie de Dieu aux hommes par son enseignement divin, en « mettant ses lois dans leur pensée et en les inscrivant dans leur cœur » nous rappelle saint Clément d'Alexandrie(3)

La route est longue. Une seule espérance dans ce dépouillement : ce qui est bon ne vient pas de nous mais de ce que nous avons libéré de l'amour de Dieu inscrit dans nos cœurs...
Quel chemin !
« Sans fin, je veux te rendre grâce, car tu as agi. J'espère en ton nom devant ceux qui t'aiment : oui, il est bon ! » Ps 51

(1) Léon le Grand, sermon sur la Passion, office des lectures du mercredi de la 2ème semaine de Pâques
(3) Saint Clément d'Alexandrie, Exhortation aux Grecs, 11, 113 ; GCS 1, 79 (Les Pères commentent l'évangile; Coll. liturgique sous la direction de H. Delhougne, o.s.b.; trad. A.-M. Roguet, o.p.; Ed. Brepols 1991, p. 300 rev.), source : l'Évangile au Quotidien

21 avril 2020

Contempler la miséricorde divine

Dans son dernier article d'Études, intitulé Dépouillement, François Cassingena-Trévédy nous invite à trouver le chemin du dépouillement, à retrouver « Un Dieu qui ne nous exempte pas de l’aventure humaine avec ses inévitables affres, qui ne la domine pas du haut de sa toute-puissance, mais qui la partage, qui l’habite, qui cristallise, qui « précipite » au plus creux de la souffrance et de la compassion, celle-ci et celle-là se touchant dans le même Corps. Deus absconditus. Un Dieu caché. En ces jours, notre prière, [doit se faire sobre et descendre] (...), au lieu intérieur où le Père obscurément s’aperçoit, et nous découvrons que ce lieu est aussi le lieu commun d’une humanité dont Jésus reflète et rassemble le visage. Notre vœu le plus cher est alors qu’en sortant du confinement nous sortions aussi de la « religion » pour entrer dans la chair et dans l’esprit du christianisme, dans le mystère pascal qui seul est à la hauteur de l’homme »(1).

Quel est l’enjeu ?

Peut-être trouver ce qu’Urs von Balthasar appelle la triple kénose, cet effacement trinitaire qui part du Père qui s’efface devant le Fils et du Fils qui se dépouille jusqu’à la mort, laissant jaillir de son côté transpercé un fleuve de miséricorde - Esprit Saint confié au monde et glissé dans le silence de nos cœurs, danse sublime que les Pères de l’Église appellent circumincession et que j’ai osé appeler danse trinitaire.
Cette kénose est aussi la clé de la miséricorde divine que nous fêtons depuis dimanche. Un thème que notre pape à remis en avant dans son année de la miséricorde à la suite de sainte Faustine et de l’intuition de Jean Paul Il. Tout se tient. Le mouvement auquel nous invite François Cassingena-Trévédy n’est-il pas en quelque sorte cette kénose de l’Église que j’ai essayé de thématiser dans le tome 3 de ma trilogie « Humilité et miséricorde » que je viens de mettre en téléchargement libre depuis hier sur Kindle. Un travail qui reprend la thèse de Walter Kasper et les écrits du pape François et tente de pousser plus loin au service d’une église servante et à genoux, à la suite du Christ serviteur et miséricordieux.

Comme le suggère l’Évangile d’aujourd’hui : «Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle ».

(1) François Cassingena-Trévédy cf. le lien plus haut
(2) ma trilogie est accessible en téléchargement sous les liens du billet précédent ou sous ce lien, voir aussi « cette église que je cherche à aimer »


19 avril 2020

Esthétique et Pédagogie divine 26 - Gerhard von Rad

« La parole de Dieu doit, sans cesse, comme une source, murmurer dans le cœur et dans la bouche de l'homme pieux nous disent les psaumes 1,2 ; 19,15 ; 63, 7;  77,13 143, 5 »(1) 

Le but, nous dit à sa manière Urs von Balthazar est d'entretenir progressivement un lien tout particulier avec cette révélation divine progressive, « ce dialogue parfait où l'homme accepte qu'il soit déterminé par la fidélité à l'alliance, la crainte de Dieu et l'obéissance envers Dieu. dans la mesure où ce dialogue est tout entier informé par la grâce de dieu, il est, formellement, révélation trinitaire, avant même que la Trinité, matériellement, se révèle dans le Nouveau Testament. (2) »

Il est donc possible de chercher, comme nous l'avons fait dans pédagogie divine, ces traces de la révélation trinitaire, non seulement dans la construction même de l'histoire du peuple juif, mais à mon avis, de manière tout aussi légitime, dans ces traces ou semences du verbe dont nous parlait saint Justin et à sa suite Vatican Il dans GS.

Cette révélation progressive n’exclut pas que le rideau se déchire en Jésus Christ (3), mais il y a, comme le suggère Gerhard von Rad une « esthétique de l’Ancien Testament (4) : « c’est la foi qui façonne la forme et le style… C’est dans le domaine religieux qu’Israël a rencontré le beau avec le plus d’intensité, dans la contemplation de la révélation de Yahweh et de sa manière de conduire l’univers ; par cette manière de concentrer ses expériences esthétiques sur les articles de foi, il occupe une place spéciale dans l’histoire de l’esthétique ». Dans la contemplation du monde créé (psaume 104), Israël considère l’activité créatrice de Dieu avec « « tous les signes d’une émotion joyeuse », avec une suprême « délectation ». Dans la création tout est splendide, gratuitement splendide. Tous ces poèmes débordent  d’une ivresse de beauté qui ne pouvait être portée à un degré plus intense »(5).

Quel est l’enjeu, comme toute esthétique, il y a peut-être là une porte vers le ciel, comme l’est toute contemplation de l’univers. 

Dans notre monde plus noir, on peut effacer cela d’un trait. Le beau n’est qu’un chemin, une ouverture du cœur, une faille dirait Danièlou. De cette faille surgit l’espérance que la croix traduit en chemin vers ce que la résurrection dévoile de manière fugace. Dieu est au delà du beau, il est amour et miséricorde. 

« Si Sion est parfaitement belle (psaume 50,2) et « la joie de toute la terre » (psaume 48,3) (…) il ne conviendrait pas d’après Israël, « d’opposer cette déclaration emphatique à cette autre déclaration sur le serviteur de Yahweh qui n’avait ni beauté, ni éclat (Isaïe 53,2) et d’en faire un contraste absolu, car, dans ce dernier cas, il y a aussi une splendeur (sinon, elle n’aurait pas été exprimé sous forme poétique), mais beaucoup plus cachée. Cette audacieuse docilité à suivre les traces du mystère caché de la divinité, qu’Israël a assumé en parvenant à discerner une splendeur jusque dans le dépouillement le plus total de l’intervention divine, constitue certainement ce qu’il y a de plus remarquable dans les expressions esthétique de l’Ancien Testament (5).

Et Balthasar de conclure avec brio : « Dans le chant, Israël est heureux. En rendant à Dieu sa gloire, il s’accomplit lui-même en tant qu’image de Dieu, il comprend aussi pourquoi il ne doit y avoir aucune image taillée de Dieu. Dans l’échange de la parole divine, l’archétype et le reflet doivent se tenir découvert l’un devant l’autre. Ce n’est qu’ainsi qu’est préparé l’espace dans lequel la parole de Dieu pourra devenir chair ».(6)




(1) Urs von Balthazar, La gloire et la croix, 3 théologie, Ancienne Alliance, ibid. p. 179
(2) p. 181
(3) cf. plus bas mes essais éponymes 
(4) Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 182
(5) Balthasar cite ici G. Von Rad , ThAT I, p. 361-365
(6) p. 183

18 avril 2020

Liturgie - nouvelle version avec homélie dominicale

Espace pub ;-)

Utilisateur d'IPhone, l'application Liturgie est le Must pour la prière quotidienne des heures, n'hésitez pas à la télécharger gratuitement sous ce lien https://itunes.apple.com/app/liturgie-la-liturgie-des-heures/id991620025?mt=8
Tous les dimanches, elle intègre maintenant le flux des homélies fournies par Eglise catholique en France...

PS : et bravo à mon gendre, développeur de l’appli..

Homélie pour le dimanche de la miséricorde

Projet 2 - méditation 

J'ose reprendre ici et compléter tout en lui faisant hommage quelques idées de mon curé le père Vital dans son message dominical aux paroissiens de sainte Thérèse. Le mal, a sa manière, tente de fermer nos églises mais nous sommes invités à en ouvrir d'autres, des millions d'églises domestiques.

Saint Thomas a été invité à mettre sa main dans le côté ouvert et transpercé de celui qui est mort pour nous révéler l'amour. Nous sommes invités à notre tour à ouvrir notre cœur pour y laisser entrer Jésus.

Comme le rappelle Vital, à la consécration nous pouvons faire notre la prière de Thomas : «  Mon Seigneur et mon Dieu ».

Que nous soyons privé d'Eucharistie ne nous prive pas de sa présence. Nous avons reçu en nous le Christ. Il n'a pas disparu même si notre communion est ancienne. Il est là, flamme fragile, déposée en nos cœurs.
Soyons, comme le dit une très ancienne catéchèse les « porte-Christ » que nous devons être, réveillons en nous ce buisson ardent en disant à notre tour, au creux de notre prière intérieure : «  Mon Seigneur et mon Dieu ». Tu es là. Tu est « le chemin la vérité et la vie ». En ce dimanche de la miséricorde n'oublions pas d'ouvrir notre cœur à l'image de celui qui s'est laissé dépouiller (1) et transpercé. Il est vie...


« Puisses-tu avoir le visage dévoilé, grâce à une conscience pure, refléter la gloire du Seigneur, et marcher de gloire en gloire, dans le Christ Jésus notre Seigneur. »(2)

(1) cf. https://www.revue-etudes.com/article/depouillement-francois-cassingena-trevedy-22587
(2) catéchèse de Jérusalem aux nouveaux baptisés

Nb : sur ce thème de la miséricorde voir aussi ma trilogie «  Humilité et miséricorde »