18 février 2022

La danse de l’agapè 2.35

Il y a une danse particulière qui m’habite, celle d’un Christ à genoux qui se fait petit et suppliant, comme en Jn 13 devant Pierre et Judas. Humilité fondamentale d’un Dieu qui appelle la seule réponse possible : non un agenouillement servil ou rituel mais une descente intérieure, une plongée dans la mer de Galilée où, comme Pierre, nu en Jean 21, et conscient de nos 7x77 reniements nous pouvons glisser d’une voix hésitante : tu sais bien que je t’aime, avec cette humble nuance du grec qui différencie notre réponse humaine (Philo te), seule réponse réaliste à « l’agapas me ? » divin. Jamais nous n’atteignerons l’amour du Christ mais c’est à cette danse kénotique que nous sommes conviés.

Relisons l’échange en grec : «ἀγαπᾷς με » Jean 21,15 ‭‭  Agapas me : M’aimes-tu d’agapè ? demande par deux fois Jésus à Pierre. 

M’aimes tu de cet agape dont parlera si bien Paul (et que nous avons contemplé récemment en 1 Co 13) ?

La question résonne encore sur nos routes. Elle ne fait que donner écho à « l’où es-tu ? » de Dieu a lancé au jardin en Gn 3. (1)


Nous sommes au cœur de cette danse trinitaire d’un Dieu qui s’efface devant le don du Fils et d’un Fils qui s’agenouille en attendant la seule réponse possible : m’aimes-tu ? Oui Seigneur tu sais bien que je [cherche] à t’aimer.  

Philo te... φιλῶ σε. 


Pierre n’aura finalement que cette humble réponse, encore marqué par son triple reniement. C’est probablement ce qui conduira Jésus à changer sa troisième question en « Phileis me ? » reprenant le même verbe que Pierre.


Ultime agenouillement d’un Christ qui vient de crier son « J’ai soif ( de ton amour) » en Jn 19. Un Christ dont le cœur transpercé nous donne la seule chose qui lui reste à donner, son sang mêlé d’eau qui est, pour Jean, Esprit de paix...


Entre la « philo » et cette « agapè » se dresse l’océan de nos fragilités...


Je reprend cette introduction tirée de mon dernier livre « danse avec ton Dieu » pour en venir à l’essentiel. Une des grandes révélations pour moi du nouveau livre de Sylvaine Landrivon (Les leçons de Béthanie) est ce même petit mot grec glissé au début du verset 5 de Jean 11. Ma lecture du grec reste balbutiante et je n’avait pas remarqué cet « agapè » que cite Jean 11,5 entre Jésus et ses amies de Béthanie : « Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. ». L’êgapa est à mettre en écho et en tension avec ce « philo te » cité plus haut de Pierre en Jean 21. Pierre ne l’atteint pas… 


Que Jean l’utilise ici, comme il l’utilisera pour évoquer le disciple « préféré » (Jn 13,23 ; 19, 26 ; 21, 7 & 20) est une interpellation. 

Cet amour là, cette danse particulière entre Jésus et ces deux femmes de Béthanie, qu’en avons nous fait ? Va-t-on continuer à l’effacer ? 

Il faut lire toutes les nuances qu’apporte l’auteure pour percevoir ce qui est pour moi soudain lumineux. Ephata… Avons nous été aveugles, sourds ou muets sur ce sujet  ? 

Avons nous ignoré une évidence ? Cette nécessaire complémentarité du vis à vis ?

J’ai déjà été long.

Mais j’y reviendrais 

A suivre.

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