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30 décembre 2018

Au fil de Luc 2 - Sainte famille, homélie, version n.10

Où est le centre de nos vies ? Nos proches sont-ils l’essentiel ? Où est notre trésor ?
La réponse pourrait être matérielle, elle peut-être de citer votre conjoint, vos enfants ou petits-enfants et vous n’auriez pas vraiment tort en le disant, mais l’Ecriture nous invite un pas plus loin. Un grand pas…. Car notre trésor à tous est ailleurs, il repose au fond de nos cœurs. Le trésor, c'est la présence de Dieu qui veut demeurer en nous (2e lecture). C’est le don le plus intime et le plus intérieur. C’est ce qu’a compris Marie. Pourtant, comme nous, elle a pris du temps…
Je vous propose de contempler cela avant de méditer sur ce que cela nous dit, pour nous...

  1. Contemplation
Prenons de la distance et contemplons Marie, la première en chemin. Le mystère de Marie Vierge et mère se contemple toujours dans la dynamique des textes de Luc.
Depuis la visite de l’ange, elle ne fait que se confronter à l’inattendu de Dieu. Très vite pourtant elle passe du ravissement au déchirement. Elle a porté en elle un trésor. Elle l’a maintenant mis au monde, et voilà déjà que Jésus lui échappe. La liturgie de l’octave de Noël (c’est à dire les 8 Jours qui suivent le 25) nous permettent de contempler samedi 29/12 la présentation au Temple; À cette occasion, si vous vous souvenez du texte, c’est l’annonce par le vieux Siméon d’un glaive dans le cœur de Marie.
Nous savons par Jean, combien son chemin sera douleur. Triste réalité maternelle ?

Oui et non… car entre Marie dans les premières pages de l’Evangile de Luc et celle que nous découvrons à Cana chez l'Évangéliste Jean, où la Vierge demande à son Fils d’agir s’est fait un basculement. Elle s’est fait don.
Marie nous montre comment la parole prend chair en elle, l'émerveille et l'a fait aller là où elle ne veut pas aller.
Qu’est-ce à dire pour nous ? On croit que nos enfants nous appartiennent et ils nous échappent bien vite, car ils ne sont pas à nous, mais dons de Dieu. On croit pouvoir porter et retenir le don de Dieu et voilà qu’il s’éloigne, grandit, nous surprend et devient plus grand que nous.
Ce Verbe qui s’est fait chair en nous doit porter du fruit.
La mise en résonance de la première lecture peut accroître encore notre contemplation. Anne, la mère de Samuel a compris que ce qui lui est donné est pour le Seigneur. Marie, le sent, elle aussi au fond d’elle-même, dans cet épisode du Temple.

Ce que nous recevons nous fait grandir et appelle au don.
En ce jour de la Sainte Famille vous pouviez vous attendre à une homélie sur les relations intra-familiales. Marie nous conduit plus loin, sur la source même de l’amour sans qui rien n’est possible.



2. Méditation
Il y a, à ce sujet, dans la 2eme lecture et l’Évangile un mot en commun : garder.
  1. Garder les commandements de Dieu
  2. « Marie gardait tout cela dans son cœur »
Qu’est ce à dire ?
Même si les deux mots grecs d’origine sont différents, il me semble que cette notion peut-être source de méditation pour aller plus loin.
Garder la Parole de Dieu au fond de son cœur ne consiste pas à l’enfouir pour le cacher, comme on le ferait d’un magot. Bien au contraire, « il s’agit de Le saisir et de se laisser saisir » par Dieu (cf. Ph. 3), de le contempler ET se laisser déranger par lui.

La Parole n’est pas là pour être oubliée, mais bien pour nous creuser en nous de l'intérieur, refondre et recentrer notre vie. Elle est tranchante et exigeante cette Parole.

Ce que Marie voulait garder pour elle lui échappe déjà. L’enfant Jésus n’est déjà plus sous la coupe maternelle. Il est déjà emplit du Verbe. En lui brûle Dieu en actes et il est prêt à discuter avec des docteurs de la loi.

Que faisons-nous de la Parole ? Le plus facile est de l’oublier, de la laisser à la porte de l’église en sortant, comme la feuille de messe qui la contient d’ailleurs. Si nous ne nous laissons pas travailler par l'Écriture disait un grand théologien (1) c’est parce qu’elle est trop exigeante. Notre erreur, notre tentation c’est de ne pas l’entendre, de la laisser de côté, y compris dans l’aujourd’hui de nos vies.

« La Parole exige l'amour de Dieu et du prochain » (1) et donc une cohérence.
Elle est le cri tout intérieur qui se fait écho du cri du prochain. Si Dieu pose sur nous son regard c’est pour que nous ne soyons pas indifférent à l’irruption du « visage d'autrui qui nous appelle » (2).

Le risque est de l'ignorer, de l’écouter sans l’entendre. Notre trésor ne doit pas rester enfoui.

A nous de percevoir, à notre tour, que ce qui nous est donné, notre trésor, vient de Dieu et loin d’être mis sous le boisseau, il doit être redonné à son tour.
Notre mission est de passer de la réception au don le plus total...

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 196-7
(2) Emmanuel Lévinas, cf. Autrement qu’être

23 novembre 2018

L’œuvre de Dieu en Christ - saint Jean Etudes - l’amour est en toi 27

« Nous devons continuer et accomplir en nous les états et mystères de Jésus, (...) les mystères de Jésus ne sont pas encore dans leur entière perfection et accomplissement. Bien qu'ils soient parfaits et accomplis dans la personne de Jésus, (...) le Fils de Dieu a dessein de mettre une participation, et de faire comme une extension et continuation de ses mystères en nous et en toute son Église, par les grâces qu'il veut nous communiquer, et par les effets qu'il veut opérer en nous par ces mystères. Et par ce moyen il veut les accomplir en nous. » (1)

Sur quoi se fonde saint Jean Etudes, pour nous conduire sur ce chemin alors que la lettre aux hébreux nous parle d'un unique sacrifice (Heb. 10,14). Il y a là un appel, nourri des premières lettre de Paul, de cette course infinie (2) à laquelle le cappadocien nous invite à son tour.

Pour Jean Eudes, « saint Paul dit que Jésus Christ s'accomplit dans son Église, et que nous concourons tous à sa perfection et à l'âge de sa plénitude, c'est-à-dire à son âge mystique qu'il a dans son corps mystique; et cet âge ne sera accompli qu'au jour du jugement. Et ailleurs, il dit qu'il accomplit en son corps la Passion de Jésus Christ ». (1)

Il s'agit de vivre en Christ, de poursuivre son œuvre, non pas par nos mains de chair, mais en le laissant agir en nous. Cette plénitude ne sera pas atteinte seule. Elle se fonde sur la construction polyédrique et mystérieuse du « corps de l'Église »

« Où pouvons-nous entrer en communion avec lui à travers le Christ ? Où pouvons-nous trouver la lumière du Saint-Esprit qui éclaire notre vie ? La réponse est : dans le peuple de Dieu, parmi nous, qui sommes Église…
Et c'est le Saint-Esprit, avec ses dons, qui dessine la diversité. Cela est important : que fait le Saint-Esprit parmi nous ? Il dessine la diversité qui est la richesse dans l'Église et qui unit tout et tous, de manière à constituer un temple spirituel, dans lequel nous n'offrons pas des sacrifices matériels, mais nous-mêmes, notre vie (1P 2,4-5). L'Église n'est pas un mélange de choses et d'intérêts, mais elle est le Temple du Saint-Esprit, le Temple dans lequel Dieu œuvre, le Temple dont chacun de nous, à travers le don du baptême, est une pierre vivante… Nous sommes tous nécessaires pour construire ce Temple ! Personne n'a un rôle de second plan. Personne n'est le plus important dans l'Église, nous sommes tous égaux aux yeux de Dieu. L'un d'entre vous pourrait dire : « Écoutez, Monsieur le Pape, vous n'êtes pas égal à nous. » Mais si, je suis comme chacun de vous, nous sommes tous égaux, nous sommes frères !  ». (5)

« le Fils de Dieu a dessein de consommer et accomplir en nous tous ses états et mystères. Il a dessein de consommer en nous le mystère de son Incarnation, de sa naissance, de sa vie cachée, en se formant en nous et en prenant naissance dans nos âmes, par les saints sacrements de Baptême et de la divine Eucharistie, et en nous faisant vivre d'une vie spirituelle et intérieure qui soit cachée avec lui en Dieu. » (1)

Plus encore cette dynamique sacramentelle (3) se « perfectionne en nous » par « le mystère de sa Passion, de sa Mort et de sa Résurrection, en nous faisant souffrir, mourir et ressusciter avec lui et en lui. Il a dessein d'accomplir en nous l'état de vie glorieuse et immortelle qu'il a au ciel, en nous faisant vivre avec lui et en lui, lorsque nous serons au ciel, d'une vie glorieuse et immortelle. Et ainsi il a dessein de consommer et accomplir en nous et en son Église tous ses autres états et mystères, par une communication et participation qu'il veut nous donner, et par une continuation et extension qu'il veut faire en nous de ces mêmes états et mystères.
Ainsi les mystères de Jésus ne seront point accomplis jusqu'à la fin du temps qu'il a déterminé pour la consommation de ses mystères en nous et en son Église, c'est-à-dire jusqu'à la fin du monde. (1)

Ainsi pourrons-nous dire à la suite de Paul :
« Pour lui, j'ai tout perdu,
et je cours vers le seul but :
Lui, le premier, m'a saisi,
de tout mon élan, je veux le saisir. » (4)

(1) saint Jean Etudes, traité sur le royaume de Jésus,source Bréviaire 
(2) cf. Grégoire de  Nysse in La vie de Moïse
(3) cf. mon livre éponyme 
(4) oraison tirée de Ph. 3
(5) pape François, audience du 26/3/2013

08 novembre 2018

Philippiens 3 et Luc 15 - La course infinie - Homélie du 8/11/18


Frères et sœurs,
La liturgie, en découpant la Parole en tranches, nous prive souvent d’une lecture cursive et donc d'une certaine façon de la dynamique de l’auteur.
Il faudrait ainsi, en théorie, prendre le temps de contempler le message de Luc. Tomber à genoux comme Dieu tombe à genoux devant l’homme (1). Dans l’ensemble du chapitre 15 et en particulier les paraboles sur la miséricorde, Luc nous dévoile l’amour infini de Dieu, son attention pour les pécheurs que nous sommes. Je vous invite ce soir à prendre le temps de les lire toutes ensemble et de vous laisser attendrir par l’amour de Dieu pour l’homme.
Qui sommes nous pour parler pour autant de l’amour Divin ?
J’aimerais vous partager ce matin une contemplation de la première lecture, qui tronque, elle aussi une invitation de Paul à se laisser saisir par le Christ.
Pharisien, chercheur de la loi, une « brebis perdue » dans l’étude stérile de la loi, il prend conscience que tout cela n’est rien, que ce ne sont que balayures. Il a été saisi par le Christ et s’élance, dit la suite du texte, pour saisir la bonne nouvelle du Christ et se laisser à nouveau saisir par Lui.
Qu’évoque pour nous ce saisissement ? Écoutons la suite du texte que nous aurions pu entendre demain si l’on ne fêtait pas la dédicace de Latran.
« Il s’agit maintenant de le connaître, Lui,
 ainsi que la puissance de sa résurrection
et la communion de ses souffrances, 
en étant configurés à lui dans la mort, 
pour parvenir, si possible, 
à la résurrection d’entre les morts. 
Ce n’est pas que j’aie déjà obtenu tout cela
ni que je sois déjà parvenu à l’accomplissement;
 mais je le poursuis, tâchant de le saisir, 
pour autant que moi-même j’ai été saisi par Jésus-Christ. (...) 
une seule chose compte: 
oubliant ce qui est en arrière 
et tout tendu vers ce qui est en avant, 
je cours vers le but....» (Philippiens‬ ‭3:10-14‬).
Quel est ce but ?
À nous de le trouver. 
Cet élan de Paul, cette course infinie, comme l’appelle Grégoire de Nysse à sa suite, est notre chemin. Le risque est de rester installé dans un confort illusoire. « de tomber dans une routine qui [nous] satisfait et qui [nous] tranquillise »(2),
de croire, comme le souligne le cappadocien qu’on a saisi le Christ (3)
Alors ne restons pas assis sans rien faire. Dieu nous appelle, il nous envoie et pour rejoindre Luc, il nous confie les brebis perdues…

Homélie du 8/11/18 à St P. du Roule

(1) cf. mon livre éponyme « À genoux devant l’homme », 2014
(2) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 81
(3) cf. C. Hériard, Grégoire de Nysse et la course infinie, Lulu, 2009

05 octobre 2017

La course infinie - Philippiens 3

L'office des lectures nous donne à contempler aujourd'hui ce beau texte de Philippiens 3,  qui m'habite depuis que je l'ai choisi,  le jour de mon mariage,  il y a 31 ans.  Je ne résiste pas à la joie de vous le partager à nouveau : " 07 Mais tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés, à cause du Christ, comme une perte.
08 Oui, je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ,
09 et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ, la justice venant de Dieu, qui est fondée sur la foi.
10 Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en devenant semblable à lui dans sa mort,
11 avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts.
12 Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus.
13 Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant,
14 je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.(1)"
Il m'a inspiré bien des choses et notamment mon petit commentaire sur Grégoire de Nysse, La course infinie.
(1) Source AELF

17 novembre 2016

De la trace à l'image - Bonaventure

Nous avons déjà largement commenté cette idée de saint Augustin reprise par Bonaventure des trois degrés de ressemblance entre la simple trace (vestigium), l'image et la ressemblance (similitudo)(1).

Ce qui me marque en deuxième lecture est le double rapport entre l'image et le beau souligné plus bas par Hans Urs von Balthasar : soit comme "renvoi à l'archétype", soit comme représentation ( donc réceptacle) de l'archétype. (2)

L'enjeu souligne-t-il est de n'être pas seulement un simple renvoi ou rappel de l'existence de Dieu, comme la fleur qui signale la création, mais devenir en soi une représentation. Comment est-ce possible ? Probablement par le travail intérieur de l'humilité et de la miséricorde (3) qui nous rend temple de l'Esprit et signe efficace de sa présence. C'est pour moi l'enjeu décrit dans ma "dynamique sacramentelle".(4)
Cette attitude n'est belle et vraie que dans la mesure où elle reproduit celle du Fils envers son Père(5). Le Fils ne veut être rien d'autre que l'image du Père.
"Contrairement à la trace, l'imago en l'homme est une assimilatio expressa et de proximo à Dieu", probablement en phase avec les propos de Paul en Philippiens 3 (du saisissement à l'imitation).

(1) GC2 p. 271, repris notamment dans "Aimer pour la vie".
(2) Ibid. p. 271.
(3) cf. Ma recherche éponyme.
(4) idem.
(5) De red. art., 8 (V, 322 a), cité par Hans Urs von Balthasar GC2 p. 270
(6) 2 d 16, 1 q.1, ibid. p. 272

08 novembre 2016

Anselme et Bonaventure - Convergences

Une phrase de Bonaventure reprise dans le tome 2 de la Gloire et la Croix d'Hans Urs von Balthasar me fait entrer en contemplation : "la créature rendue bienheureuse par Dieu, elle qui ne saisit pas son bonheur, mais est saisie par lui" (1)
Le verbe saisir renvoie à Philippiens 3, mais nous retrouvons aussi cette distinction déjà notée chez Anselme entre un Dieu qui ne fait pas que venir en nous, mais nous tire toujours plus loin. Le bonheur ne peut être intérieur longtemps. S'il n'est pas communion sponsale ou surtout ecclésiale il est une cymbale qui résonne dans le vide (1 Cor 13). Le bonheur se conjugue avec le sens symphonique du "une seule chair" de Gn 2, 24 (2)

(1) Bonaventure citant Anselme in Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 239
(2) cf. Lire l'Ancien Testament, tome 1, Genèse et Exode.

04 novembre 2016

Le gérant malhonnête - Luc 16


Paul nous le souligne dans la première lecture : "Ils ne pensent qu’aux choses de la terre. Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ". ( Ph. 3). On pourrait y voir un élitisme.  Ne s'agit il pas plutôt d'une exhortation,  car en nous réside bien les deux extrêmes,  cette adhérence au monde et l'appel divin ?

Cette interprétation prépare une clé de lecture de ce texte difficile du gérant malhonnête (Luc 16, 1-10). Elle est donné par la petite Thérèse (1) : si les gens de ce monde sont habiles en générosité,  combien plus devrions nous faire oeuvre de charité,  nous qui avons reçu de Dieu des biens en abondance.  "Donne nous un double Amour", demande-telle, soulignant qu'il nous viendra de Dieu. Reste ensuite à agir.

(1) Thérèse de Lisieux, Manuscrit autobiographique B, 4r°

21 août 2016

Contemplation au désert -Saint Bernard

Le chemin du désert* nous a conduit,  depuis l'ancien Testament jusqu'au Nouveau sur les pas du Christ et son imitation.  Sur ce chemin,  nous nous sentons petits et la dynamique contemplative qui suit reste celle qui nous sépare de lui. Elle est à la fois invitation et humilité.  Il y a tension entre notre réalité et celle de Dieu.  Cette tension est ce qui sépare l'idole et l'icône,  l'image et la ressemblance,  le corps et l'esprit.  Cette tension n'est pas pour autant dualiste mais kénotique.  

Notre chemin est d'entrer dans la course divine, une course infinie sur laquelle nous retrouvons Grégoire de Nysse,  Augustin et les pères de l'Église,  derrière Paul ( Ph.  3).Cette voie est aussi celle de l'humilité et du désir.  Humilité car nous ne parviendrons jamais sans lui à la ressemblance ("Impossible à l'homme,  mais possible grâce à Dieu"), désir car c'est la soif intérieure que fait naître en nous la soif de Dieu. 

Mon âme à soif de toi... (Ps...)
Mon époux est là... (Cant...)

"Reviens, Verbe de Dieu, qui nous visites comme en passant.
Inconsolable en ton absence,notre cœur te réclame.
Par ton départ, tu l'éprouveset tu avives son désir
de connaître à nouveau la rencontre.

R/Reviens à nous, Seigneur, toi, notre bien-aimé.
Ta venue nous échappe toujours,chaque fois ton départ nous surprend,
mais le goût reste en nous de ton passage.
D'où venais-tu, où allais-tu, nous l'ignorons, 
mais la mémoire demeure en nous
d'un grand bonheur furtif et redoutable.
Très au-delà des sens et du savoir, 
en grand secret tu nous visites : 
pour un instant nous touchons l'infini.
Nous n'avons pu te voir ni te saisir ; 
par où es-tu passé ? 
Nous ne savons, 
mais notre cœur reste blessé d'amour." (1)

Le chemin du désert est celui de l'épouse vers l'Époux, il est celui de l'amour.
"L'amour se suffit à lui-même, il plaît par lui-même et pour lui-même. Il est à lui-même son mérite, il est à lui-même sa récompense. L'amour ne cherche hors de lui-même ni sa raison d'être ni son fruit : son fruit, c'est l'amour même. J'aime parce que j'aime. J'aime pour aimer. Quelle grande chose que l'amour, si du moins il remonte à son principe, s'il retourne à son origine, s'il reflue vers sa source pour y puiser un continuel jaillissement ! De tous les mouvements de l'âme, de ses sentiments et de ses affections, l'amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son Créateur, sinon d'égal à égal, du moins dans une réciprocité de ressemblance. Car, lorsque Dieu aime, il ne veut rien d'autre que d'être aimé. Il n'aime que pour qu'on l'aime, sachant que ceux qui l'aimeront trouveront dans cet amour même la plénitude de la joie. L'amour de l'Époux, ou plutôt l'amour qu'est l'Époux, n'attend qu'un amour réciproque et la fidélité. Qu'il soit donc permis à celle qu'il chérit de l'aimer en retour. Comment l'épouse pourrait-elle ne pas aimer, elle qui est l'épouse de l'Amour ? Comment l'Amour ne serait-il pas aimé ?Elle a donc raison de renoncer à tous ses autres mouvements intérieurs, pour s'adonner seulement et tout entière à l'amour, puisqu'elle a la possibilité de répondre à l'amour même par un amour de réciprocité. Car elle pourra bien se répandre tout entière dans son amour, que grâce au regard du flot éternel d'amour qui jaillit de la source même ? Les eaux ne sourdent pas avec la même profusion de celle qui aime et de l'Amour, de l'âme et du Verbe, de l'épouse et de l'Époux, du Créateur et de la créature: la différence n'est pas moins grande qu'entre l'être assoiffé et la source. Alors quoi ? Faudra-t-il pour autant que périsse et disparaisse complètement chez l'épouse le souhait de voir s'accomplir ses noces ? Le désir qu'expriment ses soupirs, la force de son amour, son attente pleine de confiance ; seront-ils réduits à rien, parce qu'elle ne peut égaler à la course un géant, et qu'elle ne peut rivaliser de douceur avec le miel, de tendresse avec l'agneau, de blancheur avec le lis, de rayonnement avec le soleil, d'amour avec celui qui est l'amour en personne ? Non, car même si la créature aime moins, en raison de ses limites, pourvu qu'elle aime de tout son être, il ne manque rien à son amour, puisqu'il constitue un tout. C'est pourquoi aimer de la sorte équivaut à un mariage, car une affection si forte ne saurait recevoir une réponse de moindre affection, dans cet accord réciproque des deux époux qui fait la solidité et la perfection du mariage. À moins qu'on ne mette en doute que l'amour du Verbe précède et dépasse celui de l'épouse. (2)

(1) Hymne, office des lectures, saint Bernard,  bréviaire. source AELF
(2) Saint Bernard,  Homélie sur le Cantique des Cantiques,  ibid.

* Cf.  notre livre éponyme sur Amazon.fr

29 juin 2016

En marche

Tout est marche. "Cela s'applique à l'individu comme à l'humanité dans son ensemble. Parce que l'individu devra sans cesse partir du même point et accomplir la même ascension (qui s'écarte du monde et de la sensibilité pour tendre vers Dieu et à l'esprit), le cheminement de l'humanité ne peut lui aussi être un progrès que dans la mesure où se présente en lui exemplairement l'acte de quitter et de tendre comme le pas unique qui va de l'Ancienne Alliance à la Nouvelle (1)". L'enjeu n'est il pas de reprendre les termes mêmes de Paul.  "Oubliant le  chemin parcouru, je vais droit de l'avant, tendu de tout mon être (Ph. 3, 13).
Notre vie se résume à cette dynamique, commencée depuis Abraham et se poursuivant en chaque homme. "Ils quitteront père et ‎mère pour ne faire qu'une seule chair" avec Dieu...
Tel est l'enjeu de notre vie. Telle est notre vocation. On peut s'arrêter en chemin, mais le terme du voyage est là. C'est l'enjeu de l'homme comme celui de l'Église. Et le sacrement source n'est autre que le chemin et la vie.

Le chemin parcouru décide, lui‎ seul est, dans son caractère mobile, l'image de l'unité divine dans l'histoire du salut. Dans la figure, seule est intéressante la vérité, dans l'obscurité de l'ancien, seul le dévoilement du nouveau. (2) "c'est le changement lui-même qui démontre plus profondément l'unité des Testaments (3)".

Nous retrouvons là ce que nous cherchons à décrire dans la dynamique sacramentelle ce chemin qui est notre appel. Ne pas se contenter du présent, rester en tension. Il ne peut y avoir ‎de port, de certitudes acquises. La course infinie dont parle Grégoire de Nysse est ce qui garantit que notre passé est balayure et notre avenir, un Dieu qui nous attend.

(1) GC2 p. 93 citant Augustin, De vera religione (VR), 19‎.
(2) GC2, ibid.
(3) VR 39‎.

20 juin 2016

Au nom du Christ

"Se laisser saisir par le Christ",  tel est la vocation à laquelle nous appelle saint Paul en Philippiens 3. Si nous écoutons bien le message de Paul, il s'agit surtout de l'imiter lui qui cherche, sans jamais y parvenir, à imiter le Christ.  Qui peut d'ailleurs imiter celui à qui Dieu "a donné le nom de Jésus" (Ph. 2),
Quel est ce nom ? La contemplation de Paul part de la kénose,  de celui "qui n'a pas retint le rang qui l'égalait à Dieu,  mais qui s'est anéanti,  vidé de lui même et a pris le rang de serviteur jusqu'à mourir".
"Saint Paul, avec plus de précision que personne, a compris qui est le Christ et a montré, à partir de ce que celui-ci a fait, comment doivent être ceux qui portent son nom. Il l'a imité si clairement qu'il a montré en sa personne quelle est la condition de son Seigneur. Par cette imitation très exacte, il a confondu l'image de son âme avec son prototype au point que ce n'était plus Paul qui semblait vivre et parler, mais le Christ lui-même. Comme il le dit, en prenant admirablement conscience de ses propres avantages : Puisque vous désirez avoir la preuve que le Christ parle en moi. (...) Et encore : Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi.Il nous a donc révélé ce que signifie le nom du Christ, lorsqu'il nous dit, que le Christ est puissance de Dieu et Sagesse de Dieu ; en outre, il l'a appelé paix et lumière inaccessible où Dieu habite, sanctification et rédemption, grand prêtre, agneau pascal, pardon pour les âmes, lumière éclatante de la gloire, expression parfaite de la substance, créateur des mondes, nourriture et boisson spirituelle, rocher et eau, fondement de la foi, pierre angulaire, image de Dieu invisible, grand Dieu, tête du corps qui est l'Église, premier-né avant toute créature, premier-né d'entre les morts, premier-né de la multitude de frères, médiateur entre Dieu et les hommes, Fils unique couronné de gloire et d'honneur, Seigneur de gloire, commencement de ce qui existe,  (...) roi de justice et ensuite roi de paix, et roi de tous les hommes, avec une puissance royale sans aucune limite". Grégoire a qui nous empruntons ce commentaire ajoute :"il y a encore beaucoup de noms à ajouter à ceux-là, et leur nombre les rend difficiles à compter. Mais si nous rassemblons tous ces noms et si nous rapprochons leurs diverses significations, ils nous montreront tout ce que signifie le nom de Christ, si bien que nous pourrons comprendre toute la grandeur de ce nom inexprimable. (...) Puisque nous avons reçu communication du plus grand, du plus divin et du premier de tous les noms, au point que nous sommes honorés du titre même du Christ en étant appelés « chrétiens », il est nécessaire que tous les noms qui traduisent ce mot se fassent voir aussi en nous, afin qu'en nous cette appellation ne soit pas mensongère, mais qu'elle reçoive le témoignage de notre vie" (1)
(1) Grégoire de Nysse, traité sur la perfection chrétienne, source AELF

18 octobre 2015

Kénose de l'Église - 6

"L'imitez-moi" de Paul en Philippiens 3, 17 a été repris par les Pères de l'Église jusque dans ce texte de saint Thomas d'Aquin que le bréviaire nous donne à contempler en écho de la question des fils de Zébébédée en Marc 10. Pour le docteur Angélique,  "la Passion du Christ nous fournit un modèle valable pour toute notre vie... Si tu cherches un exemple de charité : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13)... Si tu cherches la patience, c'est sur la croix qu'on la trouve au maximum... Le Christ a souffert de grands maux sur la croix, et avec patience, puisque « couvert d'insultes il ne menaçait pas » (1P 2,23), « comme une brebis conduite à l'abattoir, il n'ouvrait pas la bouche » (Is 53,7)... « Courons donc avec constance l'épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l'origine et au terme de notre foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré, sans avoir de honte, l'humiliation de la croix » (He 12,1-2).       Si tu cherches un exemple d'humilité, regarde le crucifié. (...) Si tu cherches un exemple d'obéissance, tu n'as qu'à suivre celui qui s'est fait obéissant au Père « jusqu'à la mort » (Ph 2,8). (...) Si tu cherches un exemple de mépris pour les biens terrestres, tu n'as qu'à suivre celui qui est le « Roi des rois et Seigneur des seigneurs », « en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (1Tm 6,15 ; Col 2,3) ; sur la croix il est nu, tourné en dérision, couvert de crachats, frappé, couronné d'épines, et enfin, abreuvé de fiel et de vinaigre. (1)

(1) Saint Thomas d'Aquin,   Conférence sur le Credo, 6, traduction Bréviaire 



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14 octobre 2015

La kénose de l’Église

A partir de 2 Cor 6, 4sq. Paul n'apporte pas d'autre démonstration de sa foi que dans l'énumération de ses faiblesses. Quel est l'enjeu ? La force de l'Église est-elle dans sa puissance triomphante ? N'est elle pas au contraire ‎dans sa kénose, dans sa capacité à faire rayonner le Christ dans et à travers son humilité. Dans "Serviteur de l'homme, kénose et diaconie", j'exprime cela sur l'angle individuel, en soulignant l'importance du enmimetai chez Paul (imitez-moi comme j'imite le Christ, Ph. 3, 17). Mais ce qui peut se dire à l'échelle particulière n'est-il pas valable pour toute l'Église. Ses ors et sa puissance ne seront jamais lieu d'évangélisation. La force du Christ est sa faiblesse sur la Croix. La force de l'Église ne peut être ailleurs que dans la qualité de sa diaconie. En oubliant cela on fait le jeu de la bête...


17 février 2015

Empoigné par le Christ


Une traduction littérale de Ph 3, 12 que je découvre. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec Philippiens 3, Paul y décrit sa course. Son passé n'est que balayure et il n'a qu'un seul but, se laisser saisir par le Christ. La traduction littérale du mot grec utilisé serait "se laisser empoigné" qui a une coloration presque physique et qui rappelle la lutte de Jacob.
A contempler.